Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DO c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1349

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : D. O.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 5 avril 2023 (GE-22-3778)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Date de la décision : Le 6 octobre 2023
Numéro de dossier : AD-23-415

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas plus loin.

Aperçu

[2] D. O. est le prestataire dans la présente affaire. Il travaillait comme coordonnateur de l’approvisionnement. Il a quitté son emploi avant de demander des prestations d’assurance-emploi. Il explique que le trajet entre le travail et la maison était long et que l’environnement de travail était toxique.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’il n’était pas autorisé à recevoir des prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait quitté son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Ce n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[4] La division générale est d’accord avec la CommissionNote de bas de page 2. Elle s’est penchée sur les raisons pour lesquelles le prestataire avait quitté son emploi, et elle a décidé que son départ n’était pas fondé. Elle a dit qu’il y avait d’autres solutions raisonnables.

[5] Le prestataire veut maintenant obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appelNote de bas de page 3. Il affirme que la division générale a fait une erreur de droit et qu’elle n’a pas respecté l’équité procéduraleNote de bas de page 4. Il fait valoir qu’il était fondé à quitter son emploi en raison du harcèlement et des conditions de travail toxiques et discriminatoires.

[6] Je rejette la demande de permission de faire appel parce qu’elle n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 5.

Questions en litige

[7] Je me suis penchée sur les questions suivantes :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale?
  3. c) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante?

Analyse

[8] L’appel peut aller de l’avant seulement avec la permission de la division d’appelNote de bas de page 6.

[9] Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 7. En d’autres termes, il doit y avoir un moyen (argument) qui permettrait de soutenir que l’appel a une chance d’être accueilliNote de bas de page 8.

[10] Je peux seulement examiner certains types d’erreurs. Je dois d’abord et avant tout vérifier si la division générale a peut-être fait une ou plusieurs des erreurs pertinentes (qu’on appelle « moyens d’appelNote de bas de page 9 ») :

  • Elle a agi de façon injuste.
  • Elle a excédé ses pouvoirs ou refusé de les exercer.
  • Elle a fait une erreur de droit.
  • Elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[11] Pour que l’appel du prestataire passe à l’étape suivante, je dois conclure qu’au moins l’un des moyens d’appel lui donne une chance raisonnable de succès.

Je refuse la permission de faire appel

On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de droit

[12] Il peut y avoir une erreur de droit lorsque la division générale n’applique pas la bonne loi ou quand elle utilise la bonne loi, mais comprend mal ce qu’elle signifie ou comment l’appliquerNote de bas de page 10.

[13] Dans sa demande à la division d’appel, le prestataire ne précise pas l’erreur de droit que la division générale a faite. Ses arguments visent surtout à expliquer pourquoi il a quitté son emploi et il répète qu’il était fondé à quitter son emploi. Il ajoute que chaque situation est unique, donc les possibilités de recourir à d’autres options varient. Enfin, il affirme avoir fait des efforts sincères pour régler les conflits au travail avant de prendre une décision radicale.

[14] La division générale devait décider si le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 11.

[15] La loi prévoit qu’une personne est fondée à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 12.

[16] La division générale a écrit que le prestataire était d’accord pour dire qu’il avait quitté volontairement son emploi le 7 octobre 2021Note de bas de page 13.

[17] La division générale a ensuite examiné les raisons qui, selon le prestataire, expliquent son départ. Elle a affirmé qu’il avait quitté son emploi en raison de la durée du trajet pour se rendre au travail et de ce qu’il percevait comme étant un environnement de travail toxiqueNote de bas de page 14.

[18] Par contre, la division générale n’était pas convaincue que le prestataire avait vraiment quitté son emploi en raison du milieu de travail toxiqueNote de bas de page 15. Elle a décidé que la preuve n’appuyait pas l’existence d’un milieu de travail toxiqueNote de bas de page 16.

[19] La division générale a conclu qu’il a soulevé la question de l’environnement de travail toxique seulement après s’être vu refuser des prestations d’assurance-emploi. Dans sa décision, elle a expliqué pourquoi elle préférait certains des éléments de preuve fournis plus tôt par le prestataire au lieu des déclarations qu’il a faites plus tardNote de bas de page 17. Elle a aussi invoqué une décision de la Cour d’appel fédérale pour appuyer sa position au sujet de la préférence de la preuve antérieureNote de bas de page 18.

[20] Enfin, la division générale a décidé que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi sur la base des explications qu’il a fourniesNote de bas de page 19. Elle a écrit qu’il y avait deux solutions raisonnables dans son cas, soit essayer de résoudre le conflit au travail et conserver son emploi jusqu’à ce qu’il puisse en trouver un nouveauNote de bas de page 20.

[21] Voici pourquoi on ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de droit.

[22] Premièrement, la division générale a énoncé et appliqué la loi correctement lorsqu’elle a décidé que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploiNote de bas de page 21. Elle a examiné les raisons de son départ avant de conclure qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi, car deux solutions raisonnables s’offraient à lui.

[23] La division générale a invoqué la jurisprudence pertinente dans sa décisionNote de bas de page 22. La Cour affirme qu’on a l’obligation de tenter de régler les conflits avec son employeuse ou son employeur ou de démontrer les efforts qu’on a faits pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter un emploiNote de bas de page 23.

[24] Deuxièmement, dans ses arguments à la division d’appel, le prestataire se contente de répéter les raisons pour lesquelles il était fondé à quitter son emploi et d’exprimer son désaccord avec l’issue de l’affaire. Toutefois, faire appel à la division d’appel n’est pas une nouvelle occasion de faire examiner son appel. Je ne peux pas réévaluer les éléments de preuve dans le but d’en arriver à une conclusion différente qui serait plus favorable au prestataireNote de bas de page 24.

[25] Troisièmement, même si le prestataire soutient qu’il avait une bonne raison de quitter son emploi, la division générale a décidé à juste titre que le fait d’avoir [traduction] « une bonne raison ou un motif valable » ne veut pas dire que le départ était fondé ou justifié. La Cour a déjà dit que le fait d’avoir une bonne raison de quitter un emploi ne constitue pas une justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 25.

[26] On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 26. Cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès.

On ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale

[27] Si la procédure de la division générale n’est pas équitable, je peux intervenirNote de bas de page 27. Une telle chose survient, par exemple, si la personne qui a rendu la décision avait un parti pris ou a fait quelque chose qui aurait pu compromettre la capacité du prestataire de connaître les arguments de l’autre partie ou d’y répondre.

[28] Dans sa demande à la division d’appel, le prestataire n’explique pas comment la division générale a manqué à l’équité procédurale ou n’a pas suivi une procédure équitable. Malgré cela, j’ai examiné le dossier, lu la décision de la division générale et écouté l’enregistrement audio de l’audience pour voir s’il y avait des erreurs d’équité procédurale.

[29] L’enregistrement de l’audience montre que la division générale a expliqué au prestataire le critère juridique en cas de congé volontaire. Elle lui a demandé comment il voulait que l’audience se déroule. Elle lui a demandé s’il voulait présenter ses arguments en premier ou se faire poser des questions. Tout au long de l’audience, la division générale lui a posé des questions pertinentes et a demandé des clarifications sur les éléments de preuve.

[30] Je n’ai constaté aucune erreur à cet effet de la part de la division générale.

[31] Il est donc impossible de soutenir que la procédure de la division générale était inéquitable parce que le prestataire a eu la possibilité pleine et équitable de présenter ses arguments et sa preuveNote de bas de page 28. Cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès.

On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante

[32] Il y a erreur de fait lorsque la division générale a « fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 29 ».

[33] Par conséquent, je peux intervenir si la division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

[34] Toutefois, seules certaines erreurs de fait me permettront de modifier la décision. Il faut qu’elles soient assez importantes, de sorte que la division générale s’est fondée sur elles pour tirer une conclusion qui a eu une incidence sur la décision.

[35] Il faut donc considérer certaines des questions suivantesNote de bas de page 30 :

  • Est-ce que l’une des principales conclusions de la division générale contredit carrément la preuve?
  • Y a-t-il des éléments de preuve qui pourraient rationnellement appuyer l’une des principales conclusions de la division générale?
  • La division générale a-t-elle ignoré des éléments de preuve importants qui allaient à l’encontre de l’une de ses principales conclusions?

[36] Dans sa demande à la division d’appel, le prestataire a présenté certains arguments voulant que la division générale se soit trompée sur les faits particuliers de la présente affaire. C’est pourquoi j’ai vérifié si la division générale avait peut-être commis une erreur de fait importanteNote de bas de page 31.

[37] Le prestataire mentionne plus précisément le paragraphe 35 de la décision de la division générale pour deux raisonsNote de bas de page 32. Il affirme que ce passage contredit ce qu’il a dit à la division générale à l’audience. Il ajoute que la division générale a ignoré des informations cruciales.

[38] En particulier, le prestataire fait valoir qu’il a dit à la division générale qu’il avait travaillé au même endroit, mais pour un autre employeur, plus de 10 ans auparavant. À cette époque, il vivait près de son lieu de travail et le trajet pour se rendre au travail lui prenait seulement de 5 à 10 minutes. De plus, la durée de ses déplacements quotidiens était de 2,5 heures dans chaque sens, un fait que la division générale a ignoré.

[39] Je reproduis ici le paragraphe 35 de la décision de la division générale :

En ce qui concerne le fait que l’appelant a quitté son emploi parce qu’il ne pouvait plus supporter le temps de déplacement pour se rendre au travail, cela ne constitue pas une justification. Durant son témoignage, il a déclaré que quitter un bon emploi était irrationnel. Mais la durée du trajet pour se rendre au travail l’obligeait à démissionner. À 51 ans, il ne peut plus en faire autant que quand il avait 21 ans. Pour l’appelant, c’est peut-être une bonne raison de quitter son emploi. Mais ce n’est pas une justification aux fins de l’assurance-emploi. Pour que le départ soit fondé ou justifié, il faut que ce soit, compte tenu de toutes les circonstances, la seule solution raisonnable à ce moment-là. L’appelant avait déjà travaillé pour cet employeur dans le passé. Il parcourait la même distance qu’avant pour se rendre au travail. Il savait à l’avance ce qu’il devrait faire pour se rendre au travail. Au moment où il a démissionné, il travaillait pour l’employeur depuis environ deux mois et demi. Le fait de ne pas trouver un collègue pour l’amener au travail en voiture n’était pas en soi une justification. Il fallait explorer d’autres options pour justifier que la seule solution raisonnable dans son cas était de démissionner quand il l’a fait.

[40] Voici pourquoi il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante.

[41] Premièrement, la division générale était au courant des déplacements quotidiens du prestataire. Elle n’a pas ignoré ce fait. La décision contient les détails précis concernant l’heure où le prestataire quittait la maison le matin et celle où il rentrait le soirNote de bas de page 33.

[42] La longueur de ses déplacements quotidiens ne veut pas nécessairement dire que le prestataire était fondé à quitter son emploi. Le prestataire avait quand même la responsabilité de prouver que quitter son emploi quand il l’a fait était la seule solution raisonnable dans son cas. Dans les circonstances, la division générale a affirmé que deux solutions raisonnables s’offraient à lui, malgré la durée de ses déplacements quotidiens.

[43] Deuxièmement, la division générale savait que le prestataire avait déjà travaillé au même endroit dans le passé. Le prestataire a dit à la division générale qu’il avait déjà travaillé au même endroit il y a de nombreuses années et que le trajet pour se rendre au travail prenait environ 6 minutes parce qu’il vivait tout prèsNote de bas de page 34.

[44] À mon avis, on ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a écrit au paragraphe 35 de sa décision qu’il « parcourait la même distance qu’avant pour se rendre au travail ».

[45] J’ai écouté l’enregistrement de l’audience. La division générale lui a demandé précisément si la durée de ses déplacements avait changé du début de son emploi en juillet 2021 jusqu’au mois d’octobre 2021Note de bas de page 35. Le prestataire a confirmé que la durée de son trajet n’avait pas changé depuis le début de son emploi en juillet 2021. Par la suite, la division générale lui a demandé pourquoi il avait dû démissionner si la durée de ses déplacements n’avait pas changé depuis qu’il avait commencé à travailler.

[46] La division générale n’a pas mal compris les faits ni ignoré des renseignements importants. Elle savait que le prestataire devait se rendre au travail et que ça lui prenait plus de deux heures. Elle savait également qu’il y a de nombreuses années, cela lui prenait peu de temps pour aller travailler au même endroit. En conséquence, la division générale a correctement précisé dans sa décision qu’il parcourait la même distance qu’« avant » pour se rendre au travail – ce qui, selon ce que j’en comprends, correspond au même trajet qu’au début de son emploi. Autrement dit, la durée des déplacements du prestataire n’a pas changé du moment où il a commencé à travailler en juillet 2021 jusqu’à ce qu’il démissionne en octobre 2021.

[47] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importanteNote de bas de page 36. Ses principales conclusions concordent avec la preuve au dossier. Je suis convaincue que la division générale n’a pas ignoré ni mal interprété les éléments de preuve portés à sa connaissance. Cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[48] La permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.