Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1326

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (506238) datée du 29 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 31 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 4 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3120

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. L’employeur de l’appelant indique qu’il a été suspendu parce qu’il a contrevenu à sa politique de vaccination : il ne s’est pas fait vacciner.

[4] Même si l’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur ne constitue pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] L’appelant affirme que sa demande de mesures d’adaptation aurait dû être accueillie. Il dit qu’il était capable de travailler de la maison. Il affirme que la politique est contraire à plusieurs lois et principes juridiques.

Question en litige

[7] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique dans les cas de congédiement et de suspension.Note de bas de page 2

[9] Pour répondre à la question de savoir si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pourquoi l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[10] Je considère que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a contrevenu à la politique de vaccination de son employeur.

[11] L’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé.

[12] La Commission affirme que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a contrevenu à la politique de vaccination de son employeur.

[13] J’estime qu’il n’est pas contesté que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a contrevenu à la politique de son employeur.

La raison de la suspension de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?

[14] La raison de la suspension de l’appelant est une inconduite au sens de la loi.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’on entend par inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et tribunaux) nous montre comment décider si la suspension de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi. La jurisprudence énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 3 L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 4 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).Note de bas de page 5

[17] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié pour cette raison.Note de bas de page 6

[18] La loi ne prévoit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeur.Note de bas de page 7 Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi.Note de bas de page 8

[19] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options en vertu d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si l’appelant a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour lui.Note de bas de page 9 Je ne peux examiner qu’une seule chose : la question de savoir si ce que l’appelant a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[20] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 10

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination;
  • l’appelant était au courant de la politique et de ses exigences;
  • l’appelant savait que s’il ne respectait pas la politique, il serait suspendu.

[22] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux aurait dû être acceptée par l’employeur et, par conséquent, il ne s’attendait pas à perdre son emploi (il s’appuie sur une décision du TribunalNote de bas de page 11);
  • il pouvait travailler de la maison;
  • la politique est injuste et contraire à plusieurs lois et principes juridiques, y compris la Charte canadienne des droits et libertés;
  • l’exigence de vaccination ne fait pas partie de son contrat de travail, et l’employeur n’a pas consulté son syndicat au sujet de la politique (il s’appuie sur une décision du TribunalNote de bas de page 12).

[23] La politique de vaccination de l’employeur est entrée en vigueur le 8 novembre 2021. Elle précise que les employés doivent être entièrement vaccinés contre la COVID-19, à moins de se faire accorder une mesure d’adaptation pour une contre-indication médicale certifiée, pour un motif religieux ou pour d’autres motifs de distinction illicite définis dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.Note de bas de page 13

[24] L’appelant a déclaré avoir été informé de la politique et de ce qu’elle exigeait le 8 novembre 2021.

[25] L’appelant affirme avoir demandé des mesures d’adaptation pour des motifs religieux à son employeur le 17 novembre 2021.Note de bas de page 14 Il a joint une lettre de son chef religieux à l’appui de sa demande.Note de bas de page 15 Son employeur lui a demandé de remplir un questionnaire au sujet de sa demande. Il a soumis le questionnaire rempli le 24 novembre 2021.Note de bas de page 16

[26] Dans une lettre datée du 17 décembre 2021, l’employeur a rejeté sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux. La lettre précise qu’il doit se faire vacciner, et que s’il ne respecte pas la politique au plus tard le 14 janvier 2022, il sera suspendu.Note de bas de page 17

[27] L’appelant affirme avoir rencontré son employeur pour discuter de sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux à deux reprises. Il affirme que son employeur a admis qu’il avait une croyance religieuse sincère lors de la deuxième rencontre. Cependant, l’employeur n’a pas approuvé sa demande de mesures d’adaptation.

[28] L’employeur a écrit à l’appelant le 5 janvier 2022 pour l’aviser qu’il serait suspendu à compter du 19 janvier 2022 s’il ne respectait pas la politique.Note de bas de page 18

[29] L’appelant affirme avoir été suspendu à compter du 19 janvier 2022. Sa suspension a été levée le 20 juin 2022.

[30] L’appelant affirme avoir déposé un grief contre son employeur. La procédure de grief est toujours en cours.

[31] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination qui exigeait que les employés soient vaccinés, à moins qu’on leur accorde des mesures d’adaptation à la politique;
  • l’employeur a clairement informé l’appelant de ce qu’il attendait de ses employés en matière de vaccination;
  • l’employeur a envoyé des lettres et a parlé à l’appelant à plusieurs reprises pour lui communiquer ses attentes;
  • l’employeur a envoyé une lettre et a parlé à l’appelant pour lui dire que sa demande de mesures d’adaptation avait été rejetée;
  • l’appelant connaissait ou aurait dû connaître les conséquences découlant du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

[32] L’appelant s’appuie sur une décision de ce Tribunal. Dans cette décision, le membre de la division générale a conclu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite puisque la prestataire ne pouvait pas savoir que son employeur avait déjà décidé qu’il allait rejeter toutes les demandes d’exemption pour motifs religieux. Or, l’employée dans cette affaire ne pouvait pas savoir qu’elle serait congédiée.Note de bas de page 19 L’appelant affirme que sa situation est similaire – il ne s’attendait pas à ce que sa demande de mesures d’adaptation soit rejetée par son employeur, car ses croyances religieuses sont sincères. Je ne suis pas convaincue qu’il faille suivre cette décision, car l’appelant n’a pas fourni d’éléments de preuve démontrant que son employeur avait déjà décidé de rejeter toutes les demandes de mesures d’adaptation pour des motifs religieux. De plus, l’employeur de l’appelant lui a dit à plusieurs reprises que sa demande avait été refusée et qu’il devait se conformer à la politique. De sorte qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il pouvait être suspendu.

[33] L’appelant s’appuie sur une autre décision du Tribunal. Dans cette décision, le membre de la division générale a conclu que le fait qu’une employée n’avait pas respecté la politique de vaccination obligatoire de l’employeur ne constituait pas une inconduite.Note de bas de page 20 Cependant, la Cour fédérale a récemment déclaré que cette affaire n’établit aucun type de règle générale qui s’applique à d’autres situations factuelles, qu’elle est en appel, et qu’elle n’a pas un caractère obligatoire pour la Cour.Note de bas de page 21 Je ne suis pas obligée de suivre les autres décisions du Tribunal. Je ne le ferai pas dans ce cas-ci. En effet, il ne m’appartient pas de décider si un employeur peut modifier unilatéralement le contrat de travail de l’appelant. L’appelant devrait plutôt déposer un grief. D’ailleurs, il affirme l’avoir déjà fait.

Donc, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[34] À la lumière de mes conclusions précédentes, je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[35] En effet, les actions de l’appelant ont mené à sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait ou aurait dû savoir que le refus de se faire vacciner allait probablement lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[36] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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