Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1348

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (546302) datée du 29 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Benson Cowan
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 juin 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 18 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-23-318

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue puis a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Une exemption religieuse lui avait été accordée. Elle a d’abord été mise en congé administratif, puis elle a reçu la permission de travailler de la maison. Cependant, les mesures d’adaptation ont pris fin. Elle a été suspendue puis congédiée. Selon elle, on aurait dû lui donner la permission de continuer à travailler de la maison ou de recevoir d’autres mesures d’adaptation.

[4] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelante était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[5] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[6] Pour répondre à la question de savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pourquoi l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[7] Je conclus que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[8] L’appelante affirme qu’on lui a offert une mesure d’adaptation pour ses croyances religieuses, mais que celle-ci a ensuite été annulée. L’appelante a eu l’occasion de se faire vacciner. Elle a refusé de le faire. Elle a été suspendue puis congédiée.

[9] La Commission semble douter que l’appelante ait reçu une mesure d’adaptation. Cependant, elle convient qu’elle a finalement été suspendue, puis congédiée pour ne pas avoir respecté la politique de vaccination de son employeur.

[10] La Commission n’a pas communiqué avec l’employeur et n’a pas reçu d’information de sa part au sujet de cette affaire. L’appelante a dit à la Commission qu’elle avait reçu une mesure d’adaptation. La Commission affirme qu’il n’y a aucune preuve qui démontre cela. Ce n’est pas vrai. L’appelante a expliqué ce qui s’était passé : il s’agit d’un élément de preuve. D’ailleurs, la Commission ne disposait d’aucune information provenant de l’employeur ni d’une autre source qui laissait croire le contraire. De plus, dans le cadre du présent appel, l’appelante a fourni un dossier complet de la correspondance qui comprend une confirmation de la mesure d’adaptation.Note de bas de page 2

[11] Je conclus que l’appelante a reçu une mesure d’adaptation pour motifs religieux. Cette mesure d’adaptation a ensuite été annulée, et l’appelante a été suspendue puis congédiée pour ne pas s’être conformée à la politique de vaccination obligatoire de son employeur.

La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[12] La raison du congédiement de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[13] Le mot inconduite se trouve dans la Loi sur l’assurance-emploi. Ce mot peut induire les prestataires en erreur. La présente affaire met en lumière cette difficulté. L’appelante s’est comportée de façon respectueuse. Ses croyances religieuses profondes ont motivé sa conduite. Toutefois, sa conduite contrevenait aux politiques de son employeur. Même si la loi ne reprend pas ce sens, le sens ordinaire du mot inconduite peut faire croire à une partie prestataire qu’elle a fait quelque chose de mal. Ce n’est pas toujours le cas. Et ce n’est certainement pas le cas en l’espèce. Même si ce mot a des connotations malheureuses, c’est le mot qui se trouve dans la loi. Je dois donc vérifier si les gestes posés par l’appelante constituent une inconduite.

[14] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal).Note de bas de page 3 Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 4 L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 5

[15] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raison.Note de bas de page 6

[16] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 7

[17] Je peux trancher les questions en vertu de la Loi seulement. Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options en vertu d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si son employeur l’a congédiée à tort ou s’il aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation. Je ne peux examiner qu’une seule chose : la question de savoir si ce que l’appelante a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[18] L’appelante travaillait dans un centre pour personnes âgées. Il s’agissait d’un emploi difficile, mais elle aimait ce travail. Entre autres, cet emploi lui permettait d’être au service des gens de sa communauté. Dès le début de la COVID-19, son travail est devenu encore plus difficile. Les résidentes et résidents du centre étaient vulnérables à la COVID-19. Les règles de santé publique imposaient des restrictions aux personnes âgées quant aux visites, y compris les visites familiales. L’appelante et ses collègues travaillaient de longues heures dans des circonstances très difficiles pour protéger la santé et la sécurité des résidentes et résidents.

[19] Le 13 septembre 2021, l’appelante a été avisée que son employeur avait mis en place une politique de vaccination conformément à un mandat de l’Alberta Public Health. La politique exigeait qu’elle soit entièrement vaccinée au plus tard le 31 octobre 2021. Le 20 octobre 2021, la date limite a été reportée au 30 novembre 2021.

[20] La politique permettait aux employés de demander des mesures d’adaptation en milieu de travail pour des raisons médicales ou pour d’autres motifs protégés par l’Alberta Human Rights Act. Les employés qui n’avaient pas reçu de mesures d’adaptation ou qui n’avaient pas été entièrement vaccinés dans les délais prescrits étaient placés en congé sans solde jusqu’à ce qu’ils s’y conforment. Si, au plus tard le 10 janvier 2022, un employé n’avait toujours pas l’intention de se faire entièrement vacciner, on procéderait au congédiement.

[21] L’appelante affirme que lorsque sont devenus disponibles les premiers vaccins contre la COVID-19, elle a effectué des recherches. Ainsi, elle a constaté qu’il existait un lien entre la conception du vaccin et l’utilisation de produits dérivés de cellules fœtales humaines et de recherches liées à ces dernières. L’utilisation de tout produit qui repose sur des lignées de cellules fœtales est contraire à ses croyances religieuses. Elle a demandé des mesures d’adaptation pour motifs religieux. Elle a fourni une lettre à l’appui de sa demande écrite par un pasteur et un chef de son église.

[22] Le 29 novembre 2021, l’appelante a obtenu une mesure d’adaptation. Elle a été placée en congé du 1er décembre 2021 au 28 février 2022. L’employeur a précisé que la période de congé serait reconsidérée quelque temps avant le 28 février 2022.

[23] Le 16 février 2022, l’employeur a modifié sa mesure d’adaptation. On lui a assigné un travail qu’elle pouvait faire à distance. Elle travaillait deux jours par semaine sur une gamme de tâches financières et administratives.  

[24] Le 20 avril 2022, l’employeur lui a fait parvenir une lettre indiquant qu’un nouveau vaccin était disponible et qu’il n’avait [traduction] « aucun lien » avec les lignées de cellules fœtales. Son employeur a organisé une réunion pour discuter de la question de savoir si elle remplissait toujours les conditions requises pour recevoir des mesures d’adaptation.  

[25] L’appelante a fait davantage de recherches de son côté. À la lumière de sa recherche, elle estimait que la production du nouveau vaccin était toujours liée aux lignées de cellules fœtales. Elle ne pouvait pas accepter de recevoir le vaccin dans ces circonstances. Pour cette raison, elle a demandé que la période d’application de sa mesure d’adaptation soit prolongée.

[26] Le 17 mai 2022, l’employeur lui a fait parvenir une lettre indiquant qu’il ne maintiendrait pas sa mesure d’adaptation. Sa mesure d’adaptation allait prendre fin le 31 mai 2022. Si elle n’était pas entièrement vaccinée à ce moment-là, elle serait suspendue. Si elle n’avait toujours pas l’intention de se faire vacciner avant le 4 juillet 2022, elle serait congédiée.

[27] L’appelante, pour les raisons décrites ci-dessus, n’a pas changé d’idée : elle a choisi de ne pas se faire vacciner. Le 4 juillet 2022, l’appelante a été congédiée de son emploi.

[28] La Commission affirme que les gestes de l’appelante constituaient une inconduite au sens de la loi. Elle savait qu’elle serait suspendue, puis congédiée si elle ne respectait pas la politique de vaccination de son employeur.

[29] L’appelante conteste certaines observations de la Commission. Par exemple, la Commission a dit qu’elle était [traduction] « contre le vaccin ». Selon l’appelante, la Commission a mal énoncé et mal compris sa position. Elle affirme qu’elle ne s’opposait pas aux vaccins, simplement elle ne pouvait pas utiliser un produit dérivé de l’utilisation de cellules fœtales. De plus, elle était frustrée par la façon dont la Commission qualifiait ses croyances religieuses. La Commission a déclaré que la lettre que le pasteur a fournie lui laissait le choix de se faire vacciner ou non. Selon la Commission, elle doit recevoir une lettre indiquant que ses croyances religieuses ne lui donnent aucun choix quant à la vaccination. L’appelante affirme qu’il s’agit d’une mauvaise représentation des croyances religieuses – l’église n’ordonne pas aux gens de penser ou de faire telle ou telle chose. L’appelante soutient que les croyances religieuses n’ont pas pour but de subjuguer les personnes croyantes aux ordres de leur église.    

[30] Je suis d’accord avec la Commission en ce qui concerne le congédiement de l’appelante. Je conclus que l’appelante a été suspendue le 1er juin 2022, puis congédiée le 4 juillet 2022 parce qu’elle a enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle savait que cela pouvait se produire si elle refusait toujours de se faire vacciner après la fin de ses mesures d’adaptation.

[31] L’appelante n’était pas d’accord avec la politique. Elle était déçue que son employeur continuait de l’imposer alors qu’il n’était plus obligé de le faire en vertu du mandat de l’Alberta Public Health. Elle se sentait trahie par son employeur. De plus, elle estimait avoir droit à des mesures d’adaptation continues. Cependant, tout au long du processus, elle savait que son employeur la suspendrait et la congédierait si elle ne se faisait pas vacciner.

[32] Je partage certaines des préoccupations de l’appelante quant à l’interprétation de la Commission de sa position, son expression insensible et sa représentation inexacte de ses croyances religieuses. Même si l’appelante n’avait pas droit à des mesures d’adaptation continues, il ne faisait aucun doute que ses croyances étaient sincères et importantes pour elle. Elle a pris le temps et a fait des efforts pour les expliquer soigneusement et poliment. Elle avait le droit de les faire consigner avec exactitude et de les faire respecter.

[33] J’ai expliqué ci-dessus mes préoccupations au sujet du terme inconduite. Mais c’est le mot qui se trouve dans la loi et je dois appliquer la loi. À la lumière de mes conclusions précédentes, je conclus que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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