Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 377

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (530482) datée du 3 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 22 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 2 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3144

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel de la prestataire. La présente décision explique pourquoi.

[2] Les circonstances exceptionnelles de la prestataire expliquent son retard à demander des prestations d’assurance-emploi pour la période du 9 janvier 2022 au 29 janvier 2022. Ainsi, ses demandes peuvent être traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt.

Aperçu

[3] L’appel porte sur les trois semaines de chômage que la prestataire a accumulées du 9 janvier 2022 au 29 janvier 2022Note de bas de page 1. Après avoir été licenciée, la prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi. Elle est retournée au travail du 31 janvier 2022 au 6 juin 2022. Je ne suis saisie d’aucune autre demande d’assurance-emploi, que ce soit avant ou après janvier 2022.

[4] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, il faut présenter une demande pour chaque semaine durant laquelle on n’a pas travaillé et pour laquelle on souhaite recevoir des prestationsNote de bas de page 2. Pour ce faire, il faut présenter des déclarations à la Commission de l’assurance-emploi du Canada toutes les deux semaines par téléphone ou en ligne. Il y a des délais à respecter pour les déclarations bimensuellesNote de bas de page 3.

[5] Le 15 mars 2022, la prestataire a essayé de présenter ses demandes pour les semaines du 9 janvier 2022 et du 16 janvier 2022. Cependant, le système en ligne ne les a pas acceptées parce qu’elles étaient en retard. La prestataire souhaite que ces demandes et la suivante soient traitées comme si elle les avait présentées plus tôt.

[6] Pour que ce soit possible, la prestataire doit démontrer qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée. Elle affirme qu’elle avait un motif valable parce qu’elle ne connaissait pas le fonctionnement de l’assurance-emploi. Elle a tenté d’appeler la Commission, sans succès. Elle dit qu’elle avait des problèmes personnels, financiers et de santé et qu’elle ne savait pas comment obtenir de l’aide en raison de la COVID-19.

[7] La Commission affirme que la prestataire n’avait pas de motif valable. Elle a refusé d’antidater ses demandes. Elle soutient qu’une personne raisonnable et prudente n’aurait pas attendu le 16 juin 2022 pour l’appeler et présenter des demandes multiples et répétées.

La question que je dois trancher

[8] La prestataire avait-elle un motif valable justifiant son retard à demander des prestations d’assurance-emploi?

Document soumis après l’audience

[9] Après l’audience, la prestataire a présenté une lettre de sa médecin au sujet de ses problèmes de santé mentale. J’ai accepté ce document comme étant pertinent à son appel et je l’ai transmis à la Commission. Toutefois, celle-ci n’a pas jugé que cette information était pertinente à son retard.

Analyse

[10] La prestataire veut que ses demandes de prestations d’assurance-emploi soient traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt, soit à la date où elles devaient être présentées. C’est ce qu’on appelle « antidater » une demande.

[11] Pour que ses demandes soient antidatées, la prestataire doit démontrer qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écouléeNote de bas de page 4. La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

[12] Pour démontrer qu’elle avait un motif valable, la prestataire doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 5. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.

[13] La prestataire doit aussi démontrer qu’elle a vérifié assez rapidement ce qu’elle devait faire pour obtenir des prestationsNote de bas de page 6. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’elle a fait de son mieux pour essayer de s’informer sur ses droits et responsabilités dès que possible. Si la prestataire ne l’a pas fait, elle doit alors démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéeNote de bas de page 7.

[14] La prestataire doit le prouver pour toute la période du retardNote de bas de page 8. Cette période s’étend du jour où elle veut que ses demandes soient antidatées au jour où elle a présenté ses demandes.

Les demandes de la prestataire étaient-elles en retard? À quel point?

[15] Parfois, il est difficile de déterminer à quel moment une demande a été présentée parce qu’on n’a plus accès au système de déclaration après une période d’inactivité. Il est alors impossible de présenter ses déclarations bimensuelles. Lorsqu’une première déclaration est en retard, on ne peut plus accéder au système pour les déclarations suivantes. Il faut appeler la Commission pour corriger la situation.

[16] La preuve montre que le système de déclaration en ligne a bloqué l’accès à la prestataire pour la première fois le 15 mars 2022. La prestataire a réessayé d’y accéder le 16 mars 2022. Plus tard dans la journée, elle a présenté une autre demande de prestations concernant son licenciement en janvier 2022. La Commission affirme qu’il s’agissait d’une demande renouvelée. Le 15 juin 2022, il semble que la prestataire ait essayé de présenter une demande en ligne pour des semaines en mars 2022. Le 16 juin 2022, elle a demandé que sa demande de janvier 2022 soit antidatée.

[17] La Commission affirme que le retard a pris fin lorsque la prestataire lui a téléphoné le 16 juin 2022.

[18] Cependant, j’interprète le jour où la prestataire a tenté de présenter une demande pour la première fois comme le jour où son retard a pris fin. J’estime donc que son retard a pris fin le 15 mars 2022.

[19] La Commission affirme que la demande de janvier 2022 était une demande initiale. La prestataire devait donc faire ses déclarations dans les trois semaines suivant la date de fin de la période visée par ses déclarations. Autrement dit, pour la période de deux semaines commençant le 9 janvier 2022 et se terminant le 22 janvier 2022, la date limite de déclaration était le 12 février 2022. Pour la semaine du 23 janvier 2022 au 29 janvier 2022, la date limite était le 19 février 2022.

[20] Par conséquent, la première déclaration de la prestataire avait 31 jours de retard. Sa deuxième déclaration avait 24 jours de retard. Ce ne sont pas de longs retards. Cependant, la loi précise que ce n’est pas la durée du retard qui compte, mais la raison du retard.

Quelle était la raison du retard de la prestataire? Avait-elle un motif valable?

[21] La prestataire affirme qu’elle avait un motif valable. Elle dit qu’elle ne comprenait pas le fonctionnement de l’assurance-emploi. Elle se demandait pourquoi elle n’avait pas encore reçu de réponse à sa demande pour la période allant de novembre 2020 à juillet 2021. Elle dit qu’elle a toujours fait ses déclarations par téléphone. Elle a tenté sans succès d’appeler la Commission lorsque ses déclarations en ligne ont échoué. Elle dit qu’elle avait des problèmes personnels et de santé et qu’elle ne savait pas comment obtenir de l’aide en raison de la COVID-19.

[22] La Commission affirme que la prestataire n’avait pas de motif valable puisqu’une personne raisonnable dans sa situation aurait agi plus tôt pour savoir comment demander des prestations. La Commission a jugé que les problèmes de santé mentale de la prestataire n’avaient rien à voir avec le fait qu’elle ait tardé à présenter ses demandes. Selon la Commission, la prestataire aurait eu assez de bonnes journées pour pouvoir demander de l’aide.

[23] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que la prestataire n’a pas pris les mesures nécessaires pour savoir comment déposer une demande à temps et qu’elle n’a pas fait de suivi rapide lorsque ses tentatives en ligne ont échoué. Elle n’a donc pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans sa situation.

[24] Cependant, j’estime que les circonstances de la prestataire étaient exceptionnelles. La lettre de sa médecin le prouve. Selon moi, je ne peux pas rejeter ses problèmes de santé mentale documentés en les jugeant non pertinents à son retard puisqu’ils semblent expliquer, du moins en partie, la façon désordonnée dont elle a agi.

[25] Par conséquent, les circonstances exceptionnelles de la prestataire la dispensent d’agir comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente.

[26] Cela signifie que la prestataire satisfait au critère juridique du motif valable justifiant son retard à présenter ses demandes pendant toutes les semaines de son retard.

[27] La prestataire espérait que l’appel couvrirait toutes les demandes en attente qu’elle a présentées ou qu’elle voulait présenter. Toutefois, elle devra communiquer avec la Commission pour faire un suivi de toute autre demande. Ma décision ne s’applique qu’aux trois semaines de sa demande, c’est-à-dire du 9 janvier 2022 au 29 janvier 2022.

Conclusion

[28] Les demandes de prestations de la prestataire pour la période du 9 janvier 2022 au 29 janvier 2022 peuvent être traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt. Elles peuvent donc être antidatées aux dates que la prestataire aurait dû les présenter.

[29] Voilà pourquoi j’accueille l’appel de la prestataire.

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