Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DO c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1350

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. O.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (517878) rendue le 19 août 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 4 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3778

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. Son départ n’était pas fondé parce que ce n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le 7 octobre 2021, l’appelant a quitté son emploi de coordonnateur de l’approvisionnement. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a vérifié pourquoi il a quitté son emploi. Elle a décidé qu’il avait volontairement quitté (c’est-à-dire choisi de quitter) son emploi sans justification. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si l’appelant a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] Selon la Commission, quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait à l’appelant. Il aurait pu discuter de ses préoccupations et de possibles solutions avec la direction. Il aurait pu demander une mutation ou un congé. Il aurait pu essayer de trouver un autre emploi et continuer à travailler jusqu’à ce qu’il en trouve un.

[6] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme que son départ était fondé. Les longs trajets en transport en commun étaient devenus trop difficiles pour lui. Il y avait un environnement de travail toxique entretenu par ses collègues parce qu’il ne s’était pas fait vacciner contre la COVID-19.

Question en litige

[7] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a volontairement quitté son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord me pencher sur le départ volontaire. Je déciderai ensuite si l’appelant était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur une chose : l’appelant a quitté volontairement son emploi

[9] J’admets que l’appelant a quitté son emploi de façon volontaire. Lui-même convient qu’il a quitté son emploi le 7 octobre 2021. Je ne vois aucune preuve du contraire.

Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si le départ était fondé

[10] Les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[11] La loi précise qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à démontrer que le départ est fondé ou justifié.

[12] La loi explique ce qu’on entend par une personne « est fondée à » faire quelque chose. Selon la loi, la personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-là. La loi dit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[13] C’est à l’appelant de prouver que son départ était justifiéNote de bas de page 3. Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ.

[14] L’appelant affirme avoir quitté son emploi pour deux raisons : la durée du trajet pour se rendre au travail et le climat de travail toxique. Il affirme que la seule solution raisonnable dans son cas était de partir à ce moment-là parce qu’il ne pouvait plus supporter la durée de ses déplacements quotidiens ni le climat toxique au travail.

[15] La Commission affirme que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que ce n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui à ce moment-là. Plus précisément, elle dit qu’il aurait pu s’adresser à la direction pour régler le problème lié à la durée du trajet vers le travail, par exemple par le covoiturage ou grâce à une mutation vers un autre lieu de travail. Il aurait pu discuter avec la direction du climat de travail toxique et des pistes de solutions. Il aurait pu essayer de trouver un autre emploi et attendre d’en trouver un avant de cesser de travailler. Il aurait pu demander un congé pour faire de telles démarches.

[16] Je considère que l’appelant a quitté son emploi en raison de la durée de ses déplacements et de ce qu’il percevait comme étant un milieu de travail toxique. Durant son témoignage, il a dit qu’aucun autre problème n’avait mené à sa décision de partir. Je vais d’abord évaluer la preuve entourant ces deux questions, puis je déciderai si l’appelant était fondé à quitter son emploi.

[17] En tirant des conclusions de fait, le Tribunal peut décider d’écarter les déclarations qu’une partie appelante a faites après ses autres déclarations, surtout lorsque les déclarations ultérieures soulèvent de nouvelles questions qui ne figurent pas dans les déclarations précédentesNote de bas de page 4. J’appliquerai ce principe pour évaluer la preuve et tirer des conclusions de fait.

[18] Dans sa demande de prestations, l’appelant a déclaré que la raison qui expliquait le mieux sa démission était celle-ci : « parce que je n’étais plus capable de me rendre au travail ». Il n’a pas choisi la raison « en raison de discrimination, de harcèlement ou de conflit personnel au travail ». Dans sa demande de révision, l’appelant a déclaré que la durée du trajet vers le travail était un facteur important. Chaque jour, il prenait les transports en commun, plus précisément le métro et deux autobus, pendant un total de cinq heures. Vers la fin de la section où il fournit ses raisons, l’appelant a écrit que la majorité du personnel était vacciné. Les autres avaient un problème avec lui parce qu’il n’était pas vacciné. [traduction] « Cela a créé un milieu de travail hostile. » C’était la première fois que l’appelant mentionnait ce problème avec ses collègues et le milieu de travail hostile. La prochaine mention du climat de travail se trouve dans l’avis d’appel de l’appelant. C’était rendu la principale raison pour laquelle il avait démissionné. Il a souligné que c’était une question de droits de la personne. Les travailleuses et travailleurs non vaccinés sont victimes de discrimination. La durée de ses déplacements était maintenant [traduction] « un autre problème mineur ». Lors de ses conversations avec la Commission, l’appelant a discuté en détail de la question de la durée de son trajet pour aller travailler. Il n’a jamais abordé la question du milieu de travail toxique avec la Commission, même après avoir demandé une révision. Durant son témoignage, l’appelant a affirmé que le climat de travail toxique était devenu un facteur important qui a influencé sa décision de démissionner.

[19] À la lumière de cet examen, je n’accorde pas beaucoup d’importance à la question du milieu de travail toxique. Le problème a été soulevé beaucoup trop tard, après que l’appelant s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi. Au départ, le problème n’a même pas été mentionné, puis c’est devenu une raison secondaire par rapport au [traduction] « facteur important » qu’était le temps de déplacement et, finalement, c’était la principale raison qui expliquait le départ de l’appelant. Si le milieu de travail toxique avait été d’une si grande importance pour l’appelant, il l’aurait mentionné dans sa demande de prestations et dans ses conversations avec la Commission.

La question de la durée des déplacements

[20] Je conclus que l’appelant a démissionné en raison de la durée du trajet pour se rendre au travail.

[21] L’appelant a travaillé pour l’employeur du 19 juillet 2021 au 7 octobre 2021. Il vivait assez loin du lieu de travail. Il ne conduisait pas. Pour se rendre au travail, il prenait un autobus, le métro, puis un autre autobus. Il travaillait de 7 h 30 à 16 h 30, du lundi au vendredi. Il devait quitter la maison à 5 h et rentrait à la maison vers 18 h 30 ou 19 h. La durée de ses déplacements n’a pas changé au cours des trois mois où il a travaillé pour l’employeur. Il vivait avec ses parents. En raison de leur âge et de leur état de santé, ses parents comptaient sur lui.

[22] Dans sa demande de prestations, l’appelant a répondu à des questions sur les moyens de transport pour se rendre au travail. Il n’embarquait pas dans la voiture d’un collègue parce que personne n’habitait près de chez lui. Il n’a pas demandé si un groupe de covoiturage était disponible parce qu’aucun n’était disponible. Ces renseignements semblent concorder avec les déclarations qu’il a faites à la Commission lors d’une conversation téléphonique le 24 février 2022. Il a affirmé qu’il avait parlé aux ressources humaines. Elles lui ont suggéré de trouver quelqu’un avec qui faire du covoiturage. Il a demandé à ses collègues si quelqu’un habitait près de chez lui, mais personne n’habitait dans son secteur. Ce renseignement ne concorde pas avec la preuve de l’employeur, qui indique que l’appelant n’a jamais mentionné de problèmes concernant ses déplacements pour venir travailler. L’employeur a déclaré que l’appelant était ami avec de nombreuses personnes parmi ses collègues qui vivaient plus ou moins dans le même secteur que lui. Le covoiturage aurait pu être une option.

[23] L’appelant a fait d’autres déclarations dans sa demande de prestations. Il a écrit qu’il n’avait pas parlé de ses problèmes de transport à son superviseur à cause de problèmes personnels. Durant son témoignage, il a dit que la dernière réponse était fausse. Il a confirmé avoir parlé à son superviseur. Il n’a pas inscrit [traduction] « problèmes personnels » dans le formulaire de demande. Durant son témoignage, l’appelant a ajouté qu’il avait bel et bien parlé de ses problèmes de transport à son patron et aux ressources humaines. Il n’a pas posé de questions sur le covoiturage et n’a pas essayé de savoir si des collègues vivaient près de chez lui pour voir s’il pouvait embarquer avec quelqu’un pour se rendre au travail. Il a juste affirmé qu’il ne pouvait plus supporter la durée des déplacements. La preuve de l’employeur montre que l’appelant ne lui a pas parlé de la durée de ses déplacements pour se rendre au travail. Un jour, il a tout simplement démissionné sans donner de raisons.

[24] L’appelant a parlé à la Commission avant qu’elle rende sa décision initiale. Il a dit qu’il avait démissionné en raison des problèmes de transport. Il n’a jamais été en retard au travail. Il a tout simplement abandonné. Il n’en pouvait plus. Il n’était plus capable de fonctionner à cause du manque de sommeil. Il a confirmé cette information plus tard lors d’une conversation avec la Commission. Il a parlé à la Commission après avoir demandé une révision. Il a confirmé qu’il avait démissionné parce que ses déplacements étaient trop longs. Il ne pouvait plus le supporter.

La question du milieu de travail toxique

[25] Je conclus que la preuve n’appuie pas l’existence d’un milieu de travail toxique. J’admets que l’appelant avait l’impression que l’environnement était toxique. Mais je n’admets pas l’existence d’un tel environnement.

[26] Les éléments de preuve entourant cette question ne sont pas très solides. Le problème n’a pas été soulevé avant la demande de révision de l’appelant, c’est-à-dire après la décision initiale de lui refuser les prestations. Le problème n’a pas du tout été abordé dans les conversations que l’appelant a eues avec la Commission avant et après sa demande de révision. Dans celle-ci, la durée des déplacements pour se rendre au travail est un facteur important. Le milieu de travail hostile est mentionné, mais sans autre détail. L’appelant a cependant donné des précisions pour appuyer la question de la durée des déplacements. Dans son avis d’appel, il a écrit que ses collègues n’étaient pas à l’aise avec le fait qu’il n’était pas vacciné contre la COVID-19 pour des raisons de santé. Il avait son propre bureau, alors il pouvait travailler à l’écart. Ses collègues n’étaient pas à l’aise avec cela non plus. Le climat était très hostile, jusqu’à devenir toxique. L’essentiel de la preuve de l’appelant au sujet du milieu de travail toxique provient de son témoignage.

[27] Le témoignage de l’appelant sur cette question a été bref. Il a raconté que ses collègues ne lui répondaient pas lorsqu’il demandait des renseignements. Ils entravaient son travail. La raison était qu’il n’était pas vacciné contre la COVID-19. Ses collègues s’étaient fait vacciner. Il a dit avoir mentionné tous les problèmes à la Commission lors de leurs discussions. Le dossier de la Commission ne contient aucune preuve de cela.

[28] Son témoignage voulant que ses collègues ne voulaient pas lui répondre et nuisaient à son travail ne correspond pas à ce qu’il a déclaré à la Commission, soit qu’il a demandé à ses collègues s’ils habitaient près de chez lui, mais tout le monde a dit non. Il a dit qu’il avait aussi offert de payer pour embarquer avec quelqu’un, mais que ce n’était pas une option. Si le milieu de travail était aussi hostile et toxique que le prétend l’appelant, il serait réticent à demander à ses collègues vaccinés de venir au travail dans la même voiture qu’une personne non vaccinée. Le témoignage de l’appelant sur les questions qu’il aurait posées à ses collègues au sujet de la possibilité de se faire du covoiturage ne correspond pas à sa demande de prestations. Dans son formulaire, à la question de savoir s’il a tenté d’embarquer avec un collègue, il a répondu [traduction] « non, personne n’habite assez proche ». Il a aussi déclaré qu’il n’avait pas cherché à savoir s’il y avait un groupe de covoiturage parce qu’il n’y avait [traduction] « rien de disponible ».

[29] L’appelant a déclaré avoir discuté de cette question avec l’employeur. Celui-ci n’a pas répondu et n’a offert aucune solution. Cette information est incompatible avec la preuve de l’employeur montrant que l’appelant ne lui a jamais parlé de la durée de ses déplacements ni d’aucun autre problème. L’appelant n’a jamais mentionné le milieu de travail toxique ou hostile dans ses conversations avec la Commission.

[30] L’appelant a déclaré qu’il avait abordé toutes les raisons expliquant son départ lorsqu’il a parlé à une personne de la Commission (MC). Les notes prises lors de ces conversations ne reflètent pas une telle chose. La question du milieu de travail toxique n’apparaît pas non plus dans les notes prises par les autres personnes de la Commission avec qui il a parlé, c’est-à-dire MD avant la décision initiale et SW après la demande de révision.

La question du départ justifié

[31] Je conclus que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi quand il l’a fait. Même si le motif était valable à ses yeux, ce n’est pas la même chose qu’un départ fondé ou justifié aux fins de l’assurance-emploi.

[32] La plupart du temps, on a l’obligation d’essayer de régler les conflits avec son employeuse ou son employeur ou de démontrer les efforts qu’on a faits pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploiNote de bas de page 5. Il est généralement raisonnable de continuer de travailler jusqu’à ce que l’on trouve un nouvel emploi au lieu de prendre la décision unilatérale de quitter son emploiNote de bas de page 6.

[33] En ce qui concerne la tentative de l’appelant de résoudre les conflits en milieu de travail, j’ai conclu plus haut que l’appelant n’a pas prouvé que c’est ce qu’il avait tenté de faire pour régler le conflit découlant du milieu de travail perçu comme toxique.

[34] En ce qui concerne le fait de conserver son emploi jusqu’à l’obtention d’un nouvel emploi, l’appelant a déclaré qu’il n’a pas tenté de trouver un nouvel emploi avant de démissionner. Durant son témoignage, il a expliqué qu’il ne pouvait pas utiliser son ordinateur au travail pour chercher un emploi. Il ne pouvait pas quitter le travail pour passer un entretien d’embauche. Il n’a pas demandé un congé autorisé pour avoir l’occasion de chercher du travail et de se présenter à des entrevues. Il a essayé de trouver un emploi après avoir démissionné. Mais il était trop tard pour voir s’il était fondé à quitter son emploi à ce moment-là.

[35] En ce qui concerne le fait que l’appelant a quitté son emploi parce qu’il ne pouvait plus supporter le temps de déplacement pour se rendre au travail, cela ne constitue pas une justification. Durant son témoignage, il a déclaré que quitter un bon emploi était irrationnel. Mais la durée du trajet pour se rendre au travail l’obligeait à démissionner. À 51 ans, il ne peut plus en faire autant que quand il avait 21 ans. Pour l’appelant, c’est peut-être une bonne raison de quitter son emploi. Mais ce n’est pas une justification aux fins de l’assurance-emploi. Pour que le départ soit fondé ou justifié, il faut que ce soit, compte tenu de toutes les circonstances, la seule solution raisonnable à ce moment-là. L’appelant avait déjà travaillé pour cet employeur dans le passé. Il parcourait la même distance qu’avant pour se rendre au travail. Il savait à l’avance ce qu’il devrait faire pour se rendre au travail. Au moment où il a démissionné, il travaillait pour l’employeur depuis environ deux mois et demi. Le fait de ne pas trouver un collègue pour l’amener au travail en voiture n’était pas en soi une justification. Il fallait explorer d’autres options pour justifier que la seule solution raisonnable dans son cas était de démissionner quand il l’a fait.

[36] Dans les circonstances, une solution raisonnable aurait été de continuer à travailler pour l’employeur pendant qu’il cherchait du travail en dehors de son horaire de travail ou durant un congé. Si l’option du congé ne lui convenait pas, il pouvait essayer de prévoir les entrevues d’emploi soit en dehors des heures de travail soit sur Internet pendant l’heure du dîner ou durant les pauses au travail.

Conclusion

[37] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations.

[38] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.