Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1405

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une
permission de faire appel

Partie appelante : C. K.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Angèle Fricker

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 12 mai 2023 (GE-23-606)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : En personne
Personnes présentes à l’audience : Le 12 septembre 2023
Membre du Tribunal : Appelante
Représentante de la partie défenderesse
Date de la décision : Le 9 octobre 2023
Numéro de dossier : AD-23-616

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale n’a commis aucune erreur révisable.

Aperçu

[2] L’appelante, C. K. (prestataire), a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination de son employeur. Elle a ensuite demandé des prestations d’assurance-emploi.

[3] La partie défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que la raison de la suspension de la prestataire constituait une inconduite et qu’elle était inadmissible au bénéfice des prestations.

[4] La prestataire a porté cette décision en appel à la division générale du Tribunal. La division générale a conclu que la Commission avait prouvé que la prestataire avait été suspendue en raison de son inconduite. Elle a conclu qu’elle était exclue du bénéfice des prestations et a rejeté son appel.

[5] La prestataire fait maintenant appel de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[6] Je rejette l’appel de la prestataire. La division générale n’a commis aucune erreur révisable dans sa décision. La prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite; elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Questions en litige

[7] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de reconnaître que le gouvernement avait enfreint le Code de Nuremberg?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur en omettant d’écrire correctement le nom de la reine Romana Didulo dans la décision ou en ne respectant pas les décrets royaux de cette dernière?
  3. c) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante en omettant de tenir compte du billet médical de la prestataire et du fait qu’elle était en congé de maladie?

Analyse

[8] Je peux intervenir dans la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc vérifier si la division générale a fait au moins une des choses suivantesNote de bas page 1 :

  • elle n’a pas offert une procédure équitable;
  • elle n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • elle a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

La division générale n’a commis aucune erreur révisable

La décision de la division générale

[9] L’employeur de la prestataire a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19 en octobre 2021, laquelle exigeait que les employés soient entièrement vaccinés au plus tard le 17 décembre 2021.Note de bas page 2

[10] La prestataire a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Dans sa demande, elle a déclaré que son dernier jour de travail était le 3 décembre 2021 et qu’elle avait cessé de travailler en raison d’une maladie.Note de bas page 3 Son relevé d’emploi montre que le dernier jour pour lequel elle a été payée était le 16 décembre 2021 et qu’elle avait pris un congé de son emploi.Note de bas page 4

[11] La prestataire a précisé qu’elle avait été mise en congé alors qu’elle était déjà en congé de maladie. Son employeur lui a dit qu’il la mettait en congé parce qu’elle n’avait pas respecté la politique de vaccination.Note de bas page 5

[12] La Commission a d’abord décidé que la prestataire n’était pas admissible aux prestations parce qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification.Note de bas page 6 Après révision, elle a modifié sa décision. Elle a plutôt décidé qu’elle était inadmissible parce qu’elle avait été suspendue en raison d’une inconduite.Note de bas page 7

[13] La prestataire a porté cette décision en appel à la division générale. La division générale devait décider pour quelle raison la prestataire avait cessé de travailler et si cette raison constituait une inconduite au sens de la loi.

[14] La division générale a décidé que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination de son employeur.Note de bas page 8 Elle a conclu que la Commission avait prouvé que ce motif constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a fondé sa décision sur les éléments suivants :

  • La prestataire était au courant de la politique exigeant que tout le personnel soit entièrement vacciné au plus tard le 17 décembre 2021.Note de bas page 9
  • La prestataire était au courant des conséquences découlant du non-respect de la politique.Note de bas page 10
  • La prestataire n’a pas demandé d’exemption à l’obligation de vaccination.Note de bas page 11
  • La prestataire a volontairement décidé de ne pas se conformer à la politique.Note de bas page 12

[15] La division générale a également reconnu que la prestataire avait présenté des arguments supplémentaires concernant les éléments suivants :

  • La politique de vaccination n’était pas légale parce qu’elle violait sa convention collective.Note de bas page 13
  • Son employeur n’a jamais répondu à ses préoccupations concernant l’innocuité du vaccin.Note de bas page 14
  • Son employeur a fourni aux employés vaccinés des ordinateurs portables pour qu’ils puissent travailler de la maison,Note de bas page 15 mais n’a pas fait la même chose pour les employés qui ne s’étaient pas fait vacciner.
  • La prestataire se considère comme un être souverain, non assujetti aux lois du Canada.Note de bas page 16

[16] La division générale a conclu qu’il ne relevait pas de sa compétence de décider si la politique de l’employeur contrevenait à la convention collective ni si elle était prescrite par la loi.Note de bas page 17 Elle a cité une décision récente de la Cour fédérale qui a confirmé que le Tribunal n’a pas le pouvoir de rendre des décisions sur l’autonomie corporelle ou sur l’innocuité et l’efficacité du vaccin.Note de bas page 18

[17] La division générale a rejeté les arguments de la prestataire selon lesquels elle n’est pas assujettie aux lois du Canada. La division générale a conclu qu’elle était tenue d’interpréter et d’appliquer la Loi sur l’assurance-emploi et qu’elle ne tiendrait pas compte des décrets royaux de la Reine Romana Didulo.Note de bas page 19

[18] La prestataire a obtenu la permission de faire appel au motif que la division générale avait peut-être commis une erreur de droit en faisant référence à l’exclusion de la prestataire plutôt qu’à son inadmissibilité aux prestations.

La division générale n’a commis aucune erreur de droit

[19] La division générale a bel et bien indiqué que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations, alors que la question en litige concernait son inadmissibilité, non son exclusion.

[20] Je suis d’accord avec la Commission qui fait valoir que la division générale a correctement fait référence à une inadmissibilité ailleurs dans la décision et a reconnu qu’il s’agissait d’une suspension, et non d’un congédiement. Je conclus que la référence à l’exclusion représentait une erreur de plume et non une erreur de droit de la part de la division générale.

[21] La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait que les actions du gouvernement ont enfreint le Code de Nuremberg. Elle dit que le vaccin est une arme biologique et fait référence à un médecin en Malaisie qui aurait été mis à mort, en vertu du Code de Nuremberg, pour avoir immunisé des personnes contre la COVID-19. La prestataire affirme que cela a créé un précédent.Note de bas page 20

[22] La division générale a reconnu à juste titre que son travail consiste à appliquer la Loi sur l’assurance-emploi et à décider si les gestes posés par la prestataire constituaient de l’inconduite. Elle a fait référence à la jurisprudence pour appuyer sa conclusion selon laquelle elle n’a pas le pouvoir d’examiner les questions relatives à la légalité ou à l’efficacité de la politique sur la vaccination.

[23] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en omettant d’examiner et d’appliquer le Code de Nuremberg.

[24] La prestataire soutient également que la division générale a commis une erreur de droit en refusant de respecter les décrets royaux de la reine Romana Didulo. Elle souligne également que la division générale a mal écrit le nom de cette personne dans sa décision.Note de bas page 21

[25] Comme je l’ai mentionné plus haut, la prestataire [sic] a correctement établi sa compétence et les questions qu’elle devait trancher. La division générale n’a pas commis d’erreur en refusant de respecter les décrets qui, selon la prestataire, s’appliquaient. La division générale a bien appliqué la loi.

La division générale n’a pas fondé sa décision sur des erreurs de fait

[26] La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’elle était en congé de maladie lorsqu’elle a été suspendue. La prestataire avait fourni deux billets médicaux, l’un indiquant qu’elle ne pouvait pas travailler en raison d’une maladie du 6 au 17 décembre 2021Note de bas page 22, et l’autre daté du 14 décembre 2021, prolongeant la période de congé jusqu’au 7 janvier 2022.Note de bas page 23

[27] La division générale n’a pas fait référence à ces billets dans sa décision. Toutefois, elle a reconnu que la prestataire était en congé au moment d’être suspendue.

[28] La division générale devait examiner les raisons de la suspension de la prestataire et décider s’il y avait eu inconduite. Elle n’était pas tenue d’examiner les gestes posés par l’employeur, à savoir le fait qu’il a suspendu la prestataire pendant qu’elle était malade. La Cour d’appel fédérale a déclaré que ce n’est pas la conduite de l’employeur qui est en cause dans une analyse de l’inconduite.Note de bas page 24

[29] La division générale a bien énoncé et appliqué les principes clés établis dans la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale.Note de bas page 25 Les tribunaux ont déclaré que l’inconduite est une conduite délibérée, ce qui signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas page 26 Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est pas nécessaire qu’une partie prestataire ait eu une intention coupable.Note de bas page 27

[30] Les tribunaux ont également déclaré qu’il y a inconduite lorsqu’une partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que le congédiement était une réelle possibilité.Note de bas page 28 La question n’est pas de savoir si la suspension ou le congédiement était justifié dans le contexte du droit du travail, mais si la partie prestataire pouvait prévoir qu’elle serait suspendue ou congédiée.Note de bas page 29

[31] Dans la décision récente de la Cour fédérale intitulée Cecchetto, on a analysé une affaire qui portait sur l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeurNote de bas page 30.

[32] Dans l’affaire Cecchetto, le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a aussi soutenu qu’il n’avait pas été prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire estimait qu’il faisait l’objet de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a soutenu qu’il avait droit à l’intégrité corporelle et que ses droits avaient été violés au titre du droit canadien et du droit international.Note de bas page 31

[33] La Cour a confirmé qu’il ne s’agit pas de questions que le Tribunal est autorisé légalement à aborder. Elle a confirmé que le Tribunal ne peut pas tenir compte de la conduite de l’employeur ni de la validité de sa politique de vaccination.Note de bas page 32 La Cour a convenu qu’un employé qui a délibérément décidé de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[34] La division générale a expliqué pourquoi elle a conclu que la conduite de la prestataire était délibérée et pourquoi elle constituait une inconduite. La division générale a cité la définition de l’inconduite issue de plusieurs affaires de la Cour d’appel fédérale. Elle a appliqué la loi aux faits. Ses conclusions étaient conformes à la loi et fondées sur la preuve dont elle disposait. La division générale n’a négligé aucun élément de preuve pertinent.

[35] La prestataire n’a relevé aucune erreur révisable commise par la division générale.

Conclusion

[36] La division générale a correctement cité et appliqué la loi concernant l’inconduite. Elle a étayé ses conclusions d’éléments de preuve et a expliqué les motifs de sa décision. Elle n’a commis aucune erreur révisable lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite.

[37] L’appel est rejeté.

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