Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JB c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 1338

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : J. B.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada
Représentant : Ian McRobbie (avocat)

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 31 janvier 2023
(GE-22-2272)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 4 août 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 5 octobre 2023
Numéro de dossier : AD-23-254

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, J. B., (la prestataire), qui est infirmière, interjette appel de la décision de la division générale.

[3] La division générale a conclu que l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, avait prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. En d’autres termes, elle a conclu qu’elle avait fait quelque chose qui avait mené à son congédiement. Elle n’avait pas respecté les exigences de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 1. En raison de son inconduite, la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[4] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence, de procédure, de droit et de fait. Elle nie avoir commis une quelconque inconduite. D’une part, elle affirme que la vaccination n’était pas exigée selon les modalités de sa convention collective. Son syndicat s’opposait au décret provincial en matière de santé qui exigeait la vaccination du personnel du réseau de la santé.

[5] La prestataire affirme également que la division générale n’a pas tenu compte du fait que les exigences de son employeur en matière de vaccination ne fournissaient pas de mesures d’adaptation adéquates. Elle affirme également que la division générale a commis des erreurs factuelles. À cet égard, elle avait été informée des exigences de vaccination de son emploi et savait que son employeur l’avait congédiée de son emploi en décembre 2021. Elle soutient qu’il n’existe aucune preuve démontrant qu’elle a déjà été avisée de la politique de vaccination de son employeur ou qu’elle aurait pu savoir qu’elle serait congédiée.

[6] Comme la prestataire nie qu’il y a eu inconduite, elle demande à la division d’appel de conclure qu’elle était admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[7] La Commission fait valoir que la division générale n’a commis aucune erreur. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Questions préliminaires

La prestataire s’appuie sur de nouveaux éléments de preuve

[8] La prestataire a déposé des éléments de preuve auprès de la division d’appel. La division générale ne disposait pas de ces éléments de preuve. La prestataire affirme que ces nouveaux éléments de preuve sont pertinents pour son appel. Ils comprennent ce qui suit :

  1. i. Lettre du syndicat du personnel infirmier datée du 7 juin 2023 portant sur le différend relatif à une demande à l’échelle de l’industrie contre l’association des employeursNote de bas de page 2.
  2. ii. Bulletins du syndicat du personnel infirmier sur la santé et la sécurité concernant la politique sur le vaccin contre la grippe, la vaccination ou le masque (du 25 septembre 2015 au 23 décembre 2020)Note de bas de page 3.
  3. iii. Lettre de cessation d’emploi datée du 26 janvier 2022Note de bas de page 4.
  4. iv. Lettre de la prestataire datée du 18 décembre 2021 à la médecin hygiéniste de la provinceNote de bas de page 5.

[9] En général, aucun nouvel élément de preuve n’est accepté à la division d’appel concernant les demandes d’assurance-emploi. De nouveaux éléments de preuve peuvent être acceptés lorsqu’ils fournissent des renseignements généraux ou établissent des vices de procédure, mais ce n’est pas le cas dans la présente affaire.

[10] Je n’admets pas les nouveaux éléments de preuve. Ils ne fournissent pas de renseignements généraux et ne contribuent pas à démontrer des vices de procédure. Ce qui importe encore davantage, c’est que ces éléments de preuve ne sont pas pertinents.

[11] La prestataire aurait pu déposer une copie de la lettre de congédiement dans son appel devant la division générale. Malgré tout, la division générale a décidé que ces éléments de preuve n’auraient finalement pas été pertinents.

[12] La prestataire s’appuie sur les autres éléments de preuve nouveaux pour démontrer que la politique de vaccination de son employeur était déraisonnable. Toutefois, comme je l’expliquerai ci-après, le caractère raisonnable de la politique de vaccination d’un employeur échappe au pouvoir d’examen de la division générale. Il n’aurait donc pas été pertinent que la division générale se penche sur ces nouveaux éléments de preuve pour décider si une inconduite a été commise.

La demande de la prestataire de maintenir son appel en suspens

[13] La prestataire demande de garder cet appel en suspens pendant qu’elle attend l’issue d’un grief contre son employeur. Le grief fait partie d’un différend relatif à une demande à l’échelle de l’industrie. Elle conteste son congédiement. Elle demande une réintégration et une ordonnance de réparation pour perte de salaire, d’avantages sociaux, de service et d’ancienneté, en plus de dommages-intérêts particuliersNote de bas de page 6.

[14] Le résultat du grief de la prestataire peut avoir une incidence sur l’issue de la question visant à établir si la prestataire a été congédiée de son emploi en raison d’une inconduite. Si la prestataire est réintégrée à son emploi comme si elle n’avait jamais été congédiée en raison d’une inconduite, cela pourrait signifier qu’une exclusion n’est plus appropriée. (La question de savoir si une inadmissibilité s’applique est une autre question.)

[15] La Commission s’oppose à la demande de la prestataire. La Commission reconnaît que l’appel de la prestataire peut devenir théorique si le grief de la prestataire est accueilli. La Commission fait remarquer que si la prestataire réussit et reçoit des paiements rétroactifs d’assurance-salaire, elle n’aurait plus droit à des prestations d’assurance-emploi.

[16] Même si elle ne reçoit pas de paiements rétroactifs d’assurance-salaire, la prestataire pourrait déposer plus de renseignements auprès de la Commission. La Commission fait remarquer que si elle reçoit plus de renseignements, elle examinera ces nouveaux éléments de preuve en vertu de l’article 111 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) et décidera de la réponse appropriée. Cela pouvait donc signifier que si l’employeur réintégrait la prestataire et la traitait comme s’il ne l’avait jamais congédiée de son emploi, la Commission supprimerait l’exclusion.

[17] La Commission fait remarquer que si le grief de la prestataire est rejeté, elle dispose encore de certains recours dans le cadre de ce processus (en présentant une demande de contrôle judiciaire à la Cour d’appel fédérale)Note de bas de page 7.

[18] La Commission fait observer qu’elle a le droit d’obtenir une décision le plus rapidement possible, à moins qu’il n’y ait un effet défavorable sur l’équité du processusNote de bas de page 8.

[19] Peu importe l’issue du grief de la prestataire, tout élément de preuve ou renseignement découlant de ce processus serait considéré comme un « nouvel élément de preuve ». Comme je l’ai mentionné précédemment, la division d’appel ne tient pas compte des éléments de preuve de cette nature. Pour ce seul motif, je suis d’avis que rien ne justifie la mise en suspens du présent appel.

Questions en litige

[20] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle mal interprété ce que signifie l’inconduite?
  2. b) La division générale a-t-elle tiré une conclusion abusive ou négligé l’un ou l’autre des éléments de preuve?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de procédure?

Analyse

[21] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale si la division générale a commis des erreurs de compétence, de procédure ou de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 9.

[22] Dans le cas d’erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle est saisieNote de bas de page 10.

La prestataire soutient que la division générale a mal interprété ce que signifie l’inconduite

[23] La prestataire soutient que pour qu’il y ait inconduite, il doit y avoir violation de la convention collective ou du contrat de travail. Dans son cas, elle affirme que sa convention collective n’exigeait pas la vaccination. Elle nie donc qu’elle aurait pu contrevenir à sa convention collective lorsqu’elle a choisi de ne pas se faire vaccinerNote de bas de page 11.

[24] La prestataire soutient que la division générale aurait dû examiner sa convention collective. Elle affirme que la convention collective était pertinente pour décider si elle a manqué à l’une ou l’autre de ses obligations.

[25] La prestataire affirme également que la vaccination exigée par son employeur devait être raisonnable et qu’il devait fournir des mesures d’adaptation, que ce soit pour des raisons religieuses, spirituelles ou autres. Selon elle, il était insuffisant que toute mesure d’adaptation soit soumise à l’approbation de la médecin hygiéniste de la province.

La définition d’inconduite énoncée par la division générale

[26] La Loi ne définit pas l’inconduite. La division générale s’est donc penchée sur diverses décisions judiciaires, y compris celles de la Cour d’appel fédérale. La division générale a mentionné la définition d’inconduite qui est ressortie de la jurisprudence.

[27] La division générale a conclu que le concept d’inconduite aux fins de l’assurance-emploi diffère de l’utilisation courante et quotidienne de ce mot. La division générale a défini l’inconduite dans le contexte de l’assurance-emploi comme une violation par un employé d’une règle d’emploi. Il n’est pas nécessaire que quelqu’un fasse quelque chose de répréhensible ou de nuisible. Tant qu’une action intentionnelle entraîne une violation des règles ou de la politique de l’employeur et que l’employé est conscient que sa conduite a des conséquences, il y a inconduite.

[28] La division générale a conclu qu’elle n’avait aucun pouvoir d’interpréter ou d’appliquer la convention collective. La division générale a conclu que la prestataire pourrait avoir d’autres recours contre son employeur. Elle a souligné, par exemple, que la prestataire pouvait demander à son syndicat de déposer un grief.

[29] La division générale a conclu que dans le contexte de l’assurance-emploi, sa compétence était limitée à décider pourquoi la prestataire a été congédiée de son emploi et si ce motif constituait une inconduiteNote de bas de page 12.

La prestataire affirme que la division générale n’a pas suivi la jurisprudence

[30] La prestataire soutient que la division générale n’a pas suivi la jurisprudence établie. Elle affirme que si la division générale avait appliqué l’arrêt Hopp c LeppNote de bas de page 13 et la décision Simpson c Pranajen Group Ltd. s/n Nimigon Retirement Home,Note de bas de page 14 elle aurait conclu que la prestataire avait le droit d’être suffisamment informée avant de décider si elle devait subir des interventions médicales.

[31] La Cour suprême du Canada a accueilli l’appel du défendeur, M. Hopp, un chirurgien orthopédiste. La question soumise à la Cour était la suivante : le patient avait-il été suffisamment informé d’une intervention pour lui permettre de décider s’il devait aller de l’avant ou non? La Cour a conclu que M. Hopp s’était acquitté de l’obligation de divulgation et que M. Lepp avait été suffisamment informé pour lui permettre de décider s’il devait subir une intervention chirurgicale.

[32] Dans la décision Simpson, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario s’est demandé si l’employeur de la demanderesse avait omis de répondre à ses besoins particuliers en matière de garde d’enfants. L’arbitre a conclu que l’employeur avait fait preuve de discrimination à l’égard de la demanderesse parce qu’il avait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard des besoins de la demanderesse découlant de sa situation familiale. L’arbitre a ordonné à l’employeur d’indemniser financièrement la demanderesse pour atteinte à la dignité, aux sentiments et au respect de soi.

[33] La division générale n’a mentionné ni l’arrêt Hopp c Lepp ni la décision Simpson c Pranajen Group Ltd. Malgré tout, je conclus qu’elle n’a pas commis d’erreur juridique en s’abstenant d’appliquer l’une et l’autre des affaires. Aucune des deux décisions ne traitait d’inconduite dans le contexte de la Loi. Les questions relatives au consentement éclairé et au manque de mesures d’adaptation ne sont pas pertinentes à la question de l’inconduiteNote de bas de page 15. La division générale n’a tout simplement pas le pouvoir de régler les questions de mesures d’adaptation ou de consentement à la vaccination ou aux tests médicaux.

La prestataire affirme que la division générale n’a pas examiné sa convention collective

[34] La prestataire nie avoir commis une quelconque inconduite en ne se faisant pas vacciner. Les exigences de vaccination de son employeur n’étaient pas régies par sa convention collective. Elle nie donc avoir pu contrevenir à la convention collective.

[35] La prestataire invoque la décision A. L. c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 16, une décision de la division générale. Dans cette décision, la division générale a conclu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que l’employeur d’A. L avait unilatéralement imposé de nouvelles conditions d’emploi lorsqu’il a instauré sa politique de vaccination. La division générale a également conclu qu’A. L. avait le droit de refuser la vaccination. Donc, si elle avait ce droit, la division générale s’est interrogée sur la façon dont cela pourrait être qualifié de geste « répréhensible » appuyant une conclusion d’inconduite.

[36] La division d’appel a infirmé depuis la décision rendue par la division générale dans A. L.Note de bas de page 17. La division d’appel a conclu que la division générale avait outrepassé sa compétence en examinant le contrat de travail d’A. L. La division d’appel a également conclu que la division générale avait commis des erreurs de droit, notamment en déclarant qu’un employeur ne pouvait pas imposer de nouvelles conditions à la convention collective et qu’il n’y avait pas eu inconduite s’il n’y avait pas eu violation du contrat de travailNote de bas de page 18.

[37] Il est maintenant devenu bien établi que la politique d’un employeur n’a pas à faire partie du contrat de travail pour qu’il y ait inconduite :

  • La Cour fédérale a statué dans l’affaire KukNote de bas de page 19 après l’audience dans cette affaire. M. Kuk a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur. La politique ne faisait pas partie de son contrat de travail. La Cour a conclu que les exigences de vaccination de l’employeur n’avaient pas à faire partie du contrat de travail de M. Kuk. La Cour a statué qu’il y avait inconduite parce que M. Kuk avait sciemment omis de respecter la politique de vaccination de son employeur et qu’il savait quelles seraient les conséquences s’il ne s’y conformait pas.
  • Dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 20, l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle a été vue en état d’ébriété publiquement dans la réserve où elle travaillait. L’employeur a considéré qu’il s’agissait d’une violation de son interdiction de consommer de l’alcool. Mme Nelson a nié que l’interdiction de consommer de l’alcool de son employeur faisait partie des exigences de son emploi prévues dans son contrat de travail écrit, ou que sa consommation d’alcool se reflétait dans son rendement au travail. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’il y avait inconduite. Il n’était pas pertinent que la politique de l’employeur contre la consommation d’alcool ne fasse pas partie du contrat de travail de Mme Nelson.
  • Dans l’affaire NguyenNote de bas de page 21, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il y avait inconduite. M. Nguyen a harcelé un collègue de travail au casino où ils travaillaient. L’employeur avait une politique concernant le harcèlement. Toutefois, la politique ne décrivait pas le comportement de M. Nguyen et ne faisait pas partie du contrat de travail.
  • Dans une autre affaire, intitulée KareliaNote de bas de page 22, l’employeur a imposé de nouvelles conditions à M. Karelia. Il était toujours absent du travail. Ces nouvelles conditions ne s’inscrivaient pas dans le contrat de travail. Malgré tout, la Cour d’appel fédérale a décidé que M. Karelia devait s’y conformer — même s’il s’agissait de nouvelles conditions — sans quoi il y avait inconduite.

[38] Outre la décision Kuk, les tribunaux ont rendu deux autres décisions qui traitent de la question de l’inconduite dans le contexte des politiques de vaccination. Dans les affaires CecchettoNote de bas de page 23 et MilovacNote de bas de page 24, la vaccination ne s’inscrivait pas dans la convention collective ou dans le contrat de travail de la partie en cause. La Cour fédérale a conclu que, malgré tout, il y avait inconduite.

[39] Donc, contrairement à ce que la prestataire laisse entendre, les obligations découlant de la politique de vaccination de son employeur n’avaient pas à faire partie de son contrat de travail.

[40] Comme les tribunaux l’ont toujours déclaré, le critère de l’inconduite est très limité et précis. Il s’agit d’évaluer si un prestataire a intentionnellement commis un acte (ou a omis de commettre un acte), contrairement à ses obligations professionnellesNote de bas de page 25.

La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite si la politique de vaccination de son employeur était déraisonnable

[41] La prestataire soutient que la division générale aurait dû se demander si la politique de vaccination de son employeur était raisonnable.

[42] La prestataire affirme que les politiques de vaccination et leur mise en œuvre ont peu à voir avec la santé ou la sécurité. Elle prétend que des considérations politiques sont à l’origine des politiques de vaccination. Elle affirme que la déconnexion, la discrimination et l’incohérence du décret provincial en matière de santé dans l’atteinte de son objectif déclaré démontrent en partie cet état de fait.

[43] La prestataire affirme que si la division générale avait tenu compte du caractère raisonnable des exigences en matière de vaccination, elle aurait décidé que la politique de vaccination de son employeur et le décret provincial en matière de santé étaient tous deux déraisonnables et qu’elle n’avait pas à se conformer à l’un ou l’autre.

[44] Toutefois, dans les affaires Kuk et Cecchetto, la Cour fédérale a déclaré qu’il n’était pas de la compétence de la division générale et de la division d’appel d’évaluer les politiques d’un employeur. Selon la Cour, leur rôle est limité. La Cour a déclaré que, lorsqu’elle examine l’inconduite en vertu de la Loi, son rôle consiste à décider si un prestataire a intentionnellement commis un acte (ou a omis de commettre un acte) contraire à ses obligations professionnelles.

[45] La division générale n’avait donc pas le pouvoir de tenir compte du caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur. Elle n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle n’a pas tranché cette question.

La prestataire affirme que l’inconduite ne survient que s’il y a un acte répréhensible grave

[46] La prestataire fait valoir que l’inconduite ne survient que s’il y a un acte répréhensible grave. Elle s’appuie sur des arguments avancés par un représentant du Centre de justice pour les libertés constitutionnelles.

[47] En ce qui concerne l’inconduite, la prestataire affirme qu’un employé doit être [traduction] « coupable d’inconduite grave, de négligence habituelle de son devoir, d’incompétence ou de conduite incompatible avec [ses] fonctions ». La prestataire mentionne l’opinion dissidente dans la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans R v Arthurs, Ex parte Port Arthur Shipbuilding CoNote de bas de page 26.

[48] Toutefois, cette décision ne traite pas d’inconduite dans le contexte de l’assurance-emploi. La décision porte sur la question de savoir si l’employeur était fondé à congédier trois employés. La décision n’est pas pertinente pour la question de l’inconduite aux fins de la Loi. Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en ne suivant pas l’arrêt R v Arthurs pour décider s’il y a eu inconduite.

La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite si son employeur ne lui a pas fourni des mesures d’adaptation

[49] La prestataire soutient qu’il n’y a pas d’inconduite si son employeur ne lui a pas offert des mesures d’adaptation. Elle affirme qu’elle avait droit à des mesures d’adaptation en raison de ses croyances.

[50] Toutefois, comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans une affaire intitulée MishibinijimaNote de bas de page 27, l’absence de mesures d’adaptation d’un employeur n’est pas pertinente en ce qui concerne la question de l’inconduite.

[51] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a conclu qu’elle ne pouvait pas décider si le décret ou la politique de l’employeur aurait dû inclure des mesures d’adaptation raisonnables.

[52] Cela ne veut pas dire que la prestataire n’a pas d’options pour donner suite à ses prétentions selon lesquelles son employeur n’a pas pris des mesures d’adaptation adéquates. Cependant, ses options ne relèvent pas du Tribunal de la sécurité sociale.

La division générale a-t-elle tiré une conclusion abusive ou négligé l’un ou l’autre des éléments de preuve?

[53] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait. Elle affirme que la division générale a commis une erreur au sujet du moment où son employeur l’a congédiée et du moment où elle avait été en congé pour raisons médicales.

[54] La prestataire affirme également que la division générale n’a pas tenu compte du fait que les exigences de son employeur en matière de vaccination ne fournissaient pas de mesures d’adaptation adéquates. Elle affirme également que la division générale a mal saisi la preuve lorsqu’elle a conclu qu’elle avait été informée des exigences de vaccination de son employeur.

La date de cessation d’emploi de la prestataire

[55] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait en concluant que son employeur l’a congédiée de son emploi en décembre 2021. La prestataire affirme que son employeur l’a congédiée le 26 janvier 2022.

[56] La division générale a noté que la prestataire a dit dans son avis d’appel que son employeur l’avait congédiée le 26 janvier 2022Note de bas de page 28. La division générale a noté que le témoignage de vive voix de la prestataire était cohérent et que son employeur l’avait congédiée le 26 janvier 2022Note de bas de page 29.

[57] La division générale a pris note de la chronologie de la prestataire. Étaient comprises les affirmations de la prestataire selon lesquelles son employeur l’avait congédiée le 26 janvier 2022 et lui avait remis une lettre de congédiement à cette dateNote de bas de page 30. Le dossier d’audience de la division générale ne comprenait pas de copie de la lettre de congédiementNote de bas de page 31.

[58] La division générale a fait observer que la Commission avait reçu des renseignements contradictoires de la part de l’employeur du prestataire. L’employeur avait apparemment informé la Commission que selon ses dossiers, la prestataire avait été congédiée le 5 décembre 2021 parce qu’elle ne s’était pas conformée au décret provincial en matière de santéNote de bas de page 32. La division générale a également noté que le relevé d’emploi indiquait que le 5 décembre 2021 était le dernier jour de paie de la prestataireNote de bas de page 33.

[59] Je note que l’employeur avait initialement établi un relevé d’emploi daté du 15 décembre 2021 précisant qu’il établissait le relevé en raison d’une maladie ou d’une blessureNote de bas de page 34. L’employeur a par la suite expliqué qu’il avait modifié le relevé en raison du statut vaccinal de la prestataire et après avoir payé toutes les sommes dues pour les vacances et les heures supplémentaires accumuléesNote de bas de page 35.

[60] En fin de compte, la division générale a refusé de décider si l’employeur a congédié la prestataire le 5 décembre 2021 ou le 26 janvier 2022. La division générale a décidé que la question n’était pas pertinente. La division générale a statué qu’elle devait décider si la conduite de la prestataire équivalait à de l’inconduiteNote de bas de page 36.

[61] La division générale n’a pas décidé quand l’employeur de la prestataire a effectivement congédié celle-ci de son emploi. Pour cette raison, je conclus qu’elle n’aurait pas pu commettre d’erreur factuelle sur ce point.

[62] Si la date d’exclusion était contestée, la division générale aurait peut-être dû trancher cette question. De cette façon, les parties pourraient savoir quand commence l’exclusion. Cependant, en l’état actuel des choses, la Commission a refusé les prestations à compter du 27 février 2022. Donc, il importe peu que le congédiement ait eu lieu en décembre 2021 ou en janvier 2022. Autrement dit, même si la division générale avait tranché ce point et commis une erreur, le résultat serait demeuré le même.

[63] En guise de note de bas de page, je constate que la division générale a conclu que la prestataire [traduction] « a appris au plus tard le 11 janvier 2021 qu’elle pouvait être congédiée » parce qu’elle ne s’était pas conformée aux exigences de vaccination de son employeurNote de bas de page 37. Compte tenu de cette seule conclusion, si la date de congédiement avait été pertinente, j’aurais accepté le témoignage de la prestataire selon lequel son employeur l’avait congédiée le 26 janvier 2022.

[64] Je conclus que, dans l’ensemble, la preuve appuie les affirmations de la prestataire selon lesquelles, une fois terminé son congé pour raisons médicales et après qu’elle a déclaré qu’elle était en mesure de retourner au travail, son employeur l’a suspendue pour non-respect de ses exigences en matière de vaccination. Et ce n’est qu’en janvier 2022 que son employeur l’a congédiée.

[65] J’aurais rejeté le relevé d’emploi comme preuve de la date de cessation d’emploi. Le dossier précise simplement que la dernière date pour laquelle la prestataire a été rémunérée était le 5 décembre 2021. Il ne précise pas qu’elle a été congédiée à cette date.

Les dates du congé pour raisons médicales de la prestataire n’étaient pas pertinentes pour établir s’il y avait eu inconduite

[66] La prestataire soutient que la division générale a mal interprété la preuve au sujet de sa période de congé pour raisons médicales. La prestataire affirme que la division générale a conclu qu’elle était en congé pour raisons médicales du 1er octobre 2021 au 5 décembre 2021 et qu’elle a été congédiée à la suite de ce congéNote de bas de page 38.

[67] La division générale a noté la chronologie que la prestataire a communiquée. Selon ce que la division générale a écrit, la prestataire a déclaré qu’elle avait commencé un congé pour raisons médicales le 28 septembre 2021 qui s’est poursuivi jusqu’au 22 décembre 2021Note de bas de page 39.

[68] La division générale n’a tiré aucune conclusion, d’une façon ou d’une autre, sur le début du congé de maladie de la prestataire. De plus, rien n’indique que la division générale a fondé sa décision selon laquelle la prestataire a commis une inconduite sur l’une ou l’autre des preuves relatives au congé pour raisons médicales de la prestataire. (La question de son congé était pertinente pour décider si la prestataire a reçu un avis des exigences de vaccination de son employeur. Je vais aborder cette question ci-dessous.)

[69] Pour ces motifs, je ne suis pas convaincue que la division générale ait commis une erreur susceptible de contrôle selon laquelle elle a mal interprété la période de congé pour raisons médicales de la prestataire.

La prestataire affirme que son employeur ne l’a jamais informée de ses exigences en matière de vaccination

[70] La prestataire soutient que la division générale a conclu de façon abusive qu’elle avait été informée de la politique de son employeur et de ses exigences en matière de vaccination. Elle nie avoir déjà été avisée de la politique de son employeur ou être au courant de ses exigences en matière de vaccination, ou avoir été avisée qu’il y aurait des conséquences si elle ne s’y conformait pas. Elle affirme qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui des conclusions de la division générale.

[71] La division générale a noté les éléments de preuve suivants :

  • Chronologie de la prestataire – le 24 septembre 2021, l’employeur a distribué à tout le personnel une note de service annonçant qu’il prévoyait qu’un décret provincial en matière de santé serait rendu; ce décret exigerait que tous les travailleurs de la santé soient entièrement vaccinés comme condition d’emploiNote de bas de page 40.
  • Entre le 28 septembre 2021 et le 22 décembre 2021, la prestataire était en congé pour raisons médicales. Au cours de cette période, elle n’a examiné aucune communication de son employeurNote de bas de page 41.
  • Le 18 décembre 2021, la prestataire a demandé une exemption à la médecin hygiéniste de la province. Elle n’a pas obtenu d’exemptionNote de bas de page 42.
  • La prestataire a témoigné qu’au plus tard le 23 décembre 2021, elle savait qu’elle n’était pas autorisée à reprendre le travail à moins de fournir à son employeur une preuve de vaccinationNote de bas de page 43.
  • La prestataire avait communiqué avec sa gestionnaire au sujet de son retour au travail. Sa gestionnaire l’a informée qu’en vertu du décret provincial en matière de santé, elle devait être vaccinée, sinon elle serait mise en congéNote de bas de page 44. La prestataire affirme que la gestionnaire n’a jamais mentionné la politique de l’employeur.

[72] La division générale a défini la question qu’elle devait trancher. Elle a écrit ce qui suit : [traduction] « Je dois seulement décider si, dans le contexte susmentionné, le défaut [de la prestataire] de se conformer aux exigences en matière de vaccination énoncées dans le décret [provincial en matière de santé] équivaut à une inconduite »Note de bas de page 45. Il en ressort clairement que la division générale s’est concentrée sur la conformité du prestataire au décret provincial en matière de santé, plutôt que sur la politique de vaccination de l’employeur.

[73] Le décret provincial en matière de santé exigeait que tous les membres du personnel soient vaccinés et fournissent une preuve de vaccination à l’employeur ou bénéficient d’une exemption. Sinon, s’ils n’étaient pas conformes, ils ne devaient pas travailler. Le décret provincial en matière de santé exigeait également que l’employeur ne permette pas à un membre du personnel qui ne se conformait pas à ces exigences de travaillerNote de bas de page 46. La division générale a accepté que l’employeur et la prestataire fussent tous deux liés par le décret provincial en matière de santé.

[74] La division générale a admis que la prestataire n’était pas censée être au courant des exigences de vaccination de son employeur pendant son congé pour raisons médicales. Cependant, elle a conclu que la prestataire avait reçu un avis et qu’elle était au courant des exigences au plus tard le 23 décembre 2021 après avoir parlé à sa gestionnaireNote de bas de page 47.

[75] Bien que le dossier d’audience de la division générale ne comprenne aucune communication écrite de l’employeur précisant à quel moment il a donné avis du décret provincial en matière de santé ou de sa propre politique de vaccination à la prestataire, la preuve démontre que la prestataire était au courant des exigences de vaccination de son employeur avant le 23 décembre 2021.

[76] La prestataire a écrit à la médecin hygiéniste de la province cinq jours avant cette date, soit le 18 décembre 2021Note de bas de page 48. Dans sa lettre, elle a fait mention du décret provincial en matière de santé et des conséquences que les exigences de vaccination de l’employeur (le décret provincial en matière de santé) avaient sur elle, y compris la perte d’emploi et les restrictions à la mobilité. La lettre de la prestataire laissait entendre qu’elle devait connaître les exigences de vaccination de son employeur (et de la province) de tout le personnel du secteur de la santé.

[77] La prestataire affirme également qu’elle n’a pas été informée des conséquences si elle ne se conformait pas aux exigences de vaccination de son employeur. Il est vrai, comme la prestataire le souligne, que le décret provincial en matière de santé prévoit que l’employeur ne doit pas permettre à un employé non vacciné de travailler. Le décret ne précisait pas le congédiement comme conséquence de la non-conformité. Elle a donc soutenu, pour cette raison, qu’elle ne savait pas ou qu’elle n’aurait pu savoir que le congédiement constituait une possibilité.

[78] Malgré cela, d’après la conclusion de la division générale, la preuve démontrait que la prestataire était au courant au plus tard le 11 janvier 2022 que le congédiement était possibleNote de bas de page 49. Elle a confirmé qu’elle savait qu’un congédiement pourrait survenir si elle ne se conformait pas.

[79] Compte tenu de la preuve dont la division générale dispose, elle pourrait conclure que la prestataire était informée des exigences de vaccination de son employeur, qu’elle était au courant de celles-ci et qu’il y avait une véritable possibilité qu’elle subisse des conséquences, y compris le congédiement, si elle ne se conformait pas à ces exigences.

La politique de vaccination de l’employeur ne prévoyait pas de mesures d’adaptation adéquates

[80] La prestataire affirme que la division générale a négligé le fait que la politique de vaccination de son employeur ne fournissait pas de mesures d’adaptation adéquates. Elle affirme que la médecin hygiéniste de la province n’a pris en considération une demande de mesure d’adaptation que si un employé pouvait démontrer qu’il avait subi une réaction grave à une première dose. Elle affirme qu’il n’y avait pas de mesures d’adaptation pour des motifs religieux ou spirituels.

[81] La prestataire affirme également que la politique de vaccination et le décret en matière de santé contrevenaient au serment d’Hippocrate des médecins et à la norme de soins du personnel infirmier. Elle ajoute que la politique de vaccination et le décret en matière de santé enfreignaient l’éthique et le droit des personnes à prendre des décisions fondées sur un consentement éclairé, sans coercitionNote de bas de page 50.

[82] Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, l’absence ou l’inadéquation des mesures d’adaptation d’un employeur n’est pas pertinente en ce qui concerne la question de l’inconduiteNote de bas de page 51. Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle n’a pas examiné si la politique de vaccination de l’employeur prévoyait des mesures d’adaptation adéquates.

La division générale a-t-elle commis une erreur de procédure?

[83] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de procédure. Elle affirme avoir demandé une copie de la transcription de l’audience devant la division générale. Elle dit que le Tribunal a refusé de fournir une transcription. La prestataire affirme qu’il s’agit d’une violation de ses droits.

[84] La prestataire affirme également avoir présenté une demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP). Elle souhaite obtenir [traduction] « les détails complets et détaillés des événements qui se sont produits relativement à [l’assurance-emploi] et à l’employeur »Note de bas de page 52.

[85] Le Tribunal n’a pas de transcriptions d’audiences de la division générale ou de la division d’appel. Le Tribunal produit des enregistrements audio des audiences, sur demande. Ainsi, si une partie demande une copie de l’enregistrement audio, le Tribunal en fournira des copies à toutes les parties.

[86] En ce qui concerne la demande d’AIPRP de la prestataire, cette question ne relève pas de la compétence du Tribunal. La demande de la prestataire est présentée directement au ministère de l’Emploi et du Développement social.

[87] La division générale n’a pas omis de fournir à la prestataire des copies des documents de son dossier avant l’audience. Le Tribunal fournit aux parties des copies des documents relatifs aux demandes. De toute évidence, elle n’a pu fournir une copie de l’enregistrement audio qu’après la fin de l’audience de la division générale. Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur en omettant de produire quelque chose qui n’existait pas à ce moment-là.

Conclusion

[88] L’appel est rejeté. La division générale n’a pas commis d’erreur qui relève des moyens d’appel autorisés.

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