Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BU c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1401

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : B. U.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 18 septembre 2023
(GE-23-1182)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 24 octobre 2023
Numéro de dossier : AD-23-883

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur, B. U. (prestataire), demande la permission de faire appel de la décision de la division générale. Celle-ci a rejeté son appel.

[3] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi. La division générale a conclu que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui. Par conséquent, le prestataire n’a pas reçu de prestations d’assurance-emploi.

[4] Le prestataire soutient qu’il n’a pas eu droit à une audience équitable devant la division générale. Il prétend que la membre de la division générale n’était ni indépendante ni impartiale et qu’elle a fait preuve de partialité à son égard.

[5] Avant que le prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider si celui-ci a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendable en droitNote de bas page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, cela met fin à l’affaireNote de bas page 2.

[6] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne donne pas au prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Question en litige

[7] Est-il possible de soutenir que la membre de la division générale n’a pas accordé au prestataire une audience équitable?

Je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel

[8] La division d’appel accorde la permission de faire appel à moins que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès s’il est possible que la division générale ait commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas page 3.

Est-il possible de soutenir que la membre de la division générale n’a pas accordé au prestataire une audience équitable?

[9] Le prestataire soutient qu’il n’a pas eu droit à une audience équitable. Il affirme que la membre de la division générale avait un parti pris parce qu’elle avait présidé une autre affaire qui le concernait. Elle a rejeté son appel dans cette affaireNote de bas page 4. Le prestataire affirme que la membre avait déjà décidé de l’issue longtemps auparavant, lorsqu’elle a instruit son premier appel.

[10] L’appel antérieur du prestataire portait également sur la question de savoir s’il était fondé à quitter son emploi. Cependant, ce premier appel du prestataire à la division générale concernait des circonstances différentes. Par conséquent, la membre n’aurait pas pu simplement adopter les faits et sa décision dans cette affaire et les appliquer au deuxième appel du prestataire.

[11] Le prestataire affirme que la membre de la division générale a enfreint le Code de conduite des membres du Tribunal de la sécurité sociale, car elle ne s’est pas retirée du processus d’audience. Selon lui, comme la membre a rejeté son appel précédent (bien qu’il soit sans lien avec celui-ci), elle était en conflit d’intérêts et n’aurait pas dû juger son affaire.

[12] Le prestataire écrit :

[traduction]

[La membre] a admis qu’elle m’avait reconnu grâce à l’audience qui a eu lieu il n’y a pas si longtemps. Nous avions des relations extrêmement mauvaises, tellement que cela s’est exprimé dans sa décision la plus récente.

L’atmosphère était à couper au couteau; c’est ainsi que l’on peut décrire l’audience du 12 septembre. Je suis arrivé à temps, une demi-heure avant l’audience, et je me suis présenté à la réception de Service Canada. Toutefois, le personnel de la réception m’a dit que le TSS était censé se présenter et que personne du TSS ne l’avait encore fait. On m’a dit de m’asseoir et d’attendre de voir si le TSS se présenterait. Plus tard [la membre] m’a approché et m’a demandé de me rendre à la salle d’audience. Lorsque j’ai demandé à la réception ce qui s’était passé, on m’a dit que [la membre] se comportait de façon très étrange et qu’elle ne respectait pas le protocole.

Permettez-moi de vous dire que j’ai reconnu [la membre], mais que son apparence était différente de celle qu’elle avait à notre audience quelques années auparavant. À l’époque, elle avait l’air calme et normale. Cette fois-ci, elle semblait tout juste sortir d’un lit d’hôpital. Son apparence m’a mis profondément mal à l’aise. Elle n’était pas en bon état mental. Elle était très tendue, son visage était rouge et ses yeux luisaient de haine.

[13] Le prestataire affirme que la membre était en situation de conflit d’intérêts. Aux termes de la Loi sur les conflits d’intérêts, une personne titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d’intérêts lorsqu’elle exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de servir son intérêt personnel ou celui d’un parent ou d’un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personneNote de bas page 5.

[14] Toutefois, le prestataire n’a pas précisé de quelle manière la membre de la division générale était en conflit d’intérêts. Il ne suffit pas que la membre ait présidé un appel antérieur pour que survienne un conflit d’intérêts.

[15] La Cour suprême du Canada a énoncé le critère de la crainte raisonnable de partialité. Elle a fait référence à l’opinion dissidente du juge Grandpré dans la décision Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie :

[C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance [la personne qui doit rendre la décision], consciemment ou non, ne rendra pas une décision justeNote de bas page 6? »

[16] La simple allégation de partialité ne satisfait pas à cette norme; l’exposition de sa perception de la membre de la division générale non plus.

[17] Le fait que la même membre de la division générale ait instruit le deuxième appel du prestataire ne démontre pas nécessairement qu’il y a eu partialité ni qu’elle a laissé l’issue du premier appel du prestataire façonner d’une manière ou d’une autre ses opinions dans le cadre du deuxième appel. Il doit y avoir quelque chose de plus pour démontrer qu’il y a eu partialité, sauf pour dire que la même membre a présidé à ses deux appels.

[18] Le prestataire a décrit ce qu’il a observé au sujet de la membre de la division générale. Il dit qu’il était évident pour lui que la membre était malade. Il dit qu’elle a fait des choses inattendues et qu’elle n’a pas adopté le comportement auquel on peut s’attendre de la part des membres.

[19] Il est inhabituel, voire troublant, d’apprendre qu’une membre se comportait de façon [traduction] « très étrange », qu’elle semblait [traduction] « tout juste sortir d’un lit d’hôpital », qu’elle [traduction] « n’était pas en bon état mental » et que ses yeux [traduction] « luisaient de haine ». Cependant, en l’absence de détails sur le comportement et la conduite réels de la membre, on ne peut pas accorder beaucoup d’importance à ces allégations.

[20] Je ne vois aucun signe ou preuve à l’appui des affirmations concernant la membre de la division générale. L’enregistrement audio de l’audience de la division générale n’indique rien d’inapproprié ou de fâcheux quant à la conduite de la membre.

[21] Le prestataire n’a soulevé aucun élément dans l’enregistrement audio de l’audience de la division générale qui aurait pu confirmer ses allégations. Rien dans l’enregistrement audio ne donne à penser que la membre était malade ou qu’elle avait des problèmes de santé mentale qui auraient pu nuire à son impartialité et à sa capacité d’accorder une audience équitable.

[22] L’enregistrement audio de l’audience de la division générale révèle que la membre a expliqué dans ses remarques préliminaires ce à quoi le prestataire pouvait s’attendre à l’audience. Elle a souligné l’indépendance et l’impartialité de la division générale.

[23] La membre a décrit le mode d’audience. La membre a expliqué ce que le prestataire devait prouver. Elle a examiné les documents et les faits. Elle a cerné les questions en litige et le critère juridique auquel le prestataire devait satisfaire.

[24] Tout au long de l’audience, la membre s’est montrée respectueuse envers le prestataire. Elle a traité le prestataire d’une manière juste et équitable. Elle a posé des questions appropriées au prestataire. À titre d’exemple, elle lui a demandé s’il avait cherché un autre emploi avant de démissionner. Elle lui a également demandé s’il avait tenté de communiquer avec son employeur pour dissiper ses préoccupationsNote de bas page 7.

[25] Dans sa décision, la membre de la division générale a examiné la preuve dont elle disposait. Celle-ci comprenait la preuve documentaire au dossier d’audience ainsi que le témoignage de vive voix du prestataire. La membre de la division générale a pris en considération la preuve et les arguments du prestataire. Elle a soupesé la preuve et appliqué la loi aux faits qu’elle jugeait pertinents.

[26] La membre de la division générale a expliqué ses motifs. Elle a exposé les questions qu’elle devait trancher et les facteurs qu’elle devait évaluer. Elle a énuméré les faits sur lesquels elle s’est fondée. L’analyse de la membre était détaillée et réfléchie.

[27] Compte tenu de la décision de la division générale et de l’enregistrement audio de l’audience de la division générale, je ne suis pas convaincue que le prestataire n’a pas eu droit à une audience équitable ou que la membre a fait preuve de partialité à son égard d’une quelconque façon.

[28] Si, comme l’affirme le prestataire, la membre de la division générale et lui avaient de [traduction] « mauvaises relations », il aurait dû soulever ses préoccupations à ce moment-là. Il aurait dû s’opposer et demander à la membre de se récuser du processus d’audience. La membre aurait alors pu envisager la question. Cependant, le prestataire ne s’est pas opposé. Il n’a pas demandé à la membre de se récuser. Le prestataire aurait dû soulever ses objections à la première occasion.

Conclusion

[29] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sous prétexte que la membre de la division générale a fait preuve de partialité ou que le prestataire n’a pas eu droit à une audience équitable.

[30] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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