Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 561

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (544326) datée du 21 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Vidéoconférence
Personnes présentes à l’audience : Le 1er février 2023
Membre du Tribunal : Appelant
Date de la décision : Le 20 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3329

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal de la sécurité sociale est d’accord avec le prestataireNote de bas page 1.

[2] La Commission de l’assurance-emploi n’a pas prouvé que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Si son départ n’était pas volontaire, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Il pourrait donc avoir droit à ces prestationsNote de bas page 2.

Aperçu

[3] Le prestataire prévoyait d’émigrer du Canada à la fin de 2021. Il a discuté de son projet avec son employeur, sans toutefois préciser la date de son dernier jour d’emploi parce qu’il n’était pas certain du moment où il pourrait prendre ses vols et entrer dans le pays d’accueil en raison des restrictions frontalières liées à la COVID-19. Après que l’employeur a embauché une personne pour le remplacer, le prestataire a annoncé qu’il allait rester au travail un certain temps, prendre des vacances, puis un congé parental non payé. L’employeur n’était pas d’accord. Il a donc envoyé au prestataire une offre de cessation d’emploi mutuelle. Le prestataire l’a rejetée. Par la suite, l’employeur a mis fin à l’emploi du prestataire et a dit qu’il avait démissionné.

[4] La Commission a examiné les circonstances entourant la fin d’emploi du prestataire. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de le quitter) sans justification. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations.

[5] Je dois décider si le prestataire a quitté volontairement son emploi et, si c’est le cas, si ce départ était justifié.

[6] La Commission affirme que le prestataire a amorcé le processus de fin d’emploi lorsqu’il a dit à son employeur qu’il avait l’intention de démissionner. Elle précise qu’un employeur peut choisir de raccourcir une période de préavis et fait remarquer que le prestataire avait décidé de mettre fin à son emploi. Elle est d’avis que le prestataire aurait pu trouver du travail dans son nouveau lieu de résidence avant de quitter volontairement son emploi au Canada.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme qu’il n’avait pas remis sa démission et n’avait pas fixé de date précise de démission non plus. Il avait simplement voulu donner un préavis aussi long que possible à son employeur. Quand celui-ci a commencé à faire pression pour qu’il fixe une date, il a dit qu’il donnerait un préavis de deux semaines. Il ajoute que son employeur a mis fin à son emploi et qu’il a produit un nouveau relevé d’emploi qui faisait référence à un congédiement sans motif.

Question en litige

[8] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire. Je dois ensuite décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Questions que j’ai examinées en premier

L’employeur n’est pas une partie mise en cause dans l’appel

[10] Parfois, le Tribunal envoie une lettre à l’employeur de la partie prestataire pour demander s’il veut être ajouté comme partie à l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur, mais n’a reçu aucune réponse.

[11] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier n’indique que ma décision lui imposerait de quelconques obligations légales.

Ma compétence est limitée

[12] Ma compétence, c’est-à-dire ma capacité de rendre une décision sur un appel, peut être exercée seulement après que la Commission a rendu une décision de révision et que la partie prestataire a choisi de la porter en appel. Ma compétence se limite à examiner les décisions de révision que la Commission a rendues.

[13] Par conséquent, je peux seulement vérifier si le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce que la Commission pense qu’il a quitté volontairement son emploi en octobre 2021.

[14] La Commission a dit qu’elle n’a pas encore révisé la décision qu’elle a rendue sur l’admissibilité du prestataire aux prestations parentales de l’assurance-emploi et qu’elle le fera une fois que le présent appel aura été traité. Si le prestataire n’est pas satisfait de la décision de révision de la Commission sur la question des prestations parentales, il pourra faire appel au Tribunal.

Analyse

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[15] Les parties, c’est-à-dire le prestataire et la Commission, ne sont pas d’accord sur le fait qu’il a quitté son emploi.

[16] La Commission affirme que le prestataire a démissionné. Elle explique que lorsqu’une personne présente une lettre de démission, son employeur peut décider de mettre fin à son emploi avant la date indiquée. Dans de telles situations, la Commission affirme que la fin d’emploi est toujours considérée comme volontaire à moins que la personne ne soit congédiée pour inconduite. La Commission précise que même si le prestataire dit qu’il n’a jamais remis de lettre de démission indiquant une date précise, il a tout de même amorcé la fin d’emploi quand il a avisé son employeur de son intention de déménager et de démissionner. Comme le prestataire a amorcé le processus de fin d’emploi, la Commission considère qu’il s’agit d’un départ volontaire.

[17] Le prestataire fait valoir qu’il n’a pas démissionné. Il affirme que la loi dit bien qu’une démission doit être claire et sans équivoque. Il soutient qu’il n’y a tout simplement pas eu de démission dans son cas.

[18] Le prestataire a déclaré que son épouse et lui étaient nouvellement parents depuis 2021. Ils exploraient la possibilité d’émigrer vers le pays d’origine de son épouse pour se rapprocher de sa famille. Il a dit qu’il voulait simplement en aviser son employeur le plus tôt possible. À ce moment-là, l’autre pays avait des restrictions sur les personnes qui pouvaient passer ses frontières en raison de la COVID-19 et il était difficile de réserver des vols.

[19] En mai 2021, le prestataire a discuté avec la responsable des ressources humaines de son employeur. Cette dernière a résumé leur conversation dans un courriel daté du 20 mai 2021 que voici :

[traduction]
Je vais vous inviter à une réunion avec [la patronne du prestataire] et moi.

Vous devrez nous indiquer la date qui convient le mieux à votre famille et vous.

À ce moment-là, je modifierai la lettre et vous la ferai parvenir.

Nous vous demanderons de signer cette lettre ainsi qu’une lettre de démission.

Une fois que nous aurons ces documents, [la patronne du prestataire] et moi allons collaborer avec vous pour préparer l’annonce de la transition, des dates, etc.

[20] Le 25 juin 2021, le prestataire a envoyé un courriel à la responsable des ressources humaines et à sa patronne pour résumer leur conversation sur son intention de déménager à l’étranger. Il a écrit : [traduction] « J’ai l’intention de démissionner vers la fin de l’année. Nous pouvons planifier mon dernier jour de travail actif pour le 15 octobre. Mes vacances et mon congé de paternité feront que ma fin d’emploi arrivera à la fin de l’année. Nous nous sommes aussi entendus sur une prime de maintien en poste de 5 000 $. Je vous donnerai les dates précises lorsque le transport aérien va redémarrer. »

[21] Le 21 juillet 2021, la patronne du prestataire a rédigé une annonce pour le départ du prestataire. Elle y mentionnait qu’il quitterait son emploi le 15 octobre 2021. Elle a demandé au prestataire de relire son texte. Il lui a répondu : [traduction] « Ç’a l’air bien. Cependant, je vais reconfirmer la date exacte qui sera probablement plus près du 1er ou du 15 novembre. J’ai dit à [la responsable des ressources humaines] que je confirmerais la date définitive au moins deux semaines à l’avance. » Sa patronne a répondu : « D’accord, alors je devrais peut-être écrire quelque chose comme “fin octobre”. »

[22] Le 22 juillet 2021, la patronne du prestataire a envoyé l’annonce à tout le personnel de l’entreprise. Elle a écrit ce qui suit à propos du prestataire : [traduction] « [il] quittera [l’entreprise] fin octobre 2021 » et « continuera d’exercer ses fonctions actuelles jusqu’à ce moment-là en octobre, mais je vais chercher quelqu’un qui pourra assumer son rôle environ un mois avant son départ pour assurer une bonne transition et la continuité des activités ».

[23] Le prestataire a reçu une copie de l’annonce par courriel. À l’exception de la modification du [traduction] « 15 octobre » pour « fin octobre » et « à ce moment-là en octobre », l’annonce était identique à celle que sa patronne lui avait fait relire.

[24] Le 23 juillet 2021, la responsable des ressources humaines a envoyé une lettre au prestataire qui disait : [traduction] « J’aimerais que vous me confirmiez par écrit ce qui suit :

votre intention de quitter volontairement [l’entreprise] en octobre 2021;

la prime de maintien en poste de 5 000 $ (avant impôt) que [l’entreprise] vous versera à votre dernière paie;

une lettre de recommandation écrite de [l’entreprise]. »

[25] La lettre demandait au prestataire de confirmer, au plus tard le 30 juillet 2021, qu’il acceptait ces conditions. Sous cet énoncé et sous le mot [traduction] « Accord », le prestataire a signé le 23 juillet 2021.

[26] Le 21 septembre 2021, le prestataire a répondu à un courriel de la responsable des ressources humaines qui lui a été envoyé ainsi qu’à sa patronne le 8 septembre 2021Note de bas page 3. L’objet du courriel était [traduction] « Réinstallation ». Dans sa réponse, le prestataire mentionne qu’il revient tout juste de vacances et que sa patronne est en congé. Il écrit qu’il a des nouvelles sur sa réinstallation :

[traduction]
En juin, je vous ai fait part de mon intention de déménager et vous, [la responsable des ressources humaines], avez dit que cela signifiait que je devrais démissionner.

[…] Je vous ai informé longtemps d’avance pour que vous ayez le temps de planifier la transition.

Cette communication a toujours porté sur mon intention de démissionner, mais je n’ai pas fourni de date précise de démission en raison de la pandémie, car les règles gouvernementales sur les frontières et les compagnies de transport changent constamment.

Depuis le début de cette communication en juin, rien n’a changé.

Vous me poussez à fournir une date de démission définitive, ce qui est extrêmement difficile pour les mêmes raisons que j’ai mentionnées ci-dessus.

Cependant, compte tenu des récentes mises à jour des politiques au [pays], je suis à l’aise avec le risque et j’ai fixé une date.

Si vous prévoyez toujours que la personne qui assumera mon rôle se joindra à moi pendant quatre semaines, vous pourriez l’accueillir le 15 novembre pour qu’elle soit à mes côtés jusqu’au 17 décembre. À ce moment-là, je vais prendre mes deux semaines de vacances restantes et cinq semaines de congé de paternité. Mon dernier jour de travail actif serait le 17 décembre, et mon dernier jour d’emploi officiel, le 4 février.

[27] La responsable des ressources humaines a répondu au courriel du prestataire. Elle a écrit : [traduction] « Parlons-en à 9 h. »

[28] Le 13 septembre 2022, la responsable des ressources humaines a parlé à une personne de Service Canada. Elle lui a dit que le prestataire avait informé l’employeur en mars ou en avril 2021 qu’il prévoyait de déménager à l’étranger avant la fin d’octobre 2021. L’employeur lui a accordé une prime de maintien en poste et lui a fait signer une entente écrite qui précisait qu’il quitterait son emploi fin octobre. La responsable des ressources humaines a dit qu’en septembre, elle a appris que le prestataire ne prévoyait peut-être pas de partir à la fin d’octobre et qu’elle a communiqué avec lui à ce sujet. Le prestataire lui a dit que c’était les vols qui posaient problème et non son visa. Elle a vérifié en ligne et il y avait des vols vers le pays en question. Elle a expliqué à la personne de Service Canada que lorsque l’employeur a parlé au prestataire, il a dit qu’il ne partait plus à la fin d’octobre en raison des vols et qu’il voulait rester jusqu’en mars. L’employeur a répondu qu’il serait rémunéré jusqu’à la fin d’octobre, mais qu’il n’était plus sur l’horaire à compter du 19 octobre 2021.

[29] Le prestataire a déclaré qu’il n’a jamais signé de lettre de démission. Il a dit que la lettre du 23 juillet 2021 qu’il a signée concernait [traduction] « ce qu’il prévoyait de faire ». Il a expliqué que s’il travaillait jusqu’au 31 décembre 2021, il recevrait une prime d’un régime d’incitatifs à court terme. Mais en juillet 2021, il n’était pas certain du montant de la prime, alors les 5 000 $ remplaçaient le régime d’incitatifs à court terme.

[30] Le prestataire a dit qu’il avait aidé à rédiger une description d’emploi pour son poste, mais qu’il n’avait pas participé au recrutement. Un jour, il a appris que quelqu’un avait été embauché pour le remplacer. Il a dit que les choses ont commencé à débouler par la suite et qu’on l’a poussé à donner une date définitive. La personne qui allait le remplacer a commencé à travailler la première semaine d’octobre 2021. Le prestataire a fait son intégration.

[31] Le prestataire a déclaré que son employeur lui a envoyé une offre de cessation d’emploi mutuelle le 7 octobre 2021. Il a dit à son employeur qu’il ne signerait pas l’offre. Il a demandé pourquoi il avait reçu cette offre à ce moment-là. L’employeur a répondu que c’était une mesure de protection qui permettait de confirmer sa démission. Le prestataire a dit qu’il n’avait pas reçu de lettre de cessation d’emploi. Le 19 octobre 2021, on lui a annoncé que c’était son dernier jour et qu’un service de messagerie viendrait chercher son équipement qui appartenait à l’employeur.

[32] Le prestataire a affirmé que, selon lui, sa demande de congé de paternité a fait que l’employeur [traduction] « est passé à la vitesse supérieure ». Il prévoyait de prendre un congé sans solde de cinq semaines et demander des prestations parentales de l’assurance-emploi pendant cette période. Il a expliqué qu’il n’y avait aucune politique concernant le congé de paternité, mais que l’employeur devait payer les primes d’assurance collective pendant son congé. Le prestataire a précisé qu’il avait utilisé l’expression [traduction] « dernier jour de travail actif » pour dire que ce serait le dernier jour où il travaillerait et qu’après, il prendrait ses vacances inutilisées, puis son congé de paternité non payé.

[33] Le prestataire a ajouté qu’il a eu recours à des services juridiques pour l’aider à régler ses problèmes de prestations d’assurance-emploi et à se faire indemniser pour la cessation d’emploi. Il affirme que le relevé d’emploi modifié du 5 janvier 2023 a été produit à la suite de discussions avec l’employeur. Il fait remarquer que l’employeur a inscrit [traduction] « Congédiement sans motif » dans les commentaires et que cette mention prouve qu’il n’a pas démissionné.

[34] Pour décider si le prestataire a quitté volontairement son emploi, il faut se demander s’il a eu le choix de continuer à occuper cet emploi ou nonNote de bas page 4.

[35] La correspondance écrite entre le prestataire et l’employeur concernant la fin de son emploi est, à mon avis, ambiguë.

[36] Le premier courriel à ma disposition est daté du 20 mai 2021 et provient de la responsable des ressources humaines. La seule référence à une date est lorsqu’on parle de ce qui [traduction] « convient le mieux » au prestataire et à sa famille.

[37] Par la suite, le 21 juillet 2021, le prestataire et sa patronne ont échangé des courriels sur le contenu de l’annonce de son départ à tout le personnel. Sa patronne avait d’abord écrit qu’il quitterait son emploi le 15 octobre. Il a répondu : [traduction] « […] je vais reconfirmer la date exacte qui sera probablement plus près du 1er ou du 15 novembre. J’ai dit à [la responsable des ressources humaines] que je confirmerais la date définitive au moins deux semaines à l’avance. » Lorsque l’annonce a été diffusée, elle disait que le prestataire allait partir [traduction] « fin octobre » et « à ce moment-là en octobre ».

[38] L’échange suivant qui se trouve au dossier d’appel est une lettre que la responsable des ressources humaines a adressée au prestataire le 23 juillet 2021 pour lui demander de confirmer, au plus tard le 30 juillet 2021, qu’il acceptait certaines conditions. Parmi ces conditions, il y avait [traduction] « [son] intention de quitter volontairement [l’entreprise] en octobre 2021 ». Le prestataire a donné son accord en signant la lettre le 23 juillet 2021.

[39] Le 21 septembre 2021, le prestataire a envoyé un courriel à l’employeur pour lui dire : [traduction] « Si vous prévoyez toujours que la personne qui assumera mon rôle se joindra à moi pendant quatre semaines, vous pourriez l’accueillir le 15 novembre pour qu’elle soit à mes côtés jusqu’au 17 décembre. À ce moment-là, je vais prendre mes deux semaines de vacances restantes et cinq semaines de congé de paternité. » Puis il a écrit : [traduction] « Mon dernier jour de travail actif serait le 17 décembre, et mon dernier jour d’emploi officiel, le 4 février. »

[40] L’échange suivant était l’offre de cessation d’emploi mutuelle que l’employeur a envoyée au prestataire le 7 octobre 2021. Le 13 octobre 2021, le prestataire a rejeté l’offre. Il a expliqué qu’il prévoyait continuer de travailler. Son emploi a pris fin le 19 octobre 2021.

[41] Le prestataire soutient qu’il n’a pas remis de lettre de démission. Il affirme que les échanges entre son employeur et lui portaient sur ses intentions et son projet. Il explique que son projet dépendait des vols offerts et des politiques frontalières. Il a affirmé avoir utilisé l’expression [traduction] « dernier jour de travail actif » pour dire qu’il travaillerait jusqu’à ce jour-là, mais qu’après, il prendrait ses vacances, puis son congé de paternité avant de quitter l’entreprise. Il dit qu’il n’avait fixé aucune date de démission.

[42] À la suite de discussions avec son ex-employeur, un relevé d’emploi modifié a été produit pour la raison suivante : [traduction] « Congédiement ou suspension ». Et l’employeur a inscrit [traduction] « Congédiement sans motif » dans les commentaires.

[43] Je ne suis pas liée par les décisions du juge-arbitre du Canada sur les prestations (CUB), mais j’estime que le raisonnement relatif à la confusion entre une date de démission et une « démission conditionnelle » est convaincant dans les décisions ci-dessous. Ce raisonnement permet de voir si une personne a volontairement quitté son emploi.

[44] Dans la décision CUB 57766, le prestataire a donné à son employeur un préavis d’environ deux mois au sujet de son intention de démissionner le 1er septembre 2000. Le 2 août 2000, son employeur lui a demandé s’il accepterait de devancer sa fin d’emploi au 8 août 2000. Il était d’accord. Une heure plus tard, l’employeur a mis fin à son emploi. Le conseil arbitral a conclu que le prestataire avait quitté son emploi sans justificationNote de bas page 5. La juge-arbitre a annulé la décision du conseil arbitral, qui avait rejeté l’appel du prestataire. Elle a déclaré que le conseil arbitral aurait dû tirer certaines conclusions de fait avant de trancher la question de la justification. Elle a expliqué que le conseil arbitral « n’[a] pas tiré les conclusions de fait nécessaires pour déterminer si la cessation d’emploi était conditionnelle et si les conditions en question avaient été remplies ou, à titre subsidiaire, si, avant que les conditions ne soient remplies, l’employeur a mis fin à l’emploi du prestataire ».

[45] Dans la décision CUB 13930, le prestataire a remis sa démission sous réserve de certaines conditions. Sans respecter ces conditions, son employeur a accepté la démission et a dit au prestataire de quitter les lieux. Le juge-arbitre a déclaré :

Selon moi, un employeur ne peut pas accepter une démission conditionnelle sans accepter également les conditions qui s’y rattachent. La société n’avait pas le droit d’accepter la démission du prestataire et de rejeter les conditions afférentes. [...] Bien que ce soit la lettre de démission conditionnelle du prestataire qui ait déclenché les événements qui ont mené à la perte de son emploi, il ne peut être soutenu dans ce cas-ci, qu’il a quitté son travail volontairement.

[46] Dans la présente affaire, il ne fait aucun doute que le prestataire a dit à son employeur qu’il avait l’intention de quitter son emploi. Dans son premier courriel à l’employeur le 25 juin 2021 visant à résumer sa discussion, il a écrit : [traduction] « J’ai l’intention de démissionner vers la fin de l’année. Nous pouvons planifier mon dernier jour de travail actif pour le 15 octobre. Mes vacances et mon congé de paternité feront que ma fin d’emploi arrivera à la fin de l’année. » Je considère que la [traduction] « fin de l’année » signifie le 31 décembre 2021. À mon avis, il s’agit d’une démission conditionnelle. En effet, le prestataire exprime l’intention de démissionner à condition que ses vacances et son congé de paternité permettent de poursuivre la relation d’emploi jusqu’au 31 décembre 2021.

[47] Le 21 juillet 2021, il a mentionné ce qui suit à sa patronne, mais pas à la responsable des ressources humaines : [traduction] « […] je vais reconfirmer la date exacte qui sera probablement plus près du 1er ou du 15 novembre. J’ai dit à [la responsable des ressources humaines] que je confirmerais la date définitive au moins deux semaines à l’avance. » Encore une fois, je suis d’avis qu’il s’agit d’une démission conditionnelle, car le prestataire a dit qu’il confirmerait plus tard la date à laquelle il donnerait un préavis de deux semaines.

[48] Selon moi, la lettre que le prestataire a signée le 23 juillet 2021 n’est pas une lettre de démission. La lettre demandait au prestataire de confirmer « [son] intention de quitter volontairement [l’entreprise] en octobre 2021 ». L’absence de date précise quant à la fin de l’emploi et l’absence de mention d’une entente sur des vacances ou un congé parental m’indiquent que personne ne savait clairement quand le prestataire arrêterait de travailler. Rien ne prouve qu’il a remis sa démission et que l’employeur a accepté une démission.

[49] Selon moi, le courriel que le prestataire a envoyé le 21 septembre 2021 constitue aussi une démission conditionnelle. En effet, il a écrit : [traduction] « Si vous prévoyez toujours que la personne qui assumera mon rôle se joindra à moi pendant quatre semaines, vous pourriez l’accueillir le 15 novembre pour qu’elle soit à mes côtés jusqu’au 17 décembre. À ce moment-là, je vais prendre mes deux semaines de vacances restantes et cinq semaines de congé de paternité. » Puis il a écrit : [traduction] « Mon dernier jour de travail actif serait le 17 décembre, et mon dernier jour d’emploi officiel, le 4 février. »

[50] L’employeur du prestataire a répondu en lui faisant une offre le 7 octobre 2021. Le 13 octobre 2021, il a dit à son employeur qu’il ne signerait pas cette offre. Il a demandé pourquoi il avait reçu cette offre à ce moment-là. L’employeur a répondu que c’était une mesure de protection qui permettait de confirmer sa démission. Cet élément de preuve m’indique que même si l’employeur croyait que le prestataire avait démissionné, il n’avait obtenu aucune lettre de démission de sa part ni aucune date précise de démission.

[51] L’employeur a mis fin à l’emploi du prestataire le 19 octobre 2021 et a modifié son relevé d’emploi plus tard. Il a changé la raison pour laquelle il avait produit le relevé : au lieu d’indiquer un départ volontaire, il s’agissait désormais d’un congédiement ou d’une suspension. Il a aussi inscrit dans les commentaires que le prestataire avait été congédié sans motif. Je reconnais qu’un relevé d’emploi est un élément de preuve parmi d’autres qui permettent d’évaluer si une personne a volontairement quitté son emploi. Dans la présente affaire, j’accorde plus d’importance au relevé d’emploi parce qu’il concorde avec les déclarations du prestataire, selon lesquelles son employeur lui a annoncé le 19 octobre 2021 que c’était son dernier jour de travail.

[52] Les éléments de preuve sur les échanges concernant le projet de démission du prestataire m’indiquent qu’il a présenté une démission conditionnelle. L’offre de l’employeur m’indique que celui-ci savait, en date du 8 octobre 2021, que le prestataire n’avait pas fixé de date de démission. La modification ultérieure du relevé d’emploi m’indique que l’employeur n’était pas disposé à accepter les conditions proposées, c’est-à-dire les vacances et le congé parental qui faisaient partie intégrante de la démission. L’employeur a plutôt choisi de mettre fin à l’emploi du prestataire le 19 octobre 2021. Par conséquent, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire n’a pas eu le choix de continuer à occuper cet emploi ou non. La Commission n’a donc pas prouvé que le prestataire a quitté volontairement son emploi.

[53] Comme j’ai établi que le prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi, je n’ai pas à décider si son départ était justifié.

Conclusion

[54] Je conclus que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait de prouver que le prestataire a quitté volontairement son emploi.

[55] L’appel est accueilli.

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