Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1353

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie demanderesse : G. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Isabelle Thiffault

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
23 mai 2023
(GE-22-4109)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 5 octobre 2023
Numéro de dossier : AD-23-559

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Décision

[1] J’accueille l’appel en partie. La division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations en date du 23 octobre 2022. J’annule cette partie de la décision.

[2] J’ai également conclu que la division générale avait commis une erreur de compétence ou de droit en ne tenant pas compte de la question de l’antidatation ou en n’appliquant pas l’ensemble du critère juridique relatif à l’antidatation. Après avoir corrigé l’erreur, je confirme que la demande du prestataire ne pouvait pas être antidatée.

Aperçu

[3] G. S. est l’appelant. Le 29 octobre 2022, il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. Je vais donc l’appeler le prestataire. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté la demande de prestations de compassion du prestataire parce que sa rémunération provenant d’un travail indépendant n’était pas suffisante pour qu’il soit admissible aux prestations.

[4] Le prestataire a demandé à la Commission d’établir sa période de prestations le 7 août 2022 (ce qu’on appelle « antidater la demande »), mais la Commission a refusé parce que le prestataire n’aurait pas non plus été admissible aux prestations à ce moment-là. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision de refuser sa demande d’antidatation, mais elle n’a pas changé sa décision.

[5] Le prestataire a fait appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a rejeté son appel. Je lui ai accordé la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel.

[6] J’accueille l’appel en partie. J’annule la partie de la décision qui porte sur les conditions requises pour recevoir des prestations en date du 23 octobre 2022. En même temps, je confirme que sa demande ne pouvait pas être antidatée au 7 août 2022.

Question préliminaire

[7] Le prestataire a demandé que l’appel ait lieu par écrit.

[8] La Commission a présenté des arguments écrits après que j’ai accordé la permission de faire appel. Le Tribunal a invité le prestataire à présenter également des arguments écrits.

[9] Le prestataire a appelé le Tribunal le 9 août 2023 pour dire qu’il était satisfait de ce qu’il avait envoyé au Tribunal. Le Tribunal a appelé le prestataire le 11 septembre 2023 pour lui demander de confirmer qu’il avait bien reçu les arguments de la Commission datés du 8 septembre 2023. Le Tribunal lui a demandé s’il souhaitait y répondre. Le prestataire a dit au Tribunal qu’il n’avait rien d’autre à envoyer.

[10] La présente décision est fondée sur un examen du dossier. Cela comprend la preuve et les arguments présentés à la division générale, ainsi que sa décision. J’ai également examiné les arguments que le prestataire a présentés dans le cadre de sa demande à la division d’appel, ainsi que les arguments de la Commission.

Questions en litige

[11] Le prestataire a soulevé les questions suivantes dans son appel :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en exigeant que le prestataire prouve qu’il a touché le montant minimum de rémunération pour être admissible aux prestations de compassion?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que la rémunération du prestataire au cours de sa période de référence était insuffisante pour qu’il soit admissible aux prestations de compassion?

[12] Toutefois, j’ai accordé la permission de faire appel après avoir conclu qu’il était possible de soutenir que la division générale avait commis des erreurs de compétence.

[13] J’ai conclu que la division générale avait peut-être commis une erreur en tranchant une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher, soit quand elle a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations en date du 23 octobre 2022.

[14] J’ai également conclu que la division générale avait peut-être commis une erreur en omettant de décider si la Commission avait eu raison de refuser d’antidater la demande au 7 août 2022. La Commission soutient qu’il s’agit également d’une erreur de droit.

Analyse

Principes généraux

[15] La division d’appel peut seulement examiner les erreurs qui relèvent de l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

Erreurs de compétence

[16] Je conclus que la division générale a commis des erreurs de compétence. Après que la Commission a informé le prestataire le 9 novembre 2022 qu’il n’était pas admissible aux prestations, ce dernier a demandé à la Commission d’antidater sa demande au 7 août 2022. Il croyait que, si sa période de prestations commençait en août, sa rémunération provenant d’un travail indépendant serait suffisante pour qu’il soit admissible aux prestations de compassion. Il a expliqué à la Commission pourquoi il n’avait pas demandé des prestations plus tôt.

[17] Dans une décision qu’elle a rendue le 18 novembre 2022, la Commission a refusé d’antidater la demande du prestataire : elle a affirmé qu’il n’aurait pas été admissible aux prestations, même si sa période de prestations avait commencé le 7 août 2022. Le prestataire a demandé la révision de la décision rendue le 18 novembre 2022.

[18] Lorsque la Commission a discuté de la demande de révision avec le prestataire, elle a confirmé qu’elle l’avait avisé de la décision du 18 novembre 2022 et qu’elle maintenait sa décision [traduction] « concernant la demande d’antidatation du prestataire »Note de bas de page 2. La décision de révision que la Commission a rendue par écrit le 12 décembre 2022 indique, à première vue, qu’il s’agit d’une révision de la décision du 18 novembre 2022 et que la Commission maintient sa décision concernant la demande d’antidatationNote de bas de page 3.

[19] La division générale a la compétence d’examiner seulement les appels découlant des décisions de révision, donc elle doit examiner seulement les questions abordées dans la décision de révision.

Défaut de trancher la question de l’antidatation

[20] La question que la division générale devait trancher était celle de savoir si la demande du prestataire pouvait être antidatée au 7 août 2022.

[21] La division générale n’a pas mentionné la question de l’antidatation dans sa décision. Elle s’est seulement penchée sur la question de savoir si le prestataire avait touché une rémunération provenant d’un travail indépendant suffisante pour être admissible aux prestations. Elle a examiné cette question à deux reprises. Elle a vérifié s’il était admissible en date du 7 août 2022 et s’il était admissible en date du 23 octobre 2022, soit à peu près à la date où le prestataire a présenté sa demande de prestations.

[22] En omettant d’examiner la question de l’antidatation ou d’analyser la décision de la Commission sur l’antidatation au moyen du critère juridique relatif à l’antidatation, la division générale a commis une erreur de compétence ou de droit.

[23] Selon la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission doit tenir compte des deux critères suivants avant d’antidater une demande : elle doit vérifier que la partie prestataire remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure et elle doit vérifier que la partie prestataire avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période écouléeNote de bas de page 4. La partie prestataire doit convaincre la Commission qu’elle satisfait à ces deux critères, sans quoi la Commission ne peut pas antidater la demande. Dans la présente affaire, la Commission a conclu que le prestataire n’aurait pas rempli les conditions requises en date du 7 août 2022. Elle n’avait donc pas à vérifier s’il avait un motif valable justifiant son retard pendant la période écoulée.

[24] La division générale a décidé que le prestataire n’avait pas une rémunération provenant d’un travail indépendant suffisante pour être admissible aux prestations de compassion en date du 7 août 2022. Il était nécessaire et approprié que la division générale examine la rémunération du prestataire au cours de la période de référence associée à une période de prestations qui commencerait le 7 août 2022. Il s’agit d’une partie de l’analyse qui devait être menée pour décider si la demande du prestataire devait être antidatée.

[25] Toutefois, la question plus vaste dont la division générale était saisie était de savoir si la Commission avait bien fait de refuser d’antidater la demande du prestataire. Lorsqu’on applique le critère relatif à l’antidatation, on doit prendre en compte deux exigences. La division générale n’a même pas mentionné la question de l’antidatation, et sa décision ne démontre pas qu’elle a appliqué le critère relatif à l’antidatation ou qu’elle en a tenu compte.

[26] Je reconnais que la partie prestataire doit remplir les deux exigences. Par conséquent, la division générale pouvait décider de ne pas antidater la demande du prestataire, en se fondant uniquement sur sa conclusion selon laquelle il n’avait pas touché une rémunération provenant d’un travail indépendant suffisante pour être admissible aux prestations.

[27] Cependant, il incombe tout de même à la division générale de démontrer clairement qu’elle aborde la question de l’antidatation. Dans le cas où elle rejetterait les raisons justifiant le retard du prestataire, elle doit expliquer pourquoi. Dans la présente affaire, la division générale ne montre pas dans sa décision qu’elle a compris que la question en litige était l’antidatation ni qu’elle s’est penchée sur les deux exigences requises.

[28] La Commission concède que la division générale a commis une erreur de droit ou de compétence en omettant d’aborder la question de l’antidatation ou d’appliquer le critère juridique relatif à l’antidatation.

Admissibilité en date du 23 octobre 2022

[29] La division générale a commis une erreur de compétence en examinant si le prestataire remplissait ou non les conditions requises pour recevoir des prestations en date du 23 octobre 2022.

[30] Comme je l’ai mentionné plus haut, la compétence de la division générale se limite aux questions soulevées dans la décision de révision. Elle outrepasse donc sa compétence si elle examine d’autres questions.

[31] La décision du 18 novembre 2022 ne portait pas sur son admissibilité aux prestations en date du 23 octobre 2022, et ce n’était pas non plus une question faisant l’objet de la révision de la Commission.

Erreur de droit ou de fait

[32] Le prestataire n’est pas d’accord avec la conclusion de la division générale selon laquelle sa rémunération provenant d’un travail indépendant pendant sa période de référence était insuffisante pour qu’il soit admissible aux prestations de compassion.

[33] Il a soutenu que les prestations de compassion devraient être offertes à tout le monde, peu importe le revenu. Il a dit qu’il ne devrait pas avoir à démontrer qu’il a touché un montant minimum de rémunération afin d’être admissible aux prestations de compassion.

[34] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en exigeant qu’il démontre qu’il avait touché un montant minimum de rémunération. Selon la loi, si la période de prestations d’une personne travaillant à son propre compte commence entre le 26 septembre 2021 et le 24 septembre 2022 (ce qui comprendrait le 7 août 2022), cette dernière doit avoir touché un revenu d’au moins 5 289,00 $ pendant sa période de référenceNote de bas de page 5.

[35] Le prestataire n’est peut-être pas d’accord avec la loi, mais la division générale n’avait pas d’autre choix que de la suivre.

[36] La division générale n’a pas non plus commis d’erreur de fait.

[37] La période de référence d’une personne qui travaille à son propre compte est l’année précédant celle au cours de laquelle débute sa période de prestationsNote de bas de page 6. Si la demande du prestataire avait été antidatée au 7 août 2022, sa période de référence aurait été l’année 2021.

[38] Le prestataire a d’abord déclaré que son revenu de travail indépendant pour 2021 était de 7 187,00 $. Cependant, l’Agence du revenu du Canada a révisé ce chiffre et a fourni à la Commission une rémunération de travail indépendant de 0,00 $ pour 2021.

[39] Le prestataire n’a pas contesté ce chiffre devant la division générale ni fourni d’éléments de preuve montrant que sa rémunération provenant d’un travail indépendant aurait dû être plus élevée. Il n’a pas laissé entendre que la division générale avait commis une erreur en se fondant sur le chiffre fourni par l’Agence du revenu du Canada.

Réparation

[40] J’ai constaté que la division générale avait commis des erreurs lorsqu’elle a rendu sa décision, alors je dois maintenant décider ce que je vais faire pour les réparer. Je peux annuler ou modifier la décision de la division générale, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou lui renvoyer l’affaire pour réexamenNote de bas de page 7.

[41] La Commission a convenu que la division générale avait commis des erreurs. Elle propose que je renvoie l’affaire pour une nouvelle audience. Le prestataire n’a pas précisé comment il aimerait que je traite l’affaire.

[42] J’ai décidé que je peux rendre la décision. Je dispose des éléments de preuve nécessaires pour corriger les erreurs de la division générale et trancher les questions en litige.

Conditions requises pour recevoir des prestations en date du 23 octobre 2022

[43] J’annule la partie de la décision concernant les conditions requises pour recevoir des prestations de compassion en date du 23 octobre 2022. Cette question ne relevait pas de la compétence de la division générale, alors elle n’aurait pas dû être examinée.

[44] Cela signifie que le prestataire est libre de demander à la Commission de réviser sa décision du 9 novembre 2022, bien que sa demande de révision serait présentée en retard. S’il demande la révision de la décision du 9 novembre 2022, la Commission devra décider si elle examine ou non la demande en retard.

La question de l’antidatation et le critère relatif à l’antidatation

[45] On ne peut pas affirmer avec certitude que la division générale a examiné si la Commission avait eu raison de refuser d’antidater la demande du prestataire au 7 août 2022, ou si elle s’est penchée sur l’ensemble du critère relatif à l’antidatation.

[46] Néanmoins, la division générale a bel et bien examiné si le prestataire aurait eu un revenu de travail indépendant suffisant pour être admissible aux prestations de compassion en date du 7 août 2022. Elle a conclu que le prestataire n’avait pas le revenu dont il avait besoin pour être admissible aux prestations. Je n’ai relevé aucune erreur dans cette conclusion et j’accepte ce fait.

[47] Comme il n’avait pas un revenu suffisant pour être admissible aux prestations en date du 7 août 2022, il ne satisfait pas au critère relatif à l’antidatation. C’est pourquoi je n’ai pas à décider s’il avait un motif valable justifiant son retard pour la période allant du 7 août 2022 jusqu’à la date à laquelle il a présenté sa demande de prestations.

[48] J’estime que la Commission a eu raison de refuser d’antidater la demande au 7 août 2022.

Conclusion

[49] J’accueille l’appel en partie. J’annule la partie de la décision de la division générale dans laquelle elle conclut que le prestataire n’était pas admissible aux prestations en date du 23 octobre 2022.

[50] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre sur la question de l’antidatation. Je confirme que la demande du prestataire ne peut pas être antidatée au 7 août 2022.

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