Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : WG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 252

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : W. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (495827) datée du 22 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 décembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant (R. M., député)
Date de la décision : Le 15 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-2585

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Décision

[1] J’accueille l’appel de W. G.

[2] Il a démontré qu’il était fondé à quitter son emploi quand il a pris sa décision en ce sens (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi).

[3] Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[4] La Commission de l’assurance-emploi doit donc lui verser des prestations régulières d’assurance-emploi, pourvu qu’il remplisse toutes les autres conditions d’admissibilité.

Aperçu

[5] Le 18 mars 2022 a été le dernier jour de travail de l’appelant comme technicien en chauffage, ventilation et climatisation pour X (l’employeur) dans la région du Grand Toronto. Peu de temps après, l’appelant et son épouse ont déménagé à l’Île-du-Prince-Édouard. Il a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[6] La Commission a examiné les raisons de la démission de l’appelant. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de le quitter) sans justification. Elle a donc refusé de lui verser des prestations régulières d’assurance-emploi.

[7] La Commission affirme que sa démission était une décision personnelle et qu’il y avait d’autres solutions raisonnables qui lui auraient évité de quitter son emploi à ce moment-là.

[8] L’appelant n’est pas d’accord. Il dit avoir des problèmes aux genoux qui rendaient son travail dangereux pour sa santé. Il devait changer de carrière. Il dit aussi que ce n’était pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il trouve un emploi à l’Île-du-Prince-Édouard avant d’y être.

[9] Je dois vérifier si l’appelant a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable au moment de sa démission.

Question que je dois examiner en premier

Documents envoyés après l’audience

[10] À l’audience, l’appelant a fait référence à des éléments de preuve médicale. Il n’avait pas présenté ces documents à la Commission ou au Tribunal. Il les a décrits et j’ai décidé qu’ils étaient pertinents pour son appel. Je lui ai dit qu’il pouvait en parler pendant l’audience et les envoyer au Tribunal par la suite, et c’est ce qu’il a faitNote de bas de page 1.

[11] Le Tribunal a envoyé ces documents à la Commission et lui a donné l’occasion d’y répondre. La Commission n’a pas répondu dans le délai prévu.

[12] J’accepte les documents que l’appelant a présentés après l’audience, pour trois raisons. Premièrement, le Tribunal lui a permis d’envoyer ses documents. Deuxièmement, ils sont pertinents pour la question de droit que je dois trancher (à savoir si sa démission était justifiée). Troisièmement, le fait d’accepter ses documents n’est pas injuste pour l’une ou l’autre des parties puisque j’ai donné à la Commission l’occasion d’y répondre.

[13] Je vais donc tenir compte de ces documents dans ma décision.

Question en litige

[14] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[15] Pour répondre à cette question, je dois vérifier deux choses :

  • si l’appelant a quitté volontairement son emploi;
  • si c’est le cas, s’il était fondé à quitter son emploi à ce moment-là.

Analyse

L’appelant a quitté volontairement son emploi

[16] Je considère que l’appelant a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il a démissionné).

[17] L’appelant et la Commission conviennent qu’il s’agit d’une démission. Et je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi

[18] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il a pris sa décision en ce sens.

[19] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[20] Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances à ce moment-làNote de bas de page 3.

[21] L’appelant doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans les circonstancesNote de bas de page 4.

Circonstances entourant la démission de l’appelant

[22] À l’audience, l’appelant a déclaré que deux circonstances prévues à l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi étaient présentes au moment où il a démissionné.

Nécessité d’accompagner son épouse

[23] La loi prévoit qu’une personne qui a la nécessité d’accompagner son épouse ou époux vers un autre lieu de résidence est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnableNote de bas de page 5.

[24] Cette circonstance est présente lorsque la personne a la nécessité d’accompagner son épouse ou époux qui déménage (ou qui a déménagé) pour travailler.

[25] L’appelant et son épouse ont déménagé à l’Île-du-Prince-Édouard peu après sa démission. À l’audience, l’appelant a déclaré que son épouse n’avait pas d’emploi qui l’attendait à l’Île-du-Prince-Édouard. Et son épouse n’avait pas d’emploi en Ontario avant leur déménagement. Il a déclaré que son épouse et lui avaient décidé ensemble de déménager parce qu’ils voulaient se rapprocher de leurs enfants (qui vivaient à l’Île-du-Prince-Édouard), que cette province était plus sécuritaire que Toronto et que le coût de la vie y était moins élevéNote de bas de page 6. L’appelant et son épouse ont vendu leur maison en Ontario en novembre 2021, ils ont acheté une maison à l’Île-du-Prince-Édouard en janvier 2022 et ont emménagé là-bas en mars 2022.

[26] J’accepte la preuve de l’appelant sur ce qui les a amenés, son épouse et lui, à déménager à l’Île-du-Prince-Édouard. Je n’ai aucune raison d’en douter et je n’ai aucune preuve du contraire.

[27] À la lumière de cette preuve, je considère que l’appelant n’avait pas la nécessité d’accompagner son épouse à l’Île-du-Prince-Édouard. Cette circonstance ne l’aide donc pas à prouver qu’il était fondé à quitter son emploi au moment de sa démission.

Conditions de travail dangereuses pour sa santé

[28] La loi prévoit qu’une personne dont les conditions de travail sont dangereuses pour sa santé ou sa sécurité est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnableNote de bas de page 7.

[29] Lorsqu’une personne affirme avoir quitté son emploi parce que ses conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécurité, elle doit : a) fournir une preuve médicaleNote de bas de page 8; b) avoir tenté de régler le problème avec son employeurNote de bas de page 9; c) avoir tenté de trouver un autre emploi avant de démissionnerNote de bas de page 10. Et avant de démissionner pour des raisons de santé, la personne doit informer son employeur ou la Commission des problèmes de santé qui l’amènent à mettre fin à son emploiNote de bas de page 11.

[30] L’appelant est responsable de démontrer que son travail avait des effets négatifs sur sa santé. En général, les prestataires doivent démontrer la présence d’un problème de santé précis et non d’un problème de santé général lié au stressNote de bas de page 12. La preuve médicale requise dépend des faits et des circonstances. Si le problème de santé est particulièrement évident, je pourrais conclure qu’une personne était fondée à quitter son emploi même en l’absence de rapport ou de certificat médicalNote de bas de page 13.

[31] La Commission affirme que l’appelant [traduction] « [...] n’a pas quitté son emploi pour des raisons de santé; il l’a quitté pour déménager de l’Ontario à l’Île-du-Prince-Édouard pour des raisons personnellesNote de bas de page 14 ».

[32] La Commission ajoute que l’appelant ne lui a pas fourni de renseignements médicaux pour démontrer qu’il a été forcé d’abandonner son travail pour des raisons de santéNote de bas de page 15. Dans sa demande d’assurance-emploi, il n’a pas dit qu’il avait démissionné pour des raisons médicales, mais plutôt pour des raisons personnelles. Et lorsque la Commission l’a interrogé, il a dit qu’il n’avait pas de limitations physiques à ce moment-là, mais que son état de santé l’empêcherait de travailler un jourNote de bas de page 16. Par conséquent, la Commission remet en question la crédibilité de la lettre de la médecin de famille qu’il a fournie après avoir déposé son appelNote de bas de page 17.

[33] La lettre de la médecin de famille de l’appelant (datée du 16 septembre 2022) est brève. Voici ce qu’elle dit :

[traduction]
W. G. a été mon patient pendant 15 ans. En raison de graves problèmes aux genoux (arthrose et chondromalacie aux deux genoux avec arthroscopie et débridement), il a été forcé d’abandonner le travail qu’il aimait, mais qui l’obligeait à s’agenouiller et à plier et déplier ses genoux de façon répétitive. Étant donné son état de santé, j’ai fortement conseillé à W. G. de changer de carrière.

[34] L’appelant a aussi présenté les éléments de preuve médicale suivants. J’en fournis un résumé :

Lettre de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario concernant la fermeture de son dossier (28 juillet 2020)Note de bas de page 18

  • Le 3 octobre 2018, blessure au genou gauche (ligament latéral interne).
  • Le rapport de suivi du programme de services spécialisés pour les membres inférieurs, daté du 19 novembre 2019, indique un rétablissement complet.
  • Le 16 juin 2020, une ou un médecin (spécialiste de la chirurgie orthopédique) a examiné le dossier et n’a noté aucune déficience permanente liée à la blessure indemnisable au ligament latéral interne du genou gauche et à l’exacerbation temporaire du problème préexistant au genou gauche.

    Le 19 novembre 2019, on note un rétablissement maximal sans déficience permanente découlant de la blessure subie au travail.

Déclaration de la médecin traitante (11 septembre 2020)Note de bas de page 19

  • Douleur intense sous la rotule, douleur pulsatile constante, aggravation s’il emprunte un escalier, douleur qui nuit au sommeil et à la qualité de vie, prise de Celebrex (200 mg par voie orale, chaque jour, au besoin), toujours assidu à la physiothérapie et aux exercices prescrits, mais ces derniers ne soulagent ou n’améliorent plus les symptômes.
  • Attente d’une consultation en vue d’une chirurgie orthopédique.
  • Il ne peut pas se pencher, s’accroupir, fléchir les jambes ou s’agenouiller, il doit le plus possible éviter de monter des escaliers et limiter les périodes en position debout, l’entreprise accepte d’adapter son travail, le pronostic est réservé, un retour au travail adapté est possible le 14 septembre 2020.

Évaluation des capacités physiques (avril et mai 2021)Note de bas de page 20

  • Le patient peut retourner au travail le 12 avril 2021 avec les restrictions suivantes :
    • semaine 1 : 3 jours de 4 heures; semaine 2 : 3 jours de 6 heures; semaine 3 : 3 jours de 8 heures; semaines 4 à 6 : 5 jours de 8 heures, selon ses capacités;
    • pendant 3 mois : il doit éviter de soulever de lourdes charges, sans quoi il risque de se blesser de nouveau.

[35] À l’audience, l’appelant a déclaré avoir 59 ans. Il a travaillé plus de 35 ans, y compris 22 ans comme technicien de service pour son dernier employeur. Il faisait l’entretien de fournaises et de chauffe-eau. Pour chaque contrat de service, il devait monter et descendre des escaliers six fois ou plus et s’agenouiller pendant une heure. Chaque jour ouvrable, il avait de six à sept contrats de service.

[36] Il a déclaré avoir des problèmes aux genoux depuis 10 à 15 ans, surtout au genou gauche. Il s’est blessé aux genoux en travaillant. Au fil du temps, ses problèmes se sont aggravés. Il s’est fait opérer les deux genoux. En 2020, il touchait une indemnité pour accident de travail, mais son dossier a été fermé. Comme il ne pouvait pas retourner au travail en raison de ses genoux, il a touché des prestations d’invalidité de courte durée pendant environ six mois. Il a reçu une injection au genou, puis a essayé de retourner travailler au printemps 2021, en suivant un plan de retour au travail assorti de restrictions et de mesures d’adaptation.

[37] Cependant, en juillet ou en août 2021, il est arrivé à un point où ses genoux ne voulaient plus fonctionner. C’est à ce moment-là qu’il a décidé qu’il devait quitter son emploi et chercher un autre type de travail. Son épouse et lui ont donc pris la [traduction] « décision de changer de vie », de vendre leur maison et de déménager à l’Île-du-Prince-Édouard. Ils ont vendu leur maison en novembre 2021. Il a travaillé jusqu’à la semaine où ils sont partis pour l’Île-du-Prince-Édouard en mars 2022.

[38] J’ai demandé à l’appelant pourquoi il n’avait pas mentionné ses problèmes aux genoux avant qu’on lui refuse des prestations d’assurance-emploi. Il a répondu qu’il n’avait jamais présenté de demande d’assurance-emploi et qu’il ne savait pas que c’était important. Personne ne l’a jamais interrogé à ce sujet. Quand il s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi, il a fourni plus d’information. Il a essayé d’expliquer 30 à 40 ans de travail, mais ne l’a pas fait comme il se doit devant la Commission. Il croyait être responsable de ne pas avoir fourni une explication complète.

[39] Je doute de certains renseignements qui figurent dans la lettre de la médecin de famille. Celle-ci a rédigé la lettre après que l’appelant a déposé son appel au Tribunal, soit plus d’un an après avoir quitté son emploi. Les limitations physiques qu’elle énumère et la raison de la démission semblent être des renseignements que l’appelant lui a donnés. Elle n’a joint aucune note de dossier médical ni aucun résultat d’examen. Et rien ne prouve qu’elle a vu l’appelant autour du moment où il a démissionné.

[40] Cependant, j’accepte ce que sa médecin de famille a écrit au sujet du conseil qu’elle lui a donné : elle lui a fortement recommandé de changer de carrière en raison de ses graves problèmes aux genoux. Je l’accepte pour deux raisons. Premièrement, il s’agissait de son avis de professionnelle de la santé. Elle aurait manqué de professionnalisme si elle avait donné une opinion qui ne s’appuyait sur aucune preuve médicale. Deuxièmement, elle était sa médecin de famille depuis longtemps, elle connaissait ses antécédents médicaux et a fourni des diagnostics de ses problèmes aux genoux dans sa lettre.

[41] J’accepte les renseignements qui figurent dans la déclaration de la médecin traitante et dans le formulaire d’évaluation des capacités physiques. Les médecins ont préparé ces documents lors de l’évaluation et du traitement de l’appelant. Je n’ai aucune raison de douter des renseignements qui y figurent. J’accorde plus d’importance à ces documents qu’à la lettre de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail et aux notes de la Commission de l’assurance-emploi qui indiquent qu’il n’avait aucune limitation. La lettre est axée sur les critères juridiques relatifs à l’indemnisation. La décision dans cette lettre porte sur les effets d’une blessure au genou gauche en milieu de travail, et non sur les problèmes chroniques aux genoux de l’appelant dans leur ensemble.

[42] L’appelant a déclaré avoir touché des prestations d’invalidité de courte durée pendant six mois après la fermeture de son dossier de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail. Par la suite, il avait d’importantes restrictions pour son retour au travail. Je n’ai aucune raison de douter de son témoignage à ce sujet ni de l’évaluation des capacités physiques réalisée avant son retour au travail. De plus, les dates qui figurent dans la déclaration de la médecin traitante et dans le formulaire d’évaluation des capacités physiques appuient son témoignage.

[43] J’accepte l’explication de l’appelant sur la raison pour laquelle il n’a pas informé la Commission de ses problèmes aux genoux avant de se voir refuser des prestations. C’est logique dans les circonstances. Il n’avait jamais demandé de prestations d’assurance-emploi. Il pensait recevoir des prestations. Il ne savait pas que la Commission lui demanderait de justifier sa démission. Il a envoyé des renseignements médicaux au Tribunal après avoir compris que c’était important pour son appel.

[44] Enfin, j’accepte le témoignage de l’appelant concernant :

  • son expérience de travail et les exigences physiques de son emploi de technicien en chauffage, ventilation et climatisation pour X (au cours des 22 dernières années);
  • ses problèmes chroniques aux genoux qui se sont développés en raison de son travail et qui se sont aggravés avec le temps;
  • son retour au travail après son invalidité de coute durée et son constat que ses genoux ne voulaient plus fonctionner;
  • sa décision de quitter son emploi (et de changer de carrière) pour des raisons de santé;
  • la décision prise avec son épouse de déménager à l’Île-du-Prince-Édouard, après avoir décidé de quitter son emploi (pour changer de carrière).

[45] Je n’ai aucune raison de douter de son témoignage sur ces points. Il a témoigné et a répondu à mes questions directement. Et ce qu’il a dit concorde avec l’opinion de sa médecin de famille de longue date. Celle-ci était d’avis qu’il devait changer de carrière en raison de ses graves problèmes aux genoux. Son témoignage concorde aussi avec les importantes restrictions et mesures d’adaptation que d’autres médecins ont recommandées pour son retour au travail.

[46] Selon la preuve que j’ai acceptée, je conclus donc que l’appelant a quitté son emploi de technicien en chauffage, ventilation et climatisation parce que les conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé.

[47] Le fait qu’il a travaillé jusqu’à son départ pour l’Île-du-Prince-Édouard ne change rien à mon évaluation des faits ni à mes conclusions de droit. Selon la Loi sur l’assurance-emploi, l’appelant devait prouver que son travail était dangereux pour sa santé ou sa sécuritéNote de bas de page 21. (Il devait aussi prouver que quitter son emploi était la seule solution raisonnable au moment de sa démission, ce que je vais examiner ci-dessous.) Le critère relatif à la justification prévu dans la Loi sur l’assurance-emploi n’exige pas qu’une personne travaille jusqu’à ce qu’elle devienne invalide.

[48] Je vais vérifier ci-dessous si d’autres solutions raisonnables lui auraient évité de quitter son emploi lorsqu’il a démissionné parce que les conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé.

Autre circonstance que l’appelant a mentionnée : se rapprocher de sa famille

[49] L’appelant a déclaré à la Commission et a expliqué à l’audience que l’une des raisons pour lesquelles son épouse et lui avaient déménagé à l’Île-du-Prince-Édouard était la proximité avec leurs enfants qui vivent là-bas. Il a aussi dit à la Commission qu’il avait perdu deux membres de sa famille (son frère et sa fille) pendant la pandémie de COVID-19. À cause des restrictions pandémiques, il n’a pas pu les voir quand ils sont décédés.

[50] Je n’ai aucune raison de douter du témoignage de l’appelant à ce sujet. Sa preuve est cohérente. Il a dit la même chose à la Commission et au Tribunal. Et rien ne prouve que ce n’était pas l’une des raisons pour lesquelles il a déménagé à l’Île-du-Prince-Édouard.

[51] Toutefois, dans les circonstances, vouloir se rapprocher de ses enfants et de sa famille ne l’aide pas à prouver qu’il était fondé à quitter son emploi au moment de sa démission. Je considère qu’il n’avait pas la nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parentNote de bas de page 22. Rien ne prouve que se rapprocher de sa famille était un besoin pressant ou une urgence. Il n’a pas dit que quelqu’un était malade ou avait besoin de soins au moment où il a quitté son emploi et déménagé à l’Île-du-Prince-Édouard.

Sa démission était la seule solution raisonnable

[52] Je dois voir si d’autres solutions raisonnables lui auraient évité de quitter son emploi lorsqu’il a démissionné. Si l’appelant avait d’autres solutions raisonnables, la loi dit qu’il n’aurait pas été fondé à quitter son emploi. Il serait alors exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[53] La Commission affirme qu’une autre solution raisonnable s’offrait à lui. Il aurait pu trouver un emploi à l’Île-du-Prince-Édouard avant de démissionner.

[54] L’appelant affirme que ce n’était pas raisonnable pour lui de chercher un emploi à l’Île-du-Prince-Édouard avant de démissionner, et ce, pour deux raisonsNote de bas de page 23 :

  • Premièrement, il ne connaissait pas le type de travail qu’il devait chercher. Il ne pouvait plus faire le travail pour lequel il avait été formé et qu’il avait fait pendant une trentaine d’années. À l’audience, il a dit qu’il s’était inscrit à un programme de recherche d’emploi après avoir déménagé. Il avait besoin de cette aide pour trouver un emploi qui convenait à ses limitations physiques.
  • Deuxièmement, il a déménagé pendant la pandémie. Il n’était pas certain que les frontières de la province seraient ouvertes, sans parler de l’état du marché du travail qui lui était inconnu à l’Île-du-Prince-Édouard. Ce n’était donc pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il trouve un emploi à partir de l’Ontario.

[55] J’accepte le témoignage de l’appelant sur cette question. Je n’ai aucune raison d’en douter. Il a témoigné de façon sincère, a répondu à mes questions directement, du mieux qu’il se rappelait, et a fait référence à ses documents médicaux lorsqu’il croyait que c’était utile.

[56] Selon son témoignage, je juge que chercher un emploi à l’Île-du-Prince-Édouard avant de quitter son emploi pour X n’était pas une solution raisonnable dans les circonstances au moment de sa démission.

[57] La Commission n’a pas trouvé d’autres solutions raisonnables. Et dans les circonstances, je n’en vois pas d’autres non plus.

[58] Par conséquent, je conclus que sa démission était la seule solution raisonnable compte tenu des circonstances lorsqu’il a décidé de quitter son emploi. Autrement dit, il a prouvé que c’était la seule solution raisonnable.

Conclusion

[59] J’ai examiné et soupesé la preuve et appliqué la loi. Je considère que l’appelant a prouvé qu’il a quitté son emploi parce que les conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé. Je considère aussi que quitter son emploi était la seule solution raisonnable au moment de sa démission.

[60] Bref, selon la Loi sur l’assurance-emploi, il était fondé à quitter son emploi. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.

[61] J’accueille donc son appel.

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