Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1765

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demandeur : C. T.
Représentant : C. G.
Défenderesse : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 octobre 2023
(GE-23-1686)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 8 décembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-994

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Décision

[1] L’autorisation (permission) d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur, C. T. (le prestataire), demande l’autorisation (la permission) d’en appeler de la décision de la division générale. La division générale a rejeté l’appel du prestataire.

[3] La division générale a conclu que la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a prouvé que le prestataire était suspendu de son emploi en raison de son inconduite. En d’autres termes, elle a conclu qu’il avait fait quelque chose qui avait mené à sa suspension. Le prestataire n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[4] En raison de son inconduite, le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] Le prestataire nie avoir commis une quelconque inconduite. Il soutient que la division générale a commis des erreurs de procédure, de compétence, de droit et de fait.

[6] Avant que le prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider si celui-ci a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendable en droitNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, cela met fin à l’affaireNote de bas de page 2.

[7] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne donne pas au prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[8] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) Peut-on soutenir que le processus de la division générale était inéquitable?
  2. b) Peut-on soutenir que la division générale a outrepassé sa compétence?
  3. c) Peut-on soutenir que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite?
  4. d) Peut-on soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait importantes?

Je n’accorde pas au prestataire la permission d’interjeter appel

[9] La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès si la division générale a pu commettre une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.

[10] Dans le cas d’erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle est saisieNote de bas de page 4.

Le prestataire ne peut soutenir que le processus de la division générale était inéquitable

[11] Le prestataire ne peut soutenir que le processus de la division générale était inéquitable. Le prestataire fait valoir que le processus de la division générale était inéquitable. Cependant, il ne relève rien d’injuste au sujet du processus proprement dit, notamment en ce qui concerne la possibilité qu’il n’ait pas bénéficié de la divulgation complète des documents en temps opportun ou qu’il n’ait pas obtenu un préavis adéquat de l’audience. Il ne dit pas non plus qu’il ignorait les arguments qu’il devait réfuter ou qu’il n’a pas eu une chance équitable de présenter ses arguments.

[12] Selon ce que je peux établir, le prestataire a reçu tous les documents au dossier en temps opportun. Il a reçu un préavis adéquat de l’audience. Il devait avoir eu la possibilité de connaître les arguments qu’il devait réfuter, car la Commission a pleinement exposé sa position. Rien n’indique non plus que la division générale n’a pas donné au prestataire une audience équitable ou une chance raisonnable de présenter sa preuve. Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que le processus de la division générale n’était pas équitable.

[13] Le prestataire affirme que la division générale a agi injustement en négligeant certains éléments de preuve et en omettant de suivre la jurisprudence d’application obligatoire. En général, il n’est pas question de procédure. J’aborderai ces arguments sous les rubriques des erreurs de droit et de fait.

Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a outrepassé sa compétence

[14] Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a outrepassé sa compétence et a commis une erreur de droit. Le prestataire soutient que la division générale a outrepassé sa compétence et a commis une erreur de droit au paragraphe 32 de sa décision. La division générale y a écrit ce qui suit :

Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. L’appelant savait ce qu’il devait faire aux termes de la politique de vaccination contre la COVID-19 et ce qui se passerait s’il ne s’y conformait pas. Il est bien établi qu’une violation voulue de la politique de l’employeur constitue une inconduite en application de la Loi. L’appelant a fait le choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[15] Pour l’essentiel, le prestataire affirme que la division générale n’avait pas le pouvoir de remettre en question et de nier qu’il avait des croyances religieuses. Il affirme que la membre de la division générale a effectivement fait cela en concluant qu’il [traduction] « avait fait un choix personnel et voulu ».

[16] À cet égard, le prestataire fait valoir que la division générale a également commis une erreur de droit en ne se conformant pas aux décisions de la Cour suprême du Canada, y compris Syndicat Northcrest c AmselemNote de bas de page 5. Il affirme que la Cour suprême a établi que l’exercice des libertés religieuses est inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés. Dans cette affaire, la Cour a également statué qu’« il ne convient pas que le tribunal analyse rigoureusement les pratiques antérieures du demandeur pour décider de la sincérité de ses croyances courantes »Note de bas de page 6.

[17] En fait, la division générale ne remettait pas en question les croyances religieuses du prestataire ni ne tirait de conclusions d’une façon ou d’une autre quant à savoir si le prestataire avait sincèrement des croyances religieuses. Les croyances du prestataire n’étaient tout simplement pas pertinentes pour décider s’il avait commis une inconduite.

[18] La division générale s’inquiétait de savoir si le prestataire avait consciemment, délibérément ou intentionnellement choisi de ne pas respecter la politique de vaccination de son employeur. De cette façon, elle pouvait décider si le prestataire avait commis une inconduite. Il n’était pas pertinent pour la division générale de savoir si le prestataire ne s’était pas conformé à la politique de son employeur pour des raisons religieuses ou autres. Le fait que la division générale ait écrit que le prestataire [traduction] « avait fait un choix personnel et voulu » ne laissait aucunement entendre qu’il n’avait pas de croyances religieuses.

[19] Malgré tout, le prestataire nie qu’il ait pu choisir de se conformer à la politique de son employeur. Il affirme qu’en raison de ses croyances religieuses, il estimait ne pas avoir le choix en matière de vaccination.

[20] Le prestataire estimait que ses croyances religieuses l’empêchaient de faire un choix en matière de vaccination. Toutefois, comme l’a souligné la division générale, l’inconduite se définit comme une conduite consciente, voulue ou intentionnelle. . L’inconduite peut également comprendre une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré Tant que le prestataire était conscient de sa conduite et des conséquences qui pourraient découler de sa non-conformité, cela aurait été suffisant pour satisfaire au critère de l’inconduite — même s’il se sentait limité par ses croyances religieuses.

[21] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a outrepassé sa compétence et a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher. La division générale n’a tout simplement pas examiné si le prestataire avait des croyances religieuses lorsqu’elle s’est penchée sur la question de savoir s’il avait commis une inconduite.

Le prestataire ne peut soutenir que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite

[22] Le prestataire ne peut soutenir que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

L’inconduite ne nécessite pas d’acte répréhensible

[23] Le prestataire nie avoir commis une quelconque inconduite. Il fait valoir que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite.

[24] Le prestataire affirme que l’inconduite implique des actes répréhensibles graves, intentionnels ou non. Il nie avoir fait quoi que ce soit de mal. Il affirme qu’il exerçait simplement ses droits et suivait ses croyances religieuses. Selon lui, lorsqu’une personne exerce ses droits de la personne, il ne s’agit jamais d’une inconduiteNote de bas de page 7.

[25] Le prestataire établit une distinction d’avec les affaires mentionnées par la division générale pour conclure à l’inconduite. Il affirme que chacun de ces cas concernait un employé qui a fait quelque chose de répréhensible, comme violer les politiques d’un employeur en matière de drogues ou s’absenter fréquemment du travail. Il nie avoir commis un quelconque acte répréhensible.

[26] Les tribunaux ont défini ce que signifie une inconduite aux fins de la Loi. Dans une affaire appelée TuckerNote de bas de page 8, la Cour d’appel fédérale a examiné l’inconduite en vertu de la Loi. La Cour a convenu à la majorité que l’inconduite comporte un élément de caractère délibéré. Les tribunaux n’ont pas exigé un élément d’acte répréhensible.

[27] La division générale définit l’inconduite de la façon suivante :

Selon la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. [Renvoi omis] L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. [Renvoi omis] L’appelant n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi. [Renvoi omis]

Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié ou suspendu. [Renvoi omis]Note de bas de page 9.

[28] La division générale a adopté la définition d’inconduite tirée de plusieurs décisions de la Cour d’appel fédérale. L’interprétation de l’inconduite par la division générale en vertu de la Loi est conforme non seulement à ces décisions, mais aussi à l’arrêt Tucker.

[29] La division générale n’a pas mal interprété ce qu’est une « inconduite ». Elle a reconnu que la conduite d’un employé doit être délibérée. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait des actes répréhensibles.

[30] La division d’appel s’est penchée sur cette question. Comme il est énoncé dans la décision A.L.Note de bas de page 10, dans de nombreux cas, les prestataires ont été déclarés coupables d’inconduite même s’ils « avaient simplement exercé une activité légitime ou un droit légal, sans plus ». La division d’appel a mentionné quelques exemples, comme suit :

  • Il a été décidé qu’un employé d’une colonie métisse avait commis une inconduite après avoir exprimé son désaccord avec les salaires du conseil municipal sur les médias sociaux et publié en ligne une modification du règlement (information déjà publique)Note de bas de page 11.
  • On a constaté qu’une préposée à la finition d’armoires de cuisine avait commis une inconduite après avoir apporté son téléphone dans une salle de bain, en violation d’une politique interdisant explicitement un tel comportementNote de bas de page 12.
  • On a constaté qu’un opérateur de machine avait commis une inconduite après avoir désobéi à un ordre de son patron de cesser de porter un masque arborant un drapeau confédéré (il a soutenu que c’était un symbole de fierté et non de haine)Note de bas de page 13.

[31] Il existe des parallèles entre le cas du prestataire et une décision récente rendue par le conseil d’administration de l’hôpital de la Colombie-BritanniqueNote de bas de page 14, bien que cette affaire ne porte pas sur des demandes d’assurance-emploi. La Dre Theresa Szezepaniak a demandé d’être dispensée de la vaccination, mais l’hôpital où elle travaillait ne la lui a pas accordée. L’hôpital a annulé les privilèges hospitaliers de la Dre Szezepaniak, de sorte qu’elle ne pouvait pas travailler. Elle a soutenu que l’hôpital aurait dû respecter l’exercice de ses droits garantis par la Charte.

[32] Le conseil d’administration de l’hôpital a écrit :

[Traduction]

Cela signifie que, pour respecter sa décision [l’hôpital] ne doit prendre aucune mesure qui tient l’appelante responsable des conséquences de cette décision. Avoir le droit de prendre une décision, et son droit de le faire reconnaître ou respecter n’équivaut pas à être tenu responsable des conséquences. [L’hôpital] n’a pas contesté le droit de l’appelante de refuser la vaccination contre la COVID-19 ni les croyances qui l’ont menée à cette décision. [L’hôpital] a toutefois tenu l’appelante responsable des conséquences prévisibles de sa décision qui ont exercé des répercussions négatives sur [l’hôpital]. Ce faisant [l’hôpital] n’a pas manqué au droit de l’appelante de prendre une décision en matière de soins de santé ou d’exercer ses droits garantis par la Charte.

[33] Telle est la situation dans la présente affaire. Le prestataire affirme que ses croyances religieuses devraient être acceptées et respectées. Cependant, il confond son droit de prendre une décision en matière de soins de santé ou de pratiquer ses croyances religieuses avec un droit à des prestations d’assurance-emploi, sans comprendre que l’exercice de ses droits s’accompagne de conséquences.

[34] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite en n’exigeant pas qu’un acte répréhensible ait été commis.

Une inconduite peut survenir même si une politique ne relève pas du contrat de travail d’un employé

[35] La division générale n’avait pas à tenir compte du contrat de travail du prestataire pour décider s’il y avait eu inconduite. Les politiques d’un employeur n’ont pas à faire partie du contrat de travail initial pour qu’il y ait inconduite.

[36] Le prestataire soutient que la division générale aurait dû examiner son contrat de travail pour décider si la vaccination était requise. Si son contrat de travail n’exigeait pas la vaccination, il soutient que ses actions ne pourraient être considérées comme de l’inconduite.

[37] Toutefois, il est maintenant bien établi que les politiques d’un employeur n’ont pas à faire partie du contrat de travail pour qu’il y ait inconduite. Les cas suivants le démontrent également :

  • Dans une affaire récente intitulée Matti, la Cour fédérale a décidé qu’il n’était pas nécessaire que la politique de vaccination de l’employeur figure dans l’entente initiale, car [traduction] « l’inconduite peut être évaluée en fonction des politiques postérieures au début de la relation d’emploi »Note de bas de page 15.
  • Dans la décision Kuk,Note de bas de page 16 l’appelant a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur. La politique ne faisait pas partie de son contrat de travail. La Cour fédérale a conclu que les exigences de vaccination de l’employeur n’avaient pas à faire partie du contrat de travail de M. Kuk. La Cour fédérale a statué qu’il y avait inconduite parce que M. Kuk a sciemment omis de respecter la politique de vaccination de son employeur et qu’il savait quelles seraient les conséquences s’il ne s’y conformait pas.
  • Dans l’affaire LemireNote de bas de page 17, la Cour d’appel a conclu qu’il y avait inconduite même si M. Lemire n’avait enfreint aucune modalité de son contrat de travail. Il vendait des cigarettes de contrebande dans les locaux de son employeur. Il avait enfreint une politique qui ne faisait pas partie de son contrat de travail. Cela est confirmé lorsque la Cour a écrit ce qui suit : « L’employeur « dispose » d’une politique sur le sujet […] [Le prestataire] était au courant de la politique »Note de bas de page 18. La Cour d’appel a de nouveau renvoyé à la politique, aux paragraphes 17, 18 et 20. La Cour a noté que l’employeur disposait d’une politique dont M. Lemire a choisi de ne pas tenir compte.
  • Dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 19, l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Le cas ne portait pas sur la vaccination. Mme Nelson a été vue en état d’ébriété publiquement dans la réserve où elle travaillait. L’employeur a considéré qu’il s’agissait d’une violation de son interdiction de consommer de l’alcool. Mme Nelson a nié que l’interdiction de consommer de l’alcool de son employeur faisait partie des exigences de son emploi prévues dans son contrat de travail écrit, ou que sa consommation d’alcool se reflétait dans son rendement au travail. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’il y avait inconduite. Il n’était pas pertinent que la politique de l’employeur contre la consommation d’alcool ne fasse pas partie du contrat de travail de Mme Nelson.
  • Dans l’affaire NguyenNote de bas de page 20, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il y avait inconduite. M. Nguyen avait harcelé un collègue de travail au casino où ils travaillaient. L’employeur avait une politique concernant le harcèlement. Toutefois, la politique ne décrivait pas le comportement de M. Nguyen et ne faisait pas partie de son contrat de travail.
  • Dans l’affaire KareliaNote de bas de page 21, l’employeur a imposé de nouvelles conditions à M. Karelia. Il était toujours absent du travail. Ces nouvelles conditions ne s’inscrivaient pas dans le contrat de travail. Malgré tout, la Cour d’appel fédérale a décidé que M. Karelia devait s’y conformer — même s’il s’agissait de nouvelles conditions — sans quoi il y avait inconduite.

[38] Outre les décisions Matti et Kuk, deux autres décisions traitent de la question de l’inconduite. Ces deux décisions s’inscrivent dans le contexte des politiques de vaccination. Dans les affaires CecchettoNote de bas de page 22 et MilovacNote de bas de page 23, la vaccination ne faisait pas partie de la convention collective ou du contrat de travail. La Cour fédérale a conclu que, malgré tout, il y avait eu inconduite lorsque les appelants ne se conformaient pas aux politiques de vaccination de leur employeur.

[39] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas tenu compte du contrat de travail du prestataire. Il importait peu que son contrat de travail n’exigeait pas la vaccination.

Une inconduite peut survenir même si un employeur modifie les conditions du contrat de travail

[40] La division générale n’avait pas à se demander si l’employeur du prestataire était autorisé à modifier unilatéralement les conditions d’emploi du prestataire en instaurant de nouvelles politiques.

[41] Le prestataire soutient que son employeur ne pouvait modifier les conditions de son contrat de travail. Donc, si son contrat de travail n’exigeait pas la vaccination, il ne serait pas tenu de se faire vacciner. De plus, il affirme qu’il n’avait [traduction] « [aucune] raison de penser qu’il serait suspendu »Note de bas de page 24 pour ne pas avoir respecté une politique qui ne faisait pas partie de son contrat de travail. Il soutient qu’il n’y a pas eu inconduite dans ces circonstances.

[42] Toutefois, cette question n’était tout simplement pas pertinente pour que la division générale décide si le prestataire avait commis une inconduite. Comme je l’ai mentionné précédemment, la question concernant le contrat de travail du prestataire était un facteur non pertinent. Un employeur peut instaurer de nouvelles politiques. Il n’est pas nécessaire que ces politiques fassent partie du contrat de travail initial pour qu’il y ait inconduite, même si un employé n’est pas d’accord avec les nouvelles politiques et croit qu’il n’est pas tenu de les respecter.

[43] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas examiné la question de savoir si l’employeur du prestataire était autorisé à modifier unilatéralement les conditions de son emploi. Cette question n’était pas pertinente.

La légalité ou le caractère raisonnable de la politique de vaccination d’un employeur n’est pas pertinent à la question de l’inconduite

[44] La division générale n’avait pas à se demander si la politique de vaccination de l’employeur était illégale ou déraisonnable.

[45] Le prestataire fait valoir que la politique de vaccination de son employeur était illégale. Il soutient que parce que la politique était illégale, il n’avait pas à s’y conformer.

[46] Toutefois, les arguments concernant la légalité et le caractère raisonnable de la politique de vaccination d’un employeur ne sont pas pertinents à la question de l’inconduite. La Cour fédérale a statué que la division générale et la division d’appel n’ont pas le pouvoir d’examiner ces types d’arguments. Dans la décision Cecchetto, la Cour a écrit :

[Traduction]
Comme il a été mentionné précédemment, le demandeur [Cecchetto] trouve probablement ce résultat frustrant, car mes motifs ne traitent pas des questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales qu’il soulève. Cela s’explique par le fait que bon nombre de ces questions ne relèvent tout simplement pas de cette affaire. Il n’est pas déraisonnable pour un décideur de ne pas traiter d’arguments juridiques qui ne relèvent pas de son mandat juridique.

La division générale du Tribunal de la sécurité sociale et la division d’appel ont un rôle important, mais étroit et précis à jouer dans le système juridique. Dans cette affaire, ce rôle consistait à établir pour quel motif le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif constituait une « inconduite ».

Malgré les arguments du prestataire, il n’y a aucune raison d’infirmer la décision de la division d’appel en raison de son défaut d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de [la politique de vaccination] ou de statuer sur celles-ci. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la DG du TSS [Renvoi omis]Note de bas de page 25.

(Mis en évidence par la soussignée.)

[47] Récemment, la Cour fédérale a statué que la division générale et la division d’appel [traduction] « ne constituent pas les instances appropriées pour statuer si la politique [de l’employeur] ou le licenciement [de l’employé] était raisonnable »Note de bas de page 26.

[48] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas tenu compte de la légalité ou du caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur du prestataire.

Une inconduite peut survenir même si un employeur ne prend pas de mesures d’adaptation à l’égard d’un employé

[49] La division générale n’avait pas à se demander si l’employeur du prestataire aurait pu prendre des mesures d’adaptation à l’égard de celui-ci.

[50] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas examiné si son employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation à son égard ou lui accorder une exemption en lui offrant des options ou des solutions de rechange à la vaccination. Si son employeur avait pris des mesures d’adaptation à son égard ou lui avait accordé une exemption, la division générale aurait conclu qu’il s’était conformé à la politique de vaccination de son employeur.

[51] Je conclus que la division générale n’a pas omis d’examiner cette question parce que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation d’un employeur n’est pas pertinente pour trancher une inconduite en vertu de la LoiNote de bas de page 27.

Le prestataire ne peut soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait importantes

[52] Le prestataire ne peut soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait importantes. Le prestataire affirme que la division générale a négligé une partie de la preuve, mais une partie de celle-ci n’était pas pertinente et une autre partie n’appuie pas la position du prestataire, ou la division générale n’a pas fondé sa décision sur cette preuve.

[53] En outre, le décideur n’est pas tenu de se reporter à tous les éléments de preuve qui lui sont présentés, à moins qu’ils ne soient d’une telle importance qu’ils pourraient avoir une incidence sur l’issue. L’on présume que le décideur a tenu compte de l’ensemble de la preuve. Comme la Cour fédérale a statué, un décideur n’exprime que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justificationsNote de bas de page 28.

Relevé d’emploi

[54] Le prestataire soutient que la division générale a négligé son relevé d’emploi ou ne lui a pas accordé un poids approprié. L’employeur a déclaré qu’il avait établi le relevé d’emploi pour des motifs « autres »Note de bas de page 29. Le prestataire affirme que si son employeur l’avait suspendu, il aurait expliqué différemment l’établissement du relevé. Il affirme que la division générale aurait dû accepter la qualification par son employeur de sa cessation d’emploi. En d’autres termes, il affirme que la cessation d’emploi ne devrait pas être qualifiée d’inconduite.

[55] La division générale n’a pas consulté le relevé d’emploi pour décider s’il y a eu inconduite. Toutefois, cela ne signifie pas que la division générale a négligé cette preuve. En effet, ni le relevé d’emploi ni la qualification de la cessation d’emploi par l’employeur ne permettent d’établir s’il y a eu inconduite.

[56] Comme la Cour d’appel fédérale a statué, il faut établir la cause réelle de la cessation d’emploi d’un prestataireNote de bas de page 30. Il s’agit d’examiner l’ensemble de la preuve relative à la cessation d’emploi d’un prestataire. On peut ainsi décrire adéquatement ce qui s’est produit. Dans l’affaire Stavropoulos, la Cour a statué qu’il appartenait à la division générale de décider si l’affaire dont elle était saisie portait sur un congédiement pour inconduite ou si le demandeur avait quitté volontairement son emploi sans justification.

[57] Quant à la question du poids que la division générale a attribué à la preuve, il ne s’agit pas d’un moyen d’appel. À titre de juge des faits, la division générale est la mieux placée pour évaluer et soupeser la preuve. La division d’appel s’en remet à la division générale sur les questions relatives au poids de la preuve. Comme les tribunaux ont statué de façon constante, la question du poids relève du juge des faitsNote de bas de page 31.

[58] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a commis une erreur de fait en négligeant le relevé d’emploi ou dans sa façon de soupeser la preuve. On suppose qu’elle a tenu compte du relevé d’emploi. Cependant, le relevé à lui seul n’était pas déterminant pour décider si le prestataire a fait l’objet d’une cessation d’emploi pour des raisons autres qu’une suspension.

Paragraphes 8 et 39 de la décision de la division générale

[59] Le prestataire soutient que la division générale a mal compris la preuve. Elle a conclu que le prestataire avait saisi la Commission du travail de l’Ontario (CTO) d’une affaire. Le prestataire le nie. À titre de fonctionnaire fédéral, il dit être en attente d’une audience auprès de la commission des relations de travail dans le secteur fédéral.

[60] Même si la division générale a mal interprété la preuve, je ne suis pas convaincue que le prestataire puisse soutenir ce point. Rien ne justifie l’application de ce point. Il n’était pas pertinent à la question de l’inconduite. La division générale n’a pas fondé sa décision sur le tribunal administratif devant lequel le prestataire a une demande en cours. Je ne suis donc pas convaincue que l’on puisse soutenir ce point.

Les paragraphes 16 et 17

[61] Le prestataire soutient que la division générale a mal interprété la preuve aux paragraphes 16 et 17. Il affirme que la division générale a conclu qu’il avait refusé de se conformer à la politique de vaccination de son employeur. Le prestataire nie avoir refusé de se conformer. Il soutient « qu’il ne pouvait pas se conformer sans enfreindre ses croyances religieuses sincères; il n’était pas réticent à se conformer ni ne refusait de le faire »Note de bas de page 32.

[62] En fait, la division générale a écrit que la « Commission affirme que le [prestataire] a été suspendu de son emploi parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur »Note de bas de page 33. La division générale a ensuite conclu que les parties ont convenu que le prestataire avait été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeurNote de bas de page 34.

[63] La division générale n’a pas déclaré que le prestataire avait refusé de se conformer. Elle ne faisait que reprendre les arguments de la Commission. Tout au plus, la division générale a déclaré que le prestataire ne s’était pas conformé à la politique de vaccination de l’employeur. Toutefois, il est clair que la division générale a convenu avec la Commission que le prestataire avait refusé de se conformer. Après tout, elle a conclu que la conduite du prestataire était délibérée, en ce sens qu’elle a conclu que sa conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.

[64] Le prestataire affirme qu’il ne pouvait pas se conformer en raison de ses croyances religieuses. Bien que cela explique qu’il ne se soit pas conformé, cela ne signifie pas que sa conduite n’était pas consciente. Le prestataire était certainement conscient de ce qu’il faisait. La division générale avait donc le droit de conclure que la conduite du prestataire était délibérée et, par conséquent, qu’il refusait de se conformer. Je ne suis pas convaincue qu’il existe un argument défendable sur ce point.

Paragraphes 20 à 23 inclusivement

[65] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et des erreurs de fait aux paragraphes 20 à 23 inclusivement.

[66] J’ai reproduit les paragraphes 20 et 21 précédemment. La division générale énonce les définitions de l’inconduite dans ces paragraphes. La division générale a également décidé que le fardeau de la preuve de l’inconduite incombait à la Commission. La division générale a en outre énoncé son rôle et la portée de ses pouvoirs lorsqu’elle évalue l’inconduite.

[67] La division générale n’a tiré aucune conclusion sur la preuve contenue dans l’un ou l’autre de ces paragraphes. La division générale n’a donc pas commis d’erreurs de fait. Je ne suis pas convaincue que le prestataire puisse soutenir que la division générale a commis une erreur de fait dans ces paragraphes.

Conclusions selon lesquelles le prestataire a agi délibérément

[68] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait en concluant qu’il avait agi délibérément en ne se conformant pas à la politique de vaccination de son employeur. Il nie avoir agi délibérément. Il affirme qu’il n’a pas agi délibérément parce qu’il avait une bonne raison de ne pas respecter la politique de vaccination de son employeurNote de bas de page 35.

[69] Les arguments du prestataire portent en fait sur une question juridique. Pour l’essentiel, il affirme que la division générale a mal interprété ce que signifie une conduite délibérée.

[70] La division générale a noté la définition de la conduite délibérée : la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelle. La division générale a fait mention de l’arrêt MishibinijimaNote de bas de page 36. Dans cette affaire, le demandeur a fait valoir que sa conduite n’était pas délibérée parce qu’il n’avait pas l’intention et qu’il était incapable de contrôler ses actes en raison d’une dépendance à l’alcool.

[71] La Cour d’appel a rejeté cet argument. Elle a dit que la conduite est délibérée si les actes étaient conscients, voulus ou intentionnels, ou, « [a]utrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 37. »

[72] Comme je l’ai mentionné précédemment, l’acte du prestataire était conscient, en ce sens qu’il était conscient de ce qu’il faisait et des conséquences (même s’il n’est pas d’accord pour dire que ces conséquences auraient dû s’appliquer à lui). Compte tenu de la preuve dont la division générale disposait, selon laquelle le prestataire était conscient de sa conduite, elle avait le droit de conclure que le prestataire avait agi délibérément. Je ne suis pas convaincue qu’il existe un argument défendable sur ce point.

Conclusion

[73] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission d’interjeter appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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