Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1747

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demanderesse : M. M.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 14 juillet 2023
(GE-22-3244)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 4 décembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-777

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Décision

[1] L’autorisation (permission) d’interjeter appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, M. M. (la prestataire), demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale. La division générale a rejeté l’appel de la prestataire.

[3] La division générale a conclu que la défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, a prouvé que la prestataire était suspendue de son emploi en raison de son inconduite. En d’autres termes, elle a conclu qu’elle avait fait quelque chose qui avait mené à sa suspension. La prestataire n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[4] En conséquence de son inconduite, la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[5] La prestataire nie avoir commis une quelconque inconduite. Elle soutient que le membre de la division générale a commis des erreurs de procédure, de compétence, de droit et de fait. Elle affirme qu’elle n’a pas eu une audience équitable ni la chance de présenter pleinement sa cause.

[6] La prestataire soutient que la division générale a mal interprété ce que signifie l’inconduite. Elle affirme que pour qu’il y ait inconduite, il doit y avoir manquement à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail. Elle nie avoir manqué à ses obligations. Elle affirme que l’inconduite ne survient pas non plus parce que son employeur a modifié les modalités de son contrat. Elle ajoute que la politique de vaccination de son employeur était illégale et déraisonnable et qu’elle n’aurait pas dû avoir à s’y conformer. Elle affirme également que son employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation à son égard.

[7] La prestataire soutient également que la division générale n’a pas tenu compte de certains éléments de preuve, y compris le grief qu’elle a déposé contre son employeur.

[8] Avant que la prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendable en droitNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, cela met fin à l’affaireNote de bas de page 2.

[9] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne donne pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[10] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) Peut‑on soutenir que la division générale n’a pas accordé à la prestataire une audience équitable?
  2. b) Peut‑on soutenir que la division générale a omis de faire enquête au sujet de la Commission?
  3. c) Peut-on soutenir que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite?
  4. d) Peut‑on soutenir que la division générale a omis de prendre en compte la convention collective de la prestataire?
  5. e) Peut‑on soutenir que la division générale a négligé des éléments de preuve?

Je n’accorde pas à la prestataire la permission d’interjeter appel

[11] La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès si la division générale a pu commettre une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.

[12] Dans le cas d’erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle est saisieNote de bas de page 4.

La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale ne lui a pas accordé une audience équitable

[13] La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale ne lui a pas accordé une audience équitable.

[14] La prestataire affirme qu’elle a eu l’occasion de répondre aux décisions de la Cour d’appel fédérale sur lesquelles la division générale s’est fondée dans sa décision.

[15] La prestataire soutient également qu’elle n’a pas obtenu une audience équitable parce qu’elle n’a pas eu assez de temps pour présenter sa preuve ou pour témoigner. Elle affirme que l’audience a été retardée de plus d’une demi-heure en raison de problèmes techniques vécus par le membre. Elle s’est donc sentie mise sous pression et [traduction] « a dû clore [sa] présentation rapidement »Note de bas de page 5. Elle affirme qu’elle n’a pas été en mesure de faire jouer un enregistrement audio dans son intégralitéNote de bas de page 6.

La division générale n’était pas tenue de remettre des copies des décisions judiciaires à la prestataire

[16] La division générale n’était pas tenue de remettre des copies des décisions de la Cour d’appel fédérale à la prestataire.

[17] La prestataire affirme que la division générale aurait dû lui donner l’occasion de répondre aux décisions qu’elle a suivies. Elle laisse entendre qu’elle n’aurait pas pu présenter sa défense.

[18] Toutefois, la prestataire ne dit pas comment elle aurait répondu si elle avait reçu une copie de ces décisions. Elle ne soutient pas, par exemple, que la division générale a mal interprété les décisions ou qu’elles peuvent être distinguées d’une manière ou d’une autre. La question aurait peut-être été complètement différente si la prestataire avait expliqué comment la division générale aurait pu mal interpréter ces décisions et ensuite fournir ses décisions de jurisprudence à l’appui, mais elle ne le fait pas.

[19] De plus, la jurisprudence est différente de la preuve. La division générale ne peut se fonder sur des éléments de preuve pour rendre sa décision sans donner aux parties l’occasion d’y répondre ou même de la réfuter. Toutefois, en ce qui concerne la jurisprudence, la division générale peut prendre connaissance officiellement des lois dans le domaine relevant de sa compétence. Les affaires citées par la division générale relevaient de sa compétence, de sorte qu’elle avait le droit de prendre connaissance officiellement de ces affaires.

[20] Quant à la suggestion de la prestataire selon laquelle elle n’aurait pas pu connaître la preuve contre elle, la Commission a exposé ses argumentsNote de bas de page 7. La Commission a renvoyé à l’arrêt McNamaraNote de bas de page 8. Elle a soutenu que le critère de l’inconduite ne consiste pas à décider si le congédiement d’un employé était injustifié ou non, mais bien si l’acte ou l’omission de l’employé équivalait à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). Cela n’aurait donc pas dû la surprendre lorsque la division générale a également renvoyé à l’arrêt McNamara et énoncé ce même critère.

[21] La Commission a également fait valoir que la conduite doit être délibérée ou voulue ou si téméraire qu’elle frôle le caractère délibéré pour qu’il y ait inconduiteNote de bas de page 9. La prestataire devait donc savoir que l’interprétation de l’inconduite était en cause.

[22] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a omis de remettre des copies des décisions à la prestataire ou qu’elle ne connaissait pas d’une façon ou d’une autre la preuve qu’elle devait réfuter.

La division générale n’était pas tenue de permettre à la prestataire de faire entendre l’enregistrement audio complet à l’audience

[23] La division générale n’était pas tenue de permettre à la prestataire de faire entendre l’enregistrement audio complet à l’audience. Le membre de la division générale aurait pu écouter l’enregistrement après l’audience si la prestataire en avait déposé une copie au Tribunal de la sécurité sociale. De plus, le membre de la division générale a résumé sa compréhension de l’enregistrement. La prestataire ne l’a pas corrigé ni n’a laissé entendre que l’enregistrement comportait d’autres éléments. Elle a accepté de poursuivre l’audience sans que l’enregistrement soit entendu dans son intégralité.

[24] On ne sait pas très bien pourquoi la prestataire n’a pas déposé une copie de l’enregistrement audio auprès de la division générale avant qu’elle tienne une audience le 14 juillet 2023. Elle n’a pas déposé de copie après l’audience non plus. Si elle avait déposé une copie de l’enregistrement, le membre de la division générale aurait pu l’écouter dans un contexte autre que l’audience. La prestataire n’a déposé une copie qu’après avoir déposé une demande auprès de la division d’appel.

[25] L’enregistrement dure environ 16 à 17 minutesNote de bas de page 10. Le membre de la division générale a invité la prestataire à commencer l’enregistrement, mais il est clair qu’il voulait utiliser judicieusement le temps consacré à l’audienceNote de bas de page 11. La prestataire a souscrit à la proposition du membre.

[26] Le membre de la division générale a demandé à la prestataire d’expliquer pourquoi l’enregistrement était pertinent. Après avoir écouté l’enregistrement pendant plusieurs minutes, le membre a décidé qu’il n’était pas nécessaire de continuer à l’écouter. Le membre a déclaré :

[Traduction]

Si vous êtes d’accord, je n’ai pas besoin d’écouter le reste de cet enregistrement parce que je peux dire que la situation s’aggrave. Encore une fois, je peux constater que l’agent de l’assurance-emploi s’en occupe lui-même. Il ne fait pas preuve de professionnalisme avec vous et je peux le constater d’après l’enregistrement. Il n’est donc pas nécessaire pour moi d’écouter le reste de l’exposé, pourvu que je comprenne bien votre argument, et je crois que c’est le cas. Vous faites valoir que l’agent de l’assurance-emploi, que les agents, lorsqu’ils ont examiné votre dossier, ont reçu de votre part toute la preuve que vous estimez devoir fournir au sujet de la sincérité de vos croyances religieuses. C’est pourquoi vous avez demandé une exemption de la politique de votre employeur sur la COVID-19. L’Assurance-emploi a tout de même refusé votre demande même si vous leur avez remis toute cette preuve au sujet de la sincérité de vos croyances religieusesNote de bas de page 12.

[27] Le membre de la division générale a résumé ce qui, selon lui, constituait en général l’essence de l’enregistrement. La prestataire était d’accord avec son résumé. Elle a répondu : « oui, d’accord »Note de bas de page 13. La prestataire ne s’est pas opposée ni n’a dit que la division générale devrait écouter le reste de l’enregistrement à l’audience. Comme la prestataire ne s’est pas opposée ni n’a dit quoi que ce soit, on voit mal comment on aurait pu s’attendre à ce que la division générale sache qu’elle estimait qu’il était essentiel de continuer à faire entendre l’enregistrement à l’audience.

[28] De plus, la preuve dont l’enregistrement fait état figurait ailleurs dans la preuve soumise à la division générale. La division générale devait examiner pourquoi la prestataire avait été suspendue de son emploi ou ce qui a mené à sa suspension. La division générale a décidé qu’elle disposait déjà d’éléments de preuve qui portaient sur cette question. Elle a établi que l’enregistrement audio ne constituait pas la « meilleure preuve » des circonstances entourant la cessation d’emploi de la prestataire.

[29] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas accordé à la prestataire une audience équitable en ne faisant pas entendre l’enregistrement audio complet à l’audience.

La division générale a donné à la prestataire assez de temps pour présenter sa preuve

[30] La division générale a accordé à la prestataire assez de temps pour présenter sa preuve. À la fin de l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle croyait avoir traité de tout à sa satisfaction.

[31] La prestataire laisse entendre qu’elle s’est sentie pressée à l’audience. Après plus d’une heure, le membre de la division générale a demandé à la prestataire [traduction] « dans quelle mesure voulez-vous aller plus loin »Note de bas de page 14? Il a dit à la prestataire qu’il avait également des questions à poser. Il lui a posé la question et elle a répondu qu’elle avait presque terminé à ce moment-làNote de bas de page 15. Le membre a également dit à la prestataire qu’il voulait maintenir l’audience sur la bonne voieNote de bas de page 16.

[32] La division générale avait établi la durée de l’audience en personne à 90 minutesNote de bas de page 17. Toutefois, je n’ai pas l’impression que le membre de la division générale a pressé la prestataire. Il lui a permis de témoigner et de présenter ses arguments. Bien que la durée de l’audience ait été fixée à 90 minutes, le membre a permis que l’audience se déroule pendant un peu moins de 2 heuresNote de bas de page 18.

[33] Après environ 1,75 heure, la prestataire a mentionné qu’elle avait terminé de présenter sa preuve. Elle m’a dit : [traduction] « Je pense, laissez-moi vérifier si j’ai fini [de passer en revue] toutes les pages, parce que je ne veux pas passer en revue ce que vous savez déjà »Note de bas de page 19. Le membre a répondu : [traduction] « Nous devrions probablement commencer à conclure, sauf s’il y a quelque chose de complètement nouveau qui ne figure pas dans vos documents »Note de bas de page 20.

[34] La prestataire a ensuite examiné quelque chose dans les documents qui, selon elle, n’avait pas été déjà expliqué. Le membre l’a laissée continuer sans lui imposer de contraintes de temps. Elle a déclaré qu’elle voulait s’assurer d’avoir tout couvert à sa satisfaction. Elle a ensuite dit : « Je pense avoir tout couvert à ma satisfaction »Note de bas de page 21.

[35] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas donné à la prestataire assez de temps pour présenter ses arguments.

La prestataire ne peut soutenir que la division générale n’a pas tenu compte de la constitutionnalité de l’article 31 de la Loi

[36] La prestataire ne peut soutenir que la division générale aurait dû tenir compte de la constitutionnalité de l’article 31 de la Loi.

[37] La prestataire fait valoir que la division générale aurait dû décider de la constitutionnalité de l’article 31 de la Loi. La disposition traite des suspensions pour inconduite. Le prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations jusqu’à, selon le cas :

  1. i. la fin de la suspension;
  2. ii. la perte de cet emploi ou son départ volontaire;
  3. iii. le cumul, depuis le début de la période de suspension, du nombre d’heures exigé à l’article 7 ou 7.1 pour remplir les conditions requises pour recevoir des prestations.

[38] Toutefois, rien ne justifiait que la division générale se penche sur la constitutionnalité de l’article. Il n’était pas évident d’après l’avis d’appel de 48 pages de la prestataire à la division générale, les 44 pièces jointes distinctes ou ses autres documentsNote de bas de page 22 qu’elle soulevait une question constitutionnelle.

[39] La prestataire a fait référence à des manquements à la Charte canadienne des droits et libertés dans son avis d’appel. Elle alléguait que la politique de vaccination de son employeur – plutôt que l’article 31 de la Loi – violait ses droits garantis par la Charte. Cette question diffère de l’affirmation selon laquelle l’article 31 de la Loi enfreint quelque disposition de la Charte que ce soit.

[40] De plus, la prestataire ne s’est pas conformée aux exigences en matière de préavis. Elle n’a donné avis de sa contestation constitutionnelle à aucun des procureurs généraux du Canada. Ce vice de procédure à lui seul n’aurait pas contrecarré une ou des contestations fondées sur la Charte (car il aurait pu être corrigé).

[41] Toutefois, si la prestataire n’a pas énoncé la disposition qu’elle contestait, les faits importants invoqués à l’appui de la contestation constitutionnelle et un résumé de l’argument juridique à présenter à l’appui de la contestation constitutionnelle, l’on pouvait difficilement s’attendre à ce que la division générale sache que la prestataire poursuivait une contestation constitutionnelle de l’article 31 de la Loi. Le membre ne pouvait pas être au courant qu’il s’agissait d’une question litigieuse.

[42] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas tenu compte de la constitutionnalité de l’article 31 de la Loi.

La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a omis de faire enquête sur les motifs de la Commission

[43] La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a omis de faire enquête sur les motifs de la Commission.

[44] La prestataire soutient que la division générale et le Tribunal auraient dû enquêter sur les raisons pour lesquelles la Commission a jugé ses motifs religieux invalides. Elle affirme que c’est la raison principale pour laquelle le Tribunal a refusé sa demande de prestations d’assurance-emploi. Elle dit que la division générale aurait également dû enquêter sur les raisons pour lesquelles la Commission n’a pas suivi ses propres lignes directrices.

[45] La division générale est un tribunal administratif indépendant. Les membres ne mènent aucune enquête. Ils évaluent les faits pertinents et la preuve qui leur est présentée. De plus, la raison pour laquelle la Commission a rejeté la demande de prestations de la prestataire n’était pas pertinente. Ce qui importait, plutôt, c’est la raison pour laquelle l’employeur a suspendu l’employée de son emploi et si ce motif constituait une inconduite.

[46] Je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale n’a pas fait enquête sur les motifs de la Commission.

La prestataire ne peut soutenir que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite

[47] La prestataire ne peut soutenir que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite.

[48] La prestataire nie avoir commis une quelconque inconduite. Elle fait valoir que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite. Elle affirme qu’elle aurait dû se conformer à l’arrêt LemireNote de bas de page 23. Elle affirme que la Cour d’appel fédérale a établi que pour qu’il y ait inconduite, il doit y avoir manquement à une obligation expresse ou implicite découlant de la convention collective d’une personne.

[49] La prestataire affirme qu’un employeur ne peut modifier unilatéralement les modalités de sa convention collective. Elle nie avoir manqué à ses obligations envers son employeur découlant de son contrat de travail.

[50] La prestataire affirme également qu’elle n’avait pas à se conformer à la politique de son employeur parce qu’elle était illégale et déraisonnable. Elle soutient donc qu’il n’y a pas eu inconduite dans ces circonstances.

[51] Elle prétend également qu’il n’y a pas d’inconduite si son employeur avait la possibilité de lui accorder des mesures d’adaptation.

La division générale n’avait pas à tenir compte de la convention collective de la prestataire

[52] La division générale n’avait pas à tenir compte de la convention collective de la prestataire pour décider s’il y avait eu inconduite. Les politiques d’un employeur n’ont pas à faire partie de la convention collective pour qu’il y ait inconduite.

[53] La prestataire affirme que la division générale aurait dû examiner sa convention collective pour décider si elle avait l’obligation envers son employeur de se faire vacciner. Si sa convention collective n’exigeait pas la vaccination, elle soutient que ses actions ne pourraient être considérées comme de l’inconduite.

[54] La prestataire invoque l’arrêt Lemire. Cependant, même dans ce cas, la Cour d’appel a conclu qu’il y avait inconduite même si l’appelant n’avait enfreint aucune modalité de son contrat de travail. Il vendait des cigarettes de contrebande dans les locaux de son employeur. Il avait enfreint une politique qui ne faisait pas partie de son contrat de travail. Cela est confirmé lorsque la Cour a écrit ce qui suit : « L’employeur « dispose » d’une politique sur le sujet […] [Le prestataire] était au courant de la politique »Note de bas de page 24. La Cour d’appel a de nouveau renvoyé à la politique, aux paragraphes 17, 18 et 20. La Cour a noté que l’employeur disposait d’une politique dont M. Lemire a choisi de ne pas tenir compte.

[55] Il est maintenant bien établi que les politiques d’un employeur n’ont pas à faire partie de la convention collective ou du contrat de travail pour qu’il y ait inconduite. Les cas suivants le démontrent également :

  • Dans une affaire récente intitulée Matti, la Cour fédérale a décidé qu’il n’était pas nécessaire que la politique de vaccination de l’employeur figure dans l’entente initiale, car [traduction] « l’inconduite peut être évaluée en fonction des politiques postérieures au début de la relation d’emploi »Note de bas de page 25.
  • Dans la décision Kuk,Note de bas de page 26l’appelant a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur. La politique ne faisait pas partie de son contrat de travail. La Cour fédérale a conclu que les exigences de vaccination de l’employeur n’avaient pas à faire partie du contrat de travail de M. Kuk. La Cour fédérale a statué qu’il y avait inconduite parce que M. Kuk a sciemment omis de respecter la politique de vaccination de son employeur et qu’il savait quelles seraient les conséquences s’il ne s’y conformait pas.
  • Dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 27, l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Le cas ne portait pas sur la vaccination. Mme Nelson a été vue en état d’ébriété publiquement dans la réserve où elle travaillait. L’employeur a considéré qu’il s’agissait d’une violation de son interdiction de consommer de l’alcool. Mme Nelson a nié que l’interdiction de consommer de l’alcool de son employeur faisait partie des exigences de son emploi prévues dans son contrat de travail écrit, ou que sa consommation d’alcool se reflétait dans son rendement au travail. Dans l’affaire Nguyen, la Cour d’appel a conclu qu’il y avait inconduite. Il n’était pas pertinent que la politique de l’employeur contre la consommation d’alcool ne fasse pas partie du contrat de travail de Mme Nelson.
  • Dans l’affaire NguyenNote de bas de page 28, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il y avait inconduite. M. Nguyen a harcelé un collègue de travail au casino où ils travaillaient. L’employeur avait une politique concernant le harcèlement. Toutefois, la politique ne décrivait pas le comportement de M. Nguyen et ne faisait pas partie de son contrat de travail.
  • Dans l’affaire KareliaNote de bas de page 29, l’employeur a imposé de nouvelles conditions à M. Karelia. Il était toujours absent du travail. Ces nouvelles conditions ne s’inscrivaient pas dans le contrat de travail. Malgré tout, la Cour d’appel fédérale a décidé que M. Karelia devait s’y conformer — même s’il s’agissait de nouvelles conditions — sans quoi il y avait inconduite.

[56] Outre les décisions Matti et Kuk, deux autres décisions traitent de la question de l’inconduite. Ces deux décisions s’inscrivent dans le contexte des politiques de vaccination. Dans les affaires CecchettoNote de bas de page 30et MilovacNote de bas de page 31, la vaccination ne faisait pas partie de la convention collective ou du contrat de travail. La Cour fédérale a conclu que, malgré tout, il y avait eu inconduite lorsque les appelants ne se conformaient pas aux politiques de vaccination de leur employeur.

[57] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas tenu compte de la convention collective de la prestataire.

La division générale n’avait pas à se demander si l’employeur pouvait modifier les modalités de la convention collective

[58] La division générale n’avait pas à se demander si l’employeur de la prestataire était autorisé à modifier unilatéralement les conditions d’emploi de la prestataire en instaurant de nouvelles politiques.

[59] La prestataire fait valoir que si sa convention collective n’exigeait pas la vaccination, elle n’aurait pas à se faire vacciner.

[60] Toutefois, cette question n’était tout simplement pas pertinente pour que la division générale décide si la prestataire avait commis une inconduite. Comme je l’ai mentionné précédemment, la question concernant la convention collective de la prestataire était un facteur non pertinent. Un employeur peut instaurer de nouvelles politiques. Il n’est pas nécessaire que ces politiques fassent partie de la convention collective pour qu’il y ait inconduite.

La division générale n’avait pas à tenir compte de la légalité ou du caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur

[61] La division générale n’avait pas à se demander si la politique de vaccination de l’employeur était illégale ou déraisonnable.

[62] La prestataire soutient que la politique de vaccination de son employeur était illégale et déraisonnable. Elle affirme que parce que la politique était illégale et déraisonnable, elle n’avait pas à s’y conformer. Elle prétend donc que la division générale aurait dû examiner la politique. Elle dit qu’elle aurait conclu que la politique était illégale et déraisonnable.

[63] Toutefois, les arguments concernant la légalité et le caractère raisonnable de la politique de vaccination d’un employeur ne sont pas pertinents à la question de l’inconduite. La Cour fédérale a statué que la division générale et la division d’appel n’ont pas le pouvoir d’examiner ces types d’arguments. Dans la décision Cecchetto, la Cour a écrit :

[Traduction]
[46] Comme il a été mentionné précédemment, le demandeur [Cecchetto] trouve probablement ce résultat frustrant, car mes motifs ne traitent pas des questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales qu’il soulève. Cela s’explique par le fait que bon nombre de ces questions ne relèvent tout simplement pas de cette affaire. Il n’est pas déraisonnable pour un décideur de ne pas traiter d’arguments juridiques qui ne relèvent pas de son mandat juridique.

[47] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale [DG-TSS] et la division d’appel ont un rôle important, mais étroit et précis à jouer dans le système juridique. En l’espèce, le rôle consistait à déterminer pourquoi le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif était constitutif d’une « inconduite ». […]

[48] Malgré les arguments du prestataire, il n’y a aucune raison d’infirmer la décision de la division d’appel en raison de son défaut d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 ou de statuer sur celles-ci. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la DG du TSS.
[Citations omises]Note de bas de page 32

(Mis en évidence par la soussignée.)

[64] Récemment, la Cour fédérale a statué que la division générale et la division d’appel [traduction] « ne constituent pas les instances appropriées pour statuer si la politique [de l’employeur] ou le licenciement [de l’employé] était raisonnable »Note de bas de page 33.

[65] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas tenu compte de la légalité ou du caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur de la prestataire.

La division générale n’avait pas à se demander si l’employeur aurait pu prendre des mesures d’adaptation pour la prestataire

[66] La division générale n’avait pas à se demander si l’employeur de la prestataire aurait pu prendre des mesures d’adaptation à l’égard de celle-ci.

[67] La prestataire soutient que la division générale n’a pas examiné si son employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation en lui offrant des options ou des solutions de rechange à la vaccination. Si son employeur l’avait fait, elle n’aurait pas eu à se faire vacciner.

[68] Je conclus que la division générale n’a pas omis d’examiner cette question parce que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation d’un employeur n’est pas pertinente pour trancher une inconduite en vertu de la LoiNote de bas de page 34.

La prestataire ne peut soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait importantes

[69] La prestataire ne peut soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait importantes. La prestataire affirme que la division générale a négligé une partie de la preuve, mais une partie de celle-ci n’était pas pertinente et une autre partie n’appuie pas la position de la prestataire, ou la division générale n’a pas fondé sa décision sur cette preuve.

[70] En outre, le décideur n’est pas tenu de se reporter à tous les éléments de preuve qui lui sont présentés, à moins qu’ils ne soient d’une telle importance qu’ils pourraient avoir une incidence sur l’issue. L’on présume que le décideur a tenu compte de l’ensemble de la preuve. Comme la Cour fédérale a statué, un décideur n’exprime que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justificationsNote de bas de page 35.

Voir les paragraphes 5 et 9 à 12 inclusivement de la décision de la division générale

[71] La prestataire soutient que le relevé d’emploi n’a [traduction] « pas été utilisé de façon adéquate dans cette situation »Note de bas de page 36. Son employeur a déclaré qu’il avait délivré le relevé pour des motifs « autres »Note de bas de page 37. Dans la section des commentaires, l’employeur a également écrit : [traduction] « Congé pour non-respect de la politique de vaccination de l’employeur. Veuillez traiter comme un code M. » Le code M signifie congédiement ou suspensionNote de bas de page 38.

[72] La prestataire soutient, semble-t-il, que la Commission – plutôt que la division générale – a utilisé de façon inappropriée le relevé d’emploi. Je ne vois aucune indication dans sa décision que la division générale a fondé sa décision sur le relevé d’emploi. La division générale a fait référence au relevé d’emploi une seule fois, soit au paragraphe 4 :

[4] Même si la [prestataire] ne conteste pas que cela s’est produit, elle dit ignorer pourquoi son employeur l’a suspendue. Elle affirme que son relevé d’emploi (RE) ne donne pas de raison précise de sa suspension.

[73] La division générale n’a pas fondé sa décision sur le relevé d’emploi. Pour décider s’il y a eu inconduite, la division générale a dû examiner tous les éléments de preuve entourant la cessation d’emploi de la prestataire. Le relevé d’emploi n’était pas déterminant.

[74] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a commis une erreur de fait en fondant sa décision sur le relevé d’emploi.

Procédures de l’employeur pour remédier à l’inconduite d’un employé

[75] La prestataire soutient que la division générale a négligé les procédures de son employeur pour remédier à l’inconduite d’un employéNote de bas de page 39. Elle affirme que si la division générale avait tenu compte du fait que son employeur avait imposé des mesures disciplinaires à ceux et celles qui ont commis une inconduite, elle aurait conclu qu’elle n’avait commis aucune inconduite si son employeur ne lui avait pas imposé de mesures disciplinaires.

[76] Les procédures de l’employeur n’étaient pas pertinentes à la question de l’inconduite. Les tribunaux ont statué qu’il existe une distinction entre la suspension à des fins disciplinaires et la suspension pour l’application de la Loi. Autrement dit, la caractérisation d’un employeur n’est pas déterminante pour décider s’il y a eu inconduite. En d’autres termes, la décision d’un employeur ou son évaluation subjective de la question de savoir si un employé a eu un comportement qui constituait une inconduite ne définit pas l’inconduite aux fins de la LoiNote de bas de page 40.

Politique de vaccination de l’employeur – exigences de la politique

[77] La prestataire soutient que la division générale n’a pas examiné avec soin la politique de vaccination de son employeur. Elle affirme que si elle avait examiné la politique de son employeur, elle aurait convenu qu’elle s’y était pleinement conforméeNote de bas de page 41.

[78] En vertu de la politique de vaccination, les employés pouvaient demander des mesures d’adaptation. L’employeur avait l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour répondre aux besoins des employés lorsqu’ils étaient liés à l’un des motifs de distinction illicite prévus dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cela pourrait inclure des considérations religieuses.

[79] La prestataire suggère que, tant qu’elle avait droit à une mesure d’adaptation et tant qu’elle a fait une attestation (divulgation de son statut vaccinal), elle se conformait à la politique de son employeur.

[80] La division générale était manifestement consciente du témoignage de la prestataire selon lequel elle avait demandé une mesure d’adaptation et avait divulgué son statutNote de bas de page 42. De plus, la division générale a reconnu l’argument de la prestataire selon lequel elle s’était conformée à la politique de son employeurNote de bas de page 43.

[81] La division générale a toutefois décidé que la politique de vaccination de l’employeur exigeait que les employés attestent et se fassent vacciner, y compris ceux qui n’ont pas reçu de demandes d’exemptionNote de bas de page 44. Selon la politique [traduction] « tous les employés […] doivent être entièrement vaccinés à moins que des mesures d’adaptation soient prises […] »Note de bas de page 45.

[82] La politique de l’employeur énonce également les conséquences. L’employeur a déclaré qu’il mettrait les employés en congé sans solde jusqu’à ce qu’ils se fassent vacciner ou qu’ils obtiennent une mesure d’adaptationNote de bas de page 46.

[83] Les conclusions de la division générale au sujet de la conformité de la prestataire étaient cohérentes avec la politique de l’employeur.

Paragraphe 30 de la décision de la division générale

[84] La prestataire affirme qu’au paragraphe 30, la division générale a mal énoncé ce que la politique de son employeur exigeait. La division générale a écrit que si l’employeur refusait la demande de mesures d’adaptation d’un employé, celui-ci disposait de deux semaines à compter de la date de la demande pour attester son statut vaccinal.

[85] La prestataire affirme que le délai de deux semaines pour attester n’était pas pertinent. Elle soutient qu’elle était toujours en négociation et en communication avec son employeur. Autrement dit, elle affirme que le délai ne s’appliquait pas à elle et qu’elle n’avait pas à attester ou à se faire vacciner.

[86] La prestataire a déposé un grief contre son employeur. Toutefois, l’existence d’un grief n’a pas eu pour effet de suspendre les exigences de la politique. Certes, rien n’indiquait de la part de l’employeur qu’il n’exigeait plus le respect de sa politique de vaccination, en attendant l’issue des négociations ou du grief.

[87] Par conséquent, la division générale n’a pas mal exposé la preuve lorsqu’elle a conclu que la politique exigeait que les employés attestent leur statut vaccinal.

Discrimination religieuse

[88] La prestataire affirme que la division générale n’a pas pris en compte la discrimination religieuse en cause lorsque son employeur ne lui a pas accordé d’exemption pour des motifs religieux ou de mesure d’adaptation. Elle s’appuie sur des documents aux pages GD 13-1 et GD 13-14 à 20 pour démontrer la sincérité de ses croyances religieuses. Selon elle, ses croyances l’empêchent de pouvoir se faire vacciner.

[89] Comme je l’ai mentionné précédemment, ce facteur n’était pas pertinent. La division générale devait décider si la prestataire connaissait la politique et les conséquences qui découleraient de la non-conformité à celle-ci, et non si la prestataire aurait dû obtenir une exemption pour des motifs religieux.

[90] Cela ne veut pas dire que la prestataire ne peut présenter une demande pour violation de ses droits. Cependant, ses options ne relèvent pas du Tribunal de la sécurité sociale.

Conclusion

[91] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission d’interjeter appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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