Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1451

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de prolongation
de délai et de permission de faire appel

Partie demanderesse : M. T.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 20 janvier 2023
(GE-22-2661)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 6 novembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-736

Sur cette page

Décision

[1] J’accorde au prestataire une prolongation de délai pour présenter sa demande à la division d’appel. Je lui refuse la permission de faire appel. L’appel ne sera pas accueilli.

Aperçu

[2] Le demandeur, M. T. (prestataire), demande une prolongation de délai pour demander la permission de faire appel de la décision de la division générale.

[3] La division générale a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu que la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, avait prouvé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. En d’autres termes, elle a jugé qu’il avait fait quelque chose qui a entraîné sa suspension. Le prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[4] En raison de son inconduite, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] Le prestataire nie avoir commis une quelconque inconduite. Il soutient que la division générale a fait des erreurs de procédure et de droit. Il affirme également que la division générale a ignoré certains éléments de preuve.

[6] Pour décider s’il y a lieu d’accorder ou non une prolongation de délai, je dois être convaincue que le prestataire avait une explication raisonnable pour son retard à présenter sa demande à la division d’appel. Autrement, l’appel n’ira pas de l’avant.

[7] Si j’accorde une prolongation de délai, je dois tout de même vérifier si l’appel a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendableNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est closeNote de bas de page 2.

[8] Je suis convaincue que le prestataire a une explication raisonnable pour son retard. Cependant, je ne suis pas persuadée que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je refuse au prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[9] Les questions en litige dans cet appel sont les suivantes :

  1. a) La demande a-t-elle été présentée en retard à la division d’appel?
  2. b) Si oui, dois-je prolonger le délai pour présenter la demande?
  3. c) Si j’accorde une prolongation de délai, est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure, de droit ou de fait?

Analyse

La demande a été présentée en retard

[10] Le prestataire reconnaît qu’il a présenté sa demande à la division d’appel après le délai de 30 joursNote de bas de page 3.

[11] Le prestataire affirme avoir reçu la décision de la division générale le 26 janvier 2023. Il aurait donc dû déposer sa demande à la division d’appel au plus tard le 25 février 2023., mais il l’a déposé le 31 juillet 2023. Cela représente un retard de plus de cinq mois.

[12] Comme le prestataire n’a pas présenté sa demande à temps, il doit obtenir une prolongation de délai. Si la division d’appel ne la lui accorde pas, cela signifie qu’elle n’examinera pas sa demande de permission de faire appel. Cela met également fin à son appel contre la décision de la division générale.

Je prolonge le délai pour présenter la demande

[13] La division d’appel peut prolonger le délai pour présenter une demande si le retard n’excède pas un anNote de bas de page 4. La division d’appel accorde plus de temps pour faire appel à une partie appelante si celle-ci a une explication raisonnable justifiant son retard.

[14] Le prestataire explique qu’il s’occupait de questions financières comme chercher du travail. Il essayait également de trouver une représentante ou un représentant pour l’aider. Il s’est adressé à son député local et à l’aide juridique. Ce n’est que récemment qu’il a reçu une réponse de l’aide juridique.

[15] J’admets que cela explique de façon raisonnable le retard du prestataire. Par conséquent, je prolonge le délai dont il dispose pour présenter une demande à la division d’appel.

Je refuse au prestataire la permission de faire appel

[16] La division d’appel accorde la permission de faire appel à moins que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès. Un appel a une chance raisonnable de succès si l’on peut soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 5.

[17] Quant aux erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle?

[18] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle. Il affirme qu’elle n’a pas veillé à ce qu’il ait des copies de tous les éléments de preuve et de la jurisprudence pertinente. En particulier, le prestataire dit que la division générale n’a pas divulgué la jurisprudence sur laquelle elle a fondé sa décision.

La preuve

[19] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas veillé à ce que le prestataire ait des copies de tous les éléments de preuve. Le Tribunal de la sécurité sociale lui a fourni des copies des documents qu’il avait reçus de la CommissionNote de bas de page 6.

[20] À l’audience, la membre de la division générale a également énuméré tous les éléments de preuve afin de s’assurer que le prestataire les avait tous en sa possessionNote de bas de page 7. Le prestataire a confirmé qu’il avait tous les documents au dossier.

La jurisprudence

[21] Quant à la jurisprudence, elle n’est pas considérée comme une preuve. Le prestataire aurait peut-être jugé utile de recevoir une copie de la jurisprudence pour pouvoir y répondre. Cependant, je n’ai connaissance d’aucune disposition obligeant la division générale à fournir aux parties la jurisprudence sur laquelle elle pourrait s’appuyer.

[22] La division générale a l’obligation de s’assurer que le prestataire était au courant de l’affaire en instance et du critère qu’il devait remplir.

[23] Le Tribunal a remis au prestataire une copie des arguments de la Commission. Le prestataire a confirmé qu’il les avaitNote de bas de page 8. La Commission a exposé en détail les faits et certains éléments de jurisprudence. Le prestataire aurait donc dû être au courant de l’affaire et du critère qu’il devait remplir.

[24] De plus, même si la division générale n’était pas tenue de fournir de copies de la jurisprudence, la membre a énoncé les exigences que le prestataire devait remplir. La membre a souligné ce que la jurisprudence dit à propos de l’inconduiteNote de bas de page 9. Elle a déclaré ce qui suit :

[traduction]
Sur le plan juridique, la Loi sur lassurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Je m’appuie donc sur la jurisprudence pour évaluer s’il y a eu inconduite aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi. Le critère juridique que j’examine, fondé sur cette jurisprudence, c’est si vous avez commis l’inconduite alléguée, si vos actions étaient délibérées et si vous saviez ou auriez dû savoir que votre conduite pouvait entraîner votre congédiement.

[25] La division générale a demandé au prestataire s’il avait des questions au sujet du critère juridique qu’il devait remplir. Il a répondu qu’il n’en avait pas.

[26] La division générale n’a pas remis de copies de la jurisprudence au prestataire. Cependant, la membre a souligné ce que la jurisprudence disait au sujet de l’inconduite.

Méconnaissance du processus par le prestataire

[27] Le prestataire dit également qu’il n’était pas familier avec le processus et que son appel devrait donc être accueilli pour qu’il puisse avoir une autre chance de faire valoir ses arguments. Toutefois, le fait que le prestataire n’était pas familier avec le processus ne constitue pas un moyen d’appel énoncé à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[28] Quoi qu’il en soit, le Tribunal donne des informations sur le processus sur son site Web. Le Tribunal offre également un service d’accompagnement aux parties prestataires sans représentation juridique qui peut leur fournir des renseignements et les guider tout au long du processus.

[29] À l’audience, la membre a également décrit le processus général et le format d’audience auxquels le prestataire pouvait s’attendre. Il s’agissait d’une audience assez simple, en ce sens qu’il n’y avait pas d’autres témoins et que personne ne représentait la Commission. La membre a dit au prestataire qu’il avait la possibilité de présenter ses arguments et qu’il pouvait s’attendre à ce qu’elle lui pose des questions.

Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a omis d’observer les principes de justice naturelle

[30] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a omis d’observer les principes de justice naturelle. Le prestataire était au courant du critère qu’il devait remplir. Le Tribunal lui a aussi fourni une copie de tous les éléments de preuve et lui a donné une occasion équitable de présenter ses arguments.

Est-il possible de soutenir que la division générale a commis des erreurs de droit?

[31] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas appliqué la loi correctement. Toutefois, il ne décrit pas la ou les lois que la division générale n’aurait pas respectées.

[32] La division générale devait décider si le prestataire avait commis une inconduite. Elle a mentionné que la Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas ce qu’est une inconduite, mais que les tribunaux en ont donné une définition. La division générale a cité et suivi plusieurs décisions de la Cour d’appel fédérale.

[33] Par exemple, citant la décision MishibinijimaNote de bas de page 10, la division générale a établi qu’il y a inconduite si une partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 11.

[34] La décision de la division générale était conforme au droit. Pour cette raison, je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a commis des erreurs de droit.

Est-il possible de soutenir que la division générale a ignoré certains éléments de preuve?

[35] Le prestataire ne conteste aucune des conclusions de fait de la division générale, mais il soutient qu’elle a ignoré certains éléments de preuve. Il ne précise cependant pas quels éléments de preuve auraient été négligés.

[36] La division générale n’est pas tenue de faire référence à tous les éléments de preuve portés à sa connaissance, car on présume qu’elle les a examinés. Elle doit toutefois aborder tout élément de preuve dont l’importance est telle qu’il pourrait avoir une incidence sur l’issue de l’affaire.

[37] Je ne vois aucun élément de preuve important que la division générale ait pu ignorer. De plus, ses conclusions de fait concordent avec la preuve portée à sa connaissance.

[38] L’appel devant la division générale portait sur la question de savoir si le prestataire avait commis une inconduite. La division générale a souligné que l’employeur du prestataire avait mis en place une politique de vaccination. Si un membre du personnel ne s’y conformait pas, il pouvait subir des conséquences. L’employeur a communiqué sa politique au personnel.

[39] La division générale a souligné que le prestataire était au courant de la politique de l’employeur. Elle a également affirmé qu’il ne s’était pas conformé à la politique.

[40] La division générale a également noté que le prestataire avait des préoccupations d’ordre médical au sujet de la vaccination contre la COVID-19. Il est atteint d’un trouble auto-immunitaire. Il estimait que le vaccin était expérimental et risqué et que son employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation en raison de son état de santé. Il a cherché d’autres solutions, comme effectuer des tâches différentes ou réduire son horaire de travail, mais son employeur ne lui a pas offert de mesures d’adaptation.

[41] Le prestataire a dit à la Commission que son contrat de travail n’exigeait pas la vaccination. Il ne croyait donc pas qu’il était tenu de se faire vacciner. La division générale a abordé le témoignage et les arguments du prestataire sur ce point.

[42] Manifestement, la division générale a conclu qu’il n’était pas pertinent que le contrat de travail du prestataire n’exigeait pas la vaccination. Après tout, il est maintenant bien établi dans la jurisprudence qu’une politique d’un employeur n’a pas à faire partie d’un contrat de travail pour qu’il y ait inconduite.

[43] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a ignoré l’un ou l’autre des éléments de preuve.

Les options du prestataire

[44] Le prestataire doit rembourser une dette découlant de son exclusion du bénéfice des prestations. L’avis de dette énonce les options qui s’offrent à lui. Il peut communiquer avec l’Agence du revenu du Canada pour discuter de ses options de remboursement ou écrire à la Commission pour demander que sa dette soit annulée ou réduite s’il éprouve des difficultés financières.

Conclusion

[45] J’accorde au prestataire une prolongation de délai pour présenter sa demande. Comme l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, je lui refuse la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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