Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1311

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (548379) datée du 12 décembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paula Turtle
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 24 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 17 avril 2023
Numéro de dossier : GE-23-202

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire a quitté son emploi d’ingénieur de conception le 1er juin 2022 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du prestataire pour avoir quitté son emploi. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] Le prestataire a expliqué ce qui s’est passé avant qu’il quitte son emploi. Un autre employé a démissionné. L’employeur essayait d’embaucher un remplaçant. Il a assigné les tâches de l’employé qui avait démissionné au prestataire et à un autre employé. Après avoir effectué ces tâches pendant environ deux mois, le prestataire a démissionné.

[6] La Commission affirme qu’au lieu de partir quand il l’a fait, le prestataire aurait pu continuer à travailler jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi. Il aurait aussi pu remettre à son employeur un billet médical confirmant que les nouvelles tâches nuisaient à son bien-être.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit que les nouvelles tâches étaient inférieures à son niveau de compétence. C’était humiliant. Il pensait que les nouvelles tâches pouvaient être permanentes. Pour les effectuer, il devait retourner travailler en personne et c’était difficile pour sa famille.

Question en litige

[8] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Le prestataire a quitté volontairement son emploi

[10] Je conclus que le prestataire a quitté volontairement son emploi.

[11] Le prestataire soutient qu’il n’a pas quitté son emploi. Il dit qu’il a fait l’objet d’un congédiement déguisé. Il a envoyé un courriel à son employeur disant que son emploi avait changé, et qu’il n’avait d’autre choix que de partir.

[12] Pour décider si le prestataire a démissionné, je dois vérifier si elle avait le choix de rester ou de partirNote de bas de page 1. Le prestataire aurait pu continuer à travailler pour son employeur, mais il a décidé de partir. Cela signifie que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Autrement dit, il a démissionné.

[13] Je vais examiner l’argument du prestataire voulant qu’il n’avait pas d’autre choix que de démissionner dans la section suivante de ma décision, où je décide si le prestataire était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait. Cependant, il s’agit d’une question distincte de celle de savoir si le prestataire a démissionné.

Le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi

[14] Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi quand il l’a fait.

[15] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’il était fondé à le faire.

[16] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Elle dit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 3.

[17] Il incombe au prestataire de prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 4.

[18] Pour décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examiner. Les circonstances comprennent des changements importants dans les fonctions d’une personneNote de bas de page 5.

[19] Après avoir établi les circonstances qui s’appliquent au prestataire, je dois démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas à ce moment-làNote de bas de page 6.

Les circonstances entourant la démission du prestataire

[20] Le prestataire affirme que l’une des circonstances prévues par la Loi sur l’assurance-emploi s’applique à lui. Il affirme que ses tâches ont subi des changements importantsNote de bas de page 7.

[21] Je conclus qu’il n’y a pas eu de changement important aux fonctions du prestataire. En effet, le changement dans ses fonctions n’était que temporaire. Il a dû accepter de nouvelles tâches parce qu’un autre employé a démissionné. Ils essayaient d’embaucher un technicien de remplacement. De plus, le retour au travail en personne était un retour à la pratique habituelle, et non un changement à ses fonctions.

[22] Le prestataire est ingénieur et il est titulaire d’une maîtrise. Il a travaillé comme ingénieur de conception. Il s’agit d’un emploi hautement spécialisé. Il trouvait de nouvelles idées de produits et dessinait ces produits en 3D à l’ordinateur. Il faisait ensuite des dessins détaillés des pièces nécessaires à la fabrication des produits.

[23] Les tâches du prestataire ont changé le 3 mars 2022. Un technicien a démissionné. L’employeur a déclaré que le prestataire et un autre employé ont dû partager les tâches du technicien jusqu’à ce qu’ils puissent en embaucher un nouveau. Les tâches du technicien n’exigeaient pas quelqu’un de hautement qualifié. Le prestataire devait imprimer des dessins standards des produits, prendre des notes sur les dessins imprimés et les placer dans un dossier.

[24] Le prestataire a continué à faire son travail d’ingénieur de conception également, mais il y consacrait moins de temps parce qu’il devait aussi faire les tâches du technicien. Son salaire est demeuré le même. Il devait retourner au travail en personne environ 12 heures par semaine.

[25] Le prestataire affirme que son employeur lui a dit que s’il n’effectuait pas les nouvelles tâches, il serait congédié ou il devrait démissionner. Il a donc commencé à effectuer les nouvelles tâches vers le 14 mars 2022.

[26] Le prestataire a fait le travail de technicien et d’ingénieur de conception pendant environ huit semaines. Il a décidé qu’il ne pouvait pas continuer à le faire. Son travail ne consistait pas à imprimer des dessins et à prendre des notes. C’était fastidieux et en deçà de son niveau de compétence.

[27] Il devait travailler en personne 12 heures par semaine. Son épouse travaille aussi. Ils ont deux jeunes enfants à la maison qui font l’école en ligne. Il était difficile de gérer les demandes familiales.

[28] Le prestataire s’est plaint à l’employeur par courriel le 18 mai 2022. C’était la première fois qu’il se plaignait. Il a dit que les nouvelles tâches étaient de niveau trop inférieur pour lui. Il a aussi dit à son employeur qu’il voulait reprendre son travail d’ingénieur de conception à temps plein. Le fait d’effectuer les nouvelles tâches nuisait à son estime de soi.

[29] L’employeur a répondu à son courriel le 19 mai 2022. Il a dit qu’il essayait d’embaucher un technicien, qu’il faisait des entrevues et qu’il avait bon espoir de trouver une candidate ou un candidat. Il a expliqué que vu que l’entreprise est petite, lorsqu’une personne part, tout le monde doit partager ses tâches.

[30] Le 27 mai 2022, le prestataire a posé des questions au sujet des entrevues. Le 30 mai 2022, l’employeur a dit au prestataire qu’il n’avait embauché personne. Il a affirmé qu’il cherchait plus de candidates et de candidats. En raison de la pénurie de main-d’œuvre, le prestataire a pensé que cela pourrait prendre beaucoup de temps avant qu’ils trouvent quelqu’un, et qu’il était possible qu’ils ne trouvent personne.

[31] Le 1er juin 2022, le prestataire a envoyé un courriel à l’employeur pour lui dire qu’il devait démissionner. Il a dit que son rôle avait été dévalorisé et qu’il n’avait pas accepté de faire les nouvelles tâches.

[32] Le prestataire a parlé à un avocat. Celui-ci lui a dit que s’il continuait à travailler, cela signifierait qu’il acceptait les nouvelles tâches. Il lui a expliqué qu’il devait démissionner pour présenter une demande de congédiement déguisé.

[33] Voici les circonstances entourant la démission du prestataire :

  • L’employeur a ajouté le travail de technicien à ses tâches. Le travail du technicien était inférieur à son niveau de compétence. Cela nuisait à son estime de soi et à son bien-être.
  • L’employeur essayait d’embaucher un nouveau technicien. Il y avait une pénurie de main-d’œuvre. Cela prenait plus de temps que le prestataire aurait aimé.
  • Il était stressant pour le prestataire et sa famille qu’il ait à travailler en personne 12 heures par semaine.
  • Son avocat lui a dit que s’il continuait à travailler pendant trop longtemps, il serait perçu comme ayant accepté les nouvelles fonctions.

Le prestataire avait d’autres solutions raisonnables

[34] Je dois maintenant vérifier si la seule solution raisonnable dans le cas du prestataire était de quitter son emploi quand il l’a fait.

[35] Le prestataire affirme qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable pour les raisons suivantes :

  • Il était humiliant pour lui de faire les nouvelles tâches.
  • Il pensait qu’il pourrait devoir les faire pendant très longtemps.
  • Son avocat a dit qu’il ne pouvait pas présenter une demande de congédiement déguisé à moins de démissionner.
  • Il était difficile pour sa famille qu’il ait à retourner travailler en personne 12 heures par semaine.

[36] La Commission affirme que l’attribution de nouvelles tâches dans ces circonstances était raisonnable. Elle dit que le prestataire aurait pu continuer à travailler jusqu’à ce qu’il trouve un nouvel emploi. La Commission affirme également que le prestataire aurait pu obtenir un billet médical et dire à son employeur que cela affectait sa santé mentale. Il aurait pu prendre un congé.

[37] Le prestataire n’a parlé à personne de la direction avant de démissionner. Il affirme que son gestionnaire a été très ferme lors de la rencontre du 3 mars 2022, lorsqu’on lui a dit qu’il allait devoir faire le travail de technicien. Par conséquent, il ne pensait pas que l’employeur lui enlèverait les nouvelles fonctions.

[38] Le prestataire affirme que l’employeur ne lui aurait pas permis de prendre un congé. Je suis d’accord avec lui pour dire que son employeur ne l’aurait pas laissé prendre congé. Ils avaient besoin d’un technicien. Ils avaient de la difficulté à en embaucher un alors ils avaient besoin que le prestataire fasse une partie du travail du technicien. Ils n’auraient pas voulu qu’il prenne congé.

[39] Cependant, il y avait autre chose que le prestataire aurait pu faire au lieu de quitter son emploi quand il l’a fait :

  • Il aurait pu demander à son employeur s’il pouvait continuer à travailler et faire moins de tâches de technicien.
  • Il aurait pu ne pas suivre les conseils de son avocat lorsqu’il lui a dit qu’il devrait démissionner et prétendre qu’il avait fait l’objet d’un congédiement déguisé.
  • Il aurait pu continuer à effectuer les nouvelles tâches jusqu’à ce que l’employeur embauche un nouveau technicien.
  • Il aurait pu demander un congé à son employeur et obtenir un rapport médical indiquant que faire le travail de technicien affectait sa santé mentale.
  • Son épouse et lui auraient pu trouver quelqu’un pour s’occuper des enfants lorsque l’un d’eux n’était pas en mesure de les superviser pendant qu’ils faisaient l’école en ligne.
  • Il aurait pu chercher un autre emploi.

[40] Compte tenu des circonstances entourant la démission du prestataire, son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas, pour les raisons mentionnées ci-dessus.

[41] Cela signifie que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[42] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations.

[43] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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