Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DL c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2017 TSSDGAE 208.
Numéro de dossier du Tribunal : GE-16-1374

ENTRE :

D. L.

Appelant

et

Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Intimée

et

X

Mis en cause


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale, section de l’assurance‑emploi


DÉCISION RENDUE PAR :

Eleni Palantzas

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 novembre 2016

DATE DE LA DÉCISION :

Le 7 mars 2017

Sur cette page

Motifs et décision

Comparutions

Le prestataire, D. L., et son représentant, M. James Hildebrand, de la Huron Perth Community Legal Clinic, ont assisté à l’audience. L. B. était témoin. L’employeur (mis en cause), J. P. et son représentant, M. Gregory F. Stewart de Donnelly et Murphy, ont également assisté à l’audience. P. R. était témoin.

Introduction

[1] Le prestataire travaillait pour deux entreprises appartenant au même propriétaire. Le 19 septembre 2014, le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi après qu’il y a eu cessation d’emploi environ 4 mois avant le 27 mai 2014.

[2] Le 24 octobre 2014, la Commission a rendu le prestataire inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision du 18 novembre 2014 en soulignant qu’il n’avait pas quitté son emploi, mais qu’il avait été congédié. Le 13 février 2015, la Commission a toutefois maintenu sa décision.

[3] Le 13 mars 2015, le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. Toutefois, le 26 août 2015, l’appel du prestataire a été rejeté. Il a ensuite interjeté appel devant la division d’appel du Tribunal. Le 5 avril 2016, la division d’appel a accueilli l’appel du prestataire et a ordonné une nouvelle audience devant la division générale.

[4] La présente audience a eu lieu en personne en raison a) de la complexité de la question faisant l’objet de l’appel, b) du fait que plus d’une partie sera présente, c) du fait que l’appelant ou d’autres parties sont représentés et d) de la demande de l’appelant.

Question en litige

[5] La membre doit décider si le prestataire devrait être exclu du bénéfice des prestations au motif qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

La preuve

[6] Le prestataire a demandé des prestations le 19 septembre 2014 en mentionnant dans sa demande qu’il avait démissionné (page GD3-7), mais il a également déclaré qu’il n’avait pas démissionné et a fourni les raisons pour lesquelles il n’était pas au travail le 28 mai 2014. Il a expliqué que le propriétaire, R. P., a trois entreprises associées : X, X et X. Il a indiqué qu’il n’avait pas démissionné parce qu’il y avait des problèmes non résolus avec l’employeur au sujet a) de sa sécurité, b) des conditions de travail dangereuses et c) du non-paiement des heures supplémentaires. Il voulait que l’entreprise règle les problèmes et s’attendait à ce que l’employeur l’appelle pour qu’il reprenne le travail une fois ces problèmes réglés (pages GD3-9 et GD3-10).

[7] En ce qui concerne sa sécurité, le prestataire a précisé qu’il avait été informé le 24 mai 2014 que sa propriété personnelle (un chariot à hot-dog commercial) avait été vendue sans autorisation par le fils (D. D.) d’un résident du parc à roulottes (P. D.) situé à X. Le 27 mai 2014, il a informé les employeurs, R. P. et J. P., qu’ils devaient lui fournir un environnement de travail sécuritaire et qu’ils devraient produire un avis d’interdiction d’entrée pour que D. D. demeure en dehors de la propriété X. Le 28 mai 2014, J. P. l’a informé qu’il devait être au travail. Cependant, comme son problème de sécurité n’était pas réglé, il a informé l’employeur qu’il s’adresserait à la Commission du travail. Quinze minutes plus tard, Jim lui a laissé le message suivant : « D. L., il n’y a pas de travail pour vous à la marina, donc vous n’avez pas besoin de venir travailler » (page GD3-10).

[8] En ce qui concerne les conditions de travail dangereuses, le prestataire a noté que, le 24 mai 2014, sur le chemin du retour de X, son collègue lui a demandé de ramener le camion de l’entreprise chez lui parce qu’il n’était pas sobre. Un autre collègue et lui ont également fumé des drogues illicites dans le véhicule, ce qui était contraire à la politique de l’entreprise, le plaçant dans une situation dangereuse (page GD3-10). Le prestataire a mentionné qu’il avait informé J. P., alors qu’il était à X, mais il a demandé à (J. P.) de ne rien faire parce qu’il devait continuer à travailler avec cette personne et qu’il craignait des répercussions ou des représailles (page GD3-11). À la Commission, le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas appelé la Commission du travail au sujet de la consommation régulière de drogues illicites et de la consommation d’alcool au travail parce qu’il ne voulait pas perdre son emploi. Il était au courant de la drogue au travail au moment de son embauche, mais il devait travailler. D’autres ont porté la question à l’attention de l’employeur. Celui-ci a réagi en créant un formulaire que tous et toutes devaient signer et a formulé des avertissements. Cependant, personne n’a été congédié (pages GD3-23 et GD3-24).

[9] En ce qui concerne la question des heures supplémentaires, le prestataire a dit qu’il s’agissait d’un problème continu qu’il avait déjà porté à l’attention de l’employeur et qu’il soumettra à la Commission du travail. À de nombreuses reprises, l’employeur ne combinait pas les heures travaillées pour les trois entreprises et ne payait pas les heures supplémentaires (page GD3-10). Le prestataire a informé la Commission qu’il avait appelé la Commission du travail deux ans plus tôt au sujet de la question du salaire et des heures supplémentaires, mais qu’il n’avait pas effectué de suivi (page GD3-23). Il travaillait 60 heures par semaine pour les trois entreprises; était payé 44 heures par semaine pour une entreprise, puis était transféré à une autre entreprise pour que l’employeur puisse éviter de payer des heures supplémentaires (page GD3-28).

[10] L’employeur a produit deux relevés d’emploi (RE), pour Huron District Contracting et pour X. Les deux relevés mentionnent que le prestataire a quitté son emploi (pages GD3-21 et GD3-22).

[11] À la Commission, le prestataire a réitéré les mêmes motifs et les mêmes événements que dans sa demande. Il a confirmé que le 28 mai 2014, avant de se rendre au travail, il avait appelé son employeur pour l’informer qu’il avait un rendez-vous avec le procureur de la Couronne, mais que l’employeur lui avait envoyé un message texte pour qu’il se présente au travail. Il a répondu en demandant si l’avis d’interdiction d’entrée avait été donné et en le menaçant d’une action de la Commission des relations de travail. L’employeur lui a ensuite laissé un message l’informant qu’il n’y avait pas de travail à la marina, de sorte qu’il n’avait pas à se présenter au travail. Le prestataire a déclaré qu’il attendait que l’employeur lui dise quand revenir au travail. Il ne s’attendait pas à être mis à pied, car c’était le début de la saison (page GD3-23). Plus tard, le prestataire a informé la Commission qu’il n’avait pas appelé son employeur pour savoir quand il pourrait reprendre le travail parce qu’il croyait avoir été mis à pied (page GD3-28). Lorsque la Commission lui a demandé pourquoi il n’avait pas pris de congé lorsque l’employeur a refusé de produire un avis d’interdiction d’entrée, le prestataire a répondu qu’on ne lui avait pas dit de prendre un congé et qu’il [traduction] « considère qu’il s’agit d’un congé » (page GD3-32). Le prestataire a également confirmé que l’employeur lui a offert de travailler avec quelqu’un d’autre, mais il s’est demandé quel serait l’effet de cette mesure. Il a confirmé qu’il ne s’était pas adressé à la Commission du travail (page GD3-31). Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas communiqué avec l’employeur. Il n’a pas eu de nouvelles de l’employeur et a seulement découvert qu’il avait été congédié deux semaines plus tard lorsqu’il a reçu une facture pour l’entreposage de ce bateau sans le rabais pour les employés et lorsque son poste a été annoncé sur Internet. Il a demandé à un ami de se renseigner au sujet de son RE (pages GD3-23, GD3-24, GD3-28, GD3-31 et GD3-32).

[12] L’employeur, J. P., a déclaré à la Commission que le prestataire avait cessé de se présenter au travail et qu’il n’avait pas appelé. Il n’avait pas congédié le prestataire parce qu’il avait du travail pour lui. Il a convoqué le prestataire à une rencontre, mais ce dernier n’a pas répondu. Après quelques semaines sans contact, ils ont produit les RE. L’employeur a expliqué que le prestataire s’attendait à ce qu’il affiche un avis d’interdiction d’entrée parce qu’un membre de la famille de l’un de ses meilleurs clients a volé ou n’a pas payé un article personnel du prestataire. L’employeur a refusé de s’occuper de questions personnelles. Le matin du 28 mai 2014, il a envoyé un message texte au prestataire pour qu’il se présente au travail. Il a suggéré au prestataire de travailler dans une autre région ou de demander à quelqu’un d’autre de travailler avec lui, mais le prestataire a refusé. Plus tard, il a demandé au prestataire de venir en parler et lui a laissé un message vocal, mais le prestataire n’a pas répondu. Il a déclaré qu’il n’est pas au courant d’activités illégales ou de menaces à la sécurité du prestataire, sinon il aurait pris des mesures. Comme la nature de leur travail peut être dangereuse, ils fournissent une formation continue et de l’équipement de sécurité; ils prennent cela au sérieux et doivent satisfaire aux exigences. Il a confirmé que le prestataire peut travailler 7 jours par semaine, mais qu’il a été payé pour les heures supplémentaires (pages GD3-27, GD3-29 et GD3-30).

[13] Le 24 octobre 2014, la Commission a informé le prestataire qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations régulières parce qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification, n’ayant pas épuisé toutes les solutions raisonnables (page GD3-33).

[14] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision en soulignant qu’il n’avait pas démissionné, mais qu’il avait été congédié à tort. Il a soutenu que l’employeur avait émis des RE frauduleux en indiquant qu’il avait démissionné. L’employeur l’a fait en représailles après avoir été informé que le prestataire s’adresserait à la Commission du travail au sujet des questions non résolues, c.-à-d. la sécurité, les heures supplémentaires excessives et le non-paiement des heures supplémentaires (pages GD3-36 à GD3-45). Il estime avoir été congédié lorsque l’employeur a indiqué [traduction] « retour non prévu » sur son RE et lui a laissé un message mentionnant [traduction] « il n’y a pas de travail à la marina, donc ne te présente pas au travail ». Il a fait remarquer que s’il avait été mis à pied, l’employeur aurait produit un RE indiquant « inconnu » quant au moment où il devait reprendre le travail, comme il l’a fait à des occasions précédentes (page GD3-41). Dans ses observations modifiées (pages GD3-223 à GD3-228), le prestataire mentionne que ce même message vocal et le fait qu’on ne lui a pas demandé de remettre ses clés confirment qu’il a été mis à pied (page GD3-225). Il note que d’autres employés n’ont pas été informés qu’il avait démissionné ou qu’il avait été congédié. L’employeur les a informés qu’il avait été mis à pied (page GD3-226).

[15] Le prestataire a soumis une preuve documentaire à l’appui des déclarations présentées dans ses observations, y compris la facture d’entreposage d’embarcations et l’offre d’emploi démontrant qu’il ne savait pas qu’il avait été congédié jusqu’au 18 juin 2014 (pages GD3-46 à GD3-48), la politique de tolérance zéro de l’employeur en matière de drogues et d’alcool (page GD3-73) et le formulaire de politique qu’il a signé (page GD3-156), les talons de paie et les feuilles de temps pour démontrer qu’il a effectué un nombre déraisonnable d’heures supplémentaires (pages GD3-79 à GD3-130 et GD3-145 à GD3-219). Il a présenté une demande au ministère du Travail le 27 novembre 2014 au sujet des questions relatives aux heures supplémentaires (pages GD3-229 à GD3-332) et les documents et lettres de recommandation personnelles d’autres employés (pages GD3-47 à GD3-221 et GD3-233 à GD3-246).

[16] Le prestataire a transcrit un message téléphonique de l’employeur du 22 décembre 2014 dans lequel l’employeur informe le prestataire qu’il a reçu un appel de la WSIB et qu’il lui a dit la vérité, soit : [traduction] « […] vous n’avez pas été mis à pied et nous devions vous laisser partir parce que vous ne vous présentiez pas au travail et pour quelque raison que ce soit […] » (pages GD3-249 et GD6-7). Enregistrement réel (RGD4a).

[17] Une copie des messages textes échangés entre le prestataire et l’employeur le 28 mai 2014 établit qu’ils commencent à 7 h 52 et se terminent à 20 h 30. À 7 h 52, le prestataire a mentionné qu’il a une réunion et qu’il sera en retard. L’employeur a toutefois insisté pour que le prestataire se présente au travail avant et après sa rencontre en soulignant qu’il a planifié la journée de travail et qu’il a besoin de lui au travail. À 11 h 09, l’employeur demande une réponse. À 13 h 12, le prestataire répond en demandant si l’employeur peut offrir un environnement de travail sécuritaire concernant D. D. À 13 h 26, l’employeur a informé le prestataire qu’il avait du travail à faire et offre de lui adjoindre quelqu’un. À 13 h 28, le prestataire a informé l’employeur qu’il devait communiquer avec la Commission du travail et ne voit aucune raison pour laquelle l’employeur ne peut produire un avis d’interdiction d’entrée. À 14 h 28, l’employeur dit au prestataire de se rendre au travail. Il ajoute que s’il veut discuter, il parlera de ses problèmes à son arrivée ou par téléphone. À 20 h 30, l’employeur envoie un message texte au prestataire pour l’informer qu’il lui a laissé un message vocal parce qu’il n’a pas répondu au téléphone à 17 h. Il fait observer qu’un appel téléphonique du prestataire est nécessaire pour discuter de son comportement avant que l’employeur se sente à l’aise de le faire revenir au travail (pages GD3-253 à GD3-257).

[18] La Commission a communiqué avec l’employeur qui a déclaré que l’emploi avait pris fin parce que le prestataire avait cessé de se présenter au travail. Il devait se présenter le reste de la semaine, à compter du 29 mai 2014. Il n’a pas pu confirmer s’il avait dit au prestataire de ne pas se présenter. Cependant, s’il l’avait fait, cela aurait été après que le prestataire eut déjà manqué plusieurs quarts de travail (page GD3-250). L’employeur a également déclaré que le prestataire n’avait pas été congédié en 2012 pour s’être présenté à la Commission du travail. Il n’a congédié le prestataire qu’une seule fois : lorsqu’il a refusé de se présenter au travail en 2014 (page GD3-258).

[19] À la Commission, le prestataire a mentionné qu’il avait été congédié ou mis à pied environ 15 minutes après avoir dit à l’employeur qu’il s’adresserait à la Commission du travail. Il a alors reçu un message vocal de l’employeur mentionnant [traduction] « il n’y a pas de travail à la marina, alors ne vous présentez pas au travail ». Il a confirmé que la chronologie des événements et les messages textes envoyés par l’employeur sont exacts (pages GD3-247 et GD3-259).

[20] Le 13 février 2015, la Commission a examiné ses motifs avec le prestataire, a maintenu sa décision initiale et a avisé les parties (pages GD3-259 à GD3-264).

[21] Le prestataire a présenté une déclaration de R. C. selon laquelle il a entendu un message vocal le 28 mai 2014 ou vers cette date. Dans ce message, J. P. disait ce qui suit au prestataire [traduction] « il n’y a pas de travail à la marina, alors ne revenez pas au travail » (page GD6-6).

Preuve à l’audience

Le témoignage du prestataire

[22] Le prestataire a réitéré et confirmé les événements qui ont mené à son dernier jour de travail, le 28 mai 2014, et qui se sont produits au sujet des messages textes échangés entre lui et l’employeur (pages GD3-253 à GD3-257). On a demandé au prestataire si l’employeur lui a téléphoné après le message texte de l’employeur envoyé à 20 h 30. Le prestataire a témoigné que l’employeur lui a téléphoné peu après l’avis du prestataire selon lequel il n’avait d’autre choix que de communiquer avec la Commission du travail pour lui rapporter les propos de l’employeur : [traduction] « Il n’y a pas de travail à la marina. Ne venez pas travailler D. L. ». Le prestataire a témoigné qu’il a interprété le dernier message texte de 20 h 30 comme signifiant que l’employeur était en colère parce qu’il s’adressait à la Commission du travail. C’est le comportement auquel il fait référence. Il soutient que l’énoncé [traduction] « avant que je me sente à l’aise de vous revoir au travail » signifiait qu’il l’avait congédié. Il n’y a eu aucun autre contact ou lettre de l’employeur depuis ce jour-là. La première indication et confirmation qu’il avait été congédié remonte au moment où il a reçu la facture relative au bateau. Le prestataire a témoigné que P. R. lui avait laissé des messages seulement pour qu’il paie sa facture d’entreposage de bateau. Il n’est nullement fait mention de la raison pour laquelle il ne s’était pas rendu au travail. Il n’a pas appelé l’employeur pour reprendre le travail parce que dans son esprit, il avait été congédié.

[23] Le prestataire a confirmé qu’il y avait eu un problème d’heures supplémentaires étalé sur cinq ans. Il a expliqué qu’il n’avait été payé des heures supplémentaires que lorsqu’il travaillait pour une seule entreprise.

[24] En ce qui concerne la question de la sécurité au travail, le prestataire a confirmé qu’il n’a pas arrêté le camion, communiqué avec l’employeur ou refusé de conduire lorsque ses collègues (superviseur et gestionnaire de la sécurité) fumaient du pot dans la voiture alors qu’il conduisait; et lorsque l’employeur l’a appelé pendant qu’il conduisait, il ne lui a rien dit. Il n’a pas signalé l’incident au ministère du Travail. Le prestataire a déclaré qu’il s’était plaint à ces collègues qui faisaient partie de la direction.

[25] En ce qui concerne sa sécurité à l’égard de D. D., le prestataire a confirmé qu’il avait signalé l’incident à la police, mais qu’elle n’avait pas de motifs suffisants pour porter une accusation. Le prestataire a témoigné qu’il n’a pas encore porté une accusation de menace contre un particulier (à la date de l’audience). Cependant, il s’est assuré d’éviter tout contact avec lui au cours des deux dernières années même s’ils vivent tous deux à X.

[26] Le prestataire a confirmé qu’il n’avait jamais rencontré le procureur de la Couronne le 28 mai 2014 pour discuter de la question de savoir si les actions de D. D. équivalaient à un acte criminel.

[27] En ce qui concerne les messages textes, il a témoigné qu’il s’attendait à ce que l’employeur produise un avis d’interdiction d’entrée pour protéger sa sécurité sur son lieu de travail. Il a confirmé que l’employeur lui a offert de travailler avec une autre personne. Il a témoigné que l’offre de l’employeur était inacceptable parce qu’à tout moment, il peut travailler dans une marina et l’autre partie à l’autre marina. Le prestataire a témoigné qu’il n’avait pas demandé à l’employeur ce qu’il entendait par son offre selon laquelle il ne travaillerait pas seul. Il n’a pas informé l’employeur ni ne lui a dit qu’ils pourraient être séparés. Il n’a pas approfondi l’offre. Il a déclaré qu’il s’agissait d’une situation normale, qu’ils travaillaient à deux. Le prestataire a convenu qu’il avait pris une décision selon laquelle il ne serait satisfait que si l’employeur produisait un avis d’interdiction d’entrée à l’encontre de D. D.

[28] Le prestataire a confirmé qu’après avoir menacé l’employeur de s’adresser au ministère du Travail, l’employeur l’a invité à se rendre au travail et à discuter, mais il ne l’a pas fait. Il a confirmé qu’il n’avait pas appelé l’employeur. À 20 h 30, la journée de travail était terminée. Il n’a pas rappelé l’employeur ni ne s’est renseigné le lendemain parce qu’il a été congédié. Le prestataire a déclaré qu’il n’avait présenté aucune demande de renseignements du 28 mai 2014 au 15 juin 2014 (il a reçu une facture sans avis à l’employé) parce que selon lui, il avait été congédié le 28 mai 2014. Lorsqu’il a reçu son RE indiquant qu’il avait « démissionné », il n’a pas appelé son employeur pour s’informer.

[29] Le prestataire a fait référence à un message vocal qu’il a reçu indiquant [traduction] « il n’y a pas de travail à la marina, ne viens pas travailler ». Il a déclaré qu’un témoin a entendu ce message (page GD6-6), mais qu’il n’a pas de transcription, et que le témoin est décédé depuis.

[30] Le prestataire a témoigné que les seuls messages qu’il a reçus de P. R. sur son téléphone cellulaire portaient sur le paiement de l’entreposage de son bateau. Il n’a répondu à ces messages que le 26 août 2014.

Témoin du prestataire, L. B.

[31] L. B. a témoigné qu’elle s’occupait de la paie pour les trois entreprises des employeurs et qu’elle n’y travaille plus (de 2013 à 2015). Elle a témoigné que si un employé faisait des heures supplémentaires pour une entreprise, il était rémunéré en heures supplémentaires. Si l’employé a accumulé des heures de travail sur une feuille de temps pour les trois entreprises, il ne recevait pas d’heures supplémentaires rémunérées. Le personnel de bureau n’était pas rémunéré pour travailler pendant le dîner, mais elle ne l’a pas signalé au ministère du Travail.

[32] L. B. a témoigné qu’elle n’avait pas de relation intime avec le prestataire.

[33] L. B. a témoigné qu’il existait une politique écrite sur les drogues et l’alcool en date du 28 août 2013. Elle confirme que les propriétaires ont été informés que des employés abusaient toujours de drogues et d’alcool sur les chantiers. En décembre 2014, elle a inscrit un refus de travail pour un employé qui a quitté le lieu de travail expressément en raison de la consommation d’alcool et de drogues sur le lieu de travail et d’une menace de violence proférée contre lui. Elle a confirmé que ce n’était pas rare. L. B. a déclaré qu’elle n’avait pas été témoin personnellement d’abus de drogues ou d’alcool.

Témoignage de l’employeur

[34] J. P. a témoigné que l’employeur est composé de trois entités juridiques distinctes, que le travail chez « X » est un travail avec de l’équipement lourd, et que les « marinas » sont une entreprise de navigation de plaisance et de parcs à roulottes.

[35] J. P. a déclaré qu’ils avaient entendu parler de la consommation de drogues et d’alcool au travail; la dernière fois en décembre 2015, lorsqu’ils avaient interrogé les personnes concernées et effectué une enquête. Cependant, ils ne disposaient d’aucune preuve.

[36] J. P. a témoigné que le 27 mai 2014, il a parlé au prestataire avec D. P. Le prestataire lui a demandé de produire un avis d’interdiction d’entrée à l’encontre de D. D. en raison d’une affaire personnelle. Le prestataire n’a rien demandé d’autre pour le protéger. Le 28 mai 2014 était un mercredi. Ils coupaient alors toute l’herbe. Les messages textes de l’employeur envoyés à 8 h 17 visaient à informer le prestataire qu’il exigeait qu’il soit au travail pour préparer la propriété et organiser le personnel et le travail et qu’il s’attendait à ce qu’il soit présent. Il n’y a eu aucun contact du prestataire entre 8 h 34 et 11 h 09. Le prestataire a commencé à envoyer des messages de réponse à 13 h 12. J. P. a témoigné qu’à 13 h 26, il voulait toujours que le prestataire se présente au travail. Il a témoigné qu’il voulait que le prestataire travaille avec quelqu’un afin qu’il se sente en sécurité s’il croise quelqu’un. J. P. a déclaré que B. D. (le père de D. D.) a une roulotte à X de l’autre côté de la rivière. Le prestataire et l’autre employé (C.) allaient travailler à la marina d’entrée, qui est une propriété différente, de sorte qu’il ne croyait pas qu’ils se trouveraient dans le même secteur. Le prestataire ne lui a pas demandé ce qu’il voulait dire lorsqu’il affirmait qu’il ne travaillerait pas seul. J. P. a témoigné qu’à 14 h 28, il voulait que le prestataire soit au travail, car c’était la fin de la journée. Ils pourraient alors discuter et résoudre tout problème. À 14 h 30, il donnait au prestataire toutes les occasions de venir discuter. Après 15 h 30, il a appelé le prestataire et lui a dit [traduction] « il n’y a pas de travail pour toi, ne te présente pas à la marina », il n’a pas dit [traduction] « ne reviens pas », il a dit [traduction] « ne te présente pas » parce qu’à ce moment-là, le prestataire n’était pas dans l’état d’esprit ce jour-là pour travailler avec de l’équipement, près de l’eau et d’autres personnes pendant la période de 1,5 heure de travail restante. Le travail se termine habituellement à 17 h ou 18 h. À 20 h 30, il voulait s’assurer que le prestataire était apte à reprendre le travail. J. P. a témoigné qu’il s’attendait à ce que le prestataire revienne le lendemain. C’est ce qu’il espérait. Le prestataire n’a pas accusé réception du message.

[37] Il a déclaré qu’ils avaient donné au prestataire un certain nombre de semaines pour revenir. Il a demandé à P. R. de l’appeler, il a fait un suivi auprès d’elle pour s’assurer que l’appel avait bel et bien été effectué, mais le prestataire n’a pas répondu. C’est pourquoi ils ont produit le RE trois semaines plus tard. Lorsqu’il s’était déjà absenté en 2013 (pendant la tornade), ils ont attendu et il est revenu. J. P. a déclaré qu’il avait demandé, puis exigé qu’il vienne parler avant son prochain quart de travail, mais que le prestataire n’avait pas communiqué avec l’employeur ni ne lui avait répondu lorsque l’employeur l’appelait. Il avait tenu compte du fait que le prestataire avait démissionné et avait refusé de venir discuter.

[38] Il a témoigné qu’il n’avait absolument pas congédié le prestataire parce qu’il avait appelé le ministère du Travail.

[39] J. P. n’a pu expliquer pourquoi un RE antérieur (page GD3-70) a été produit en 2011 et un RE de novembre 2013 a été produit plusieurs mois plus tard par le bureau, soit en juin 2014, car ce n’est pas leur protocole habituel.

[40] M. Hildebrant a renvoyé J. P. à une déclaration qu’il avait faite à la Commission au sujet de l’emploi du prestataire. J. P. a témoigné qu’il se souvient qu’il se trouvait dans la voiture (en juin ou en juillet – il aurait besoin de voir la transcription) lorsqu’il a confirmé qu’ils n’ont jamais laissé le prestataire partir sauf lorsqu’il ne s’est pas présenté au travail.

[41] J. P. a témoigné que le prestataire n’a pas été congédié, mais qu’il est parti parce qu’il ne s’était pas présenté pendant trois semaines. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi le prestataire n’avait pas reçu de lettre, comme un autre employé en avait reçu une après s’être absenté pendant quatre jours, J. P. a répondu qu’il gérait la marina, tandis que l’autre employé travaillait pour « X ». Il ne pouvait pas fournir d’explications.

[42] J. P. a témoigné que pour qu’il congédie quelqu’un pour avoir enfreint sa politique sur les drogues et l’alcool, il devait faire enquête et recevoir des preuves autres que seulement des preuves par ouï-dire, selon la situation. Selon lui, ils n’ont aucune tolérance à l’égard de la consommation de drogues et d’alcool au travail.

[43] En ce qui concerne la production de l’avis d’interdiction d’entrée, l’employeur a refusé de le faire parce qu’il n’avait aucun problème à ce que D. D. se rende sur la propriété pour rendre visite à son père ou à son frère qui sont de bons clients. La question était personnelle et n’avait rien à voir avec l’employeur.

[44] En ce qui concerne la question de savoir si le prestataire ne s’est pas présenté au travail seulement le 28 mars 2014, l’employeur a confirmé que le prestataire savait qu’il devait également travailler les 29 et 30 mars 2014, car il a déjà déclaré qu’il n’était en congé que les lundis et mardis. Il a confirmé que l’horaire régulier du prestataire était de travailler pour les marinas du mercredi au dimanche. Lorsque le prestataire ne s’est pas présenté au travail, il a demandé à P. R. de l’appeler et, comme le prestataire a tendance à ignorer les appels, il a de nouveau fait un suivi auprès d’elle, a laissé la porte ouverte et n’a annoncé son poste que plus tard.

[45] J. P. a témoigné que la procédure régulière de congé exige qu’un employé l’informe avant son quart de travail s’il a besoin de congé; il est relativement souple et accorde habituellement le congé.

[46] J. P. confirme et déclare : « Je n’ai pas congédié D. L. ».

Témoin pour l’employeur, P. R.

[47] P. R. a témoigné qu’elle est l’administratrice du bureau. Elle a témoigné que D. P. et J. P. lui ont demandé de communiquer avec le prestataire et de le prier de venir travailler. Elle l’a appelé à son domicile et à son cellulaire entre le 6 juin et le 13 juin 2014 environ à 3 ou 5 reprises. P. R. a témoigné qu’on lui demandait régulièrement d’appeler un employé s’il ne se présentait pas au travail. Elle ne tenait pas de registre.

[48] P. R. a témoigné que les appels qu’elle a faits au prestataire au sujet de ses factures impayées pour son bateau constituaient une question distincte et qu’ils ont été faits à deux périodes différentes (jusqu’en 2015). P. R. a témoigné qu’elle lui avait laissé plus d’un message au sujet de son bateau.

Preuve postérieure à l’audience

[49] À l’audience, le prestataire a mentionné qu’il désirait soumettre trois enregistrements de P. R. Le représentant de l’employeur s’est opposé sur la foi du dossier à la présentation de cette preuve, en faisant valoir qu’elle est très peu pertinente et en soulignant qu’il n’est pas contesté que P. R. a appelé le prestataire à plusieurs reprises au sujet du paiement pour l’entreposage de son bateau. Les enregistrements ne sont peut-être pas tous des enregistrements des appels qu’il a reçus de P. R. Il s’agit d’une preuve existante qui n’est soumise que maintenant. Le prestataire n’a pas été en mesure de fournir cette preuve qu’il a mentionné à l’audience et a noté qu’il avait peut-être commis une erreur. Les appels qu’il a reçus semblaient avoir été faits en 2015.

[50] Le 12 décembre 2016, le prestataire a fait valoir que l’enregistrement qu’il avait était l’enregistrement réel du message vocal du 22 décembre 2014, dont la transcription a été demandée et déjà fournie (pages GD3-247 à GD3-249) à la Commission. Le prestataire note qu’il ne soumettra pas les transcriptions des trois messages vocaux de P. R. afin de ne pas créer de préjudice compte tenu de l’objection de l’employeur. On confirme que les trois messages se rapportaient à l’entreposage des bateaux (pages RGD4 et RGD4a).

[51] Le Tribunal a accusé réception et a donné aux parties l’occasion de répondre à cette observation d’ici le 6 janvier 2017 (page RGD5).

[52] Le 26 janvier 2017, le prestataire a envoyé au Tribunal une vidéo d’une nouvelle de janvier 2016 au sujet des violations généralisées de la Loi sur les normes d’emploi en Ontario (page RGD6).

[53] Les parties n’ont présenté aucune autre observation jusqu’à la date de la présente décision.

Observations

[54] Le prestataire a fait valoir ce qui suit :

  1. a) Il n’a pas quitté son emploi; il a été congédié à tort parce qu’il n’a manqué qu’une journée et par mesure de représailles parce qu’il a déclaré qu’il s’adresserait à la Commission du travail au sujet de problèmes non résolus qu’il avait avec l’employeur.
  2. b) Il devrait être admissible à des prestations régulières à partir du moment où l’employeur l’a informé dans un message vocal qu’« il n’y avait pas de travail à la marina, donc qu’il ne devait pas retourner au travail »; qu’il ait été mis à pied ou congédié, l’employeur n’a pas avisé le prestataire de son statut d’emploi avant qu’il reçoive son RE à la mi-juillet 2014 (page GD3-228); il a été congédié le 28 mai 2014 lorsque l’employeur a laissé ce message.
  3. c) Il voulait seulement que l’employeur traite des questions non résolues, à savoir 1) les conditions de travail dangereuses : les conditions de travail et le refus de l’employeur d’appliquer sa politique sur les drogues et l’alcool 2) la question de sécurité : le refus de l’employeur d’assurer sa sécurité en affichant un avis d’interdiction d’entrée sur la propriété et 3) le refus de l’employeur de payer des heures supplémentaires qui a été un problème constant.
  4. d) Il n’a pas reçu le même traitement que les autres employés à la cessation d’emploi; l’employeur n’a pas tenté de communiquer avec lui au moyen d’un avis écrit, et il n’y a eu aucun appel téléphonique, avertissement, ni aucune suspension ou demande de signer des ententes de cessation d’emploi volontaire (page GD3-225).
  5. e) Il n’a pas examiné la ou les solutions de rechange proposées par la Commission parce qu’il a été congédié; il n’a pas quitté son emploi. Subsidiairement, toutefois, s’il est conclu qu’il a quitté son emploi, il estime avoir épuisé toutes les solutions de rechange qui s’offraient à lui. Il s’était présenté à la Commission du travail dans le passé (2012) et l’employeur aurait pu l’envoyer à l’extérieur de la ville sur le chantier du Huron District Contracting pour répondre à la question de sécurité soulevée par l’absence de production de l’avis d’interdiction d’entrée » (page GD3-228).

[55] La Commission intimée a fait valoir ce qui suit :

  1. a) Le prestataire a quitté volontairement son emploi le 28 mai 2014 et n’a pas été congédié ou mis à pied; on lui a ordonné de se rendre au travail ce jour-là et on lui a demandé d’appeler l’employeur par la suite, mais il a omis de le faire, ce qui a déclenché la cessation de son emploi.
  2. b) Le prestataire a soulevé plusieurs préoccupations (mentionnées précédemment) au sujet de son emploi, mais il a finalement quitté volontairement son emploi lorsque l’employeur n’a pas pris la mesure qu’il souhaitait relativement à une question personnelle.
  3. c) Le prestataire était au courant des conditions de travail à son embauche et y a été exposé pendant au moins 1,5 an; il n’a pas démontré qu’il était en danger immédiat en raison des conditions de travail ou que sa situation de travail était tellement intolérable qu’il n’avait d’autre solution que d’abandonner son emploi sans d’abord explorer d’autres solutions.
  4. d) Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi le 28 mai 2014 parce qu’il n’avait pas épuisé toutes les solutions raisonnables avant son départ. Il aurait dû discuter de ses préoccupations en matière de sécurité relatives aux conditions de travail et de la question des heures supplémentaires avec l’employeur et, à défaut de solution, soumettre une plainte à la Commission du travail. En ce qui concerne le dernier incident, le prestataire pouvait accepter l’offre de l’employeur de faire travailler quelqu’un avec lui et, s’il ne se sentait toujours pas en sécurité, il aurait dû communiquer avec la police au sujet de ses préoccupations en matière de sécurité personnelle; travailler avec l’autre personne et demeurer employé jusqu’à ce qu’il trouve un emploi plus convenable.

[56] L’employeur a fait les observations suivantes :

  1. a) Le prestataire a quitté son emploi lorsqu’il n’est pas retourné au travail malgré le fait que l’employeur lui a demandé de se présenter et lui a offert de travailler avec quelqu’un d’autre; non seulement le prestataire ne s’est pas présenté au travail le 28 mai 2014, mais tous les jours subséquents depuis; il a également ignoré les tentatives de l’employeur de communiquer avec lui dans les jours suivants; il y avait du travail chez l’employeur étant donné la saison.
  2. b) Les messages textes révèlent qu’il a appelé après le début de la journée de travail, qu’il n’a pas demandé à s’absenter du travail même s’il savait dès la veille que l’employeur n’allait pas produire l’avis d’interdiction d’entrée et que l’employeur s’attendait à ce qu’il se présente au travail et qu’il y avait du travail à faire. Même si le prestataire a interprété le message de l’employeur à 17 h de « ne pas se présenter » à la fin de la journée de travail comme signifiant qu’il avait été congédié, le message de l’employeur à 20 h 30 exigeant qu’il appelle indique très clairement qu’il n’a pas été congédié.
  3. c) Le prestataire avait plusieurs solutions de rechange à son départ, notamment obtenir lui-même un engagement de ne pas troubler l’ordre public ou rencontrer le procureur de la Couronne, ce qu’il n’a toujours pas fait. En ce qui concerne le lieu de travail dangereux et les questions liées aux heures supplémentaires, il aurait pu s’adresser au ministère du Travail, ce qu’il a fait depuis son départ. Quant à la consommation de drogues et d’alcool en milieu de travail, le prestataire aurait pu se plaindre à l’employeur (il a admis que l’employeur l’a appelé pendant qu’il conduisait) conformément à sa politique de tolérance zéro ou refuser de conduire. Le prestataire a eu toutes les occasions de discuter de ses préoccupations, mais a choisi de ne pas revenir au travail.

Analyse

[57] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe de la présente décision.

[58] Les articles 29 et 30 de la Loi prévoient qu’un prestataire qui quitte volontairement son emploi est exclu du bénéfice de toute prestation à moins qu’il puisse établir qu’il était « fondé » à quitter son emploi.

[59] La membre reconnaît le principe bien établi voulant qu’il y ait justification lorsque, compte tenu de toutes les circonstances, le prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi, aux termes de l’article 29(c) de la Loi (décisions Patel, A-274- 09, Bell, A-450-95, Landry, A-1210-92, Astronomo, A-141-97 et Tanguay, A-1458-84).

[60] La membre a d’abord tenu compte du fait qu’il incombe à la Commission de démontrer que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Le fardeau de la preuve se déplace alors vers le prestataire à qui il incombe de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi (White, A-381-10 et Patel, A-274-09).

Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

[61] Dès le début de la demande, l’employeur et le prestataire ont eu des positions opposées concernant le motif de cessation d’emploi. D’une part, l’employeur a informé la Commission que le prestataire avait quitté volontairement son emploi lorsqu’il ne s’est pas présenté au travail le 28 mai 2014 et pendant plusieurs jours/semaines par la suite sans aucun contact ni réponse aux messages de l’employeur. Par ailleurs, le prestataire a fait valoir qu’il avait été congédié (ou mis à pied) lorsque l’employeur lui a dit [traduction] « qu’il n’y avait pas de travail à la marina, donc de ne pas revenir au travail » après avoir informé l’employeur qu’il s’adresserait à la Commission du travail. Compte tenu de ces positions opposées, la membre a pris en compte l’article 30 de la Loi et la jurisprudence portant sur des situations semblables.

[62] La membre a pris en compte que l’article 30 de la Loi prévoit une exclusion pour une durée indéterminée des prestations lorsque le prestataire est congédié par son employeur en raison de son inconduite ou parce qu’il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi. Dans ce cas, comme l’indique la jurisprudence, il s’agit de décider si une exclusion en vertu de l’article 30(1) de la Loi est justifiée, pour l’un ou l’autre des deux motifs d’exclusion énoncés dans cette disposition, dans la mesure où la preuve l’étaye (Easson A-1598-92, Eppel A-3-95). De plus, la membre note que dans les deux cas a) la perte d’emploi est le résultat des mesures prises par le prestataire et b) il incombe initialement à l’employeur ou à la Commission de démontrer que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite ou qu’il a quitté volontairement son emploi.

[63] Dans cette décision, la membre conclut que, pour les motifs qui suivent, la Commission et l’employeur se sont acquittés du fardeau qui leur incombait de démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire a quitté volontairement son emploi le 28 mai 2014 et n’a pas été congédié ou mis à pied.

[64] Premièrement, la membre est d’accord avec la Commission et conclut que la preuve démontre que c’est le prestataire qui a déclenché la cessation d’emploi lorsqu’il ne s’est pas présenté au travail ou n’est pas retourné au travail le 28 mai 2014 et pour ses quarts de travail subséquents qui étaient prévus. Il s’agit d’une preuve non contestée que, compte tenu de la période de l’année (le début de la saison de navigation de plaisance), l’employeur avait du travail pour le prestataire (pages GD3-23 et GD3-27). Il n’est pas contesté non plus que la preuve démontre qu’il n’a pas communiqué avec l’employeur ni n’est retourné au travail après le 28 mai 2014 (pages GD3-23, GD3-24 et GD3-27 à GD3-32). Le prestataire a confirmé à l’audience qu’il n’a pas communiqué avec l’employeur après avoir reçu à 20 h 30 le dernier message texte de l’employeur demandant de l’appeler. Le prestataire n’a pas réfuté le témoignage de l’employeur selon lequel il savait qu’il devait travailler le reste de la semaine (il était en congé les lundis et mardis et travaillait du mercredi au dimanche). La membre conclut également que le prestataire n’a pas manqué seulement une journée de travail.

[65] Deuxièmement, bien que dès le départ, le prestataire ait indiqué qu’il n’avait pas quitté son emploi (pages GD3-9 et GD3-10), il n’était pas cohérent quant à la raison et au moment de la cessation d’emploi. Au départ, avant que la Commission ne rende sa décision, le prestataire a indiqué à plusieurs reprises à la Commission qu’il croyait être mis à pied et toujours employé jusqu’à ce qu’il reçoive la facture pour son bateau, qu’il reçoive son RE et qu’il voit son emploi annoncé en juin, deux semaines plus tard (pages GD3-10, GD3-23 et GD3-247). Lorsqu’il a présenté une demande de prestations, il a indiqué qu’il voulait que l’entreprise règle ses problèmes et qu’il s’attendait à ce que l’employeur l’appelle pour retourner au travail une fois qu’ils auront été réglés (page GD3-9 et GD3-10). À la Commission, il a également déclaré qu’il n’avait pas cherché de travail avant de quitter son emploi parce qu’il [traduction] « sentait qu’[il] était toujours employé » (page GD3-23). Dans une autre discussion, il a déclaré que l’employeur lui avait laissé un message l’informant qu’il n’y avait pas de travail à la marina et qu’il n’avait pas à se présenter au travail. Il n’a pas appelé pour savoir quand il pourrait reprendre le travail parce que comme il a dit : [traduction] « je croyais avoir été mis à pied » (page GD3-28). Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas pris de congé avant d’avoir mis en ordre ses problèmes personnels, il a répondu [traduction] « Je considère qu’il s’agit d’un congé » (page GD3-32).

[66] Après que la Commission eut rendu sa décision initiale, le prestataire a fait valoir qu’il avait été mis à pied ou congédié lorsque l’employeur a laissé un message vocal indiquant qu’il n’y avait [traduction] « pas de travail à la marina, donc [qu’il ne devait pas] revenir au travail » (pages GD3-41, GD3-225 et GD3-228). Il a fait valoir que, contrairement à un autre employé qui a été congédié, le prestataire est demeuré en possession des clés qui lui avaient été fournies, ce qui renforce son argument selon lequel il avait été mis à pied en raison du message vocal de l’employeur (page GD3-225). Il s’est également demandé pourquoi, cette fois (comme ils l’avaient fait par le passé), l’employeur n’avait pas indiqué sur le RE qu’il avait été mis à pied en précisant « inconnu » comme date prévue de rappel (pages GD3-41 et GD3-225). Il a souligné que l’employeur n’avait pas informé les autres membres du personnel qu’il avait démissionné ou qu’il avait été congédié, mais qu’il avait été mis à pied (page GD3-226).

[67] La membre conclut donc que la position initiale et catégorique du prestataire au sujet du motif de cessation d’emploi était qu’il avait été mis à pied et qu’il était demeuré employé; il s’attendait à ce que l’employeur l’appelle pour discuter des problèmes non résolus. Il a soutenu que l’employeur ne l’avait pas avisé de son statut d’emploi avant qu’il reçoive son RE à la mi-juillet (page GD3-228). Cela va à l’encontre de la position actuelle du prestataire devant le Tribunal selon laquelle, à son avis (il savait) qu’il avait été congédié le 28 mai 2014. Le prestataire a témoigné qu’il a été congédié le 28 mai 2014 lorsque l’employeur lui a laissé le même message vocal [traduction] « il n’y a pas de travail à la marina, donc ne pas revenir au travail ». Il a témoigné qu’il a interprété le message vocal de cet employeur et le message texte final de l’employeur à 20 h 30 selon lequel il veut discuter du comportement du prestataire [traduction] « avant que je me sente à l’aise de vous revoir au travail » comme signifiant qu’il a été congédié. Le prestataire a témoigné qu’il n’a pas appelé l’employeur ni n’est retourné au travail parce que dans son esprit, il avait été congédié. La membre conclut que le prestataire s’est également montré incohérent quant au moment où il a su qu’il avait été congédié (ou mis à pied). D’une part, le prestataire a témoigné qu’il a été congédié le 28 mai 2014 lorsque l’employeur lui a dit qu’il n’y avait pas de travail à la marina. Par ailleurs, il a soumis et fourni des preuves que la première indication qu’il avait selon laquelle il n’était plus un employé était la réception de la facture le 18 juin 2014, l’affichage de son emploi le 28 juin 2014 (pages GD3-45 à GD3-48) et la réception de son RE à la mi-juillet (page GD3-228).

[68] Troisièmement, la membre a examiné la preuve présentée par l’employeur et le prestataire à l’appui de leurs positions. La membre a conclu que, pour les raisons qui suivent, il faut accorder plus de poids à la preuve cohérente et étayée de l’employeur et aux messages textes non contestés entre les parties le jour de la cessation d’emploi qu’au message vocal beaucoup plus tardif de l’employeur au prestataire et à la déclaration à la Commission (pages GD3-249 ou RGD4a et GD3-258).

[69] La membre a tenu compte de la position de l’employeur selon laquelle le prestataire a quitté volontairement son emploi le 28 mai 2014 lorsqu’il a refusé de se présenter au travail, n’a pas rappelé l’employeur et n’a pas communiqué davantage par la suite. La membre a fait remarquer que l’employeur a constamment déclaré à la Commission et a témoigné à l’audience qu’il n’avait pas congédié le prestataire et qu’il l’avait convoqué à des réunions, mais que ce dernier n’avait pas répondu, de sorte qu’il a finalement (après trois semaines) produit le RE indiquant que le prestataire avait démissionné (pages GD3-25, GD3-29 et GD3-30). La témoin, P. R., a appuyé sa position en déclarant qu’elle a appelé le prestataire de trois à cinq fois pour lui demander de se présenter au travail. Les messages textes non contestés entre l’employeur et le prestataire le dernier jour de travail étayent également la position de l’employeur. La membre convient avec la Commission que cette preuve démontre que l’employeur a demandé à plusieurs reprises au prestataire de venir travailler et qu’ils pourraient discuter lorsqu’il se présentera. Selon le dernier message texte de l’employeur envoyé à 20 h 30, l’employeur a laissé au prestataire un message à 17 h auquel ce dernier n’a pas répondu. Il mentionne qu’il a besoin que le prestataire l’appelle pour discuter de son comportement avant de se sentir à l’aise de le faire revenir au travail (pages GD3-253 à GD3-257). L’employeur a témoigné qu’il attendait et espérait que le prestataire revienne le lendemain, mais que le prestataire n’a pas accusé réception du message. La membre n’est pas d’accord avec le prestataire pour dire que ce dernier message texte signifie que le prestataire a été congédié.

[70] La membre a également tenu compte de la position du prestataire devant le Tribunal selon laquelle il a été congédié. Le prestataire a témoigné qu’il n’a pas quitté son emploi et qu’il a été congédié lorsque l’employeur l’a appelé le 28 mai 2014, peu après qu’il eut menacé d’appeler la Commission du travail. L’employeur a alors déclaré : [traduction] « Il n’y a pas de travail à la marina. D. L., ne vous présentez pas au travail. » La membre a fait remarquer que l’interprétation de ce message vocal par le prestataire a été réfutée par le témoignage de l’employeur selon lequel il a bel et bien appelé le prestataire vers la fin de la journée de travail en disant [traduction] « il n’y a pas de travail pour vous, ne venez pas à la marina ». Il n’a pas dit [traduction] « ne revenez pas au travail », mais plutôt [traduction] « ne vous présentez pas au travail ». La membre a souligné que l’explication de l’employeur était plausible compte tenu des événements de la journée. D’autant plus qu’il a ensuite effectué un suivi à 20 h 30 en envoyant un message texte au prestataire pour lui demander de l’appeler au cas où il n’entendrait pas le message (page GD3-257). Le prestataire ne conteste pas la séquence des événements. La membre conclut donc que le message vocal de l’employeur au prestataire ne confirme pas que l’employeur a congédié le prestataire.

[71] La membre a également tenu compte de l’observation du prestataire selon laquelle l’employeur a déclaré à la Commission, le 11 février 2015, que le prestataire n’a pas été congédié en 2012 parce qu’il s’est présenté à la Commission du travail et qu’il n’a congédié le prestataire qu’une seule fois, soit quand il a refusé de se présenter au travail en 2014 (page GD3-258). De plus, la membre a tenu compte du fait que le prestataire a également fourni l’enregistrement et la transcription d’un message de l’employeur daté du 22 décembre 2014, dans lequel il informe qu’il a reçu un appel de la WSIB ou de la Commission et qu’il leur a dit la vérité : [traduction] « […] vous n’avez pas été mis à pied, nous avons dû vous laisser partir parce que vous ne vous présentiez pas au travail pour quelque raison que ce soit » (pages GD3-249, GD6-7 et RGD4a).

[72] La membre comprend que selon le prestataire, cette dernière preuve établit qu’il a été congédié. La membre a toutefois accordé peu de poids à cette preuve parce que a) l’employeur a fait ces déclarations plusieurs mois après la cessation d’emploi et b) il avait déjà confirmé à plusieurs reprises auprès de la Commission, au moment de la cessation d’emploi, que le prestataire avait quitté son emploi lorsqu’il a cessé de se présenter au travail – ce qui, en passant, confirme également cette preuve. De plus, à l’audience, lorsque l’employeur a été interrogé au sujet de sa déclaration à la Commission, il a déclaré qu’il se souvenait qu’il se trouvait dans la voiture. Il a ajouté qu’il devait voir la transcription lorsqu’il a confirmé qu’ils avaient laissé partir le prestataire lorsqu’il ne s’était pas présenté au travail. La membre a accordé plus de poids à la preuve cohérente et étayée de l’employeur au moment de la cessation d’emploi, aux réponses spontanées initiales des deux parties à la Commission avant qu’elle rende sa décision initiale et, en particulier, aux messages textes non contestés entre les parties le jour de la cessation d’emploi.

[73] L’examen de la membre est étayé par la jurisprudence selon laquelle : « Une jurisprudence abondante et constante a clairement établi qu’un conseil arbitral doit accorder beaucoup plus de poids aux déclarations initiales et spontanées faites par les personnes intéressées avant la décision de la Commission, qu’aux déclarations subséquentes offertes dans le but de justifier ou de bonifier la situation du prestataire face à une décision défavorable de la Commission. » (CUB 25154) La Cour fédérale a confirmé depuis cette position, à savoir que le Tribunal ne doit pas négliger les déclarations initiales et spontanées d’un prestataire, car cela peut soulever d’importantes questions de crédibilité (arrêt Bellefleur, 2008 CAF 13).

[74] Enfin, l’absence de quelque forme d’avis que ce soit à l’employeur de la part du prestataire ne constitue pas une preuve qu’il n’a pas démissionné. Quant à lui, le fait que l’employeur ne lui ait pas accordé le même traitement que les autres employés lors de la cessation d’emploi en lui communiquant un avis écrit, des appels téléphoniques, des avertissements et des suspensions ou en lui demandant de signer des ententes de cessation d’emploi volontaire ne prouve pas son congédiement. La membre fait remarquer que le traitement accordé par l’employeur aux autres employés (pages GD3-225 et GD3-226) n’est pas pertinent, car ce sont les actes du prestataire qui sont à l’étude et non ceux de l’employeur. La conduite de l’employeur ne constitue pas un facteur pertinent en vertu de l’article 30 de la Loi (décision Paradis, 2016 CF 1282).

[75] La membre conclut donc que pour tous ces motifs, la Commission et l’employeur se sont acquittés du fardeau qui leur incombait de démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire a quitté volontairement son emploi lorsqu’il n’a pas repris le travail le 28 mai 2014 ou un jour quelconque par la suite.

Le prestataire n’avait-il aucun autre choix que de quitter son emploi?

[76] Comme il a été jugé que le prestataire a quitté volontairement son emploi, le fardeau de la preuve se déplace alors vers le prestataire à qui il incombe de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi (arrêts White, A-381-10 et Patel, A-274-09). Dans la présente décision, la membre conclut que le prestataire ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait en vertu de l’article 29(c) de la Loi.

[77] Le prestataire a fait valoir qu’il n’a pas repris son travail en raison des problèmes non résolus concernant (1) les conditions de travail dangereuses et le refus de l’employeur d’appliquer sa politique sur les drogues et l’alcool (2) la question continue du refus de l’employeur de payer des heures supplémentaires et (3) la question de sécurité le dernier jour d’emploi concernant le refus de l’employeur d’afficher un avis d’interdiction d’entrée sur la propriété.

[78] La Commission a fait valoir que, bien que le prestataire ait mentionné des préoccupations en matière de sécurité concernant ses conditions de travail et des questions concernant le paiement des heures supplémentaires, il a quitté son emploi le 28 mai 2014 parce que l’employeur n’a pas pris les mesures qu’il voulait concernant une question personnelle, c’est-à-dire que l’employeur a refusé d’afficher un avis d’interdiction d’entrée à l’encontre de D. D. La Commission soutient que le prestataire était au courant de ses conditions de travail lorsqu’il a été embauché et qu’il y a été exposé pendant son mandat de 5 ans. Le prestataire n’a pas démontré qu’il était en danger immédiat en raison des conditions de travail ou que sa situation de travail était tellement intolérable qu’il n’avait d’autre solution que d’abandonner son emploi sans d’abord explorer d’autres solutions. La Commission et l’employeur ont fait valoir que le prestataire disposait de plusieurs solutions de rechange à son départ.

[79] La membre a d’abord considéré que, conformément à l’article 29(c) de la Loi, le prestataire était fondé à quitter son emploi s’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi, compte tenu de toutes les circonstances, y compris celles qui sont énumérées à cet article. Compte tenu des raisons fournies par le prestataire pour ne pas reprendre le travail, la membre a examiné la question de savoir si le prestataire était fondé à quitter son emploi en vertu de l’article 29(c)(iv) – conditions de travail qui constituent un danger pour la santé ou la sécurité et de l’article 29(c)(viii) – travail excessif en heures supplémentaires ou refus de payer des heures supplémentaires.

[80] La membre fait toutefois observer que seuls les faits qui existaient au moment où le prestataire a quitté son emploi doivent être pris en considération pour établir si l’une des exceptions s’applique (arrêt Lamonde, 2006 CAF 44). En outre, il ne suffit pas de démontrer qu’une (ou plusieurs) des circonstances énumérées à l’article 29(c) existaient au moment où le prestataire a quitté son emploi. Pour que le prestataire puisse établir qu’il était fondé à quitter son emploi conformément à l’article 29(c) de la Loi, il doit démontrer que, compte tenu des circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[81] Dans cette affaire, le prestataire a fait valoir qu’il travaillait dans des conditions dangereuses. Pour étayer sa position, il a mentionné des événements qui se sont produits au cours des années précédentes au travail (pages GD3-226 et GD3-227). L’employeur convient que la nature d’une partie de son travail est dangereuse. Il effectue des contrats maritimes et est tenu de fournir des combinaisons de survie, des gilets de sauvetage, de la formation continue et de respecter les règlements (page GD3-29). Le prestataire a également mentionné qu’il avait été exposé à une situation dangereuse le 24 mai 2014 (quatre jours avant son départ) alors qu’il revenait d’un lieu de travail pendant que deux collègues (les deux gestionnaires) fumaient du pot dans le camion. Le prestataire a fait valoir que la consommation de drogues illicites à son lieu de travail était courante et que l’employeur connaissait la situation, mais qu’il a refusé de la régler en appliquant sa propre politique. La témoin, L. B., a confirmé la position du prestataire, bien qu’elle n’ait pas elle-même été témoin de consommation de drogues illicites ou d’alcool. Elle a témoigné qu’en date du 28 août 2013, il y avait une politique écrite sur les drogues et l’alcool et qu’en décembre 2014, elle a rédigé un refus de travailler pour un employé qui refusait de travailler pour cette raison. L’employeur a témoigné qu’il était au courant de la consommation de drogues et d’alcool au travail, mais que pour congédier quelqu’un pour avoir enfreint sa politique de tolérance zéro, il devrait faire enquête et obtenir des preuves. En ce qui concerne l’incident du 28 mai 2014, le prestataire a témoigné qu’il n’a pas arrêté le camion, communiqué avec l’employeur ou refusé de conduire et que lorsque l’employeur l’a appelé pendant qu’il conduisait, il ne lui a rien dit. Le prestataire n’a pas fait part de l’incident à l’employeur. Il a mentionné qu’il s’est plaint aux mêmes collègues de la direction à l’époque. Le prestataire a témoigné qu’il n’avait pas signalé l’incident au ministère du Travail.

[82] La membre conclut que le prestataire n’a pas produit de preuve démontrant qu’il travaillait dans des conditions dangereuses qui l’ont obligé à quitter son emploi le 28 mai 2014. De plus, il n’a pas démontré que l’employeur avait refusé d’appliquer sa politique sur les drogues et l’alcool comme il le prétend parce qu’il n’a pas informé l’employeur de l’incident. La membre conclut que le fait de déclarer qu’il s’est plaint à la direction qui, à l’époque, était celle qui violait la politique ne constitue pas une réalisation, mais un report, de sa responsabilité de signaler un incident dangereux à l’employeur. De plus, l’incident dans le camion s’est produit le 24 mai 2014 et le prestataire a repris le travail par la suite le 27 mai 2014 sans en informer l’employeur. Même le jour de l’incident, le prestataire n’a pas pris de mesures immédiates pour atténuer la situation dangereuse, par exemple en refusant de conduire (travailler), en informant immédiatement l’employeur lorsqu’il a appelé ou en déposant officiellement une plainte à l’employeur par la suite. La membre conclut donc que le prestataire n’a pas démontré qu’il était en danger immédiat le 28 mai 2014, soit en raison de ses conditions de travail (il devait tondre de l’herbe le jour de son départ), soit en raison de la consommation de drogues illicites sur le lieu de travail. La membre conclut qu’étant donné qu’il n’y avait aucune urgence de quitter son emploi pour ces motifs, le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que son départ, notamment en informant l’employeur de la violation de la politique afin qu’une enquête puisse s’ensuivre et que des mesures sécuritaires soient prises. Si le prestataire estimait que les conditions de travail générales n’étaient pas sécuritaires, encore une fois, il pouvait en discuter avec l’employeur et le ministère du Travail. La membre conclut que le prestataire n’a pas envisagé ou exercé ces solutions de rechange avant de démissionner.

[83] De même, le prestataire n’a pas démontré que la situation d’emploi était si intolérable en ce qui concerne sa préoccupation au sujet du non-paiement des heures supplémentaires qu’il a dû quitter son emploi le 28 mai 2014 parce qu’il n’avait d’autre choix que de le faire. La preuve démontre que ce problème persistait depuis plusieurs années et n’établit pas qu’il y a eu un dernier incident à cet égard au moment de son départ le 28 mai 2014. Comme la membre le reconnaît, le prestataire avait des préoccupations concernant la légalité de la façon dont il a été rémunéré ou non rémunéré pour les heures supplémentaires lorsqu’il travaillait pour plus d’une entreprise de l’employeur. La membre a également fait remarquer que la témoin du prestataire, L. B., a confirmé comment les heures ont été réparties selon le moment où le prestataire a travaillé et pour qui il a travaillé au cours d’une semaine donnée. La preuve montre toutefois que ni elle ni le prestataire n’ont signalé le problème au ministère du Travail. La membre conclut que le prestataire n’était pas tenu de quitter son emploi immédiatement. Elle juge qu’il s’est placé dans une situation de chômage pour apaiser cette préoccupation. Comme solution de rechange raisonnable, le prestataire aurait pu discuter avec l’employeur ou lui demander officiellement d’aborder la question ou d’y répondre à sa satisfaction, sans quoi le prestataire aurait pu déposer une plainte à la Commission du travail. La preuve démontre que le prestataire a présenté une demande au ministère du Travail après avoir quitté son emploi le 27 novembre 2014 (page GD3-229).

[84] La membre convient avec la Commission que l’incident qui a causé la cessation d’emploi s’est produit les 27 et 28 mai 2014 lorsque l’employeur a refusé d’afficher un avis d’interdiction d’entrée à l’encontre de D. D. Le prestataire a fait valoir qu’il se sentait menacé par D. D. parce qu’il avait un casier judiciaire et qu’un de ses associés lui avait proféré des menaces au sujet d’une affaire privée (vente/vol de sa propriété). Le prestataire a toutefois témoigné à l’audience que, bien qu’il ait informé la police du vol, celle-ci a mentionné qu’elle n’avait pas assez de preuves pour porter des accusations. Le prestataire a témoigné qu’il n’a pas déposé d’accusations de menace privée contre D. D. Il a simplement évité tout contact avec lui au cours des deux dernières années même s’il vivait dans la même ville. Le prestataire a également confirmé qu’il n’avait pas (encore) rencontré le procureur de la Couronne à ce sujet comme il l’avait prévu. L’employeur a témoigné que le père de D. D. avait une roulotte à X de l’autre côté de la rivière par rapport à l’endroit où le prestataire et l’autre employé allaient travailler. Le X est une propriété différente, de sorte que l’employeur ne croyait pas que le prestataire se trouverait dans la même région. L’employeur a offert au prestataire de lui adjoindre un collègue de travail s’il se sentait menacé de quelque façon que ce soit. La membre reconnaît et comprend que le prestataire peut avoir des raisons légitimes de se sentir menacé par D. D. La membre juge toutefois que le prestataire ne s’est pas senti assez menacé par D. D. pour déposer des accusations de menace auprès de la police ou pour demander qu’une ordonnance restrictive ou un engagement de ne pas troubler l’ordre public soit émis. Le prestataire s’attendait plutôt à ce que l’employeur réponde à sa préoccupation. Il a fait valoir qu’il s’agissait d’un problème de sécurité au travail qui ne peut être résolu que par l’affichage d’un avis d’interdiction d’entrée. La membre conclut que, compte tenu de la preuve et de la réponse du prestataire lui-même à la menace alléguée à l’extérieur du travail, il ne semblait pas y avoir de menace immédiate ou réelle pour le prestataire sur le lieu de travail. La membre conclut donc que le fait de ne pas reprendre le travail le 28 mai 2014 et de ne pas s’absenter du travail par la suite n’était pas la seule option ou solution raisonnable à sa préoccupation.

[85] La membre conclut qu’en l’absence de preuve qu’il était en danger immédiat ou que sa situation de travail était tellement intolérable qu’il n’avait d’autre choix que de quitter son emploi, il doit envisager des options raisonnables, y compris discuter de solutions avec son employeur.

[86] La membre a pris en compte qu’il est bien établi dans la jurisprudence que l’insatisfaction d’un prestataire à l’égard de ses conditions de travail ne constitue généralement pas un motif valable aux termes de la Loi, à moins qu’elle ne soit si intolérable que le prestataire n’avait d’autre choix que de partir (CUB 74765). Sinon, on s’attend à ce que le prestataire prenne des mesures pour remédier à la situation (CUB 75263 et CUB 80908).

[87] Dans la présente affaire, le prestataire a convenu à l’audience qu’il avait décidé qu’il ne serait convaincu que si l’employeur avait émis un avis d’interdiction d’entrée à l’encontre de D. D. La membre conclut toutefois qu’il ne s’agissait pas de la seule solution raisonnable. La membre juge que même si le prestataire n’estimait pas que l’option de travailler avec quelqu’un le 28 mai 2014 n’était pas raisonnable ou sécuritaire, il avait quand même l’option très raisonnable de discuter de ses motifs avec l’employeur. Il a déclaré qu’il n’avait pas appelé l’employeur pour expliquer pourquoi il ne se sentait pas en sécurité lorsqu’il travaillait avec quelqu’un d’autre. Le prestataire a été invité par l’employeur le dernier jour à l’appeler pour discuter de ses préoccupations. P. R. a témoigné qu’elle lui avait laissé un message à la maison et sur son cellulaire, après son départ, lui demandant d’appeler et/ou de revenir au travail. Le prestataire a confirmé qu’il n’avait pas appelé l’employeur. De plus, dans ses observations, le prestataire a mentionné qu’il aurait pu être affecté à un autre lieu de travail (pages GD3-226 et GD3-228) et l’employeur avait suggéré la même chose à la Commission (page GD3-27), ce qui constituait évidemment une autre option raisonnable, plutôt que de quitter son emploi. De plus, la membre conclut que si les parties n’ont pas été en mesure de régler cette question (et les autres questions) ensemble, il existait d’autres options raisonnables, comme le maintien de leur emploi, mais en congé approuvé, pendant que le prestataire réfléchissait à sa position ou demandait l’aide de la Commission du travail. La membre conclut donc que, compte tenu des circonstances, le prestataire avait plusieurs options raisonnables autres que de démissionner.

[88] Les conclusions de la membre sont étayées par la jurisprudence lorsque dans la plupart des cas, le prestataire a l’obligation de tenter de résoudre les conflits de travail avec l’employeur ou de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi. (arrêts White, 2011 CAF 190); Murugaiah, 2008 CAF 10); Hernandez, 2007 CAF 320); Campeau, 2006 CAF 376).

[89] La membre comprend que le prestataire estimait qu’il avait de bonnes raisons de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a clairement statué que le motif valable n’est pas la même chose que la justification. La question ne consiste pas à savoir s’il était raisonnable pour le prestataire de quitter son emploi, mais bien à savoir si la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, était qu’il quitte son emploi (arrêt Laughland, 2003 CAF 129). La Cour fédérale a conclu que les mots « est fondé à » à l’article 29 de la Loi ne sont pas synonymes de « raison » ou de « motif ». Il ne suffit pas que les prestataires prouvent qu’ils avaient tout à fait raison de quitter leur emploi. Le caractère raisonnable peut être un « motif valable », mais cela ne signifie pas nécessairement que l’on est « fondé » à quitter son emploi (arrêt Tanguay, A-1458-84).

[90] La membre conclut que, compte tenu de toutes les circonstances, le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi le 28 mai 2014 et qu’il est donc exclu du bénéfice des prestations en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[91] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

L’article 29 de la Loi se lit comme suit : Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

Le paragraphe 30(1) de la Loi stipule qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

Aux termes du paragraphe 30(2) de la Loi, l’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

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