Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDGAE 229
Date : Le 26 août 2015

Numéro de dossier : GE-15-1110

DIVISION GÉNÉRALE – Section de l’assurance-emploi

Entre :

D. L.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée

Décision rendue par : Richard Sterne, membre de la Division générale – Section de l’assurance-emploi

Audience tenue par téléconférence le 27 juillet 2015

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Motifs et décision

Comparutions

L’appelant, D. L., et son témoin, L. B., ont assisté à l’audience par téléphone.

Introduction

[1] L’appelant a été employé par X (employeur 1) jusqu’au 24 mai 2014 et par X (employeur 2) jusqu’au 31 mai 2014.

[2] L’appelant a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 19 septembre 2014.

[3] Le 24 octobre 2014, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimée) a informé l’appelant qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait quitté volontairement son emploi chez l’employeur 1 et l’employeur 2, sans justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[4] Le 18 novembre 2014, l’appelant a déposé une demande de révision des décisions rendues par l’intimé le 24 octobre 2014. Sa demande a été rejetée le 13 février 2015.

[5] L’audience a eu lieu par téléconférence pour les motifs suivants :

  1. a) La complexité de la question ou des questions faisant l’objet de l’appel.
  2. b) Le fait que la crédibilité ne semble pas être une question déterminante.
  3. c) Le fait que l’appelant sera la seule partie à assister à l’audience.
  4. d) Les renseignements au dossier, y compris le besoin de renseignements supplémentaires.
  5. e) Le mode d’audience satisfait à la condition énoncée dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[6] L’appelant a-t-il prouvé qu’il n’avait pas d’autres solutions raisonnables et qu’il était donc fondé à quitter volontairement son emploi, conformément à la Loi?

Droit applicable

[7] Article 29 de la Loi :

Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. (a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. (b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. (b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. (c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

[8] Article 30(1) de la Loi :

  1. (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage ou
    2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[9] Article 30(2) de la Loi :

  1. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

La preuve

[10] L’appelant a travaillé pour l’employeur 1 du 1er septembre 2012 au 24 mai 2014 et pour l’employeur 2 du 20 janvier 2012 au 31 mai 2014.

[11] Le 28 juin 2014, l’employeur 1 et l’employeur 2 ont établi les relevés d’emploi (RE) de l’appelant et ont indiqué que la raison de l’émission des RE était le code E, Démission.

[12] Le 19 septembre 2014, l’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi. Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, l’appelant a mentionné qu’il avait démissionné parce qu’il y avait des activités illégales au travail. Toutefois, il a également déclaré qu’il n’avait pas démissionné. Il a dit qu’il y avait des problèmes à régler concernant sa sécurité, ses conditions de travail dangereuses et le non-paiement des heures supplémentaires. L’appelant a déclaré qu’il attendait d’être rappelé au travail et qu’il n’a jamais informé l’un ou l’autre des employeurs de sa démission.

[13] Le 10 octobre 2014, l’appelant a dit à l’intimée qu’il n’avait pas quitté son emploi. Il a dit avoir signalé un acte criminel à la police et avoir demandé à son employeur 2 d’afficher un avis d’interdiction d’entrée à la personne impliquée dans l’acte criminel. Le lendemain, avant de se rendre au travail, il a envoyé un message texte à l’employeur 2 pour lui dire qu’il serait en retard, car il avait une réunion avec le procureur de la Couronne au sujet des questions d’emploi. L’employeur 2 lui a envoyé un message texte pour qu’il se présente au travail. Toutefois, l’appelant a répondu par message texte lui demandant si l’avis d’interdiction d’entrée avait été donné et a menacé de s’adresser à la Commission du travail. Il a dit que l’employeur 2 lui avait ensuite laissé un message vocal l’informant qu’il n’y avait pas de travail à la marina et qu’il n’avait donc pas à se présenter au travail. Il a dit qu’il attendait que l’employeur 2 l’informe du moment de son retour au travail. Il a affirmé qu’il ne s’attendait pas à ce qu’ils le mettent à pied puisque leur saison vient de commencer. Il a soutenu qu’il n’avait pas communiqué avec l’employeur 2 après le message vocal pour savoir si du travail était disponible.

[14] Le 15 octobre 2014, l’employeur 2 a dit à l’intimée que l’appelant avait cessé de se présenter au travail et qu’il n’avait pas appelé. L’employeur 2 a déclaré qu’il avait tenté de joindre l’appelant, mais que celui-ci n’avait pas répondu. L’employeur 2 a déclaré qu’il n’aurait pas congédié l’appelant parce qu’il avait du travail pour lui.

[15] Le 21 octobre 2014, l’appelant a dit à l’intimée qu’il estimait avoir fait des heures supplémentaires excessives et qu’il n’avait pas été payé pour ces heures supplémentaires.

[16] Le 24 octobre 2014, l’intimée a informé l’appelant qu’ils n’étaient pas en mesure de lui verser des prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait quitté volontairement son emploi chez l’employeur 1 le 24 mai 2014 sans justification au sens de la Loi. Ils ont déclaré qu’ils croyaient que quitter volontairement son emploi n’était pas sa seule solution de rechange raisonnable.

[17] Le 24 octobre 2014, l’intimée a informé l’appelant qu’ils n’étaient pas en mesure de lui verser des prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait quitté volontairement son emploi chez l’employeur 2 le 27 mai 2014 sans justification au sens de la Loi. Ils ont déclaré qu’ils croyaient que quitter volontairement son emploi n’était pas sa seule solution de rechange raisonnable.

[18] Le 18 novembre 2014, l’appelant a présenté une demande de révision des décisions rendues par l’intimée le 24 octobre 2014.

[19] Le 15 décembre 2014, l’appelant a fourni des renseignements supplémentaires à sa demande de révision.

[20] Le 22 décembre 2014, l’employeur 2 a laissé un message vocal à l’appelant indiquant qu’il n’avait pas été mis à pied, mais qu’ils avaient dû le laisser partir parce qu’il ne se présentait pas au travail.

[21] Le 13 février 2015, l’intimée a informé l’appelant qu’ils n’avaient pas modifié leurs décisions du 24 octobre 2014.

Observations

[22] L’appelant a fait valoir ce qui suit :

  1. a. il y avait plusieurs problèmes concernant son emploi, notamment :
    • des relevés d’emploi (RE) frauduleux,
    • la sécurité et les problèmes illégaux au travail,
    • le nombre déraisonnable d’heures supplémentaires,
    • le non-paiement des heures supplémentaires travaillées.
  2. b. il n’avait pas quitté volontairement son emploi, mais il avait plutôt été congédié.

[23] L’intimée a soutenu ce qui suit :

  1. a. l’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi et, par conséquent, ils ont imposé une exclusion indéfinie en vertu des articles 29 et 30 de la Loi à compter du 13 juillet 2014.

Analyse

[24] L’objectif de la Loi est l’indemnisation des personnes dont l’emploi s’est involontairement terminé et qui se retrouvent sans travail (arrêt Gagnon [1988] RCS 29).

[25] L’article 30(1) de la Loi prévoit que le prestataire qui quitte volontairement son emploi sans justification est exclu du bénéfice des prestations pour une période indéfinie. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, il s’agit d’établir si le prestataire avait une solution de rechange raisonnable au départ lorsqu’il a quitté son emploi.

[26] Au cours de l’audience, l’appelant a déclaré que le 28 mai 2014, il avait fait parvenir un message texte à l’employeur 2 pour l’informer qu’il serait en retard de 30 minutes parce qu’il avait une rencontre avec le bureau du procureur de la Couronne au sujet des problèmes qu’il avait avec l’employeur 2, soit l’affichage d’une interdiction d’entrée et les activités illégales dans l’entreprise. Il a dit que l’employeur 2 avait répondu par message texte qu’il avait besoin de lui au travail. L’appelant a déclaré que, plus tard, l’employeur 2 lui avait laissé un message vocal l’informant de ne pas revenir au travail.

[27] L’appelant a fait valoir qu’il n’a pas démissionné de son emploi. L’appelant a déclaré que Service Canada lui avait dit de mentionner qu’il avait démissionné dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, parce que c’était ce qui était indiqué sur ses RE.

[28] L’appelant a déclaré qu’il y avait des activités illégales dans l’entreprise. Il a décrit un incident où il a dû conduire le camion de l’entreprise parce qu’un collègue ne pouvait pas le faire en raison de ses facultés affaiblies. L’appelant a déclaré que les autres employés du camion fumaient des drogues illicites.

[29] Le Tribunal conclut que la politique de l’employeur interdisait les activités illégales de boire et de fumer de la marijuana au travail. Par conséquent, l’incident de l’appelant ne lui donne pas une justification pour quitter son emploi et ne constitue pas une exception en vertu de l’article 29(c)(iv) de la Loi.

[30] L’appelant a fait valoir qu’il devait faire des heures supplémentaires pour lesquelles il n’était pas payé. Le Tribunal admet que les heures supplémentaires ont pu se révéler problématiques. Cependant, il n’y a aucune preuve que l’appelant avait tenté de régler cette question avec l’employeur 2.

[31] Le Tribunal conclut que l’appelant a pris personnellement la décision de ne pas se présenter au travail après que l’employeur 2 lui eut demandé de se présenter au travail. Le Tribunal comprend que, plus tard, l’employeur 2 a laissé à l’appelant un message vocal l’informant de ne pas se présenter au travail, mais c’était après que l’appelant eut informé l’employeur 2 de ses conditions de retour au travail.

[32] Le Tribunal conclut que même si l’appelant savait qu’il s’agissait de la saison occupée de l’employeur 2, il n’a pas tenté de communiquer avec l’employeur 2 au sujet du retour au travail. Le Tribunal note que l’employeur 2 a déclaré qu’il devait laisser l’appelant partir parce qu’il ne s’est pas présenté au travail, ce qui constitue un abandon de poste, et que l’appelant n’avait pas tenté de communiquer avec l’employeur 2.

[33] Le Tribunal n’accepte pas l’argument de l’appelant selon lequel il n’a pas démissionné, mais a plutôt été congédié. L’appelant a déclaré qu’il avait vécu une situation semblable en 2012 lorsqu’il a été congédié pour ses actes. Le Tribunal conclut que l’appelant savait que ses gestes pouvaient entraîner son congédiement, de sorte qu’il a pris la décision consciente de mettre fin à son emploi en ne se présentant pas au travail ou en ne communiquant pas avec l’employeur 2. L’employeur 2 a d’abord déclaré qu’il n’avait pas l’intention de congédier l’appelant parce qu’il avait du travail pour lui. L’employeur 2 a plus tard déclaré qu’il avait laissé l’appelant partir parce qu’il ne s’était pas présenté au travail.

[34] Le Tribunal conclut que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de démissionner. Il aurait pu se présenter au travail lorsque l’employeur 2 lui a demandé de le faire. Il aurait pu tenter de communiquer avec l’employeur 2 au sujet de son retour au travail. Il aurait pu tenter de régler ses problèmes avec l’employeur 2. Il aurait pu continuer à travailler chez l’employeur 2 jusqu’à ce qu’il trouve un emploi plus convenable.

[35] La Cour d’appel fédérale a réaffirmé le principe selon lequel, lorsque le prestataire quitte volontairement son emploi, il lui incombe de démontrer qu’il ne disposait d’aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où il l’a fait.

Canada (PG) c White, 2011 CAF 190

[36] Le Tribunal conclut que le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi parce qu’il n’a pas prouvé qu’il n’y avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait, conformément à l’article 30(1) de la Loi.

Conclusion

[37] L’appel est rejeté.

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