Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1416

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : M. A.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 24 mai 2023
(GE-22-4241)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Date de la décision : Le 26 octobre 2023
Numéro de dossier : AD-23-631

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas plus loin.

Aperçu

[2] M. A. est le prestataire dans la présente affaire. Il travaillait dans un entrepôt. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi lorsqu’il a cessé de travailler.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 12 mars 2022 parce qu’il avait été congédié pour inconduiteNote de bas de page 1.

[4] La division générale est arrivée à la même conclusionNote de bas de page 2. Elle a décidé que le prestataire avait utilisé une machine de cueillette sans formation ni autorisation, ce qui a causé un accident et des dommages. Elle a affirmé que sa conduite contrevenait à la politique de l’employeur sur les machines interdites et qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il risquait de perdre son emploi. Comme il a été congédié en raison d’une inconduite, il n’avait pas le droit de recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. 

[5] Le prestataire veut maintenant obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel à la division d’appelNote de bas de page 3. Il soutient que la division générale a fait une erreur de compétence lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite. Il dit qu’elle aurait dû se pencher avant tout sur la conduite de l’employeur, le harcèlement qu’il subissait et la façon dont cette situation a mené à l’accident et à son congédiement.

[6] Je rejette la demande de permission de faire appel parce que la demande n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4.

Question en litige

[7] Est-il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite?

Analyse

[8] L’appel peut aller de l’avant seulement avec la permission de la division d’appelNote de bas de page 5.

[9] Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6. En d’autres termes, il doit y avoir un moyen (argument) qui permettrait de soutenir que l’appel a une chance d’être accueilliNote de bas de page 7.

[10] À la division d’appel, on peut invoquer les « moyens d’appel » suivantsNote de bas de page 8 :

  • la division générale a agi de façon injuste;
  • elle a excédé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a fait une erreur de droit;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[11] Pour que l’appel du prestataire aille de l’avant, je dois conclure qu’au moins l’un des moyens d’appel ci‑dessus lui donne une chance raisonnable de succès.

Je refuse la permission de faire appel

[12] Il y a erreur de compétence quand la division générale ne décide pas d’une question qu’elle doit trancher ou qu’elle décide d’une question qu’elle n’a pas le pouvoir de trancherNote de bas de page 9.

Le prestataire soutient que la division générale a fait une erreur de compétence

[13] Voici un résumé des principaux arguments que le prestataire a présentés à la division d’appelNote de bas de page 10 :

  • La division générale n’a pas décidé que l’employeur avait aussi la même obligation d’offrir un milieu de travail sain et sécuritaire. L’employeur a fait preuve de négligence parce qu’il a volontairement ignoré le problème pendant une longue période, ce qui a mené à l’accident et au congédiement. Par conséquent, la division générale a également ignoré et violé ses droits.
  • La division générale a fondé sa décision sur ce que l’employeur a dit à la Commission. Elle n’a pas mentionné, vérifié ou tranché la question de savoir si l’employeur était au courant du harcèlement au travail. Le prestataire a aussi déposé des rapports détaillés sur le harcèlement persistant qu’il a subi au travail à partir du mois d’août 2020.
  • La division générale n’a pas décidé de la façon dont le jugement du prestataire était altéré avant l’accident.
  • De plus, cet événement a entraîné des difficultés financières qui ont eu des répercussions négatives sur lui et sa famille. Il a 61 ans et, comme il reçoit un traitement contre le cancer, sa situation est d’autant plus insupportable.

Le critère juridique démontrant qu’il y a eu inconduite

[14] La loi prévoit qu’une personne qui est congédiée en raison d’une inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi (on parle alors d’une « exclusionNote de bas de page 11 »).

[15] L’inconduite n’est pas définie dans la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour d’appel fédérale a fourni une définition de l’inconduite : c’est une conduite qui est délibérée, c’est‑à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 12.

[16] La Cour affirme qu’il y a inconduite si la personne savait ou aurait dû savoir que la conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers l’employeur et que la possibilité de se faire renvoyer était bien réelleNote de bas de page 13.

[17] En d’autres termes, une inconduite est tout geste intentionnel qui est susceptible d’entraîner la perte d’un emploi.

[18] Dans la présente affaire, la division générale devait décider si la Commission avait prouvé que le prestataire avait été congédié pour inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi et des décisions applicables de la Cour.

La division générale a décidé que le prestataire avait été congédié parce qu’il utilisait la machine de cueillette et que c’était une inconduite qui avait mené à son congédiement

[19] La division générale a décidé que les faits n’appuyaient pas l’allégation de harcèlement du prestataire. Plus précisément, elle a jugé que les plaintes qu’il a présentées à l’employeur au sujet du harcèlement n’étaient pas la véritable raison de son congédiementNote de bas de page 14. Elle a décidé que la raison pour laquelle le prestataire a été congédié était qu’il avait utilisé une machine de cueillette sans permission, autorisation ou formation, ce qui a causé un accident et entraîné des dommagesNote de bas de page 15.

[20] La division générale a expliqué que ce n’était pas à elle ni au Tribunal de décider si le prestataire subissait du harcèlementNote de bas de page 16. Elle a ajouté que son rôle n’était pas de décider si le congédiement était la mesure appropriée. Elle a expliqué qu’elle pouvait examiner une seule chose : si la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et de la jurisprudence pertinenteNote de bas de page 17.

[21] La division générale a conclu que le prestataire était d’accord avec les principaux faitsNote de bas de page 18. Plus précisément, elle a conclu qu’il a posé les gestes en question et qu’il savait qu’il y avait une politique sur l’utilisation de machines sans autorisationNote de bas de page 19. En conséquence, la division générale a affirmé que le prestataire savait ce qu’il faisait, de sorte que son choix de déplacer la machine était conscient, voulu et intentionnelNote de bas de page 20.

[22] En fin de compte, la division générale a conclu que le prestataire n’avait pas respecté la politique de l’employeur concernant l’utilisation d’une machine sans autorisation et qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il risquait de perdre son emploiNote de bas de page 21. Elle a affirmé qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 22.

On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence parce qu’elle a seulement examiné la conduite du prestataire

[23] Dans sa décision, la division générale s’est appuyée sur les dispositions pertinentes de la loiNote de bas de page 23. Elle a énoncé et appliqué le critère juridique de l’inconduite, qui est décrit plus haut, d’après la Loi sur l’assurance-emploi et les décisions applicables de la CourNote de bas de page 24.

[24] La division générale a décidé qu’elle devait se pencher sur la Loi sur l’assurance-emploi et sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas faitNote de bas de page 25. Elle a dit qu’elle ne pouvait pas décider si d’autres lois donnent d’autres options au prestataireNote de bas de page 26. Elle a invoqué les décisions des cours dans les affaires McNamara et Paradis pour appuyer sa décisionNote de bas de page 27.

[25] La conclusion de la division générale était conforme à la jurisprudence de la Cour. Par exemple, dans la décision Paradis, la Cour a précisé que la question de savoir si un employeur a omis de proposer des mesures d’adaptation aux termes de la législation sur les droits de la personne ne permet pas de régler la question de l’inconduite pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploi. C’est à une autre instance d’en déciderNote de bas de page 28.

[26] Dans l’affaire McNamara, la Cour a confirmé qu’il ne faut pas s’attarder au comportement de l’employeur, mais plutôt à celui de l’employé. Au paragraphe 23 de la décision McNamara, on peut lire ceci :

L’employé qui fait l’objet d’un congédiement injustifié a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance‑emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminéNote de bas de page 29.

[27] La division générale avait raison de décider que l’évaluation de la conduite de l’employeur ne relevait pas de sa compétence. Elle a bien fait de centrer son analyse sur la conduite du prestataire, conformément à la jurisprudence pertinente qui s’applique en matière d’assurance-emploi.

[28] Les arguments du prestataire, soit que la division générale a fait une erreur parce qu’elle aurait dû se concentrer sur les obligations de l’employeur en milieu de travail et sur la négligence de l’employeur dans le traitement de sa plainte de harcèlement et de son congédiement, n’ont aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire veut faire évaluer la conduite de l’employeur, mais la jurisprudence précise clairement que c’est la conduite de l’employé qui importe.

On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence au motif que le prestataire a conclu une entente de règlement dans une poursuite contre son employeur

[29] La division générale a tenu compte du fait que le prestataire a poursuivi son employeur pour congédiement injustifié. Elle avait une copie du compte rendu du règlementNote de bas de page 30. Elle a toutefois mentionné que l’employeur n’avait reconnu aucune faute et maintenait que le prestataire a été congédié pour un motif valableNote de bas de page 31. Elle a aussi souligné que le compte rendu n’était pas signé par l’employeur.

[30] La division générale a cité une décision de la Cour appelée Morris pour appuyer sa positionNote de bas de page 32. La décision Morris précise que l’existence d’une entente de règlement ne permet pas de trancher la question de l’inconduite, mais qu’il faut plutôt examiner les faits de l’affaire avant de rendre une décisionNote de bas de page 33.

[31] Même si l’employeur et le prestataire ont peut-être réglé certains points de désaccord, cela ne veut pas dire que la division générale était obligée de s’en tenir aux modalités de l’entente de règlement. La division générale a déclaré à juste titre qu’elle devait tout de même examiner les faits de l’affaire avant de déterminer les raisons du congédiement et de décider s’il s’agissait d’une inconduiteNote de bas de page 34.

On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence lorsqu’elle a conclu qu’elle ne pouvait pas décider si le congédiement était justifié ou si c’était la sanction appropriée

[32] La division générale a aussi fait référence à la décision de la Cour appelée Caul pour appuyer sa positionNote de bas de page 35. La décision Caul précise que le rôle du Tribunal n’est pas de décider si le congédiement était justifié ou représentait une sanction appropriéeNote de bas de page 36.

[33] L’argument du prestataire voulant que la division générale ait fait une erreur parce que son employeur a porté atteinte à ses droits quand il l’a congédié n’a aucune chance raisonnable de succès. Selon la Cour, le prestataire a d’autres voies de recours pour faire sanctionner le comportement de l’employeurNote de bas de page 37.

[34] De plus, l’argument du prestataire voulant que la division générale ait fondé sa décision sur ce que l’employeur a dit à la Commission n’a aucune chance raisonnable de succès. La division générale est la juge des faits. Elle était libre de tirer des conclusions et de soupeser la preuve. Comme je l’ai mentionné plus haut, les principaux faits n’ont pas été contestésNote de bas de page 38. De plus, la division générale n’a aucun pouvoir d’enquête, alors son rôle n’était pas d’interroger l’employeur au sujet des allégations de harcèlement.

La division générale n’a pas le pouvoir discrétionnaire d’accorder des prestations d’assurance-emploi pour des motifs de compassion

[35] Le prestataire a voulu appuyer sa position en invoquant la compassion. Toutefois, la division générale et la division d’appel n’ont pas le pouvoir discrétionnaire de lui accorder des prestations d’assurance-emploi en raison de difficultés financières et personnelles. Le mandat de la division d’appel se limite à décider si la division générale a fait un type précis d’erreurNote de bas de page 39. La division d’appel ne peut pas non plus tenir une nouvelle audience dans le but d’en arriver à une conclusion plus favorable pour le prestataireNote de bas de page 40. Par conséquent, cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès.

[36] En fin de compte, on ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite par un examen centré uniquement sur la conduite du prestataire. La plupart des arguments du prestataire portent sur la conduite de l’employeur et la sanction imposée par l’employeur, mais ce ne sont pas des questions que la division générale pouvait trancher. Comme je l’ai mentionné plus haut, le prestataire a d’autres voies de recours pour obtenir la réparation qu’il demande à son employeur.

Conclusion

[37] J’ai examiné le dossier, écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale et lu la décision de la division générale. Elle a seulement tranché les questions qu’elle avait le pouvoir de trancher. Elle a appliqué les dispositions pertinentes de la loi et le critère juridique de l’inconduite suivant la jurisprudence de la Cour qui s’applique obligatoirement dans les dossiers d’assurance-emploi où il est question d’inconduite.

[38] La permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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