Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1473

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. Z.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (580942) datée du 25 avril 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 3 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-1227

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Décision

[1] M. Z. est l’appelante dans le présent appel. Je rejette son appel.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi.

[3] Elle ne peut donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] L’appelante a perdu son emploi alors qu’elle travaillait pour un hôpital (employeur).

[5] Son employeur affirme qu’elle a abandonné son emploi. Elle ne lui a pas fourni de documents médicaux pour appuyer ses absences, qui, selon l’appelante, étaient pour des raisons de santé.

[6] La Commission a accepté les raisons fournies par l’employeur. Elle a décidé que l’appelante avait quitté volontairement son emploi sans justification prévue par la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, la Commission ne lui a pas versé de prestations d’assurance-emploi.

[7] L’appelante affirme ne pas avoir quitté son emploi. Elle explique que son employeur lui a dit de ne pas venir au travail parce qu’elle présentait des symptômes. De plus, elle n’avait pas été en mesure d’obtenir un billet médical parce qu’elle ne pouvait pas consulter une ou un médecin en raison de ses symptômes.

[8] L’appelante a choisi une audience par écrit. Je me suis donc fondé sur les documents au dossier d’appel pour rendre ma décisionNote de bas page 1.

Question en litige

[9] Je dois décider si l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a quitté volontairement son emploi ou parce qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Analyse

Je peux rendre une décision en cas de départ volontaire ou d’inconduite

[10] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite ou si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas page 2.

[11] La Commission a dit deux choses. Dans ses lettres de décision, elle a déclaré que l’appelante avait quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas page 3. Dans les observations qu’elle a présentées au Tribunal, elle a indiqué que l’appelante avait perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 4.

[12] Le départ volontaire et l’inconduite sont traités dans le même article de loi. Je peux donc m’appuyer sur l’un ou l’autre de ces deux motifs pour décider si l’appelante est admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 5.

[13] Je dois d’abord décider pour quelle raison l’emploi de l’appelante a pris fin. Autrement dit, l’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi ou son employeur l’a-t-il congédiée?

L’appelante a été congédiée, elle n’a pas quitté son emploi

[14] Je conclus que l’employeur a congédié l’appelante.

[15] Dans les observations qu’elle a présentées au Tribunal, la Commission a modifié la raison pour laquelle l’appelante était inadmissible aux prestations. La nouvelle raison indiquée était une inconduiteNote de bas page 6.

[16] L’appelante affirme qu’elle n’a pas quitté volontairement son emploi. Elle a toujours dit que son employeur l’avait congédiéeNote de bas page 7.

[17] Selon l’employeur, l’appelante a abandonné son emploi parce qu’elle a cessé de venir travailler pour des raisons de santé sans fournir des documents médicaux pour justifier ses absencesNote de bas page 8. Sur le relevé d’emploi, son employeur a inscrit [traduction] « Départ volontaire » (code E)Note de bas page 9. Mais l’employeur se contredit. Dans la section des commentaires du relevé d’emploi, il a écrit : [traduction] « L’employée était en congé de maladie et recevait des prestations de maladie de l’assurance-emploi, mais elle n’est jamais retournée travailler, donc l’employée a été congédiée le 16 juin 2022. » (c’est moi qui ai ajouté le caractère gras).

[18] Je préfère la preuve de l’appelante ainsi que la preuve et l’argument de la Commission à ce que dit l’employeur. La Commission et l’appelante conviennent que son employeur l’a congédiée. Je n’accepte pas la preuve de l’employeur, qui montre qu’elle a démissionné, pour trois raisons. Premièrement, la preuve de l’employeur n’est pas cohérente. Il indique deux raisons sur le relevé d’emploi (départ volontaire et congédiement). Deuxièmement, le terme [traduction] « abandon » est presque certainement celui qu’utilise l’employeur dans sa politique, dans le contrat de l’appelante ou dans la convention collectiveNote de bas page 10. Il s’agit donc de la façon dont il caractérise la situation de l’appelante. Cependant, mon travail consiste à trancher l’appel en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi. Pour ce faire, je dois examiner tous les faits. Je n’ai pas à accepter la caractérisation de l’employeur. Troisièmement, la prépondérance de la preuve que j’ai acceptée me montre que l’employeur, et non l’appelante, a pris l’initiative de mettre fin à la relation d’emploi.

[19] Selon la preuve que j’ai acceptée, je conclus que la Commission a démontré que l’employeur a congédié l’appelante. Elle n’a pas quitté volontairement son emploi (démissionné).

[20] Je dois donc maintenant décider si la raison pour laquelle l’employeur a congédié l’appelante est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Pour ce faire, je dois examiner deux choses :

  • la raison pour laquelle l’employeur a congédié l’appelante;
  • si cette raison constitue une inconduite.

Raison pour laquelle l’employeur a congédié l’appelante

[21] La Commission affirme que l’employeur a congédié l’appelante parce qu’elle n’a pas fourni de documents médicaux pour appuyer son absence continue du travailNote de bas page 11. La preuve de l’employeur appuie cette raison.

[22] Dans sa demande d’assurance-emploi, l’appelante affirme que son employeur ne lui a pas dit pourquoi elle avait été congédiéeNote de bas page 12. Cependant, elle a dit à la Commission que son employeur l’avait congédiée parce qu’elle n’avait pas pu obtenir les billets médicaux que l’employeur demandaitNote de bas page 13.

[23] Je préfère ce que l’appelante a dit à la Commission à l’information fournie par la case qu’elle a cochée dans sa demande d’assurance-emploi. Les notes qui ont été prises lors de ses appels téléphoniques avec la Commission me montrent qu’elle connaissait la raison de son congédiement, soit parce qu’elle n’avait pas fourni de billets médicaux. De plus, elle ne pouvait pas indiquer cette raison sur le formulaire d’assurance-emploi, car cette option ne figure pas parmi les cases à cocher.

[24] La Commission et l’appelante s’entendent donc sur la raison du congédiement. Et la preuve de l’employeur appuie cette raison. Je n’ai aucune raison de douter de ce que l’appelante et la Commission disent au sujet de cette raison ou de ce que l’employeur a dit à la Commission ou a écrit à l’appelante. Et il n’y a aucune preuve crédible et fiable qui montre le contraire.

[25] Selon la preuve que j’ai acceptée, je conclus que l’employeur a congédié l’appelante parce qu’elle ne lui a pas fourni de documents médicaux pour appuyer son absence du travail.

La raison du congédiement est une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi

[26] La raison pour laquelle l’employeur a congédié l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

La loi sur l’inconduite

[27] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 14. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 15. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle a voulu faire quelque chose de mal)Note de bas page 16.

[28] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 17.

[29] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 18.

[30] Le rôle du Tribunal n’est pas de décider si la décision de l’employeur de congédier la partie appelante était raisonnable ou justifiée ou s’il s’agissait d’une sanction appropriéeNote de bas page 19.

Ce que disent la Commission et l’appelante

[31] La Commission affirme que l’employeur a demandé à l’appelante de lui fournir des documents médicaux pour appuyer son absence du travailNote de bas page 20. Il lui a donné une date limite pour le faire. Il lui a dit que si elle ne le faisait pas, il considérerait qu’elle avait abandonné son emploi. L’employeur a communiqué ces renseignements par écrit. L’appelante ne lui a pas remis de documents médicaux, ce qui était délibéré. L’employeur l’a congédiée pour cette raison.

[32] La Commission n’a pas accepté son explication voulant qu’elle ne pouvait pas consulter une ou un médecin parce qu’elle présentait des symptômes. Elle a consulté une médecin et a obtenu un billet médical peu après son congédiement. La Commission affirme également qu’aucun élément de preuve ne démontre qu’elle a tenté de se conformer à la demande de son employeur avant qu’elle perde son emploi.

[33] La Commission soutient donc que l’appelante a commis une inconduite parce qu’elle ne s’est pas conformée à la demande de son employeur de lui fournir des documents médicaux.

[34] L’appelante affirme que son employeur lui a dit de rester à la maison parce qu’elle était maladeNote de bas page 21. Elle dit qu’elle était constamment malade en raison des symptômes de la COVID-19. Par la suite, elle était enceinte, mais ses tests de grossesse se sont révélés négatifs. Elle a quand même demandé un congé de maternité.

[35] L’appelante reconnaît que son employeur lui a demandé des documents médicaux. Elle a dit à la Commission que son employeur lui demandait un billet médical [traduction] « toutes les deux semaines ». Elle ne pouvait consulter une ou un médecin pour obtenir un billet médical parce qu’elle avait des nausées, des vomissements, de la diarrhée et elle ne pouvait pas sortir du lit. Elle dit qu’elle ne peut pas suivre de cours prénataux parce qu’ils demandent tous un résultat positif. Elle ajoute que personne ne semble croire ce qu’elle dit.

[36] La Commission et l’appelante conviennent qu’elle a travaillé pour la dernière fois à la mi-novembre 2021. Son employeur l’a congédiée le 15 juin 2022. Et elle n’est pas allée travailler entre ces deux dates.

[37] La lettre que l’employeur a envoyée à l’appelante, et qu’elle a bien reçue parce qu’elle l’a envoyée à la Commission, est datée du 8 juin 2022. Voici ce qu’elle dit :

  • L’employeur a envoyé d’autres lettres à l’appelante qui sont datées du 4 mai et du 27 mai 2022.
  • L’appelante est absente du travail depuis le 15 novembre 2021.
  • Le 4 mai, l’appelante a envoyé un courriel à son employeur pour l’aviser qu’elle était enceinte et qu’elle avait demandé un congé de maternité.
  • L’employeur lui a dit que, pour demander un congé de maternité, elle devait remplir un formulaire et lui fournir un certificat médical.
  • L’appelante a retourné le formulaire rempli, mais elle n’a pas fourni de certificat médical.
  • L’employeur a informé l’appelante que l’absence médicale n’était pas [traduction] « justifiée ». Il lui a donné une autre occasion de fournir le certificat médical, et elle avait jusqu’au 3 juin pour le faire.
  • Le 8 juin, l’employeur n’avait toujours pas reçu le certificat médical demandé.
  • Si l’appelante ne communiquait pas avec l’employeur et ne lui fournissait pas un certificat médical au plus tard le 15 juin, l’employeur considèrerait qu’elle avait volontairement démissionné ou abandonné son emploi.

[38] Un billet médical se trouve au dossier d’appelNote de bas page 22. Il est daté du 18 juillet 2022, soit environ un mois après le congédiement de l’appelante. Il ne dit rien sur l’aptitude de l’appelante à travailler ou à retourner au travail. Il n’explique pas pourquoi l’appelante s’est absentée du travail ni pourquoi l’appelante n’a pas consulté une ou un médecin plus tôt. Il confirme seulement que l’appelante est prise en charge par la médecin et qu’elle [traduction] « fait actuellement l’objet d’un suivi et d’une investigation pour problèmes médicaux ».

La raison du congédiement est une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi

[39] La conduite de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[40] J’accepte la preuve de la Commission, le billet médical et ce que dit la lettre de l’employeur. Je n’ai aucune raison de douter de ces éléments de preuve. Il n’y a aucune contradiction. Et quand je regarde l’ensemble des événements, la chronologie a du sens dans les circonstances.

[41] Je n’accepte pas la preuve de l’appelante voulant que son employeur lui aurait dit de ne pas venir au travail en raison de ses symptômes. La lettre de son employeur contredit directement cette affirmation. Et je préfère la lettre de son employeur parce qu’elle est détaillée et crédible. Le fait que l’appelante croit être enceinte, alors qu’il n’y a aucune preuve à cet effet, me fait douter de son témoignage sur ce point.

[42] J’accepte sa preuve selon laquelle elle n’a pas fourni les documents médicaux à son employeur dans le délai prévu. La lettre de l’employeur appuie cette conclusion. Cependant, je n’accepte pas sa preuve selon laquelle elle n’a pas pu consulter une ou un médecin pour obtenir un billet médical en raison de ses symptômes. Pour la raison que j’ai mentionnée dans le paragraphe précédent, je doute de son témoignage à ce sujet.

[43] Selon la preuve que j’ai acceptée, je conclus que la Commission a démontré les points suivants :

  • L’appelante s’est absentée du travail pendant une période prolongée en raison de problèmes de santé, selon elle.
  • L’employeur lui a demandé plusieurs fois par écrit de lui fournir des documents médicaux pour appuyer son absence du travail.
  • L’appelante avait l’obligation de fournir ces documents selon la politique de l’employeur, et parce que son employeur lui en a fait la demande.
  • L’employeur a informé l’appelante que si elle ne lui fournissait pas les documents médicaux au plus tard le 15 juin 2022, son emploi prendrait fin. Par conséquent, elle savait qu’elle pouvait perdre son emploi.
  • L’appelante n’a pas fourni à l’employeur les documents médicaux qu’il avait demandés.
  • L’employeur a congédié l’appelante pour cette raison.
  • L’appelante a délibérément refusé de se conformer à la politique et à la demande de son employeur. Son refus était conscient, délibéré ou intentionnel.

[44] Je conclus donc que la Commission a prouvé que le fait que l’appelante n’a pas fourni à son employeur les documents médicaux demandés pour appuyer son absence du travail constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[45] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[46] Elle ne peut donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[47] Je rejette donc son appel.

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