Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant a pris un congé de maladie et il a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Il avait précédemment reçu des prestations d’assurance-emploi pour proches aidants ainsi que la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants. L’appelant prenait soin de sa femme.

La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a décidé que l’appelant n’aurait pas été disponible pour travailler s’il n’avait pas été malade. Elle lui a imposé une inadmissibilité pour une période indéterminée à compter du 9 mai 2022. L’appelant a fait appel de la décision de la Commission à la division générale. La division générale a conclu que l’appelant n’aurait pas été disponible pour travailler s’il n’avait pas été malade. Elle a donc rejeté son appel. L’appelant a fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel.

Les personnes qui demandent des prestations de maladie ne sont pas admissibles à ces prestations pour toute période pendant laquelle elles n’auraient pas été disponibles pour travailler si elles n’avaient pas été malades. On ne s’attend pas à ce que ces personnes démontrent qu’elles sont réellement disponibles. On s’attend plutôt à ce qu’elles prouvent que la maladie est la seule raison pour laquelle elles ne sont pas disponibles.

La division d’appel a conclu que la division générale avait commis une erreur de droit en s’attendant à ce que l’appelant prouve qu’il cherchait un emploi pendant qu’il était physiquement incapable de travailler. La division générale a conclu que l’appelant avait un emploi convenable auquel il pouvait retourner, et elle n’a pas expliqué pourquoi il aurait aussi dû chercher du travail. La Commission a convenu que la division générale avait commis une erreur dans l’application du critère relatif à la disponibilité.

La division d’appel a accueilli l’appel. Elle a rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Elle a conclu que l’appelant avait démontré qu’il n’avait pas établi de conditions personnelles qui l’auraient empêché de retourner au travail s’il n’avait pas été malade. Il n’était pas en mesure de travailler en raison de sa maladie causée par le stress. Il a démontré qu’il aurait autrement été disponible pour travailler pendant cette période. La division d’appel a conclu que l’appelant était disponible pour travailler à compter du 9 mai 2022.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : NH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1363

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : N. H.
Représentante ou représentant : J. Z.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Daniel McRoberts

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 17 mars 2023 (GE-22-3797)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 septembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 9 octobre 2023
Numéro de dossier : AD-23-372

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit en appliquant le critère juridique relatif à la disponibilité. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire a prouvé qu’il aurait été disponible pour travailler à partir du 9 mai 2022 s’il n’avait pas été malade.

Aperçu

[2] Le demandeur, N. H. (prestataire), a pris un congé de maladie et a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Il avait déjà reçu des prestations d’assurance-emploi pour proches aidants et la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants. Le prestataire s’occupait de son épouse.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que le prestataire n’aurait pas été disponible pour travailler s’il n’avait pas été malade. Elle lui a imposé une inadmissibilité d’une durée indéterminée à compter du 9 mai 2022.

[4] Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. La division générale a conclu que le prestataire n’aurait pas été disponible pour travailler même s’il n’avait pas été malade, et elle a rejeté son appel.

[5] Le prestataire fait maintenant appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes. Le prestataire soutient qu’il a démontré qu’il aurait été disponible pour travailler s’il n’avait pas été malade. Il affirme que la Commission et la division générale se sont concentrées sur la maladie de son épouse, plutôt que sur la sienne.

[6] La division générale a commis une erreur de droit en appliquant mal le critère juridique relatif à la disponibilité. J’ai décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire a prouvé qu’il aurait été disponible pour travailler à compter du 9 mai 2022 s’il n’avait pas été malade.

Questions en litige

[7] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale ait commis une erreur de droit en appliquant le critère juridique relatif à la disponibilité?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale ait fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes?

Analyse

[8] Je peux intervenir dans la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc vérifier si la division générale aFootnote 1 :

  • omis d’offrir une procédure équitable;
  • omis de décider d’une question qu’elle aurait dû trancher ou décidé d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

Contexte

[9] Le prestataire a fait une demande de prestations de maladie le 28 mai 2022. Il a fourni un certificat médical qui disait qu’il était incapable de travailler du 7 mai 2022 au 30 juin 2022 en raison du stress. Ce stress était lié aux soins qu’il fournissait à son épouseFootnote 2.

[10] La Commission a décidé que le prestataire n’avait pas droit aux prestations parce qu’il s’occupait de son épouse et qu’il n’a pas démontré qu’il aurait autrement été disponible pour travailler s'il n'avait pas été malade.

La décision de la division générale

[11] Dans sa décision, la division générale a conclu que le prestataire n’aurait pas été disponible pour travailler même s’il n’avait pas été malade. Elle a examiné le critère permettant d’établir la disponibilité pour le travail. Elle a conclu que le prestataire n’avait pas fait de démarches pour trouver un emploi convenable, même si elle avait aussi conclu qu’il était en congé et qu’il avait un emploi convenable auquel il pourrait retourner une fois qu’il se sentirait mieuxFootnote 3.

[12] La division générale s’est fondée sur la jurisprudence et a conclu que le prestataire ne pouvait pas attendre d’être appelé au travail, mais qu’il devait chercher un emploi pour avoir droit aux prestationsFootnote 4. Elle a jugé qu’il ne répondait pas à ce critère parce qu’il n’avait pas fait d’autres démarches pour trouver du travail, autre que d’avoir un emploi convenable auquel retournerFootnote 5.

[13] La division générale a également conclu que le prestataire ne souhaitait pas retourner au travail et qu’il avait établi de conditions personnelles qui limitaient excessivement ses chances de retourner au travail.

[14] Le prestataire s’occupait de son épouse, qui était gravement malade. La division générale s’est appuyée sur le témoignage du prestataire et a conclu qu’il était le seul à s’occuper de son épouseFootnote 6. Elle a souligné que le prestataire avait déclaré qu’il aurait pu demander à une autre personne de s’occuper de son épouse, mais a conclu que cela ne s’était pas produit et que le prestataire était le seul à lui avoir fourni des soinsFootnote 7.

[15] À l’audience, la fille du prestataire a déclaré en tant que témoin qu’elle aurait été disponible pour s’occuper de sa mère si le prestataire allait suffisamment bien pour retourner au travailFootnote 8.

La division générale a commis une erreur de droit

[16] Pour être considéré comme disponible pour travailler, une partie prestataire doit démontrer qu’elle est capable de travailler, disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenableFootnote 9.

[17] La disponibilité doit être établie en analysant trois facteurs :

  1. (1) le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. (2) l’expression de ce désir par des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. (3) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter excessivement les chances de retour sur le marché du travailFootnote 10.

[18] De plus, la disponibilité est établie pour chaque jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel la partie prestataire peut prouver qu’elle était, ce jour-là, capable de travailler, disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableFootnote 11.

[19] Toutefois, une partie prestataire qui demande des prestations de maladie n’a pas droit à des prestations pour toute période pendant laquelle elle ne serait pas autrement disponible pour travailler, si elle n’était pas malade. On ne s’attend pas à ce que ces personnes démontrent qu’elles sont effectivement disponibles, mais plutôt que la maladie est la seule raison pour laquelle elles ne le sont pas.

[20] La division générale a commis une erreur de droit en s’attendant à ce que le prestataire prouve qu’il cherchait un emploi pendant une période où il n’était pas physiquement capable de travailler. Elle a conclu que le prestataire avait un emploi convenable auquel il pouvait retourner et elle n’a pas expliqué pourquoi il devrait aussi chercher du travail.

[21] La Commission convient que la division générale a commis une erreur dans l’application du critère de disponibilité en s’attendant à ce que le prestataire démontre qu’il faisait des démarches pour trouver un emploi convenableFootnote 12. La division générale s’est appuyée sur une décision de la Cour fédérale qui n’était pas applicable parce que le prestataire dans cette affaire demandait des prestations régulières pendant qu’il était en vacances chez son employeur habituelFootnote 13.

[22] Puisque j’ai conclu que la division générale a commis une erreur, je n’ai pas à me pencher sur les autres arguments du prestataire.

Correction de l’erreur

[23] Pour corriger l’erreur de la division générale, je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamenFootnote 14.

[24] Les deux parties disent que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je suis d’accord. Le prestataire a eu l’occasion de présenter tous ses arguments à la division générale et le dossier est complet. Je juge qu’il s’agit d’une cause appropriée pour que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre.

Le prestataire a démontré qu’il était autrement disponible pour travailler

[25] Le prestataire était incapable de travailler à partir du 9 mai 2022 en raison du stress. Le certificat médical qu’il a reçu indiquait que le stress était lié aux soins qu’il avait prodigués à son épouse pendant sa maladie.

[26] Le prestataire a expliqué à l’audience de la division générale dans cette affaire qu’il souhaitait retourner au travail une fois qu’il allait assez bien. Le dossier montre clairement que le prestataire avait un emploi convenable auquel retourner une fois qu’il irait mieux et qu’il n’avait pas besoin de faire des démarches pour trouver un emploi convenable.

[27] Pour conclure que le prestataire n’était pas admissible aux prestations, la Commission s’est appuyée sur les déclarations du prestataire selon lesquelles il s’occupait de son épouse pendant qu’il était en congé de maladie.

[28] À plusieurs reprises au cours de l’audience, la division générale a demandé au prestataire s’il aurait pu retourner au travail s’il n’avait pas été malade, et il a répondu que ouiFootnote 15. Le prestataire a expliqué à l’audience devant la division générale qu’il aurait pu obtenir de l’aide de sa sœur et de sa fille s’il s’était senti assez bien pour retourner au travailFootnote 16.

[29] La fille du prestataire a également témoigné à l’audience et a confirmé qu’elle aurait pu aider le prestataire avec les soins de sa mère si celui-ci allait assez bien pour retourner au travailFootnote 17. Le prestataire a également dit qu’il serait trop inquiet pour retourner au travail si une autre personne s’occupait de son épouseFootnote 18.

[30] Les problèmes de santé du prestataire étaient liés au stress et aux soins qu’il fournissait à son épouse. J’estime que la déclaration du prestataire concernant ses inquiétudes confirme simplement qu’il ne se portait pas assez bien pour retourner au travail à ce moment-là, en raison du stress.

[31] Le prestataire a expliqué que les soins qu’il fournissait à son épouse ne nuisaient pas à sa capacité de retourner au travail une fois qu’il irait mieuxFootnote 19. Il pouvait trouver une autre personne pour s’occuper d’elle s’il retournait travailler, mais il ne voulait pas que quelqu’un d’autre à la maison s’occupe d’elle pendant qu’il n’allait pas bien lui aussiFootnote 20.

[32] Je conclus que le prestataire a démontré qu’il n’a imposé aucune condition personnelle qui l’aurait empêché de retourner au travail s’il se portait bien. Il n’était pas en mesure de travailler en raison de ses problèmes de santé liés au stress et il a démontré qu’il était sans cela disponible pour travailler pendant cette période.

Conclusion

[33] L’appel est accueilli. Le prestataire était disponible pour travailler à compter du 9 mai 2022.

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