Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1394

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Julie Villeneuve

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 25 avril 2023 (GE-22-3921)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 septembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 23 octobre 2023
Numéro de dossier : AD-23-555

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’employeur a déclaré avoir suspendu l’appelant (prestataire) parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 mise en place au travail. Le prestataire n’a pas eu d’exemption et a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] L’intimée (Commission de l’assurance-emploi) a décidé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite et qu’il ne pouvait donc pas recevoir de prestations. Après une révision infructueuse pour le prestataire, celui-ci a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a établi que le prestataire avait été suspendu après avoir refusé de se conformer à la politique de son employeur. Il n’a pas eu d’exemption. Selon la division générale, le prestataire savait que son employeur allait probablement le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu qu’il avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[5] La division d’appel a accordé au prestataire la permission de faire appel. Ce dernier soutient que la division générale a ignoré sa preuve qui montre que la véritable raison de sa perte d’emploi est l’abolition de son poste et que son employeur n’avait pas l’intention de le ramener au travail. Il fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu qu’il avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[6] Je dois décider si la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et si elle a commis une erreur de droit.

[7] Je rejette l’appel du prestataire.

Question en litige

[8] Dans sa décision, la division générale a-t-elleignoré la preuve du prestataire qui montrerait que la véritable raison de sa perte d’emploi est l’abolition de son poste et que son employeur n’avait pas l’intention de le ramener au travail?

Questions préliminaires

[9] Selon un principe bien établi, je dois trancher le présent appel en me fondant sur la preuve présentée à la division générale. Les pouvoirs de la division d’appel se limitent à l’examen de la preuve présentée à la division généraleNote de bas de page 1 .

[10] Le présent appel concerne seulement la décision de la division générale rendue dans le dossier GE-22-3921.

Analyse

Mandat de la division d’appel

[11] La Cour d’appel fédérale a établi que, lorsque la division d’appel traite des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, son mandat lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 2.

[12] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel pour les décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance semblable à celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 3.

[13] Par conséquent, le Tribunal de la sécurité sociale doit rejeter tout appel sauf si la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle, si elle a commis une erreur de droit ou si elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Dans sa décision, la division générale a-t-elle ignoré la preuve du prestataire qui montrerait que la véritable raison de sa perte d’emploi est l’abolition de son poste et que son employeur n’avait pas l’intention de le ramener au travail?

[14] La division générale a établi que le prestataire avait été suspendu après avoir refusé de se conformer à la politique de son employeur. Il n’a pas eu d’exemption. Selon la division générale, le prestataire savait que son employeur allait probablement le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[15] Le prestataire soutient que la division générale a ignoré sa preuve qui montre que la véritable raison de sa perte d’emploi est l’abolition de son poste et que son employeur n’avait pas l’intention de le ramener au travail, c’est-à-dire que l’employeur a fait passer sa cessation d’emploi pour un congé d’une durée indéterminée. Il fait valoir que la division générale n’en a pas tenu compte dans sa décision.

[16] La Commission convient que la division générale n’a pas mentionné les observations du prestataire dans sa décision.

[17] Le rôle de la division générale est d’examiner les éléments de preuve qui lui sont présentés par les deux parties, d’établir les faits pertinents à la question de droit dont elle est saisie et de trancher l’affaire de façon indépendante dans sa décision écrite.

[18] La division générale doit étayer clairement ses conclusions. Si elle fait face à des éléments de preuve contradictoires, elle ne peut pas les ignorer; elle doit les examiner. Si elle décide qu’un élément de preuve doit être écarté ou qu’elle lui accordera peu ou pas d’importance, elle doit expliquer les motifs de sa décision. Autrement, sa décision risque d’être entachée d’une erreur de droit ou qualifiée d’arbitraire.

[19] Après avoir lu la décision de la division générale, je conclus que celle-ci n’a pas abordé l’argument du prestataire à savoir s’il existe un lien de cause à effet entre son inconduite et sa suspensionNote de bas de page 4. Il s’agit d’une erreur de droit.

[20] Je suis donc en droit d’intervenir.

Il y a deux façons de corriger une erreur de la division générale

[21] Lorsque la division générale fait une erreur, la division d’appel peut la corriger de l’une des deux façons suivantes :

  1. 1) Elle peut renvoyer l’affaire à la division générale pour un nouvel examen.
  2. 2) Elle peut rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

Le dossier est complet, alors je peux trancher l’affaire sur le fond

[22] Le prestataire insiste pour que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre. Il considère que le dossier est complet et que je peux trancher l’affaire sur le fond. La Commission est d’accord avec le prestataire.

[23] Je suis d’accord avec les parties. Le dossier est complet. Les parties ont eu l’occasion de présenter pleinement leur position à la division générale. Je peux donc rendre la décision qu’elle aurait dû rendre.

Inconduite

[24] Pour trancher l’appel, j’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale qui a eu lieu le 11 avril 2023.

[25] La seule question que je dois examiner est de savoir s’il y avait un lien de cause à effet entre l’inconduite et la suspension du prestataire.

[26] Pour répondre à cette question, je dois voir si la preuve montre que l’employeur avait prévu de modifier ou d’abolir le poste du prestataire avant sa suspension en raison du non-respect de la politique. Autrement dit, je dois décider si l’employeur a utilisé la politique comme excuse pour suspendre le prestataire et abolir son poste.

[27] Le prestataire affirme que son employeur avait déjà prévu d’abolir son poste au moment de sa suspension. Il dit que la politique était seulement une excuse pour le mettre en congé pour une durée indéterminée. L’employeur l’a mis à pied le 30 novembre 2021 et lui a remis une lettre de recommandation en décembre 2021. L’entreprise a décidé de remplacer deux postes par une seule personne qui assumerait les responsabilités administratives et les fonctions de gestion de projet.

[28] L’employeur a déclaré que le prestataire a été suspendu pour ne pas s’être conformé à la politique dans le délai prévu. Le prestataire était au courant de la politique. Le 30 novembre 2021, il a été mis en congé sans solde. Le 30 mars 2022, l’employeur a mis fin à son emploi sans motif et lui a offert une indemnité de départ parce qu’il avait été remplacé en son absence.

[29] La preuve montre que l’employeur a tenté de persuader le prestataire de se faire vacciner avant sa suspension, et ce, en personne et par téléphone Note de bas de page 5. Le prestataire a décidé de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 et a informé son employeur qu’il ne voulait pas divulguer ses renseignements confidentiels Note de bas de page 6. L’employeur a refusé de lui offrir d’autres solutions. Le prestataire a donc été mis en congé sans solde conformément à la politique.

[30] La preuve ne montre pas que la fusion des postes avait été décidée avant la suspension du prestataire, même s’il a déclaré que l’employeur avait parlé de restructurer l’entreprise plusieurs mois avant l’adoption de la politique.

[31] Le fait que l’employeur a exigé qu’il remette tous les biens appartenant à l’entreprise pendant sa suspension ne permet pas de conclure qu’il a été suspendu pour autre chose que le non-respect de la politique. La lettre de recommandation de décembre 2021 a été remise au prestataire à sa demande Note de bas de page 7.

[32] La preuve montre que l’employeur a décidé, après la suspension, de fusionner le poste de gestionnaire de projet et le poste du prestataire. L’employeur a affiché l’offre d’emploi sur Indeed en décembre 2021. Le prestataire a déclaré qu’il ne pensait pas que son employeur avait l’intention de le ramener au travail [traduction] « une fois l’avoir mis à piedNote de bas de page 8 ». Le 20 mars 2022, il a reçu une lettre de son employeur l’informant de sa cessation d’emploi sans motif. Il a aussi reçu une indemnité de préavis.

[33] Selon la preuve, le prestataire était au courant de la politique et avait clairement décidé de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19. Il n’a pas demandé d’exemption. Son refus était intentionnel. Il a agi délibérément. C’était la cause directe de sa suspension. Il a été suspendu en raison d’une inconduite.

[34] Le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension. Il a déclaré que son employeur a tenté de le convaincre de se faire vacciner avant de le suspendre. L’employeur n’aurait pas fait cet effort s’il avait déjà prévu d’abolir le poste du prestataire avant sa suspension.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

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