Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1395

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (541072) datée du 24 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paula Turtle
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 11 avril 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 25 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3921

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension).

[3] Cette suspension donne lieu à une inadmissibilité aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

[4] Lorsqu’une personne est suspendue, son inadmissibilité se poursuit jusqu’à ce qu’elle perde son emploiNote de bas de page 2. L’appelant a perdu son emploi le 30 mars 2022. Une décision distincte traite de sa perte d’emploi.

Aperçu

[5] L’appelant travaillait comme administrateur d’immeubles et de baux. La majeure partie de son travail se faisait au siège social de son employeur.

[6] L’employeur affirme avoir suspendu l’appelant parce qu’il s’est opposé à sa règle sur la vaccination : il ne s’est pas fait vacciner.

[7] L’appelant affirme que son employeur aurait dû lui laisser le choix de se faire vacciner ou non. Il fait valoir que s’opposer à la règle de son employeur n’est pas une inconduite.

[8] La Commission a accepté la raison que l’employeur a donnée pour la suspension. Elle a décidé que l’appelant avait été suspendu en raison d’une inconduite. Elle l’a donc déclaré inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[9] L’appelant a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas obtenir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique que la personne ait été congédiée ou suspendue.

[11] Pour décider si l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois évaluer deux choses.

[12] D’abord, je dois établir la raison de sa suspension. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

L’appelant a été suspendu parce qu’il ne s’est pas fait vacciner

[13] L’employeur a mis l’appelant en congé sans solde parce qu’il ne s’était pas fait vacciner. Un congé sans solde équivaut à une suspension.

[14] En juin 2021, l’employeur a adopté une règle qui obligeait tout le personnel à se faire vacciner au plus tard le 1er décembre 2021. Les personnes non vaccinées seraient mises en congé sans solde.

[15] L’appelant a dit à son employeur qu’il ne s’était pas fait vacciner.

[16] Il a été mis en congé sans solde le 30 novembre 2021. Il n’a pas retravaillé pour son employeur après cette date. Mais il n’a pas été congédié non plus.

[17] Je conclus que l’appelant a été suspendu parce qu’il ne s’est pas fait vacciner.

Selon la loi, la raison de sa suspension est une inconduite

[18] Le choix de l’appelant de ne pas se faire vacciner constitue une inconduite selon la loi.

[19] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) m’aide à décider si une fin d’emploi est le résultat d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique relatif à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les facteurs à prendre en compte quand on examine une affaire d’inconduite.

[20] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite selon la loiNote de bas de page 5.

[21] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 6.

[22] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas de page 7.

[23] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant savait que son employeur avait une règle sur la vaccination. Il savait qu’il serait suspendu s’il ne se faisait pas vacciner.

[24] L’appelant affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite de sa part parce qu’il a dit à son employeur qu’il prendrait d’autres mesures au lieu de se faire vacciner. L’appelant n’a pas demandé d’être exempté de la règle sur la vaccination. Voici ce qu’il a proposé à la place :

  • Il ferait régulièrement des tests antigéniques rapides.
  • Il continuerait de travailler de chez lui.
  • Il viendrait au bureau le soir quand le reste du personnel n’y est pas.

[25] L’employeur n’a pas accepté ses propositions.

[26] L’appelant me demande d’appliquer une autre décision du TribunalNote de bas de page 8. Il affirme que selon cette décision, il n’a pas à démontrer que son congé était justifié. Mais cette affaire était différente parce que la Commission avait conclu que l’appelant était en congé proprement dit. Elle n’a pas conclu que l’appelant avait été suspendu, comme c’est le cas dans la présente affaire.

[27] L’appelant soutient que la décision de son employeur de le suspendre était injuste.

[28] L’appelant fait valoir qu’une personne employée a le droit de refuser toute vaccination. Il m’a dit que le Tribunal l’avait déclaré dans une autre affaireNote de bas de page 9. Il me demande d’appliquer ce principe à sa situation. J’ai lu la décision attentivement. Je ne l’appliquerai pas à la situation de l’appelant, et voici pourquoi :

  • Dans la décision citée, l’appelante avait une convention collective qui prévoyait que les membres du personnel avaient le droit de refuser toute vaccination. L’appelant de la présente affaire n’avait pas de convention collective.
  • Je ne suis pas liée par les décisions des autres membres du Tribunal. Et l’affaire dont il est question n’a pas encore été examinée par la division d’appel ni par les tribunaux supérieurs. Je vais donc suivre la jurisprudence qui dit que je n’ai pas à décider si la règle d’un employeur est juste ou raisonnable.

[29] L’appelant m’a demandé s’il pouvait me transmettre un article de journal. Il me l’a envoyé après l’audience et je l’ai lu. C’est à propos d’une personne employée dotée d’une convention collective. En arbitrage, il a été décidé que l’employeur n’aurait pas dû congédier une personne parce qu’elle ne s’était pas fait vacciner. On dit que l’employeur aurait pu la mettre en congé sans solde. Cette histoire ne sert donc pas à appuyer l’argument de l’appelant au sujet de sa suspension.

[30] Les tribunaux ont déclaré ce qui suit : lorsque le Tribunal décide si une personne a été suspendue en raison d’une inconduite, ce n’est pas son rôle d’évaluer si les droits de cette personne ont été violés en raison d’une règle de l’employeur. Si une personne estime que ses droits ont été violés, elle peut porter plainte à une autre instanceNote de bas de page 10.

[31] L’employeur a remis à l’appelant une lettre de recommandation positive lorsqu’il l’a mis en congé. Selon l’appelant, cette dernière montre qu’il n’a pas commis d’inconduite.

[32] Une lettre de recommandation positive ne signifie pas qu’il n’y a eu aucune inconduite. Une inconduite a lieu lorsqu’une personne ne suit pas une règle de son employeur, même si elle sait que sa décision pourrait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il est réellement possible qu’elle soit suspendue ou congédiée pour cette raison. Le fait qu’une personne s’oppose à une règle ne l’empêche pas d’être compétente dans son travail et d’obtenir une lettre de recommandation positive.

[33] Je considère que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, parce que l’appelant savait qu’il serait suspendu s’il ne se faisait pas vacciner. Et son choix était délibéré.

Alors, l’appelant a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?

[34] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite.

Conclusion

[35] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite. C’est pourquoi il est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pendant la durée de sa suspension.

[36] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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