Assurance-emploi (AE)

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Citation : AC et al. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1876

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. C.
Représentant : Jean-Guy Ouellet
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (381617) datée du 31 décembre 2020 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 9 mai et le 10 mai 2023

Personnes présentes à l’audience :

Appelant
Représentant de l’appelant
Témoins

Date de la décision : Le 30 mai 2023
Numéro de dossier : GE-21-160

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Je conclus que la Commission n’était pas justifiée de réexaminer les périodes de prestations de l’appelant débutant le 23 décembre 2012, le 22 décembre 2013 et le 21 décembre 2014.

Aperçu

[3] L’appelant a présenté respectivement trois demandes de prestations d’assurance-emploi le 14 janvier 2013, le 5 janvier 2014 et le 9 janvier 2015. Il a alors indiqué qu’il avait cessé d’occuper son emploi en raison d’un manque de travail.

[4] L’employeur a émis un relevé d’emploi indiquant que l’usine était fermée pendant chacune de ces périodes.

[5] Le 31 décembre 2020, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a décidé que l’appelant était inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’il n’était pas disponible pour travailler pendant les trois périodes de prestations.

[6] Essentiellement, la Commission affirme que l’appelant n’était pas admissible à recevoir des prestations parce qu’il a conclu une entente de retraite anticipée prévoyant une journée de congé autorisé par semaine, qu’il limitait son horaire pour travailler quatre jours par semaine et qu’il n’a pas fait de démarches pour se trouver un emploi pendant ces périodes.

[7] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, l’appelant doit être disponible pour travailler chaque jour ouvrable de sa période de prestations. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que l’appelant doit être à la recherche d’un emploi.

[8] L’appelant fait valoir que la Commission ne pouvait pas réexaminer ses périodes de prestations parce qu’elle connaissait sa situation au moment où elle a établi chaque période de prestations. Il soutient qu’il a consulté un employé de la Commission pour l’aider à remplir ses demandes de prestations et qu’un employé de la Commission s’est même déplacé chez l’employeur pour fournir de l’information sur la manière de présenter les demandes de prestations étant donné que la plupart des employés demandaient des prestations pendant les fermetures de l’entreprise.

[9] Aussi, l’appelant reconnaît qu’il a conclu une entente de retraite anticipée à compter du 6 novembre 2011. Note de bas de page 1 Cependant, il affirme qu’il était disponible pour travailler même pendant sa journée hebdomadaire de congé, le vendredi. Il fait valoir que chaque période d’arrêt de travail a été initiée par l’employeur et qu’il était disponible pour travailler tous les jours de la semaine. Surtout, il soutient que ne sachant pas comment présenter ses demandes de prestations, il a demandé l’aide d’un employé de la Commission, il a divulgué toute sa situation incluant le fait qu’il était en préretraite et il affirme que la Commission ne peut maintenant agir comme si elle ne connaissait pas sa situation au momentoù elle a établi les périodes de prestations.

[10] Je dois déterminer si l’appelant était disponible pour travailler. L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[11] Je dois également déterminer si la Commission était justifiée de réexaminer les périodes de prestations de l’appelant.

[12] Les décisions discrétionnaires de la Commission ne peuvent être modifiées à moins qu’il ne soit démontré qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière non conforme à la norme judiciaire ou qu’elle a agi de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question préliminaire

[13] Étant donné que la Commission a rendu des décisions révisées dans 40 dossiers concernant essentiellement la disponibilité pendant une retraite progressive, afin de faciliter la gestion de l’audience et parce que les appelants avaient le même représentant, les dossiers ont été joints.

[14] Les 40 dossiers joints sont les suivants : GE-21-153, GE-21-160, GE-21-162, GE-21-163, GE-21-164, GE-21-165, GE-21-166, GE-21-167, GE-21-168, GE-21-170, GE-21-172, GE-21-174, GE-21-176, GE-21-177, GE-21-178, GE-21-185, GE-21-186, GE-21-187, GE-21-188, GE-21-189, GE-21-190, GE-21-192, GE-21-193, GE-21-194, GE-21-195, GE-21-196, GE-21-198, GE-21-199, GE-21-201, GE-21-205, GE-21206, GE-21-209, GE-21-211, GE-21-212, GE-21-233, GE-21-234, GE-21-235, GE-21-238, GE-21-239 et GE-21-240.

[15] Cependant, afin que la décision reflète bien la situation de chaque appelant, une décision individuelle est rendue. La présente décision correspond aux dossiers de monsieur A. C.: GE-21-160, GE-21-162 et GE-21-163.

Questions en litige

[16] Je vais d’abord déterminer si la Commission était justifiée de procéder à un nouvel examen des dossiers de l’appelant :

  • La Commission a-t-elle agi de manière judiciaire lorsqu’elle a réexaminé les périodes de prestations de l’appelant ?

[17] Si je conclus que la Commission était justifiée de réexaminer les périodes de prestations de l’appelant, je déterminerai alors s’il était disponible pour travailler :

  • L’appelant était-il disponible pour travailler à compter du 23 décembre 2012, du 22 décembre 2013 et du 21 décembre 2014 ?

Analyse

Nouvel examen

[18] La Commission dispose d’un délai de 36 mois à partir du moment où les prestations ont été payées pour réexaminer toute demande de prestations. Si la Commission estime qu’une fausse déclaration a été faite, ce délai peut être prolongé à 72 mois.Note de bas de page 2

[19] La Commission n’a pas à démontrer que l’appelant a « sciemment » fait de fausses déclarations pour réexaminer une demande de prestations selon le délai de 72 mois. Mais, elle doit le faire lorsqu’elle impose une pénalité.Note de bas de page 3

[20] La Commission n’a imposé aucune pénalité dans les dossiers de l’appelant.

[21] Ainsi, la Commission peut réexaminer une demande de prestations dans un délai de 72 mois si elle « estime » qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite.Note de bas de page 4

[22] La Commission soutient qu’elle était justifiée de réexaminer les demandes de prestations de l’appelant. Elle affirme que l’appelant a fait de fausses déclarations lorsqu’il a déclaré qu’il était prêt et disposé à travailler chaque jour de ses périodes de prestations. Elle indique que l’appelant se prévalait d’une entente de retraite anticipée et qu’il a omis de déclarer cette situation. Cette entente prévoit que l’appelant est en congé une journée par semaine, soit le vendredi.

[23] La Commission fait valoir que l’appelant n’était pas disponible pour travailler chaque jour ouvrable de ses périodes de prestations comme il l’a déclaré parce qu’il n’était pas disponible pour travailler pour son employeur une journée par semaine. Elle affirme que l’appelant a déclaré qu’il était disponible pour travailler le vendredi alors que c’était faux.

[24] Enfin, la Commission soutient spécifiquement qu’il est de la responsabilité de l’appelant de transmettre les bonnes informations en temps opportun.

[25] L’appelant affirme qu’il n’a pas fait de déclarations fausses ou trompeuses puisque, même s’il admet qu’il a conclu une entente de retraite anticipée et qu’il a restreint sa disponibilité d’une journée par semaine pendant sa préretraite, il était non seulement disponible pour travailler tous les jours, mais il a rencontré un employé de la Commission pour l’aider à remplir ses déclarations. Il a alors expliqué toute sa situation pour savoir comment présenter ses demandes de prestations.

[26] Le représentant de l’appelant soutient que la Commission « était au vu et au su » du programme de préretraite des employés de l’employeur X pour plusieurs raisons.

[27] Il fait valoir plusieurs décisions rendues par le Tribunal et par la Cour. Note de bas de page 5 Il a également abordé l’historique de l’intention du législateur démontrant que ce dernier souhaite maintenir les personnes âgées sur le marché du travail et que son intention première n’était pas de restreindre l’accès aux prestations d’assurance-emploi à ces personnes.

[28] En rappelant cet historique, le représentant de l’appelant admet également une évolution de la jurisprudence quant à l’application de la notion de disponibilité des prestataires.

[29] Un prestataire doit être disponible pour travailler chaque jour ouvrable de sa période de prestations. Cette disponibilité se démontre par les démarches d’emploi qu’il a faites.

[30] Le représentant de l’appelant fait valoir des décisions antérieures rendues autant par la division générale que par la division d’appel du Tribunal qui acceptaient alors qu’un travailleur mis à pied pendant une courte période attende d’être rappelé par l’employeur. Ce principe voulait qu’étant donné la courte période de la mise à pied et la date prévue de retour à l'emploi, attendre d’être rappelé par son employeur habituel constituait la meilleure garantie de l’assurance d’un emploi.

[31] De plus, le représentant de l’appelant affirme qu’au moment des faits, soit au moment où l’appelant a demandé des prestations, ce principe était encore accepté, ce qui expliquerait, en partie, la tolérance de la Commission envers la situation de l’appelant pendant ces périodes. Pour cette raison, il fait valoir qu’il n’est pas acceptable que la Commission rétroagisse maintenant sur cette question.

[32] Le représentant de l’appelant fait également valoir que la Commission ne pouvait réexaminer la période de prestations débutant le 23 décembre 2012 parce que le délai de 72 mois était dépassé. De plus, il affirme que l’appelant n’a pas fait de déclarations fausses ou trompeuses et qu’il a été honnête en divulguant sa situation.

[33] Le paragraphe 52(5) de la Loi renvoie à une déclaration fausse ou trompeuse. Cette disposition indique qu’en présence d’une affirmation ou une déclaration fausse ou trompeuse la Commission peut réexaminer la demande dans un délai de 72 mois.

[34] La Commission peut, à tout moment au cours d’une période déterminée, réexaminer sa décision et, si elle décide qu’une personne a reçu une somme pour laquelle elle n’était pas qualifiée, elle doit calculer le montant dû ou payable et en informer le prestataire. Note de bas de page 6

[35] Ainsi, le paragraphe 52(1) de la Loi prévoit que la Commission « peut (…) examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations » dans un délai de 36 mois. Le paragraphe 52(5) de la Loi indique que ce délai est de 72 mois lorsqu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite. Dans les deux cas, le nouvel examen d’une période de prestations est un pouvoir discrétionnaire.

[36] D’ailleurs, une décision récente de la division d’appel de notre Tribunal confirme que le pouvoir de réexamen prévu à l’article 52 de la Loi est un pouvoir discrétionnaire, que le délai soit de 36 mois ou de 72 mois, puisque la Commission peut choisir de réexaminer ou non la demande. Note de bas de page 7 La division d’appel a alors précisé que les politiques de la Commission ne sont pas contraignantes et qu’elle peut choisir de ne pas les utiliser à condition d’avoir tenu compte des facteurs pertinents.

[37] Afin de déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de réexamen de façon judiciaire, je dois établir si elle a exercé correctement ce pouvoir discrétionnaire, c’est-à-dire que je dois justement déterminer si elle a considéré tous les éléments pertinents lorsqu’elle a décidé d’exercer son pouvoir de réexamen et/ou si elle a agi de façon abusive ou arbitraire. « Cela signifie qu’une décision prise de mauvaise foi, dans un but irrégulier, de manière discriminatoire, en tenant compte de facteurs non pertinents ou en omettant de tenir compte de facteurs pertinents doit être annulée ». Note de bas de page 8

[38] La mairesse de X, qui travaillait comme directrice des ressources humaines chez X pendant ces périodes, a témoigné qu’un employé de la Commission s’est présenté à quelques reprises chez l’employeur afin de fournir aux travailleurs des informations sur la manière d’effectuer leurs déclarations.

[39] Le représentant syndical a également témoigné qu’un employé de la Commission est venu rencontrer les travailleurs à quelques reprises. Il a expliqué que lorsque l’entreprise fermait, de nombreux travailleurs faisaient une demande de prestations en même temps et cette situation entraînait une affluence au bureau de Service Canada. Afin de diminuer cet attroupement et parce que les appelants avaient besoin d’aide pour effectuer leurs demandes de prestations, un employé de la Commission s’est déplacé à quelques reprises pour fournir l’information nécessaire.

[40] Il a témoigné que l’employé de la Commission savait qu’un programme de préretraite était en vigueur chez l’employeur et qu’il ne pouvait pas en être autrement. Il a également indiqué que si la Commission avait alors fourni des informations indiquant que les travailleurs n’avaient pas le droit de recevoir des prestations pendant qu’ils bénéficiaient du programme de préretraite, autant l’employeur que le syndicat aurait avisé les travailleurs de cette situation et les choix auraient probablement été différents.

[41] Deux autres témoins, travailleurs chez X, ont également indiqué lors de l’audience qu’ils s’étaient déplacés à quelques reprises au bureau de Service Canada, qu’ils avaient demandé de l’aide pour remplir leurs demandes de prestations, qu’ils avaient divulgué leur situation de préretraite et que l’employé de la Commission avait rempli pour eux la demande de prestations et/ou leur avait indiqué comment remplir leurs déclarations du prestataire.

[42] Le représentant de l’appelant fait valoir que la Commission connaissait la situation de l’appelant depuis de nombreuses années et qu’en rétroagissant de la sorte, elle outrepasse sa compétence et elle agit abusivement.

[43] D’abord, je précise qu’étant donné des délais imposés par les mesures sanitaires prises pendant la pandémie de la Covid-19, la tenue de l’audience en personne a été retardée. Pour cette raison, trois conférences préparatoires préalables à l’audience ont eu lieu. Une employée de la Commission s’est présentée à deux de ces trois rencontres. Note de bas de page 9 Lors de la première conférence préparatoire, l’employée a indiqué qu’un représentant de la Commission participerait peut-être à l’audience. Lors de la deuxième rencontre, cette possibilité a été écartée. La représentante de la Commission a indiqué qu’étant donné les questions en litige, la présence d’un représentant de la Commission à l’audience n’était pas nécessaire. Ainsi, aucun représentant de la Commission n’était présent lors de l’audience pour faire valoir des arguments concernant le pouvoir discrétionnaire de réexamen de la Commission.

[44] Le représentant de l’appelant soutient que la Commission tente de camoufler qu’elle connaissait la situation.

[45] Ensuite, j’en profite pour mentionner qu’il serait pertinent que les employés de la Commission qui se présentent aux conférences préparatoires soient au fait du dossier régional dont il est question afin de pouvoir participer adéquatement. Avant la tenue de l’audience, la Commission savait que le représentant de l’appelant avait l’intention de contester le pouvoir discrétionnaire de réexamen de la Commission dans les dossiers de chacun des appelants et, même si un représentant de la Commission ne se présentait pas à l’audience, celle-ci avait le privilège de fournir des arguments supplémentaires par écrit. Ce qu’elle n’a pas fait.

[46] Ainsi, je dois rendre cette décision en fonction de la preuve et des arguments qui me sont présentés et en fonction de la balance des probabilités. C’est-à-dire que s’il est plus probable qu’improbable que la Commission n’a pas considéré tous les éléments pertinents tout en laissant de côté ceux qui ne l’étaient pas au moment de rendre ces décisions basées sur son pouvoir discrétionnaire, je conclurai qu’elle n’a pas agi conformément à la norme judiciaire. Je pourrai alors intervenir.

[47] En ce sens, je retiens la preuve présentée par témoignage lors de l’audience démontrant que plusieurs travailleurs chez X, dont l’appelant, ont demandé de l’aide d’un employé de la Commission pour remplir leurs demandes de prestations et cela à plusieurs reprises au fil des années. Je retiens également qu’un employé de la Commission s’est présenté à quelques reprises chez l’employeur pour informer les prestataires et répondre à leurs questions sur la manière de remplir leurs demandes de prestations pendant leur période de préretraite.

[48] Le représentant de l’appelant fait valoir que les pièces GD3 fournies dans chacun des dossiers par la Commission ne sont pas complètes et que l’absence de certains documents démontre que la Commission tente de camoufler également de cette manière la connaissance qu’elle avait de cette situation.

[49] Le représentant syndical a témoigné que sa sœur, qui est également la conjointe d’un travailleur chez X, travaillait comme agente à la Commission pendant ces périodes, qu’elle avait un pouvoir décisionnel et qu’elle n’a jamais indiqué ni à son conjoint, ni au représentant syndical, ni même à son employeur que les demandes de prestations des appelants n’étaient pas conformes.

[50] En considérant les témoignages qui démontrent que les appelants n’étaient pas à l’aise d’utiliser la technologie et de faire leurs déclarations en ligne, qu’ils avaient besoin d’aide pour remplir leurs déclarations, qu’ils se sont déplacés à plusieurs reprises au bureau de Service Canada pour obtenir de l’aide pour remplir leurs demandes de prestations ou leurs déclarations du prestataire et en considérant également le fait que certains dossiers démontrent qu’un employé de la Commission a aidé le prestataire à remplir ses déclarations, j’estime que la Commission avait effectivement une connaissance de la situation et qu’elle a toléré cette situation.

[51] Aucune demande de prestations n’a été présentée par l’appelant après qu’il ait été informé du résultat de l’enquête le 17 décembre 2019. Rétroagir sur cette situation qui a été tolérée et peut-être même encouragée par un employé de la Commission est abusif et je crois l’appelant lorsqu’il explique qu’il était étonné de recevoir un trop-payé à rembourser alors qu’il est maintenant retraité. En effet, si un employé de la Commission remplit la déclaration du prestataire ou informe un prestataire sur la manière de remplir ses demandes de prestations, le questionne sur sa situation, connaît l’existence du programme de préretraite et établit une période de prestations à répétition tout en étant au fait de la situation, il m’apparaît abusif de rétroagir plus tard en indiquant que l’appelant n’avait qu’à fournir les bonnes informations en temps opportun.

[52] Les faits démontrent qu’il est plus probable qu’improbable que la Commission n’ait pas tenu compte de ces éléments lorsqu’elle a rendu ses décisions. En choisissant d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour rétroagir sur des prestations qui avaient déjà été accordées, un trop-payé de prestations important pour l’appelant a été généré et il doit maintenant le rembourser alors qu’il est à la retraite.

[53] Lorsque la Commission affirme qu’il était de la responsabilité de l’appelant de fournir les bonnes informations au bon moment, elle balaie sa propre responsabilité alors que la preuve démontre que des employés de la Commission connaissaient la situation quant à la retraite progressive de l’appelant au moment d’établir les périodes de prestations. Étant donné la preuve présentée, j’estime que l’appelant ne pouvait pas savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit.

[54] En ce sens, je suis d’accord avec le représentant de l’appelant concernant l’historique des dossiers. Il apparaît probable que la situation quant à la disponibilité de l’appelant ait été tolérée pendant cette période aussi parce qu’un courant de la jurisprudence de cette époque entérinait le fait qu’il était acceptable qu’un prestataire attende d’être rappelé par un employeur pendant une courte période après une mise à pied, particulièrement lorsqu’une date de retour au travail était prévue. Note de bas de page 10 Le fait d’attendre que l’employeur le rappelle, du moins pendant une période de temps raisonnable, était reconnu comme étant le moyen le plus probable d’obtenir de nouveau un emploi. Il n’y avait alors pas lieu d’exiger automatiquement que le prestataire démontre qu’il a fait des démarches pour se trouver un emploi étant donné la date connue du retour à l’emploi.

[55] Cependant, comme le représentant l’a bien indiqué lors de l’audience, il existe une jurisprudence plus récente qui détermine qu’un prestataire ne peut se contenter d’attendre d’être rappelé au travail et qu’il doit se chercher un emploi pour avoir droit à des prestations. Comme la division d’appel de notre Tribunal l’a décidé à plusieurs reprises : La disponibilité doit s’apprécier pour chaque jour ouvrable d’une période de prestations. Cette exigence ne disparaît pas si la période de chômage est de courte durée. Note de bas de page 11 Ainsi, la Loi sur l’AE est conçue de manière à ce que seuls ceux qui sont véritablement en chômage et qui cherchent activement un emploi reçoivent des prestations. Note de bas de page 12

[56] Les décisions produites par le représentant de l’appelant démontrent que le premier courant jurisprudentiel était accepté par la division d’appel du Tribunal pendant les périodes dont il est question alors que les décisions plus récentes exigent qu’un prestataire démontre qu’il a fait des démarches pour se trouver un emploi, même dans le cas où une date de retour à l’emploi est prévue après une courte période de mise à pied.

[57] À l’appui de la documentation présentée, je suis également d’accord que l’intention du législateur est de maintenir les personnes âgées actives sur le marché du travail et non pas de restreindre indûment leur possibilité de recevoir des prestations.

[58] La Commission a accepté la situation des travailleurs en retraite progressive chez X pendant de nombreuses années. Elle a non seulement accepté la situation de l’appelant au moment d’établir ses périodes de prestations, mais ce sont des employés de la Commission qui ont aidé l’appelant à remplir ses déclarations du prestataire et qui ont fourni des informations sur la manière de présenter sa demande de prestations.

[59] Le représentant de l’appelant soumet que la Commission a commis une erreur et qu’en rétroagissant de la sorte, elle agit abusivement. Je suis d’avis qu’il est plus probable qu’improbable que la Commission connaissait la situation de l’appelant au moment d’établir les périodes de prestations et particulièrement son adhérence à un programme de retraite progressive. Dans ce cas particulier, l’appelant ne pouvait pas savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit. La Commission n’a pas considéré ce facteur pertinent lorsqu’elle a rendu ses décisions en exigeant que l’appelant rembourse les prestations qu’il avait déjà reçues. Procéder à un nouvel examen des périodes de prestations de l’appelant alors qu’elle en avait la connaissance au moment d’établir la période de prestations est, dans ce cas, abusif.

[60] Comme la Cour d’appel fédérale l’a déjà mentionné :

« (…) je ne crois pas que la Commission ait jamais eu, (…) le pouvoir de revenir rétroactivement, au détriment d’un prestataire, sur une décision basée sur l’exercice, par un officier habilité, d’un jugement de nature discrétionnaire, à moins là qu’un fait nouveau, dont l’ignorance au moment de la prise de décision ne saurait lui être reprochée, ne soit venue que plus tard à sa connaissance ». Note de bas de page 13

[61] Les témoignages m’ont convaincu que l’appelant a divulgué sa situation à un employé de la Commission lorsqu’il a demandé de l’aide pour remplir ses demandes de prestations. Ils m’ont aussi convaincu que la Commission avait une connaissance de cette situation et qu’elle l’a tolérée pendant un certain temps. En rendant rétroactivement des décisions dans les dossiers de l’appelant, la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de réexamen correctement. Elle n’a pas considéré le fait que l’appelant, en divulguant sa situation de préretraite à un employé de la Commission, ne pouvait pas savoir qu’il n’avait pas droit à des prestations.

[62] Quant à la Commission, elle ne fait valoir aucun argument indiquant quelles circonstances elle a considérées lorsqu’elle a rendu ses décisions. Le nouvel examen par la Commission est un pouvoir discrétionnaire, peu importe si elle rend ses décisions dans un délai de 36 mois ou de 72 mois. En ne démontrant pas qu’elle a considéré toutes les circonstances pertinentes au moment d’exercer son pouvoir discrétionnaire, je ne peux conclure que la Commission a agi conformément à la norme judiciaire lorsqu’elle a rendu ses décisions.

[63] Je comprends des arguments présentés par la Commission qu’elle considère être justifiée de réexaminer les périodes de prestations de l’appelant puisque la Loi lui permet de le faire. Comme mentionné plus haut, la Loi dit que la Commission peut le faire. Le fait que des prestations ont été versées alors qu’elles n’auraient pas dû l’être n’est pas le seul facteur pertinent que la Commission doit considérer lorsqu’elle exerce un pouvoir discrétionnaire. Elle a alors la responsabilité de considérer l’ensemble des facteurs pertinents pour justifier l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Cela, afin qu’il ne soit pas exercé de façon abusive ou arbitraire.

[64] Je peux intervenir et modifier les décisions discrétionnaires de la Commission parce qu’elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de réexamen correctement en ne tenant pas compte de tous les éléments portés à sa connaissance.Note de bas de page 14 Les faits démontrent qu’elle a omis de considérer des facteurs pertinents. Et, après avoir évalué les facteurs pertinents à la situation de l’appelant, j’estime que ses périodes de prestations ne doivent pas être réexaminées. Pour cette raison, aucun trop-payé n’est créé et celui qui a été imposé dans chacun des dossiers doit être annulé.

[65] Étant donné que la Commission n’a pas exercé son pouvoir de réexamen de façon judiciaire, il n’est pas nécessaire de déterminer les autres questions concernant le nouvel examen ou celles concernant la disponibilité de l’appelant.

Conclusion

[66] La Commission n’a pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer les périodes de prestations de l’appelant. Les périodes de prestations ne seront pas réexaminées et les trop-payés imposés doivent être annulés.

[67] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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