Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 697

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (538355) datée du 29 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 3 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 9 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3361

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand elle l’a fait. La prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La prestataire a quitté son emploi le 30 décembre 2021 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de la prestataire pour avoir quitté son emploi. La Commission a décidé qu’elle avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle avait choisi de quitter son emploi) sans justification. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme que la prestataire a pris la décision de démissionner parce qu’après son déménagement, elle trouvait le trajet excessif. La Commission affirme qu’au lieu de partir quand elle l’a fait, la prestataire aurait pu réduire ses heures de travail, elle aurait pu demander un congé le temps de faire des entrevues ou elle aurait pu trouver un autre emploi avant de démissionner.

[6] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme que le trajet était long après son déménagement. Elle affirme aussi que ses heures de travail étaient convenues par contrat et qu’elle n’avait aucune raison médicale de les réduire. Comme elle formait quelqu’un, elle ne pensait pas que son employeur lui accorderait un congé pour chercher du travail ou participer à des entrevues. La prestataire affirme que la seule solution raisonnable dans son cas était de quitter son poste.

Question que je dois examiner en premier

J’accepte les documents envoyés après l’audience

[7] La prestataire a envoyé un document qu’elle a lu à l’audience. J’accepte le document. Il s’agit du document GD7.

Questions en litige

[8] La prestataire est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de la prestataire. Je dois ensuite décider si elle était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties conviennent que la prestataire a quitté volontairement son emploi

[10] J’admets que la prestataire a quitté volontairement son emploi. La prestataire convient qu’elle a démissionné le 30 décembre 2021. Je ne vois aucune preuve qui contredise cela.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi

[11] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.

[12] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justification.Note de bas page 1 Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on était fondé à le faire.

[13] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Il faut tenir compte de toutes les circonstances.Note de bas page 2

[14] Il incombe à la prestataire de prouver qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable.Note de bas page 3

[15] Pour décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances présentes au moment où elle a démissionné. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examiner.Note de bas page 4

[16] Après avoir décidé quelles circonstances s’appliquent à la prestataire, cette dernière doit ensuite démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi à ce moment‑là.Note de bas page 5

Les circonstances de la démission de la prestataire

[17] La prestataire affirme que l’une des circonstances prévues par la loi s’applique à elle. Plus précisément, elle affirme qu’elle avait l’obligation d’accompagner son époux vers un autre lieu de résidence.Note de bas page 6

[18] La prestataire affirme qu’il n’y avait aucun problème au travail et qu’elle s’entendait bien avec son employeur. Elle vivait avec son mari au centre-ville de Toronto. Lorsque son époux a obtenu un nouvel emploi, ils ont décidé de déménager à Mississauga pour réduire le temps de déplacement du mari.

[19] Après le déménagement, la durée du trajet au bureau de la prestataire a augmenté. Elle affirme que la raison pour laquelle elle a quitté son emploi était qu’elle avait l’impression que le trajet ajoutait trop de temps à sa journée. Elle a déclaré que le trajet ajoutait au moins 45 minutes à sa journée de travail.

Contexte

[20] La prestataire a commencé à travailler comme réceptionniste dans un cabinet dentaire en mai 2021. Plus tard, en août 2021, elle a été promue gestionnaire de bureau. Le contrat qu’elle a signé précise qu’elle est rémunérée selon un taux horaire. Le contrat précise également que [traduction] « le travail de [l’employeur] est axé sur le service, de sorte que des changements aux horaires et à la portée du travail, pourvu qu’il y ait un préavis raisonnable, peuvent être imposés les jours, les soirs et les fins de semaine, en fonction des besoins opérationnels de l’entreprise ».Note de bas page 7

[21] La prestataire affirme qu’elle s’est mise à travailler davantage après avoir accepté son nouveau rôle en août 2021. Elle commençait à 8 h et pouvait terminer sa journée aussi bien à 16 h qu’à 20 h. Ses heures variaient en fonction de l’achalandage. Si le bureau était très occupé, elle restait plus tard. Si une personne ne se présentait pas à son quart de travail, elle devait rester plus tard. La prestataire a déclaré que si l’on s’attendait à un matin moins occupé, elle commençait son quart de travail un peu plus tard.

[22] Elle a commencé à diriger la formation d’un collègue vers la fin de septembre 2021 ou le début d’octobre 2021. Elle dit que son travail était plus mouvementé. Ainsi, elle devait rester plus tard plus souvent au bureau. Selon la prestataire, l’employeur avait clairement indiqué qu’en acceptant la promotion, elle acceptait également de diriger les formations de ses collègues.

[23] D’habitude, les formations prennent environ trois mois. Cela dépend de la personne et de la vitesse à laquelle elle assimile les informations.

[24] En juin 2021, l’époux de la prestataire a obtenu un nouvel emploi. Son nouvel emploi exigeait plus de déplacements et la grande partie de ses déplacements avait lieu à l’est de Toronto. La prestataire a déclaré qu’en juillet 2021, ils ont pris la décision de déménager. Le déménagement visait à accommoder son mari et tous les déplacements qu’il allait devoir faire. Ils ont signé un nouveau bail en septembre 2021. Ils ont déménagé le 4 novembre 2021.

La durée du trajet

[25] La prestataire a déclaré qu’elle trouvait très stressant, après son déménagement, de se rendre au bureau. Le trajet prenait beaucoup plus de temps et cela prolongeait sa journée de travail. Elle a continué à prendre les transports en commun après son déménagement.

[26] La prestataire a d’abord déclaré que son trajet avant le déménagement ne durait que 20 minutes. Lorsque j’ai demandé s’il s’agissait d’une estimation ou si elle avait vérifié, elle a dit que c’était une estimation. Elle a ensuite fait des recherches pendant l’audience et a déclaré que Google Maps indiquait qu’il faudrait environ 40 minutes pour se rendre de son ancienne maison à son travail. La prestataire a alors convenu que l’estimation de Google Maps était probablement exacte.

[27] La prestataire a déclaré qu’à partir de sa nouvelle maison, il lui faut une heure et 45 minutes pour se rendre au bureau. J’ai interrogé la prestataire au sujet de la documentation de la Commission, laquelle indique que le trajet de sa nouvelle maison à son bureau était d’un peu plus d’une heure.Note de bas page 8 La prestataire a ensuite vérifié elle-même et n’a pas contesté cette estimation du temps. Cependant, elle a soutenu que cette estimation ne tenait pas compte du fait qu’un autobus ou un autre moyen de transport en commun pouvait arriver en retard et qu’elle devait dans ces cas-là attendre plus longtemps. J’accepte le témoignage de la prestataire selon lequel il est possible que le voyage puisse parfois durer plus d’une heure.

[28] La prestataire a déclaré qu’après avoir fait le trajet quotidien pendant environ une semaine entre sa nouvelle maison et son bureau, elle s’est rendu compte qu’elle ne pouvait pas continuer. Elle dit avoir parlé de la situation à son employeur à ce moment-là. La prestataire a demandé si elle pouvait être mutée à un autre bureau de l’entreprise. L’employeur a dit que ce n’était pas possible. Par la suite, la prestataire lui a donné son avis de cessation d’emploi. Dans sa lettre de démission, elle a indiqué qu’elle démissionnait en raison du temps de déplacement.Note de bas page 9

Donner un préavis

[29] La prestataire affirme qu’il n’y avait aucun problème au travail et qu’elle s’entendait bien avec son employeur. La prestataire affirme que son contrat l’obligeait à donner un préavis de 30 jours avant de démissionner. Elle a donné un avis le 30 novembre 2021.Note de bas page 10 La prestataire a dit que son dernier jour ouvrable serait le 30 décembre 2021.

[30] La prestataire affirme qu’elle a commencé à chercher un autre emploi avant de donner sa lettre de démission. Elle affirme que dans son domaine un employeur potentiel peut exiger une demi-journée, voire une journée complète, pour réaliser une entrevue avec les candidates et les candidats. Je n’ai aucune raison de douter de ce que la prestataire a dit. J’admets que, dans son domaine, les employeurs potentiels prévoient habituellement des entrevues prolongées.

[31] La prestataire affirme qu’étant donné la durée des entrevues, elle aurait dû s’absenter de son emploi pour y assister. Elle dit qu’avant de donner son avis, elle formait un collègue. Il aurait été difficile de s’absenter. Elle affirme qu’elle n’a jamais demandé de congé à son employeur, mais elle estime que la demande aurait été refusée. J’ai demandé si elle aurait pu prendre une journée de vacances. Selon la prestataire, il aurait été difficile de le faire, car elle aurait eu à expliquer à son employeur pourquoi elle utilisait ses congés de vacances.

[32] La prestataire affirme qu’après avoir remis sa lettre de démission le 30 novembre 2021, il aurait été encore plus difficile, voire impossible, de s’absenter pour des entrevues. La prestataire affirme qu’après le 30 novembre 2021, elle devait former son remplaçant. Pour cette raison, son horaire est devenu encore plus chargé après avoir donné son avis. Elle dit qu’au courant de cette période, ses heures de travail ont augmenté.

La nécessité d’accompagner son époux vers un autre lieu de résidence

[33] La Commission a refusé de verser des prestations à la prestataire parce qu’elle a pris la décision personnelle de démissionner. La Commission affirme que la prestataire a déménagé du centre-ville de Toronto à Mississauga. Elle affirme de plus qu’il n’est pas rare que les gens de Mississauga se rendent à Toronto pour travailler. Il est aussi rare que le trajet prenne plus d’une heure.Note de bas page 11

[34] La prestataire dit avoir consulté le site Web de l’assurance-emploi. Elle affirme qu’on ne signale pas que le déménagement doit avoir eu lieu à un endroit complètement différent.Note de bas page 12

[35] Lorsqu’on cherche à savoir s’il y a une justification, il faut examiner toutes les circonstances. Par conséquent, on ne peut pas simplement affirmer que l’emploi d’un conjoint a fait en sorte qu’on devait changer de communauté.

[36] Lorsqu’on examine la jurisprudence à ce sujet, on remarque que les conjoints qui s’accompagnent se rendent souvent dans des villes ou des provinces complètement différentes. Même si Mississauga est une ville différente de Toronto, elle fait toujours partie de la région du Grand Toronto. Les transports en commun relient souvent ces régions. Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire de vivre à Toronto pour y travailler ni de travailler à Toronto pour y vivre.

[37] En l’espèce, la prestataire a convenu que la durée de son trajet s’est allongée lorsqu’elle et son mari ont pris la décision de déménager. Ils n’étaient pas obligés de déménager. C’était un choix personnel. Elle a pris cette décision parce qu’il allait être plus facile pour son époux de se rendre aux endroits où il devait se rendre pour travailler.

[38] Selon son propre témoignage, après le déménagement, le trajet quotidien de la prestataire s’est prolongé de 45 minutes à l’aller. J’admets que les retards pourraient parfois entraîner un trajet plus long. J’admets que les horaires de transports en commun que la Commission a trouvésNote de bas page 13 ne tiendraient pas compte nécessairement des retards qui pourraient accroître le temps d’attente.

[39] La prestataire affirme que les 45 minutes dans chaque sens nuisaient à sa santé. Elle a dit qu’elle avait l’impression que ses heures de travail étaient trop longues. Pourtant, elle connaissait ses heures de bureau; elle a travaillé là un certain temps avant d’accepter la promotion en août 2021.

[40] La prestataire a déclaré qu’elle a consulté son médecin au sujet de ses problèmes de santé. Elle affirme que son médecin n’a pas posé de diagnostic médical. Elle n’a pas reçu de billet médical concernant des limitations.

[41] Voici donc les circonstances entourant la démission de la prestataire :

  • son époux obtient un nouvel emploi qui exige plus de déplacements;
  • la prestataire et son époux décident de déménager à Mississauga pour faciliter ses déplacements;
  • après le déménagement, la prestataire constate que son propre trajet quotidien pour se rendre au bureau est beaucoup trop long;
  • la prestataire accepte de travailler plus longtemps dans le cadre de son nouveau rôle (promotion) jusqu’à ce qu’elle déménage.

La prestataire avait d’autres solutions raisonnables

[42] Je dois maintenant vérifier si la prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[43] La Commission affirme que la prestataire aurait pu demander une réduction de ses heures de travail, sinon elle aurait pu demander un congé le temps de faire des entrevues ou trouver un autre emploi avant de démissionner.

[44] La prestataire affirme qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable parce que ses heures de travail étaient prévues dans le contrat qu’elle a signé en août 2021. La prestataire a déclaré qu’elle ne pensait pas que son employeur lui aurait accordé un congé pour faire des entrevues. Elle admet qu’elle n’a pas demandé de congé à son employeur.

[45] Je suis sensible à la situation de la prestataire. Elle a déménagé pour appuyer son mari qui désirait simplifier son propre trajet quotidien. J’estime que la prestataire aurait pu faire des recherches afin de savoir si elle considérait que le trajet de son nouveau lieu de résidence à son emploi était trop long. La prestataire et son époux se sont mis d’accord et ont pris la décision de déménager ensemble. Si la prestataire pensait d’abord que le trajet pour se rendre au bureau lui convenait, mais qu’elle s’est rendu compte par la suite que ce n’était pas le cas, elle disposait toujours d’autres options. En effet, elle n’avait pas à démissionner à ce moment-là.

Réduction des heures

[46] La prestataire a déclaré qu’étant donné qu’elle avait accepté les heures de travail de gestionnaire de bureau lorsqu’elle a obtenu la promotion en août 2021, elle ne pouvait pas demander une réduction des heures. Elle avait des heures de travail fixes lorsqu’elle était réceptionniste. Elle savait qu’en acceptant le poste de gestionnaire de bureau, elle aurait plus de responsabilités et travaillerait plus d’heures.

[47] La prestataire a également déclaré qu’elle avait parlé à son médecin de ses inquiétudes en matière de santé. Cependant, son médecin n’a posé aucun diagnostic et elle n’a pas obtenu de billet médical. La prestataire affirme qu’il n’y avait aucune raison de demander une mesure d’adaptation à son employeur.

[48] Je suis d’accord avec la prestataire sur ces points. J’admets que demander simplement à son employeur de réduire ses heures de travail n’était pas une solution étant donné qu’il n’y avait aucune raison médicale et que la prestataire connaissait ses heures de travail.

[49] Compte tenu des circonstances, je juge que réduire ses heures n’aurait pas été une solution raisonnable.

Mutation

[50] La prestataire affirme avoir parlé à son employeur pour savoir s’il était possible d’être mutée à un autre bureau de l’entreprise. Son employeur lui a dit que ce n’était pas possible, car il n’y avait pas de postes vacants à d’autres endroits plus près de sa nouvelle résidence. J’admets qu’il ne s’agissait pas d’une solution raisonnable.

Conserver les deux résidences

[51] La prestataire affirme qu’elle et son mari ont également envisagé de conserver les deux résidences. Cependant, sur le plan financier, ce n’était pas une bonne solution. La prestataire affirme que son salaire ne lui permettrait pas de vivre dans l’ancienne résidence. J’admets que le fait de conserver les deux résidences n’était pas une solution raisonnable.

Congé autorisé

[52] La prestataire a déclaré qu’elle avait commencé à chercher un emploi avant de remettre sa lettre de démission, mais qu’elle n’avait pas continué de le faire. Elle affirme que dans son domaine un employeur potentiel peut exiger une demi-journée de travail, voire une journée complète, pour réaliser une entrevue avec les candidates et les candidats. Elle a dit qu’il aurait été difficile de demander à son employeur la permission de s’absenter du bureau.

[53] J’ai demandé à la prestataire si elle aurait pu profiter d’une journée de vacances pour participer à une entrevue. Elle a dit qu’elle ne savait pas si elle avait accumulé d’autres jours de vacances. Elle a dit que son employeur lui aurait demandé pourquoi elle avait besoin de s’absenter. La prestataire ne pensait pas que son employeur lui accorderait du temps pour faire une entrevue. Elle a également déclaré qu’elle formait un collègue, alors il aurait été encore plus difficile de s’absenter du bureau.

[54] Après son déménagement en novembre, la prestataire a continué de former le nouvel employé. Elle tenait pour acquis qu’étant donné qu’elle formait un collègue, son employeur refuserait de lui accorder un congé censé lui donner le temps de faire des entrevues. La prestataire a déclaré que, comme elle ne pouvait pas se rendre à des entrevues, elle croyait que la meilleure solution était de démissionner.

[55] Il est possible qu’après la fin de la formation qu’elle dirigeait, son employeur aurait envisagé d’approuver sa demande de congé. Mais la prestataire n’a jamais interrogé son employeur à ce sujet. Il n’est donc pas possible de savoir si un congé aurait été approuvé. L’employeur a dit à la Commission que l’approbation des congés se fait au cas par cas.Note de bas page 14

[56] La prestataire aurait pu prendre le temps de chercher un emploi lorsqu’elle ne s’occupait pas de la formation. Cela lui aurait peut-être permis de prendre congé pour faire les longues entrevues.

[57] J’estime que la prestataire aurait pu poser des questions à son employeur au sujet d’un congé. Puisque la prestataire n’a pas demandé de congé, il est impossible de savoir ce que l’employeur aurait répondu. De plus, elle aurait pu demander un congé de courte durée; une seule journée, par exemple, pour faire une entrevue. Cela aurait été une solution raisonnable au lieu de quitter son emploi quand elle l’a fait.

Chercher un autre emploi avant de démissionner

[58] Étant donné qu’il aurait été difficile de faire des entrevues pour un emploi dans le domaine des soins dentaires, j’ai demandé à la prestataire si elle avait envisagé de chercher un emploi à l’extérieur de ce domaine. La prestataire a travaillé comme réceptionniste et comme gestionnaire de bureau. Il est incontestable que ces compétences sont transférables. La prestataire affirme qu’elle n’a travaillé que dans le cadre d’un cabinet dentaire et qu’elle a beaucoup de connaissances dans ce domaine. Elle affirme qu’elle n’a pas élargi sa recherche pour cette raison. J’estime que le fait de chercher un emploi à l’extérieur du domaine des soins dentaires était une solution raisonnable; la prestataire n’avait pas à quitter son emploi quand elle l’a fait.

[59] La prestataire affirme que dès qu’elle a remis sa lettre de démission, elle était responsable de la formation de son remplaçant. Elle travaillait donc plus d’heures que d’habitude. Elle affirme qu’elle n’a pas cherché d’autres emplois pendant cette période.

[60] Je juge que, malgré le trajet plus long, le fait de rester à son emploi tout en cherchant un autre emploi plus près de sa nouvelle résidence était une solution raisonnable; elle n’avait pas à démissionner quand elle l’a fait.

[61] La Cour d’appel fédérale a déclaré que, même si une partie prestataire ne croit pas réussir à trouver un emploi, la Loi sur l’assurance-emploi est conçue de façon à ce que seules les personnes qui sont véritablement au chômage et qui cherchent activement du travail reçoivent des prestations d’assurance-emploi.Note de bas page 15

[62] De nombreuses affaires de la Cour d’appel fédérale ont imposé aux prestataires de l’assurance-emploi l’obligation de chercher un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de démissionner.Note de bas page 16 Je ne peux pas ignorer cette obligation ni le fait que la prestataire s’est volontairement placée en situation de chômage, sans d’abord essayer de trouver un autre emploi.

[63] Quitter son emploi pour une « bonne raison » ne signifie pas nécessairement qu’une partie prestataire a démontré l’existence d’une « justification » au sens de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 17.

[64] La prestataire ne pensait pas que le fait de quitter son emploi en vue de déménager avec son mari entraînerait son inadmissibilité aux prestations d’assurance-emploi.Note de bas page 18 Elle pouvait tout de même se rendre à son emploi depuis sa nouvelle résidence grâce aux transports en commun. Elle aurait pu continuer à travailler tout en cherchant un nouvel emploi plus près de chez elle. Je reconnais qu’elle s’inquiétait de la durée du trajet pour se rendre au bureau à partir de sa nouvelle résidence. Cependant, je juge que la durée de son trajet quotidien n’était pas excessive.

[65] Même en tenant compte des 45 minutes additionnelles, ce n’est pas une raison en soi pour conclure qu’elle était fondée à quitter son emploi quand elle l’a fait. Plusieurs décisions du juge-arbitre du Canada sur les prestations (CUB) sont instructives, bien que je reconnaisse que je ne suis pas obligée de les suivre. J’estime que le raisonnement suivi dans ces décisions est utile. Les décisions indiquent de façon répétée qu’un long trajet ne constitue pas une justification pour quitter son emploi.Note de bas page 19 Plus précisément, dans l’une de ces affaires, il a été conclu que [traduction] « la jurisprudence est claire dans ces circonstances : la distance à parcourir pour se rendre à son travail, même si le trajet prend une heure, n’est pas un motif pour quitter un emploi ».Note de bas page 20

[66] Je dois répéter que, selon la loi, le fait d’avoir une bonne raison de quitter un emploi ne signifie pas qu’il y a une justification à quitter son emploi. De même, si une partie prestataire a agi de façon raisonnable en décidant de quitter son emploi, cela ne signifie pas qu’elle sera fondée à quitter son emploi. La loi prévoit également de façon constante qu’une personne ne devrait pas quitter son emploi à moins d’avoir trouvé un nouvel emploi.Note de bas page 21

[67] À la lumière des raisons mentionnées ci-dessus, et compte tenu de toutes les circonstances qui existaient au moment de la démission de la prestataire, son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[68] Je conclus que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations.

[69] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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