Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1360

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : K. Z.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : A. Fricker

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 19 mai 2023 (GE-22-2735)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 9 octobre 2023
Numéro de dossier : AD-23-625

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale n’a commis aucune erreur révisable.

Aperçu

[2] L’appelante, K. Z. (prestataire), a été suspendue de son emploi. Son employeur a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19 qui exigeait que le personnel déclare son statut vaccinal. La prestataire n’a pas dit à l’employeur si elle était vaccinée et l’employeur l’a suspendue.

[3] La prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations.

[4] La prestataire a porté cette décision en appel à la division générale du Tribunal. La division générale a rejeté l’appel. Elle a conclu que la Commission avait prouvé que la raison de la suspension de la prestataire était considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[5] La prestataire fait maintenant appel de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[6] Je rejette l’appel de la prestataire. La division générale n’a commis aucune erreur révisable dans sa décision. La prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite et ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Questions en litige

[7] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’appliquer le bon critère d’inconduite?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner si la prestataire avait fait l’objet de discrimination?
  3. c) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante en omettant de considérer que la convention collective et le contrat de travail de la prestataire n’exigeaient pas la vaccination?

Analyse

[8] Je peux intervenir dans la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc vérifier si la division généraleNote de bas page 1 :

  • a omis d’offrir une procédure équitable;
  • a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

La division générale n’a commis aucune erreur révisable

La décision de la division générale

[9] La division générale a examiné les raisons de la suspension de la prestataire. Elle a souligné que l’employeur avait envoyé un courriel à la prestataire pour l’informer qu’elle devait confirmer son statut vaccinal au plus tard le 30 octobre 2021, sinon elle serait suspendueNote de bas page 2.

[10] La prestataire a répondu à son employeur qu’elle ne lui fournirait pas de renseignements personnels sur sa santé. La prestataire a été suspendue le 15 novembre 2021Note de bas page 3. La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue pour non-respect de la politiqueNote de bas page 4.

[11] La division générale a évalué si la raison de cette suspension était considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a cité le critère juridique de l’inconduite établi par la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédéraleNote de bas page 5.

[12] La division générale a ensuite appliqué le critère juridique, comme établi par la jurisprudence, à la situation de la prestataire. Elle a conclu que la Commission avait prouvé que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique qui exigeait que le personnel confirme son statut vaccinal dans certains délais.
  • La prestataire était au courant de la politique.
  • La prestataire connaissait les conséquences de ne pas s’y conformer, plus précisément elle savait qu’elle serait suspendue si elle ne s’y conformait pas.
  • La prestataire a intentionnellement omis de fournir son statut vaccinal et a été suspendueNote de bas page 6.

La division générale n’a commis aucune erreur de droit

[13] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas correctement le critère juridique relatif à l’inconduite. Plus précisément, la prestataire affirme qu’une inconduite exige qu’il y ait manquement à une obligation expresse ou implicite découlant d’un contrat de travail. Elle soutient que la division générale n’a pas mentionné cet aspect du critère d’inconduiteNote de bas page 7.

[14] La prestataire soutient qu’elle a le droit reconnu par la loi de s’assurer que ses antécédents médicaux sont confidentiels et que sa vie privée est protégée. Elle affirme qu’elle exerçait seulement ses droits reconnus par la loi et que c’est l’employeur qui a commis l’inconduiteNote de bas page 8.

[15] La prestataire soutient également que la division générale a commis une erreur en omettant d’évaluer si le traitement que son employeur lui a réservé était discriminatoire. Elle affirme que la loi la protège contre la discrimination et que son employeur ne devrait pas être autorisé à rendre son emploi conditionnel au respect de critères discriminatoiresNote de bas page 9.

[16] Je conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en omettant d’appliquer le bon critère d’inconduite. La division générale a énoncé le critère d’inconduite établi par la jurisprudence. Elle n’a pas fait référence à l’affaire sur laquelle la prestataire s’est fondée, mais elle a énoncé le même principe établi dans une autre décision de la Cour d’appel fédérale.

[17] La division générale a déclaré qu’il y a inconduite si une prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendueNote de bas page 10.

[18] La division générale a déclaré qu’elle ne pouvait pas évaluer si l’employeur avait eu raison de créer, de mettre en œuvre et d’appliquer une politiqueNote de bas page 11. Elle a conclu que la politique de vaccination était devenue une condition expresse de l’emploi de la prestataire après sa mise en œuvreNote de bas page 12.

[19] La division générale s’est fondée à juste titre sur les principes généraux de ces affaires qui sont pertinents pour déterminer si une personne a été congédiée ou suspendue en raison d’une inconduite.

[20] La division générale a examiné et abordé les arguments que la prestataire présente dans son appel concernant la transgression de ses droits par l’employeur et la discrimination à son égard. La division générale a expliqué, en faisant référence à la jurisprudence contraignante, pourquoi elle n’était pas d’accord avec la prestataireNote de bas page 13. J’estime que ces arguments ne constituent pas des erreurs de la part de la division générale.

[21] La division générale a mentionné dans ses motifs une décision récente de la Cour fédérale, Cecchetto c Canada (Procureur général). Cette décision portait sur la question de l’inconduite et du refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas page 14. La Cour a convenu qu’un employé qui décidait délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur perdait son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 15.

[22] Dans l’affaire Cecchetto, le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite et qu’il n’a pas été prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire se disait victime de discrimination en raison d’un choix médical personnel. Il a prétendu qu’il avait le droit de contrôler son intégrité corporelle et que ses droits avaient été transgressés au titre du droit canadien et du droit internationalNote de bas page 16.

[23] La Cour a confirmé qu’il ne s’agit pas de questions sur lesquelles le Tribunal est légalement autorisé à se pencher. Elle a confirmé que le Tribunal ne peut pas examiner la conduite de l’employeur ni la validité de la politique de vaccinationNote de bas page 17. La Cour a convenu qu’un employé qui décide délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur perd son emploi en raison d’une inconduite.

La division générale n’a pas fondé sa décision sur des erreurs de fait

[24] La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait que son contrat de travail et sa convention collective ne mentionnent pas l’obligation de se faire vacciner ou de confirmer la vaccination. Selon elle, son employeur ne peut pas mettre en place des politiques qui contredisent son contrat de travailNote de bas page 18.

[25] La division générale n’a commis aucune erreur de fait ou de droit en omettant d’examiner la légalité de la politique de l’employeur. La Cour d’appel fédérale a déclaré que la question de savoir si un employeur a enfreint une convention collective n’est pas pertinente lorsqu’on étudie la question de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. En effet, ce n’est pas la conduite de l’employeur qui est en cause et ces questions peuvent être traitées par d’autres instancesNote de bas page 19.

[26] La Cour fédérale a rendu dernièrement une autre décision, Kuk c Canada (Procureur général), sur la question de savoir si une inconduite peut survenir dans des circonstances semblables à celles de la prestataireNote de bas page 20. M. Kuk a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur, qui n’était pas prévue dans son contrat de travail.

[27] La division générale a conclu que la Commission avait prouvé l’inconduite. La division d’appel a conclu que la division générale n’avait commis aucune erreur révisable. M. Kuk a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision de la division d’appel. Il a soutenu que la division d’appel avait commis une erreur en concluant qu’il avait manqué à ses obligations contractuelles en ne se faisant pas vacciner.

[28] La Cour a écrit :

[traduction]

[34] […] Comme la Cour d’appel fédérale l’a confirmé dans Nelson, il n’est pas nécessaire qu’une politique écrite de l’employeur existe dans le contrat de travail initial pour justifier une inconduite (voir paragraphes 22 à 26). Une politique écrite communiquée à un employé peut constituer en soi une preuve suffisante que l’employé savait objectivement « que le congédiement pouvait être une conséquence réelle » de ne pas se conformer à cette politique. Le contrat et la lettre d’offre du demandeur ne comprennent pas les conditions complètes, explicites ou implicites, de son emploi […]. Il est bien reconnu en droit du travail que les employés ont l’obligation de se conformer aux politiques de santé et de sécurité qui sont mises en œuvre par leurs employeurs au fil du temps.

[…]

[37] De plus, contrairement à ce que laisse entendre le demandeur, le Tribunal n’a pas l’obligation de se concentrer sur le langage contractuel ni de décider si le prestataire a été congédié à juste titre selon les principes du droit du travail lorsqu’il examine une inconduite au titre de la [Loi sur l’assurance-emploi]. Comme je l’ai mentionné plus haut, le critère de l’inconduite porte plutôt sur la question de savoir si une partie prestataire a intentionnellement commis un acte (ou a omis de commettre un acte) contraire à ses obligations professionnelles.

[29] La Cour fédérale a conclu que, pour qu’il y ait inconduite, il n’était pas nécessaire qu’il y ait eu rupture du contrat de travail. Une inconduite peut survenir même s’il y a eu manquement à une politique qui ne faisait pas partie du contrat de travail initial.

[30] L’employeur de la prestataire a mis en place une politique qui prévoyait la suspension pour non-respect de la politique. La politique est devenue une condition d’emploi. Lorsque la prestataire a choisi de ne pas s’y conformer, sa conduite a nui à sa capacité d’effectuer son travail parce qu’elle ne pourrait pas continuer à travailler.

[31] La prestataire n’a pas établi que la division générale a commis une erreur révisable dans sa décision.

Conclusion

[32] La division générale a correctement cité et appliqué la loi concernant l’inconduite. Elle a étayé ses conclusions par des éléments de preuve et a expliqué son raisonnement. Elle n’a pas commis d’erreur révisable lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite.

[33] L’appel est rejeté.

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