Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 121

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (539233) rendue le 17 août 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 décembre 2022
Personnes présentes à l’audience :  
Date de la décision : Le 6 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3023

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Décision

[1] L’appel est rejeté. 

[2] Le prestataire (qui est l’appelant dans le présent appel) n’est pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 28 février 2022 parce qu’il n’a pas prouvé sa disponibilité pour le travail.

Aperçu

[3] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi le 28 février 2022. La Commission (qui est l’intimée dans le présent appel) a vérifié si le prestataire était disponible pour travailler. 

[4] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, les prestataires doivent être disponibles pour travaillerNote de bas de page 1. La disponibilité est une exigence continue et il faut en faire la démonstration pour chaque jour ouvrable de la période de prestationsNote de bas de page 2.

[5] Seules les personnes qui cherchent activement du travail peuvent recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. L’exigence de disponibilité veut dire que, pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi, il faut être à la recherche d’un emploi pendant chaque jour ouvrable de sa période de prestations.

[6] La Commission a décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations pour deux raisons liées à sa disponibilité. Plus précisément, elle a déclaré qu’il n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi à compter du 28 février 2022 parce que des conditions personnelles limitaient ses démarches de recherche d’emploi. Elle l’a aussi déclaré inadmissible du 23 mai 2022 au 3 juin 2022 parce qu’il était en prison.

[7] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Il a expliqué que l’ordonnance de libération conditionnelle l’obligeait à vivre dans une région rurale et lui interdisait de se déplacer à plus de 40 km de sa résidence. Il a fait valoir que, dans ces circonstances, les options de transport qui s’offraient à lui étaient limitées et qu’en conséquence, ses démarches de recherche d’emploi étaient également limitées. Il a ajouté qu’il travaillait pour la prison pendant sa détention, alors il devrait être admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant cette période.

[8] La Commission a maintenu l’inadmissibilité pour sa période de prestations. Le prestataire a donc fait appel de cette décision au Tribunal de la sécurité sociale.

[9] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler à compter du 28 février 2022. Autrement dit, il doit prouver qu’il était capable de travailler et qu’il cherchait du travail pendant chaque jour ouvrable de sa période de prestations. 

[10] Je conclus que le prestataire n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler. La présente décision explique pourquoi.

Questions préliminaires

A) Le prestataire n’était pas à l’audience

[11] Le prestataire n’a pas assisté à son audience. Elle devait se dérouler par téléconférence. J’ai attendu 25 minutes après l’heure prévue, mais le prestataire n’a jamais téléphoné. J’ai donc continué l’audience en son absence, conformément au Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale

[12] Je suis convaincue que le prestataire a reçu l’avis d’audience. Le Tribunal l’a envoyé par le service de messagerie de Purolator le 8 novembre 2022. Il a utilisé l’adresse que le prestataire a fournie dans son avis d’appel. Les renseignements de repérage fournis par Purolator indiquent que l’envoi a été livré le 16 novembre 2022, et il y a une signature au dossier qui confirme la livraisonNote de bas de page 3. Je suis donc convaincue que l’avis d’audience a été livré au prestataire le 16 novembre 2022. 

[13] Le 28 novembre 2022, une agente du greffe du Tribunal a aussi téléphoné au prestataire au numéro qu’il avait inscrit dans son avis d’appel. Elle lui a laissé un message vocal détaillé pour lui rappeler que son audience était prévue le 5 décembre 2022 et lui demander de rappeler le [Tribunal] pour confirmer qu’il avait reçu l’avis d’audience et qu’il était prêt pour l’audience et avait l’intention d’y assister. Le prestataire n’a pas répondu.

b) Le prestataire a un dossier d’appel connexe (GE-22-3024)

[14] La Commission a donné une autre raison pour expliquer que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. Elle a affirmé qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a quitté volontairement son emploi le 1er novembre 2021Note de bas de page 4. Le prestataire a fait appel de cette décision au Tribunal dans le dossier GE-22-3024.

[15] J’ai rejeté son appel dans le dossier GE-22-3024. J’ai conclu qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduite et que, par conséquent, il ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[16] Ma décision dans le dossier GE-22-3024 fait que le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi, et ce, même s’il gagne sa cause sur les questions de la disponibilité (dans l’appel GE-22-3023). Toutefois, pour bien boucler le dossier, je rends la présente décision au sujet de la disponibilité. 

Questions en litige

[17] Le prestataire était‑il disponible pour travailler à compter du 28 février 2022?

[18] Le prestataire peut-il recevoir des prestations d’assurance-emploi pour la période où il était en prisonNote de bas de page 5?

Analyse

[19] Pour qu’il soit considéré comme disponible pour le travail aux fins du versement des prestations régulières d’assurance-emploi, la loi exige que le prestataire démontre qu’il est capable de travailler, disponible pour travailler et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 6.

[20] La Cour d’appel fédérale a affirmé que la disponibilité se détermine par l’analyse de trois éléments :

  1. a) le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable est offert;
  2. b) l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 7.

[21] Ces trois éléments sont communément appelés les « éléments dela décision Faucher », d’après l’affaire dans laquelle la cour les a énoncés pour la première fois.

[22] Je vais commencer mon analyse par la période de détention du prestataire. Ensuite, je vérifierai s’il a prouvé qu’il était disponible pour le travail en fonction des éléments de la décision Faucher.

Question en litige no 1 : Le prestataire peut-il recevoir des prestations d’assurance-emploi pour la période où il était en prison?

[23] Non. Le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il était dans un centre de détention.

[24] Le prestataire a dit à la Commission qu’il était en prison du 22 mai 2022 au 4 juin 2022Note de bas de page 8. Il a affirmé qu’il était prêt et disposé à travailler tous les jours et qu’il travaillait dans la cuisine pendant qu’il était en prisonNote de bas de page 9.

[25] La loi prévoit cependant qu’une personne n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour toute période pendant laquelle elle est détenue dans une prison ou un établissement semblableNote de bas de page 10.

[26] Je suis d’accord avec la Commission : le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant qu’il était en prison et la période d’inadmissibilité qui en résulte va du 22 mai 2022 au 3 juin 2022Note de bas de page 11. Même si le prestataire travaillait dans la cuisine de la prison, cela ne suffit pas à prouver sa disponibilité pour le travail. La nature même de la détention dans une prison constitue une restriction qui empêche les prestataires d’accepter un emploi et de commencer à travailler dès qu’un emploi convenable leur est offert. Ainsi, le prestataire ne peut pas remplir la condition du troisième élément de la décision Faucher. Par conséquent, il ne peut pas prouver sa disponibilité pour le travail pendant qu’il était en prison.

[27] Je conclus donc que le prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pendant qu’il était en prison du 22 mai 2022 au 4 juin 2022.

Question en litige no 2 : Selon les éléments de la décision Faucher, le prestataire était‑il disponible pour le travail en dehors de sa période de détention?

[28] Non, il n’était pas disponible. Il ne remplit aucune des conditions établies par les éléments de la décision Faucher.

a) Le premier élément de la décision Faucher

[29] Pour l’application du premier élément de la décision Faucher, le prestataire doit prouver qu’il était prêt à accepter un emploi convenableNote de bas de page 12 dès qu’un tel emploi lui serait offert. 

[30] Voici ce que le prestataire a dit à la CommissionNote de bas de page 13 :

  • Depuis sa libération conditionnelle, l’une des conditions qu’il doit respecter est d’habiter sur sa propriété rurale de X, en Ontario.
  • Il avait un emploi qui l’attendait à Mississauga et une autre possibilité à Toronto, mais il n’est pas autorisé à se déplacer à plus de 40 km de X. 
  • Sa maison a un besoin urgent de réparation et il ne peut pas déménager avant d’avoir fait faire les réparations. 
  • Dès qu’il reçoit les prestations d’assurance-emploi, il réparera sa maison et demandera ensuite à son agent de libération conditionnelle la permission de se rendre à Mississauga pour travailler.
  • Actuellement, il n’a pas de permis de conduire et pas d’argent pour se déplacer.
  • Il est mécanicien, mais il s’est fait voler tous ses outils.
  • Dès qu’il recevra son argent de l’assurance-emploi, il retournera travailler. Il peut travailler, mais il a d’abord besoin d’argent pour obtenir l’emploi qu’il désire. 

[31] Je conclus que le prestataire n’était pas disposé à accepter immédiatement un emploi convenable. Il était disposé à travailler seulement après avoir réparé sa maison et avoir commencé à toucher des prestations d’assurance-emploi. Ce n’est pas suffisant pour remplir l’exigence du premier élément de la décision FaucherNote de bas de page 14.

b) Le deuxième élément de la décision Faucher

[32] Pour ce qui est du deuxième élément de la décision Faucher, je conclus que l’absence de démarches de recherche d’emploi ne montre pas le désir du prestataire de retourner sur le marché du travail. 

[33] Le prestataire a dit à la Commission qu’il voulait reprendre son emploi précédent chez ANote de bas de page 15. Cependant, les décisions judiciaires ont confirmé qu’attendre un rappel au travail ne suffit pas à prouver sa disponibilitéNote de bas de page 16. Seules les personnes qui cherchent activement un emploi peuvent recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. C’est vrai même s’il y a une possibilité de rappel ou si la période de chômage est inconnue ou relativement courte. 

[34] Le prestataire a aussi dit à la Commission qu’il passait des coups de fil pour trouver du travail à X et qu’il avait possiblement un emploi dans un restaurant qui était fermé en raison de la COVID-19, mais qui devait rouvrir dès qu’il y aurait une hausse de l’achalandage en saison touristiqueNote de bas de page 17. Il a aussi posé sa candidature dans trois épiceries de la région.

[35] J’admets que le prestataire préférait retourner travailler chez A (à Mississauga). Cependant, durant sa période d’inadmissibilité, il n’en faisait pas assez soit pour obtenir la permission de se rendre à cet endroit et donc d’y travailler, soit pour trouver du travail à moins de 40 km de sa résidence. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi le 28 février 2022. Il n’a pas demandé la permission de se déplacer, malgré la possibilité d’emploi à Mississauga. Puis, le 15 juin 2022, la Commission lui a demandé de dresser la liste de tous les emplois auxquels il avait posé sa candidature depuis le 28 février 2022. Sa liste comptait seulement cinq endroitsNote de bas de page 18. Le 15 août 2022, lors d’une nouvelle entrevue, le prestataire a dit qu’il avait vérifié s’il y avait du travail dans deux autres restaurants et un hôtelNote de bas de page 19. 

[36] Seules les personnes qui cherchent activement du travail peuvent recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. Ainsi, pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi qu’il demande, il fallait que le prestataire essaie de trouver un emploi chaque jour de sa période de prestations. Les cours ont affirmé que les démarches de recherche d’emploi des prestataires doivent être suffisantes pour prouverNote de bas de page 20 l’existence d’une recherche d’emploi active, continueNote de bas de page 21 et vaste qui s’oriente vers l’obtention d’un emploi convenableNote de bas de page 22. 

[37] Les démarches de recherche d’emploi effectuées par le prestataire à partir du 28 février 2022 ne répondent pas à cette norme. Cela est d’autant plus vrai que le prestataire a dit à la Commission qu’il cherchait un emploi à temps plein au salaire minimum et à moins de 40 km de sa résidenceNote de bas de page 23 – et l’information sur le marché du travail montrait qu’un grand nombre de possibilités d’emploi s’offraient au prestataireNote de bas de page 24. 

[38] Cela signifie qu’il ne répond pas à la condition du deuxième élément de la décision Faucher.

c) Le troisième élément de la décision Faucher

[39] Enfin, en ce qui concerne le troisième élément de la décision Faucher, je conclus que le prestataire a établi des conditions personnelles qui ont limité indûment ses chances de retourner au travail pendant chaque jour ouvrable de sa période de prestations. 

[40] Voici ce que le prestataire a dit à la Commission :

  • Il avait un emploi qui l’attendait à Mississauga, mais une des conditions de sa libération était de ne pas se trouver à plus de 40 km de sa résidence à X.
  • Il habite à 8 km de la ville de X.
  • Il est incapable de travailler parce qu’il est trop loin de la ville.
  • Il n’avait pas de permis de conduire pour des raisons médicales. Mais cela ne servirait à rien de travailler s’il devait payer pour utiliser le service Uber ou prendre un taxi. Un taxi pour se rendre en ville lui coûterait 30 $.
  • Tous les emplois qu’il a vus offrent le salaire minimum. Il payerait 60 $ par jour de taxi et reviendrait avec seulement 40 $ à la maison.
  • Il y a un autobus Greyhound, mais il passe seulement certains jours – vendredi, dimanche, lundi et mercredi.
  • Il a offert de travailler au C du coin les jours où il y avait un autobus, mais il n’a pas été embauché parce qu’il fallait du personnel à l’arrivée de la marchandise.
  • Les employeurs ne veulent pas de lui parce que, même s’il prenait un taxi, le service n’est pas fiable.
  • Il a passé des entrevues et offert de travailler selon les jours et les heures du parcours d’autobus, mais les entreprises voulaient quelqu’un qui puisse travailler tous les jours.
  • Il voulait recommencer à travailler comme mécanicien, mais il s’est fait voler ses outils et ne peut pas se permettre d’en acheter d’autres.

[41] La preuve montre que le prestataire limitait ses disponibilités pour le travail à certains jours de la semaine et qu’il a refusé au moins une offre d’emploi en raison de problèmes pour se déplacer, même s’il aurait pu prendre un taxi pour se rendre au travail les jours où l’autobus ne passait pasNote de bas de page 25. Ces restrictions limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. En conséquence, le prestataire ne remplit pas l’exigence du troisième élément de la décision Faucher.

[42] Le prestataire doit répondre aux conditions des trois éléments de la décision Faucher pour prouver sa disponibilité au sens de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi. Selon les conclusions que j’ai tirées, il n’en remplit aucune. Par conséquent, je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable à compter du 28 février 2022.

[43] Par conséquent, il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi à compter de cette date parce qu’il n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler.

Conclusion

[44] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi à compter du 28 février 2022. Par conséquent, je conclus qu’il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi à compter de cette date parce qu’il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler.

[45] Ainsi, l’inadmissibilité imposée à compter du 28 février 2022 reste en vigueur.

[46] L’appel est rejeté.

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