Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1415

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : K. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 25 juillet 2023
(GE-23-1373)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 16 novembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-812

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) travaillait dans le domaine des soins de santé et jouait un rôle de soutien administratif. Elle a été placée en congé sans solde à compter du 8 décembre 2021 parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[3] Lorsque la politique a changé et que le personnel a été autorisé à travailler même sans être vacciné, elle a demandé à retourner au travail. On lui a dit qu’elle pouvait être placée dans un bassin de travailleuses et travailleurs temporaires et qu’elle pourrait essayer d’obtenir certains des quarts de travail disponibles. Elle a passé les mois suivants à faire un suivi auprès de son employeur, sans succès, pour essayer d’obtenir des quarts de travail.

[4] Après de nombreux mois sans travail et après avoir épuisé presque toutes ses économies, elle a décidé de vérifier si elle pouvait recevoir des prestations d’assurance-emploi. Le 1er décembre 2022, elle a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[5] La défenderesse (Commission) a examiné la demande de la prestataire et a décidé qu’elle n’avait pas travaillé assez d’heures au cours de sa période de référence pour être admissible aux prestations. Lorsqu’elle a présenté sa demande de prestations, cela faisait près d’un an qu’elle était en congé. La prestataire a demandé que sa demande soit antidatée, mais la Commission a rejeté sa demande. Elle dit qu’elle n’avait pas de motif valable de ne pas présenter sa demande de prestations plus tôt. La prestataire a fait appel de la décision de révision à la division générale.

[6] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas prouvé qu’elle avait un motif valable parce qu’elle n’avait pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables. Par conséquent, sa demande d’antidatation a été rejetée.

[7] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale et qu’elle a commis une erreur de fait importante.

[8] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[9] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[10] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[11] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a décidé d’une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[12] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle n’a qu’à établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, qu’on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[13] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.  

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès? 

[14] La prestataire soutient que les observations que la Commission a présentées à la division générale sont truffées d’erreurs et de contradictions. Elle fait valoir que l’agent avait un devoir de diligence lorsqu’elle a déposé les observations de la Commission afin de ne pas nuire inutilement à sa demande. Il n’a pas rempli son devoir. La prestataire soutient que la division générale a refusé d’entendre ses observations sur ce point et qu’elle n’a donc pas respecté l’équité procédurale. Elle a commis des erreurs de fait importantes en raison de son refus.

Antidatation

[15] Pour établir l’existence d’un motif valable, une partie prestataire doit arriver à démontrer qu’elle a fait ce qu’une personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait fait pour s’assurer de ses droits et de ses obligations au titre de la loiNote de bas de page 1.

[16] Compte tenu des moyens d’appel de la prestataire, j’ai examiné attentivement ses propres observations écrites à la division généraleNote de bas de page 2.

[17] Dans ses observations, la prestataire reconnaît avoir été mise en congé sans solde par son employeur en décembre 2021. Elle avait deux postes chez l’employeur en 2021. Le 14 avril 2021, elle a laissé un des postes afin de mieux répondre aux exigences du deuxième poste.

[18] Le 10 mars 2022, l’employeur a modifié sa politique et a permis au personnel en congé de revenir au travail au plus tard le 31 mars 2022. Le 22 mars 2022, n’ayant pas eu de nouvelles de son employeur, la prestataire a communiqué avec lui et a accepté d’être de nouveau placée dans le bassin de main-d’œuvre occasionnelle pour la vaccination contre la grippe. Elle attendait une lettre d’offre. Puisque son employeur n'a pas fait de suivi auprès d’elle, elle a passé en revue sa situation d’emploi et les répercussions financières qu’elle en avait subies. Elle a ensuite téléphoné à l’assurance-emploi en décembre 2022. Elle a remarqué que son relevé d’emploi ne mentionnait pas que son contrat avait pris fin le 10 janvier 2022.

[19] La division générale a conclu que la prestataire avait attendu que ses économies soient épuisées pour s’informer au sujet de son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi en décembre 2022, même si les modalités de son contrat indiquaient qu’il avait pris fin le 10 janvier 2022 et que son superviseur lui avait dit d’attendre une offre de réintégrer le bassin de main-d’œuvre occasionnelle pour la vaccination contre la grippe à l’occasion en mars 2022. Elle a conclu qu’une personne raisonnable n’aurait pas attendu si longtemps. Lorsqu’elle a finalement présenté sa demande, cela faisait près d’un an qu’elle était sans travail. La division générale a conclu qu’une personne raisonnable aurait agi beaucoup plus tôt. Elle a jugé qu’aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait un tel retard à présenter une demande de prestations d’assurance-emploi.

[20] Il est bien établi que la bonne foi et l’ignorance de la loi ne constituent pas en soi un motif valable qui justifie le retard de la présentation d’une demande de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[21] Comme l’a déclaré la division générale, un retard dans la présentation d’une demande de prestations d’assurance-emploi fondé sur une hypothèse erronée et non vérifiée selon laquelle une partie prestataire ne serait pas admissible, ou l’attente qu’un employeur produise ou corrige un relevé d’emploi, ne constitue pas un motif valable pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 4. La prestataire avait le devoir d’agir rapidement pour s’informer de son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi, surtout si l’on considère que l’employeur ne faisait pas de suivi concernant son retour au travail après le 31 mars 2022.

[22] Comme l’a déclaré la division générale, le fait que la prestataire estime que son employeur l’a maltraitée et qu’il a fait preuve de discrimination à son égard ne change rien à sa conclusion selon laquelle elle ne remplissait pas les conditions pour que sa demande soit antidatée. Il appartient à d’autres instances (c’est-à-dire d’autres cours ou tribunaux) de décider si elle a une cause contre son employeur dans les circonstances.

[23] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale sur la question de l’antidatation. La décision de la division générale est fondée sur la preuve qui lui a été présentée et ne contient aucune erreur de droit.

[24] Je dois répéter qu’il n’est pas permis à la division d’appel de tirer une conclusion différente de celle de la division générale en se fondant sur les mêmes faits, étant donné l’étendue de sa compétence et l’absence d’erreur de droit, de violation d’un principe de justice naturelle ou de conclusion de fait arbitraireNote de bas de page 5.

Justice naturelle

[25] La prestataire exprime son insatisfaction à l’égard des observations que la Commission a présentées à la division générale. Elle soutient qu’elles sont pleines d’erreurs et de contradictions. Elle fait valoir que l’agent avait un devoir de diligence lorsqu’il a déposé les observations de la Commission afin de ne pas nuire inutilement à sa demande. Il n’a pas rempli son devoir. La prestataire soutient que la division générale ne voulait pas entendre ses observations sur ce point et qu’elle n’a donc pas respecté l’équité procédurale.

[26] La division générale n’a pas compétence pour enquêter sur la conduite de la Commission. Son rôle est d’examiner les éléments de preuve qui lui sont présentés par les deux parties, d’établir quels sont les faits pertinents à la question de droit dont elle est saisie et d’énoncer, dans sa décision écrite, sa propre décision indépendante à cet égard.

[27] Une audience équitable présuppose un préavis suffisant de l’audience, la possibilité d’être entendu, le droit de savoir ce qui est reproché à une partie et la possibilité de répondre à ces allégations.

[28] Devant la division générale, la prestataire a eu l’occasion de présenter sa version des faits et de répondre aux allégations de la Commission par écrit et oralement au cours de l’audience d’une heure et demie. Je ne vois aucune violation des principes de justice naturelle par la division générale.

Conclusion

[29] Après avoir examiné le dossier d’appel et la décision de la division générale ainsi que les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je n’ai d’autre choix que de conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La prestataire n’a pas invoqué de motif qui entre dans le cadre des moyens d’appel susmentionnés et qui pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

[30] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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