Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 460

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (490802) datée du 28 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 6 avril 2023
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Personne de soutien de la partie appelante
Date de la décision : Le 18 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3071

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante a démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi) quand elle l’a fait. L’appelante était fondée à quitter son emploi parce que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante a quitté son emploi de démonstratrice d’aliments le 23 novembre 2021 pour visiter sa famille âgée à l’étranger. Comme elle n’a pas été réembauchée à son retour, elle a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelante. Elle a conclu que cette dernière avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme que, même si l’appelante a effectivement demandé un congé à son employeur, ce congé lui a été refusé. Elle ajoute que l’appelante a démissionné, comme l’a laissé entendre sa gérante adjointe. La Commission dit que le congé de l’appelante aurait pu être accordé si elle avait raccourci la durée de son voyage ou si elle l’avait planifié à un autre moment.

[6] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme que l’employeur l’a poussée à démissionner. Elle dit avoir travaillé pour l’employeur pendant 15 ans. Pendant cette période, elle a pris congé à plusieurs reprises pour visiter sa famille à l’étranger et certains de ces voyages étaient d’une longue durée.

Question en litige

[7] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois avant tout aborder la question du départ volontaire de l’appelante. Je dois ensuite décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelante a quitté volontairement son emploi

[9] J’accepte le fait que l’appelante a quitté volontairement son emploi. L’appelante reconnaît qu’elle a quitté son emploi le 23 novembre 2021. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi

[10] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.

[11] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[12] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[13] L’appelante est responsable de prouver que son départ était fondé. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas de page 3.

[14] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient quand l’appelante a quitté son emploi. La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 4.

[15] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent à l’appelante, elle devra démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 5.

Les circonstances qui existaient quand l’appelante a quitté son emploi

[16] En plus d’une autre raison, l’appelante affirme que l’une des circonstances prévues par la loi s’applique à son cas. Plus précisément, elle affirme que l’employeur l’a incitée de façon indue à quitter son emploiNote de bas de page 6. Elle dit que l’employeur l’a poussée à démissionner. Elle explique qu’elle pensait qu’elle serait en mesure de reprendre son emploi à son retour.

[17] L’appelante affirme avoir travaillé pour l’employeur pendant 15 ans comme démonstratrice d’aliments.

[18] L’appelante ajoute qu’elle n’avait pas pu visiter sa famille à l’étranger, dont ses parents âgés, en raison de la pandémie de COVID-19. Elle précise que ses parents ne peuvent pas se rendre au Canada pour la voir, car ils sont âgés.

[19] L’appelante explique que des vols vers l’étranger avaient précédemment été annulés en raison de la pandémie de COVID-19. Elle indique que les vols ont repris le 20 octobre 2021.

[20] L’appelante a remis une copie de son passeport qui montrait qu’elle avait fait plusieurs voyages à l’étranger alors qu’elle travaillait pour l’employeur. Les voyages ont eu lieu aux dates suivantes :

  • Du 6 février au 8 mai 2014;
  • Du 24 avril au 19 août 2015;
  • Du 27 octobre au 28 décembre 2016;
  • Du 7 juillet au 14 septembre 2018;
  • Du 4 au 29 octobre 2019Note de bas de page 7.

[21] L’appelante a fait une demande de congé à son employeur dans une lettre datée du 25 octobre 2021. Elle a demandé un congé du 25 novembre 2021 au 4 janvier 2022 pour visiter sa famille à l’étrangerNote de bas de page 8.

[22] L’appelante affirme avoir remis sa demande de congé à la gérante adjointe. La gérante adjointe lui a dit qu’elle devait démissionner. Elle a remis à l’appelante une note écrite à la main qu’elle devait copier. Voici ce que la lettre disait :

[traduction]
Lettre de démission,
Étant donné que je quitte le pays pour me rendre en Inde le 25 novembre 2021 et que je reviendrai au Canada le 4 janvier 2022, je démissionne. Mon dernier jour de travail sera le 23 novembre 2021. Je présenterai une nouvelle demande d’emploi à mon retour en janvier 2022.

[23] L’appelante affirme avoir demandé à la gérante adjointe si elle devait parler à quelqu’un d’autre de sa demande de congé. La gérante adjointe a dit « non ». Elle a donné la lettre de démission à l’appelante seulement.

[24] L’appelante affirme que la gérante adjointe lui a dit qu’il s’agissait des nouvelles règles. L’appelante croyait que cette nouvelle règle avait été mise en place en raison de la pandémie de COVID-19. Malgré sa démission, elle dit qu’elle pensait pouvoir récupérer son emploi.

[25] L’appelante affirme qu’elle pensait pouvoir reprendre son emploi après son voyage. À son retour, elle a parlé à la gérante adjointe et celle-ci lui a dit que l’employeur n’embauchait pas. L’appelante a communiqué avec l’employeur tous les mois pour lui demander de retourner au travail.

[26] L’appelante affirme que son gérant était en congé de maladie prolongé. Auparavant, c’est à son gérant qu’elle demandait un congé par écrit. Elle dit que ses demandes avaient été approuvées.

[27] Selon l’appelante, son gérant de district aurait auparavant aussi été au courant de sa demande de congé. Elle affirme qu’en raison de la pandémie, son gérant de district ne visitait plus son lieu de travail.

[28] La représentante des ressources humaines de l’employeur a expliqué à la Commission que l’employeur n’approuvait pas un congé de plus de deux semaines. Elle dit que le personnel était informé qu’il était possible de démissionner et de postuler pour un emploi plus tard. La représentante a précisé qu’il n’était pas garanti qu’un emploi serait disponibleNote de bas de page 9.

[29] L’appelante affirme qu’elle ne connaît pas la représentante des ressources humaines de l’employeur. Elle n’a pas eu de contact avec le service des ressources humaines depuis son embauche en 2006.

[30] Auparavant, l’appelante communiquait avec son employeur à son retour d’un congé pour lui faire savoir quand elle était disponible pour travailler. En raison de son expérience antérieure, elle pensait être réembauchée lorsqu’elle communiquerait avec son employeur.

[31] L’appelante a participé à un événement national d’embauche pour l’employeur en juillet 2022. Elle dit qu’en ligne, l’employeur affichait 14 postes disponibles dans sa communauté. La représentante des ressources humaines de l’employeur a communiqué avec l’appelante pour l’inviter à une entrevue le 20 juillet 2022. L’appelante explique que, cinq minutes avant la tenue de l’entrevue, la représentante lui a dit que la gérante adjointe avait déclaré que l’employeur n’embauchait plus.

[32] J’estime que l’employeur de l’appelante a incité de façon indue l’appelante à quitter son emploi. Je m’appuie sur le témoignage de l’appelante, qui était crédible et cohérent avec le dossier d’appel. L’appelante a depuis longtemps l’habitude de s’absenter du travail pour visiter sa famille à l’étranger pendant une longue période et de reprendre son emploi à son retour.

[33] Dans une autre affaire, il a été décidé que l’employeur avait incité l’appelante à démissionner, ce qui constituait une incitation indue à quitter son emploi au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 10. Cette décision me convainc que la gérante adjointe a incité l’appelante à quitter son emploi.

[34] J’estime que l’employeur a agi de mauvaise foi ou, pour citer l’appelante, qu’il l’a [traduction] « poussée à démissionner », sans lui expliquer entièrement quelles étaient les chances de récupérer son emploi. Selon son témoignage, l’appelante pensait qu’elle pourrait reprendre son emploi à son retour. Elle n’a pas eu l’occasion de parler à la haute gestion (ou aux ressources humaines) lorsqu’elle en a fait la demande à la gérante adjointe. De plus, son entrevue pour être réembauchée par l’employeur a été annulée.

[35] Les circonstances qui existaient quand l’appelante a démissionné sont les suivantes : l’employeur l’a incitée de façon indue à quitter son emploi et l’employeur a agi de mauvaise foi.

L’appelante n’avait pas d’autre solution raisonnable

[36] Je dois maintenant examiner si le départ de l’appelante était la seule solution raisonnable à ce moment-là.

[37] La Commission n’est pas d’accord. Elle affirme que le congé aurait pu être accordé si l’appelante avait raccourci la durée de son voyage ou si elle l’avait planifié à un autre moment.

[38] L’appelante dit qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable parce que, dans le passé, elle était retournée à son emploi après avoir pris des congés de longue durée. Elle a demandé à sa gérante adjointe si elle devait parler à quelqu’un d’autre de sa demande de congé et elle lui a dit que non.

[39] J’estime que l’appelante n’a pas eu l’occasion de donner suite aux suggestions de la Commission, soit de demander à l’employeur d’autoriser son congé si elle raccourcissait la durée de son voyage ou si elle le planifiait à un autre moment. La gérante adjointe lui a dit qu’elle n’avait pas besoin de parler à qui que ce soit d’autre (comme la haute direction ou les ressources humaines), et ni son gérant ni son gérant de district n’étaient présents. Elle avait l’habitude de prendre des congés de longue durée, et certains de ces voyages avaient eu lieu au même moment de l’année.

[40] Compte tenu des circonstances qui existaient quand l’appelante a quitté son emploi, son départ était la seule solution raisonnable dans son cas, pour les raisons mentionnées précédemment.

[41] Par conséquent, l’appelante était fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[42] Je conclus que l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

[43] L’appel est donc accueilli.

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