Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1361

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. Z.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (486201) datée du 23 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paula Turtle
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 24 avril 2023
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 18 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-2735

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue de son emploi. L’employeur de l’appelante a déclaré qu’elle a été suspendue parce qu’elle allait à l’encontre de sa politique de vaccination contre la COVID-19 : elle ne leur a pas dit si elle s’était fait vacciner.

[4] L’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé, mais elle affirme qu’aller à l’encontre de cette politique n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a décidé que l’appelante avait été suspendue en raison d’une inconduite. La Commission a donc décidé que l’appelante était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] L’appelante savait que la politique l’obligeait à dire à son employeur si elle avait été vaccinée. Elle ne l’a pas fait et a donc été suspendue. Cependant, elle a une convention collective. La convention collective ne dit pas qu’elle doit donner à son employeur des renseignements personnels sur sa santé.

[7] La suspension a pris fin et l’appelante a repris le travail en juillet 2022.

Question en litige

[8] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Pour décider si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois déterminer la raison pour laquelle l’appelante a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère qu’il s’agit d’une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue?

[10] J’estime que l’appelante a été suspendue de son emploi parce qu’elle allait à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

[11] L’appelante a déclaré à la Commission qu’elle avait été suspendue parce qu’elle n’avait pas dit à son employeur si elle s’était fait vacciner.

[12] L’employeur lui a envoyé un courriel le 22 octobre 2021. Le courriel et les pièces jointes indiquaient à l’appelante qu’elle devait dire à son employeur si elle était vaccinée au plus tard le 30 octobre 2021. Sinon, elle serait suspendue.

[13] L’appelante a envoyé un courriel à son employeur le 30 octobre 2021. Elle a dit qu’elle ne communiquerait pas de renseignements personnels sur sa santé à l’employeur. Elle n’a pas mentionné son statut vaccinal.

[14] L’employeur a envoyé un courriel à l’appelante le 4 novembre 2021. Le courriel indiquait qu’elle n’avait pas dit à l’employeur si elle était entièrement vaccinée. Elle serait donc suspendue le 15 novembre 2021.

[15] Le courriel du 4 novembre 2021 disait aussi que si elle se faisait vacciner après avoir dit qu’elle ne donnerait pas ces renseignements, elle devrait en informer l’employeur.

[16] Il ressort clairement des courriels échangés entre l’employeur et l’appelante qu’elle a été suspendue parce qu’elle ne voulait pas lui dire si elle était vaccinée.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[17] La raison de la suspension de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[18] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 2. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas page 4.

[19] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas page 5.

[20] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 6.

[21] J’ai seulement le pouvoir de trancher des questions en vertu de la Loi. Je ne peux pas décider si d’autres lois peuvent s’appliquer pour faire respecter les droits de l’appelante. Il ne m’appartient pas de décider si l’appelante a été suspendue injustement ou si la politique était raisonnableNote de bas page 7. Ces questions peuvent être réglées en déposant un grief en vertu de la convention collective. Je peux examiner une seule chose : si ce que l’appelante a fait ou omis de faire est une inconduite selon la Loi.

[22] La Cour d’appel fédérale a jugé une affaire appelée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas page 8. Dans cette affaire, M. McNamara a été congédié conformément à la politique de son employeur sur le dépistage des drogues. Il a prétendu qu’il n’aurait pas dû être congédié parce que le test de dépistage était injustifié dans les circonstances. Selon lui, ces circonstances comprenaient notamment le fait qu’il n’y avait pas de motif raisonnable de penser qu’il était incapable de travailler de façon sécuritaire en raison de la consommation de drogues, et que les résultats du dernier test qu’il avait passé auraient dû être applicables. Essentiellement, M. McNamara a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que les actions de son employeur concernant son congédiement étaient injustes.

[23] En réponse aux arguments de M. McNamara, la Cour d’appel fédérale a déclaré avoir toujours dit que, dans les cas d’inconduite, « il n’appartient pas au conseil ou au juge-arbitre de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt il leur appartient de dire si l’acte ou l’omission reproché à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». La Cour a ajouté que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a souligné qu’un employé qui a été congédié à tort « a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ». Ces autres recours comprennent le dépôt d’un grief, comme le syndicat de l’appelante l’a fait dans la présente affaire.

[24] Une affaire plus récente que la décision McNamara est celle de Paradis c Canada (Procureur général)Note de bas page 9. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de drogues. M. Paradis a prétendu avoir été congédié à tort, car les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas eu les facultés affaiblies au travail et l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses politiques et aux lois provinciales sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur l’affaire McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur n’était pas un facteur pertinent au moment de décider s’il y a eu inconduite au sens de la LoiNote de bas page 10.

[25] Une autre affaire semblable de la Cour d’appel fédérale est la décision Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas page 11. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a fait valoir que, comme la dépendance à l’alcool était reconnue comme une invalidité, son employeur était tenu de lui fournir des mesures d’adaptation. La Cour a répété que le point central de l’affaire est l’acte ou l’omission de l’employé, tandis que le fait que l’employeur n’a pas pris de mesure d’adaptation pour son employé n’est pas un facteur pertinentNote de bas page 12.

[26] Ces affaires ne concernent pas les politiques de vaccination contre la COVID-19. Cependant, les principes abordés sont toujours pertinents. Mon rôle n’est pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de décider s’il a eu raison de congédier l’appelante. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et voir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi.

[27] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que :

  • l’employeur avait une politique de vaccination;
  • l’employeur a dit à l’appelante que la politique exigeait qu’elle lui dise si elle était vaccinée;
  • l’employeur a envoyé des courriels et des avis à l’appelante pour l’informer de ses attentes;
  • l’appelante savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait si elle ne respectait pas la politique.

[28] L’appelante affirme que la politique est injuste et transgresse ses droits. Son syndicat a déposé un grief à ce sujet.

[29] Selon la Commission, le fait que la politique de vaccination ne figure pas dans la convention collective importe peu. L’appelante était au courant de la politique. Elle savait qu’elle serait suspendue si elle ne respectait pas la politique. Elle a décidé de ne pas suivre la politique.

[30] La Commission affirme qu’il importe peu que l’appelante et son syndicat pensent que la politique est injuste. Le travail du Tribunal n’est pas de décider si la politique est injuste. Son travail est de décider si l’appelante a volontairement décidé de ne pas suivre la politique.

[31] L’appelante savait que l’employeur avait une politique de vaccination parce que les gens en parlaient au travail. Elle affirme que l’employeur a mentionné sa politique pour la première fois dans le courriel du 22 octobre 2021. L’employeur a affirmé à la Commission qu’il avait informé les employés de sa politique le 30 septembre 2021.

[32] L’appelante et l’employeur ne sont pas d’accord sur le moment précis où l’employeur l’a informée de sa politique. Cependant, la date exacte n’a pas d’importance dans ma décision, pour deux raisons.

[33] Premièrement, l’appelante croit que l’employeur n’avait pas le droit de lui demander son statut vaccinal. La décision de l’appelante de ne pas dire à son employeur si elle était vaccinée n’aurait pas changé si elle avait entendu parler de la politique plus tôt et si elle avait eu plus de temps pour se faire vacciner.

[34] Deuxièmement, après que l’employeur a informé l’appelante de la politique le 22 octobre 2021, l’appelante avait encore le temps d’informer l’employeur de son statut vaccinal. Mais elle ne l’a pas fait.

[35] Je comprends que l’appelante croit que l’employeur n’avait pas le droit de se renseigner sur son statut vaccinal. Cependant, je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur avait ce droit. Je peux seulement appliquer la définition d’inconduite au sens de la Loi. Cette définition se concentre sur les actions de l’appelante et non sur l’équité de la politique de l’employeur.

[36] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, parce que l’appelante était au courant de la politique. Elle a eu l’occasion de s’y conformer. Elle ne l’a pas fait. Elle croyait qu’elle n’avait pas à suivre cette politique, qu’elle jugeait injuste et qui ne figurait pas dans la convention collective.

[37] L’appelante a donc dit à l’employeur qu’elle ne lui fournirait pas de renseignements sur son statut vaccinal. Elle comprenait qu’elle serait suspendue si elle ne le faisait pas.

L’appelante a-t-elle donc été suspendue en raison d’une inconduite?

[38] Selon mes conclusions précédentes, je conclus que l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduite.

Conclusion

[39] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi jusqu’à la fin de sa suspension.

[40] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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