Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1388

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (539015) datée du 3 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Barbara Hicks
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 1er août 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Personne de soutien de l’appelante
Date de la décision : Le 20 août 2023
Numéro de dossier : GE-22-3927

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a perdu son emploi de représentante des services environnementaux dans un établissement de soins de santé. L’employeur de l’appelante a déclaré qu’elle avait été congédiée parce qu’elle ne s’était pas conformée à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] Même si l’appelante ne conteste pas que cela s’est produit, elle affirme qu’elle n’a rien fait de mal. Elle ne souhaite tout simplement pas se faire vacciner. Elle ne voulait pas recevoir un « vaccin expérimental » dont elle ne connaissait pas grand-chose et affirme que, comme elle a déjà eu la COVID-19, elle a une immunité naturelle et n’a pas besoin d’un vaccin pour se protéger. Elle croit également que le vaccin contre la COVID-19 contient des cellules d’embryons avortés, ce à quoi elle s’oppose pour des raisons religieuses. Elle a demandé une exemption pour des motifs religieux, mais sa demande a été rejetée.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions préliminaires

Appels multiples

[6] Le présent appel est lié à un autre appel impliquant les mêmes parties, portant le numéro GE-22-3928, qui a été instruit le même jour. Une décision distincte sera rendue pour cet appel.

Personne de soutien

[7] Les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale permettent à une partie d’avoir une personne de soutien pendant une audienceNote de bas de page 2. L’appelante a demandé que son amie, A. M., puisse l’aider pendant l’audience en organisant ses documents, en prenant des notes et en lui apportant un soutien émotionnel. J’ai accueilli la demande.

Conférence préparatoire

[8] Une conférence préparatoire a eu lieu le 26 avril 2023 pour discuter d’un certain nombre de questions ainsi que clarifier les questions en litige et les critères juridiques qui s’appliqueront. L’appelante a dit qu’elle avait des documents supplémentaires qu’elle aimerait déposer, alors je lui ai donné jusqu’au 17 mai 2023 pour le faire. Elle a également changé d’avis quant au mode d’audience qu’elle aimerait avoir. Elle a affirmé qu’elle voulait avoir une audience par téléconférence plutôt qu’en personne.

Question en litige

[9] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour répondre à la question de savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pourquoi l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[11] J’estime que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique d’immunisation contre la COVID-19 (la politique) de son employeur.

[12] La Commission affirme que la raison fournie par l’employeur est la véritable raison du congédiement. Le relevé d’emploi de l’employeur montre que l’appelante a été congédiée pour [traduction] « non-respect de la politique de Trillium sur la COVID-19 »Note de bas de page 3. La Commission a exclu l’appelante au titre des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[13] L’appelante admet que c’est la raison pour laquelle elle a perdu son emploi.

[14] Je ne vois aucune raison de ne pas accepter ce fait.

La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[15] La raison du congédiement de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[16] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 6.

[17] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 7.

[18] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 8.

[19] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelante a volontairement refusé de se conformer à la politique de vaccination obligatoire de l’employeur et qu’il y avait un lien clair entre son refus de se faire vacciner et son congédiement ou sa suspension. L’appelante avait été mise au courant de la politique et de ce qu’on exigeait d’elle. Elle savait que le non-respect de la politique pouvait entraîner sa perte d’emploiNote de bas de page 9.

[20] La politique a été publiée le 9 juillet 2021 conformément à la Directive no 6 de l’article 77.7 de la Loi sur la protection et la promotion de la santé. La politique s’applique à tous les membres du personnel, au personnel professionnel, aux apprenantes et apprenants, et aux bénévoles, y compris les personnes qui travaillent à distanceNote de bas de page 10.

[21] La politique est entrée en vigueur le 7 septembre 2021, avec une période de mise en œuvre de six semaines qui se terminerait le 20 octobre 2021.Note de bas de page 11

[22] Toutes les personnes étaient tenues de déclarer leur statut vaccinal au plus tard le 20 octobre 2021 en sélectionnant l’une des deux options suivantes [traduction] : 1) Je suis entièrement vacciné; ou 2) Je ne peux pas être vacciné pour des raisons liées à une exemption médicale ou à des mesures d’adaptation, et j’ai obtenu une exemption médicale ou des mesures d’adaptation.

[23] Le paragraphe 6 de la politique précise que le non-respect de la politique liée à la COVID-19 entraînera [traduction] « des mesures progressives pouvant aller jusqu’à la fin d’emploi ou de stage, ou à la restriction, à la suspension, à la révocation ou au non-renouvellement des privilèges »Note de bas de page 12.

[24] La politique exige que chaque personne reçoive le vaccin contre la COVID-19 et fournisse une preuve de vaccination au plus tard le 20 octobre 2021. Les personnes qui n’étaient pas entièrement vaccinées dans l’intervalle devaient suivre un régime de dépistage ou toute autre mesure de santé et de sécurité supplémentaire qui pourrait être nécessaire et faire la formation requiseNote de bas de page 13.

[25] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle n’a rien fait de mal. Elle ne voulait tout simplement pas se faire vacciner. Elle voulait pouvoir continuer à travailler tout en subissant des tests et des dépistages réguliers et en respectant les autres protocoles de santé et de sécurité qui étaient en place pendant la période de mise en oeuvre. La politique ne le permettait pas.

[26] L’appelante a demandé une exemption religieuse. Elle a remis à son employeur un « affidavit d’appartenance à la Confrérie Notre-Dame de Fatima » émis par Mgr Athanasius Schneider à Steubenville, dans l’Ohio. L’affidavit précise [traduction] :

« La présente a pour but de certifier que M. N. est une membre perpétuelle de la Confrérie Notre-Dame de Fatima en règle et qu’à ce titre, elle adhère à la croyance religieuse profondément enracinée que le crime d’avortement est tellement monstrueux que toute concaténation avec ce crime, même très lointain, comme les vaccins qui utilisent des cellules d’embryons avortés pour les tests ou la production, est immorale et ne peut être acceptée en aucune circonstance par une personne catholiqueNote de bas de page 14. »

[27] L’appelante a déclaré qu’elle a été catholique romaine toute sa vie et qu’elle fréquente une église locale, l’église Norval Queen of Peace, depuis 1979. Elle a demandé une exemption religieuse pour le vaccin contre la COVID-19 à son église locale et celle-ci lui a dit qu’elle ne la lui donnerait pas, ou plutôt qu’elle ne pouvait pas la lui donner. C’est à ce moment que l’appelante a obtenu l’affidavit de l’évêque de l’Ohio.

[28] L’appelante a déclaré à la Commission que sa demande d’exemption pour des motifs religieux a été rejetée, tout comme les autres personnes qui en ont fait la demande. Elle ne sait pas pourquoi par contre.

[26] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce qu’il est clair que l’appelante ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur. Elle admet qu’elle savait ce que disait la politique et qu’elle ne s’y est pas conformée délibérément. Elle ne voulait pas se faire vacciner et n’a fait aucune démarche pour le faire.

[27] Elle savait également que sa demande d’exemption religieuse avait été rejetéeNote de bas de page 15.

[28] L’appelante savait que l’une des conséquences du non-respect des règles pouvait être un congédiementNote de bas de page 16.

[29] Au début, l’appelante a été suspendue et a eu la possibilité de se conformer à la politique. Lors d’une rencontre avec les ressources humaines en décembre 2021, l’appelante a déclaré qu’elle n’était pas vaccinée. Elle a été mise en congé sans solde jusqu’au début de janvier pour pouvoir se faire vaccinerNote de bas de page 17.

[30] Le 4 janvier 2022, l’appelante a été placée en congé sans solde supplémentaire de 2 semaines et on lui a dit que si elle ne se faisait pas vacciner, elle pourrait être congédiéeNote de bas de page 18.

[31] Elle a pris rendez-vous avec son médecin, qui l’a mise en congé de maladie. L’appelante espérait toujours retourner au travail sans se faire vacciner, mais son employeur ne l’a pas autorisée à le faire. Elle a été congédiée le 18 février 2022 alors qu’elle ne respectait toujours pas la politiqueNote de bas de page 19.

[32] L’appelante ne conteste aucun de ces éléments. Ses gestes étaient délibérés et intentionnels.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[33] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[35] Ainsi, l’appel est rejeté.

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