Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RI c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 478

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. I.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (530820) rendue le 30 août 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 21 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 28 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3146

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel de R. I.

[2] Il a contesté le refus de la Commission de l’assurance-emploi du Canada de lui donner plus de temps pour présenter une demande de révision.

[3] Il n’a pas démontré que la Commission a agi de façon non judiciaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai. (J’explique plus loin ce que veut dire « de façon judiciaire ».)

[4] Par conséquent, je n’ai pas le pouvoir de modifier le refus de la Commission concernant la prolongation du délai. De plus, comme je rejette son appel, il ne peut pas contester devant le Tribunal la décision rendue par la Commission au sujet de son inadmissibilité pour non-disponibilitéNote de bas de page 1.

Aperçu

[5] La Commission est revenue réviser l’admissibilité de R. I. (l’appelant) aux prestations régulières d’assurance-emploi.

[6] Elle a décidé qu’il n’était pas disponible pour travailler pendant qu’il touchait des prestations. Elle l’a donc déclaré inadmissible au bénéfice des prestations. Cela a engendré un trop-payé (des prestations versées en trop) qu’il devait rembourser. La Commission lui a envoyé un avis de dette. (C’est ce que j’appellerai la « décision d’inadmissibilité pour non-disponibilité » rendue par la Commission.)

[7] L’appelant a demandé à la Commission de réviser la décision d’inadmissibilité pour non-disponibilité. Mais il a fait sa demande en retard, c’est-à-dire plus de 30 jours après que la Commission l’a informé de la décision.

[8] La Commission peut prolonger le délai prévu pour demander une révision.

[9] La Commission a décidé de ne pas prolonger le délai dans le cas de l’appelant. Elle affirme qu’il n’a pas fourni une explication satisfaisante pour justifier le retard de sa demande de révision. De plus, il n’a pas manifesté l’intention constante de présenter sa demande plus tôt.

[10] Selon l’appelant, il n’a pas le temps ni l’argent pour courir après le gouvernement. De plus, il affirme que la Commission n’avait pas toute l’information lorsqu’elle a refusé de lui donner plus de temps pour sa demande de révision.

[11] Je dois décider si la Commission a utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai. Si c’est ce qu’elle a fait, je ne peux pas modifier sa décision. Si ce n’est pas ce qu’elle a fait, je dois décider s’il faut prolonger le délai pour que l’appelant dépose sa demande de révision auprès de la Commission.

Question que je dois examiner en premier

La demande de révision était en retard

[12] Une personne peut demander à la Commission de réviser sa décision dans les 30 jours suivant la date à laquelle la Commission la lui communiqueNote de bas de page 2.

[13] La Commission affirme avoir envoyé à l’appelant une lettre de décision datée du 26 janvier 2022Note de bas de page 3. Elle lui a aussi envoyé un avis de dette daté du 30 janvier 2022Note de bas de page 4.

[14] À l’audience, l’appelant a dit qu’il ne se souvient pas d’avoir reçu la lettre de décision de la Commission. Mais il se souvient d’avoir reçu des relevés indiquant l’argent qu’il devait rembourser.

[15] Il a expliqué avoir parlé à une personne de la Commission en novembre 2021. Joe ou John lui a dit qu’il examinait sa demande d’assurance-emploi à compter du 15 novembre 2021.

[16] L’appelant a aussi déclaré que Cheryl l’a appelé de la Commission vers la fin janvier 2022. Voici ce qu’elle lui a ditNote de bas de page 5 :

  • La Commission avait révisé son dossier d’assurance-emploi.
  • Il n’avait pas droit aux prestations régulières parce qu’il n’était pas disponible. Il y aurait donc un trop-payé (la décision d’inadmissibilité pour non-disponibilité).
  • Des options s’offraient à lui. L’une d’elles était de demander à la Commission de remplacer les prestations régulières par les prestations pour proches aidants.
  • La Commission lui enverrait les formulaires à faire remplir par une ou un médecin pour qu’il puisse demander le remplacement des prestationsNote de bas de page 6.

[17] Il dit avoir présenté les formulaires au médecin de ses parents en janvier 2022. Mais le médecin a refusé de les signer. L’appelant ne les a donc pas renvoyés à la Commission. Je lui ai demandé ce qu’il pensait qu’il se passerait s’il ne retournait pas les formulaires. Il a répondu qu’il pensait que la Commission l’appellerait un jour pour le remboursement de la dette.

[18] Je conclus que la Commission a communiqué sa décision à l’appelant en janvier 2022. Même s’il n’a peut-être pas reçu la lettre de décision de la Commission, je juge qu’il savait que la Commission avait décidé qu’il n’était pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi et qu’il devait de l’argent (la décision d’inadmissibilité pour non-disponibilité).

[19] Je n’ai aucune raison de douter de son témoignage à ce sujet. Il a affirmé que la Commission lui avait dit qu’elle révisait sa demande d’assurance-emploi. Elle lui a ensuite dit qu’il n’avait pas droit aux prestations régulières d’assurance-emploi, mais qu’il pourrait peut-être recevoir des prestations pour proches aidants. Il explique toutefois que, comme il n’a pas pu faire remplir les formulaires médicaux pour toucher les prestations pour proches aidants (autour de janvier 2022), il a alors compris qu’il aurait une dette envers l’assurance-emploi. Et il pensait que la Commission lui demanderait de la rembourser.

[20] Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelant a présenté sa demande de révision le 14 juillet 2022Note de bas de page 7. Je n’ai aucune raison d’en douter.

[21] Je conclus donc que la demande de révision de l’appelant était en retard. La preuve démontre qu’il a présenté sa demande plus de cinq mois après que la Commission lui a communiqué sa décision.

Question en litige

[22] La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire en refusant de donner plus de temps à l’appelant pour la présentation de sa demande de révision?

Analyse

Ce que l’appelant devait démontrer pour obtenir plus de temps

[23] Le délai pour demander une révision est de 30 jours. La Commission peut décider de prolonger ce délaiNote de bas de page 8. En droit, ce type de pouvoir décisionnel s’appelle un pouvoir discrétionnaire.

[24] Pour obtenir plus de temps, l’appelant devait démontrer deux choses à la Commission :

  • il avait une explication raisonnable pour justifier son retard;
  • il avait l’intention constante de demander à la Commission de réviser sa décisionNote de bas de page 9 (c’est-à-dire qu’il voulait demander la révision pendant tout ce temps).

[25] Dans certaines circonstances, il faut démontrer deux autres choses à la Commission pour faire prolonger le délaiNote de bas de page 10. Selon la Commission, les circonstances de la présente affaire ne justifient pas une telle démarche. J’ai examiné le dossier d’appel et je suis d’accord avec la Commission. Rien ne prouve que, dans sa situation, l’appelant devait démontrer deux choses de plus.

Ce que la Commission doit faire pour exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire

[26] La Loi sur l’assurance-emploi donne à la Commission le pouvoir discrétionnaire de décider si elle prolonge le délai de présentation d’une demande de révisionNote de bas de page 11. Autrement dit, la Commission doit décider si elle devrait donner plus de temps aux prestataires.

[27] Je dois regarder comment la Commission a utilisé son pouvoir discrétionnaire pour décider de refuser la prolongation.

[28] La Cour d’appel fédérale a décidé que la Commission doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas de page 12. Je peux modifier le refus de la Commission de prolonger le délai si l’appelant démontre que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire, c’est-à-dire qu’elle a fait l’une des choses suivantes :

  • Elle a agi de mauvaise foi.
  • Elle a agi dans un but ou pour un motif irrégulier.
  • Elle a pris en compte un élément non pertinent.
  • Elle a ignoré un élément pertinent.
  • Elle a agi de façon discriminatoire.

[29] Je peux aussi modifier la décision de la Commission si l’appelant démontre que la Commission a rendu sa décision de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 13. Autrement dit, si la décision de la Commission est irrégulière ou va à l’encontre de la preuve. Ou si la Commission a rendu sa décision sans prendre en compte tous les éléments de preuve ou sans vraiment les comprendre.

[30] L’appelant peut soulever une nouvelle considération qui n’a pas été portée à la connaissance de la Commission. Si elle est pertinente et que la Commission n’en a pas tenu compte, alors la Commission n’a pas utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas de page 14.

Les versions de la Commission et de l’appelant

[31] La Commission affirme avoir utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai pour la demande de révision de l’appelantNote de bas de page 15.

[32] Dans son formulaire de demande de révision, l’appelant a expliqué son retard : [traduction] « Je ne peux pas croire qu’on m’ait demandé de rembourser mon assurance-emploi. C’est ridiculeNote de bas de page 16. »

[33] La Commission affirme avoir téléphoné à l’appelant et avoir obtenu des précisions sur le retard de sa demande de révision. La Commission affirme avoir tenu compte des faits et des éléments de preuve suivants, qui comprennent ce que l’appelant a dit à la Commission lors de cet appel téléphonique :

  • Il a pris congé parce que ses deux parents avaient des problèmes de santé.
  • Il a parlé à la Commission de la décision d’inadmissibilité pour non-disponibilité.
  • La représentante de Service Canada à qui il a parlé lui a dit qu’elle pouvait l’aider à régler la situation. Elle lui a suggéré de remplacer ses prestations régulières d’assurance-emploi par des prestations pour proches aidants.
  • Mais il n’a pas envoyé les formulaires médicaux dont la Commission avait besoin pour faire le changement parce qu’en janvier 2022, le médecin a refusé de les remplir.
  • Par la suite, il n’a pas tenté de communiquer avec la Commission.
  • Et il n’a pas déposé sa demande de révision plus tôt parce qu’il attendait que Service Canada règle sa situationNote de bas de page 17.

[34] La Commission explique qu’elle a tiré les conclusions suivantes :

  • L’appelant était au courant de la décision d’inadmissibilité pour non-disponibilité ainsi que du trop-payé (de la dette) parce que la Commission lui a envoyé une lettre de décision et un avis de dette.
  • Il a attendu avant de demander une révision – après avoir tenté en vain d’obtenir un certificat médical, il n’a pas essayé d’en apprendre plus sur les options qui s’offraient à lui et il n’a exploré aucune autre possibilité. Cela inclut son droit de présenter une demande de révision plus tôt.
  • Il n’a pas expliqué son retard de façon raisonnable ou satisfaisante.
  • Il n’a pas manifesté l’intention constante de présenter une demande de révision plus tôt.

[35] À l’audience, l’appelant a affirmé que la Commission n’a pas agi de mauvaise foi ni dans un but ou pour un motif irrégulier, qu’elle n’a pas tenu compte d’un élément non pertinent et qu’elle n’a pas agi de façon discriminatoire.

[36] Il affirme toutefois qu’elle n’a pas utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire parce qu’elle a ignoré un élément pertinent. Selon lui, la Commission ne connaissait pas les faits suivants et elle n’en a pas tenu compte :

  • Il n’a pas reçu la lettre de décision de la Commission.
  • Il est allé chercher de l’aide pour demander une révision lorsqu’il a appris que le gouvernement récupérait la dette en retenant l’argent que l’appelant devait recevoir.

[37] Selon l’appelant, jusqu’à ce moment-là, il croyait que la Commission essayait toujours de l’aider à régler les problèmes concernant la disponibilité, la situation de proche aidant et le trop-payé.

[38] Je lui ai demandé ce qu’il pensait que la Commission allait faire quand il n’a pas retourné les formulaires médicaux pour proches aidants. Voici sa réponse : [traduction] « À un moment donné, quelqu’un allait m’appeler et me dire : “nous avons besoin de notre argent.” » Il dit cependant que la Commission a plutôt transféré la dette à l’Agence du revenu du Canada, qui a commencé à [traduction] « voler » de l’argent dans son remboursement d’impôt.

[39] Durant son témoignage, il a dit qu’à ce moment-là (juin ou juillet 2022), il a communiqué avec le bureau de son député pour obtenir de l’aide. Et ces gens-là l’ont aidé à faire sa demande de révisionNote de bas de page 18.

La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire

[40] Je conclus que la Commission a utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour les raisons suivantes.

[41] J’accepte le témoignage de l’appelant sur les gestes qu’il a posés et la chronologie des événements. Je n’ai aucune raison de douter de ce qu’il raconte. Et il n’y a aucune preuve du contraire.

[42] J’accepte la preuve de la Commission concernant les faits et les circonstances dont elle a tenu compte pour refuser de prolonger le délai pour la demande de révision de l’appelant. Je juge que la Commission a examiné tous les éléments pertinents, soit les faits et les circonstances dont elle devait tenir compte pour rendre sa décision.

[43] Je ne retiens pas l’argument de l’appelant voulant que la Commission n’ait pas tenu compte d’un élément pertinent parce qu’elle ignorait qu’il n’avait pas reçu sa lettre de décisionNote de bas de page 19. Je juge que la lettre de décision n’a aucune pertinence juridique. Ce qui est pertinent en droit, c’est la question de savoir si la Commission a communiqué sa décision à l’appelant, car la loi prévoit que cette communication marque le début du délai de 30 jours pour demander une révision. Plus haut, j’ai décidé que la Commission avait communiqué sa décision à l’appelant en janvier 2022. Par conséquent, le fait que la Commission a supposé qu’il avait reçu la lettre de décision n’est pas pertinent du point de vue de la loi.

[44] Je ne retiens pas non plus l’argument de l’appelant voulant que la Commission n’ait pas tenu compte du fait qu’il a présenté sa demande de révision dès qu’il a appris que le gouvernement recouvrait la dette en retenant les sommes qui devaient être versées à l’appelant. Je juge que la Commission a vérifié quand et pourquoi l’appelant a déposé sa demande de révision. Dans la section de sa décision où elle aborde son [traduction] « raisonnement » et sa « justification », la Commission fait remarquer ceci :

[traduction]
Le demandeur n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier le retard de sa demande de révision parce qu’il n’a pas communiqué avec la Commission après la décision initiale. Il a plutôt présenté une nouvelle demande de prestations et le montant de ses prestations a été réduit pour récupérer le trop-payé. Le demandeur n’a pas manifesté l’intention constante de demander la révision parce qu’en janvier 2022, il n’a pas pu obtenir les renseignements médicaux nécessaires pour l’obtention des prestations pour proches aidants, mais il n’a rien fait pour contester la décision de cette date jusqu’au 14 juillet 2022Note de bas de page 20. [C’est moi qui souligne.]

[45] Pour les mêmes raisons, je conclus également que le refus de la Commission de prolonger le délai n’allait pas à l’encontre de la preuve et cette décision n’a pas été prise sans un examen complet et une bonne compréhension de la preuve. En termes juridiques, je conclus que la Commission n’a pas rendu sa décision de façon abusive ou arbitraire, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Conclusion

[46] J’ai décidé que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de donner plus de temps à l’appelant pour la présentation de sa demande de révision.

[47] Par conséquent, je n’ai pas le pouvoir de modifier le refus de la Commission en ce qui concerne la prolongation du délai.

[48] Je rejette donc l’appel.

[49] En conséquence, l’appelant ne peut pas contester devant le Tribunal la décision de la Commission sur l’inadmissibilité pour non-disponibilitéNote de bas de page 21.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.