Assurance-emploi (AE)

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Citation : AV c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 57

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. V.
Représentant : G. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (620968) datée du 17 octobre 2023 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 janvier 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Traductrice en langue créole
Date de la décision : Le 17 janvier 2024
Numéro de dossier : GE-23-3248

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant a démontré qu’il était disponible pour travailler à compter du 9 juillet 2023. Il est admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi à compter de ce moment.

Aperçu

[3] Le 28 juillet 2023, l’appelant a présenté une demande d’assurance-emploi. Il a alors expliqué qu’il détenait un permis de travail lui permettant de travailler au Canada pour l’employeur X, mais qu’il a cessé d’occuper son emploi le 7 juillet 2023.

[4] Le 17 octobre 2023, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a décidé que l’appelant est inadmissible aux prestations régulières d’assurance‑emploi à compter du 9 juillet 2023 parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Elle précise que l’appelant n’a pas démontré avoir fait des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi et qu’il détient un permis de travail restreint.

[5] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, l’appelant doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que l’appelant doit être à la recherche d’un emploi.

[6] L’appelant fait valoir qu’il est disponible pour travailler et qu’il souhaite se trouver un emploi. Il indique qu’il a fait plusieurs démarches pour se trouver un autre emploi depuis qu’il a été mis à pied chez X.

[7] Je dois déterminer si l’appelant est disponible pour travailler. L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

Question en litige

[8] L’appelant est-il disponible pour travailler à compter du 9 juillet 2023 ?

Analyse

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[9] Le droit énonce les critères que je dois considérer pour déterminer si les démarches de l’appelant sont habituelles et raisonnables.Note de bas de page 1 Je dois déterminer si ces démarches sont soutenues et si elles visent à trouver un emploi convenable. Autrement dit, l’appelant doit avoir persévéré à chercher un emploi convenable.

[10] Je dois aussi évaluer les démarches que l’appelant a faites pour se trouver un emploi. Le Règlement présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi que je dois considérer, commeNote de bas de page 2 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emploi en ligne ou auprès de bureaux de placement;
  • communiquer avec des employeurs éventuels;
  • présenter des demandes d’emploi.

[11] La Commission fait valoir que le permis de travail dont dispose l’appelant limite indûment ses chances de se trouver un emploi puisqu’il le restreint à travailler pour le seul employeur indiqué sur le permis.

[12] De plus, elle soutient que l’appelant n’a pas fourni de preuve démontrant qu’il a réellement fait les démarches dites pour obtenir un permis de travail ouvert.

[13] La Commission affirme également que l’appelant n’a pas fait de démarches d’emploi actives et soutenues. Elle soutient que même si l’appelant soutient avoir fait des démarches pour se trouver un emploi, il n’est pas en mesure d’indiquer le nom d’une personne à qui il aurait parlé ou la date à laquelle il aurait sollicité les employeurs mentionnés.

[14] L’appelant explique que, contrairement à ce que la Commission fait valoir et même s’il détient un permis de travail restreint, il a fait plusieurs démarches pour se trouver un emploi.

[15] Il explique qu’il a d’ailleurs d’abord amorcé des démarches pour obtenir un permis de travail ouvert. Sa demande a été refusée, mais il a contesté cette décision. Il attend toujours les résultats de cette démarche. Pendant ce temps, il explique qu’il a contacté plusieurs employeurs pour solliciter un emploi. Il souhaite qu’un employeur accepte de lui offrir un permis de travail. Il mentionne d’ailleurs avoir quitté son pays d’origine pour travailler au Canada.

[16] Le 9 septembre 2023, l’appelant a fourni à la Commission une liste des employeurs qu’il aurait sollicités soit par téléphone ou en personne. À titre d’exemple, il mentionne les employeurs : McDonald’s, Sobeys ou Altium.Note de bas de page 3

[17] Lorsqu’il a présenté son avis d’appel, il a également transmis une copie d’un échange de courriels prouvant qu’il avait bel et bien sollicité les employeurs mentionnés.Note de bas de page 4

[18] Lors de l’audience, l’appelant a expliqué que depuis le 9 septembre 2023, il a continué ses démarches d’emploi. Son représentant qui l’accompagnait lors de l’audience a expliqué qu’il est superviseur chez X et, étant donné que l’employeur a dû mettre à pied l’appelant en raison d’une baisse des besoins opérationnels, il souhaite le soutenir et l’aider dans ses démarches pour se trouver un autre emploi. Il explique qu’il accompagne l’appelant dans chacune de ses démarches pour se trouver un emploi et qu’il prend le temps d’expliquer aux employeurs que l’appelant a besoin d’un permis de travail. Il explique que certains employeurs sont ouverts à cette procédure.

[19] L’appelant explique que ces démarches sont difficiles à faire, mais il assure qu’il veut travailler, qu’il souhaite travailler et qu’il en est capable. Il indique qu’il est venu d’Haïti pour améliorer son sort et qu’il doit aussi subvenir aux besoins de sa famille.

[20] Comme il en avait été convenu lors de l’audience, étant donné que le dossier de la Commission démontrait les démarches d’emploi qu’il avait faites entre le 9 juillet 2023 et le 9 septembre 2023, l’appelant a transmis au Tribunal la liste des employeurs qu’il aurait sollicités depuis le 9 septembre 2023.

[21] Selon ce document, l’appelant a sollicité 14 employeurs depuis le 9 septembre 2023. À titre d’exemple, il se serait déplacé en personne chez : Walmart, Dollorama et Village des valeurs.Note de bas de page 5 L’appelant sollicite un emploi comportant une autre fonction que celle mentionnée sur son permis de travail restreint puisque, comme il l’a expliqué, il souhaite qu’un employeur accepte de lui offrir un permis de travail selon la disponibilité d’un poste qu’il peut occuper. Ainsi, il se dit prêt à travailler comme caissier, préposé à l’entretien ménager, vendeur ou apprenti mécanicien.

[22] Ainsi, les faits démontrent que depuis le 9 juillet 2023, l’appelant a fait des démarches autant pour modifier son permis de travail que pour se trouver un emploi.

[23] Bien sûr, ces démarches sont difficiles pour l’appelant dont la langue maternelle est le créole, mais il a un accompagnateur dans ses démarches et il persévère.

[24] Les explications fournies lors de l’audience ainsi que le document transmis au Tribunal après l’audience me convainquent que l’appelant a non seulement le désir de travailler, mais qu’il fait les démarches qui sont à sa disposition en ce sens.

[25] Je conclus que l’appelant a démontré sa disponibilité à travailler à compter du 9 juillet 2023.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[26] La jurisprudence établit trois éléments à examiner pour déterminer si un prestataire est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 6 :

  • montrer qu’il veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  • faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  • démontrer l’absence de conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire qui limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[27] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelant.Note de bas de page 7

Vouloir retourner travailler

[28] La Commission soutient que l’appelant n’avait pas le désir immédiat de réintégrer le marché du travail. Elle explique qu’un prestataire doit démontrer la volonté immédiate de mettre fin à sa période de chômage le plus rapidement possible et que l’appelant devait démontrer qu’il était à la recherche d’un emploi. Ce qui, selon elle, n’est pas le cas.

[29] L’appelant soutient qu’il souhaite se trouver un autre emploi depuis qu’il a cessé de travailler pour X. Il indique qu’il a fait des démarches pour modifier le permis de travail restreint qu’il possède et qu’il souhaite avoir la chance de trouver un employeur qui accepte de l’embaucher.

[30] Je suis d’avis que l’appelant avait le désir et qu’il a toujours le désir de retourner sur le marché du travail dès que possible.

[31] L’appelant a démontré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert. Je dois maintenant évaluer s’il a effectué des démarches d’emploi concrètes pour se trouver un emploi.Note de bas de page 8

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[32] L’appelant a la responsabilité de chercher activement un emploi convenable afin de pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 9

[33] La Commission soutient que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait fait des démarches de façon active pour se trouver un emploi puisqu’il n’a pas été en mesure de fournir des précisions.

[34] Il est vrai que le dossier de la Commission démontre que le 22 août 2023, l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas « fait trop de démarches d’emploi » étant donné qu’il se trouvait dans une situation difficile. Cependant, je note que pendant ce même entretien, il a expliqué avoir fait des démarches pour modifier son permis de travail. Il indique alors également qu’il souhaite travailler et trouver un employeur qui acceptera de l’embaucher.

[35] Les prestations d’assurance-emploi servent à pallier une situation de chômage lorsqu’un travailleur est à la recherche d’un emploi convenable et qu’il a l’intention d’obtenir cet emploi convenable. L’appelant doit démontrer sa disponibilité en effectuant des démarches d’emploi pendant tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[36] Lors de l’audience, le représentant de l’appelant s’est présenté comme étant superviseur chez X et il a indiqué qu’il avait le mandat d’épauler l’appelant afin qu’il réintègre le marché du travail. Ainsi, il a indiqué qu’il a aidé et qu’il continue d’aider l’appelant à trouver un autre emploi.

[37] Comme déjà mentionné, l’appelant a présenté un document démontrant les démarches d’emploi qu’il a fait depuis le 9 septembre 2023 tandis que celles qui ont été faites entre le 9 juillet 2023 et le 9 septembre 2023 sont présentés dans son avis d’appel. Il est vrai que l’appelant n’a pas fourni le nom des personnes qu’il a rencontrées, mais son représentant a indiqué qu’il l’accompagnait et qu’il expliquait la démarche concernant le permis de travail aux employeurs.

[38] J’estime que l’appelant a manifesté son désir de retourner sur le marché du travail par des efforts significatifs pour se trouver un emploi convenable chaque jour ouvrable de sa période de prestations à compter du 9 juillet 2023.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[39] L’appelant soutient qu’il a la volonté de trouver un emploi et qu’il est capable de travailler même s’il détient un permis de travail restreint. Il explique que malgré les restrictions de ce permis, il continue de faire des démarches pour le modifier et il essaie de trouver un employeur qui accepterait de l’embaucher.

[40] Les faits démontrent que l’appelant détient un permis de travail lui permettant de travailler au Canada pour la période du 30 novembre 2022 au 29 novembre 2024.Note de bas de page 10 Les conditions de ce permis prévoient notamment que l’appelant doit quitter le Canada au plus tard le 29 novembre 2024, qu’il ne peut exercer un autre emploi que celui d’opérateur de machine à imprimer et qu’il ne peut travailler pour un autre employeur que X.

[41] Les conditions de ce permis ne viennent limiter indûment l’appelant à trouver un emploi convenable que s’il ne fait aucune démarche pour se trouver un emploi et s’il n’amorce aucune démarche pour obtenir la permission de travailler pour un autre employeur. Dans les faits, dans le cas où un employeur met fin à un tel contrat de travail d’un travail, il peut remettre une lettre de décharge au travailleur. L’appelant a expliqué lors de l’audience que l’employeur lui a remis une lettre de décharge. Ainsi, l’appelant peut faire des démarches pour faire autoriser un permis de travail par un autre employeur.

[42] De plus, une décision de la division d’appel du Tribunal indique qu'une restriction au permis de travail ne rend pas automatiquement un prestataire indisponible pour travailler à condition que la restriction puisse être levée ou que le permis puisse être attribué à un employeur différent.Note de bas de page 11

[43] J’estime que c’est le cas de l’appelant. C’est le fait de restreindre sa disponibilité à un seul employeur et non pas le permis de travail en tant que tel qui limite indûment les chances d’un prestataire de se trouver un emploi convenable.

[44] Dans ce cas-ci, l’appelant a cessé d’occuper son emploi le 7 juillet 2023 et j’accepte ses explications indiquant qu’il a fait des démarches autant pour modifier son permis de travail que pour trouver un employeur qui accepterait de l’embaucher.

[45] J’estime qu’en faisant toutes les démarches appropriées, l’appelant démontre une volonté de réintégrer le marché du travail dès que possible et que les conditions prévues à son permis de travail restreint ne le limitent que dans la mesure où il ne tente pas de les modifier.

[46] Je donne un poids prépondérant aux déclarations de l’appelant faites lors de l’audience. Étant donné les circonstances exposées, je suis d’avis que les chances de l’appelant de se trouver un emploi convenable n’étaient pas limitées par une condition personnelle.

Alors, l’appelant était-il capable de travailler et disponible pour le faire ?

[47] Je dois appliquer les critères permettant de déterminer si l’appelant était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et s’il peut recevoir des prestations à compter du 9 juillet 2023.

[48] Dans le cas actuel, j’ai évalué l’attitude de l’appelant. Son attitude démontre qu’il souhaite se trouver un emploi et qu’il a fait tous les efforts qu’il pouvait faire. Ces efforts sont significatifs, ils sont habituels et raisonnables.

[49] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelant a démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire.

Conclusion

[50] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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