Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Succession de DS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 27

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une prolongation de délai et à
une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : Succession de D. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 11 septembre 2023
(GE-23-1442)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Date de la décision : Le 9 janvier 2024
Numéro de dossier : AD-23-998

Sur cette page

Décision

[1] Une prolongation de délai pour s’adresser à la division d’appel est accordée. La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse est la succession de D. S. (la succession). Je désignerai feue D. S. comme la prestataire, car l’appel concerne sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a versé à la prestataire des prestations au titre du programme de prestation d’assurance‑emploi d’urgence. En vertu de ce programme, les prestataires avaient droit à une prestation hebdomadaire de 500 $ s’ils satisfaisaient aux exigences. Afin que les prestataires obtiennent rapidement un soutien, la loi autorisait la Commission à verser immédiatement les prestationsNote de bas de page 1. La Commission a versé aux prestataires une avance de 2 000 $ sur les prestations d’assurance-emploi d’urgence auxquelles ils seraient admissibles dans les semaines ultérieures. La Commission s’attendait à récupérer l’avance en retenant le paiement des prestations au cours de certaines de ces semaines.

[4] La prestataire a reçu cette avance de 2 000 $. Cependant, elle est retournée au travail et a cessé de demander la prestation d’assurance-emploi d’urgence avant que la Commission ait eu la possibilité de récupérer l’avance. Par conséquent, la Commission a envoyé à la prestataire un avis de dette pour la récupérer.

[5] Lorsque la prestataire a présenté sa demande de révision, elle n’était pas d’accord pour dire qu’elle devrait rembourser l’avance de 2 000 $. Elle a fait valoir qu’elle avait présenté une demande d’assurance-emploi et qu’elle avait plutôt reçu la Prestation canadienne d’urgence. Elle a déclaré que le trop-payé était une erreur du gouvernement et qu’elle n’avait pas les moyens de le rembourserNote de bas de page 2.

[6] La prestataire est décédée avant que la Commission puisse rendre une décision sur la demande de révision. La Commission a décidé de ne pas modifier sa décision et l’a envoyée au représentant de la succession. La succession a fait appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais la division générale a rejeté l’appel. La succession demande maintenant la permission de faire appel à la division d’appel.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que la succession n’a aucune chance raisonnable de succès dans la présente affaire. Elle n’a pas établi une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur d’équité procédurale, une erreur de droit ou une erreur de fait importante.

Questions en litige

[8] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  1. a) La demande à la division d’appel a-t-elle été présentée en retard?
  2. b) Devrais-je prolonger le délai de dépôt de la demande?
  3. c) Y a-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur d’équité procédurale?
  4. d) Y a-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de droit?
  5. e) Y a-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de fait importante?

Analyse

La demande était en retard

[9] Dans son avis d’appel à la division générale, la succession a fourni une adresse postale, mais n’a pas autorisé le Tribunal à communiquer avec la succession par courriel. La division générale a rendu sa décision le 11 septembre 2023 et l’a postée à la succession le même jour.

[10] Quand le Tribunal envoie un document à une partie par la poste ordinaire, selon ses Règles, cette partie est considérée comme ayant reçu le document 10 jours après la date de l’envoiNote de bas de page 3. Les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale permettent également à une partie de démontrer qu’elle ne devrait pas être assujettie à cette règleNote de bas de page 4.

[11] Dans la demande de la succession auprès de la division d’appel, son représentant n’a pas été en mesure d’indiquer la date à laquelle il a reçu la décision de la division générale. Le dossier du Tribunal ne contient aucun élément de preuve concernant la date à laquelle la succession a reçu la décision.

[12] La succession n’a pas démontré que la règle de livraison des documents ne devrait pas s’appliquer, ce qui signifie qu’elle s’applique. Il faut présumer que la succession a reçu la décision 10 jours après la date de son envoi. Elle a été envoyée le 11 septembre 2023, de sorte que la succession est réputée avoir reçu la décision écrite le 21 septembre 2023.

[13] Le délai pour faire appel d’une décision de la division générale devant la division d’appel est de 30 jours à compter de la date à laquelle la décision est communiquée par écrit. La date limite serait le 21 octobre 2023.

[14] La division d’appel n’a reçu la demande de la succession que le 2 novembre 2023.

[15] L’appel est en retard.

Je prolonge le délai de dépôt de la demande

[16] Pour décider si je dois accorder une prolongation de délai, je dois examiner la question de savoir si la succession a une explication raisonnable justifiant le retard de la demandeNote de bas de page 5.

[17] Le représentant de la succession a expliqué qu’il avait communiqué avec son député provincial et qu’il avait demandé des conseils juridiques à la clinique juridique Kinna-aweya dans sa ville natale. Il affirme que tous deux étaient trop occupés pour l’aider immédiatement.

[18] J’accepte le fait que la succession a une explication raisonnable pour le retard. Le retard n’était que de 12 jours et était dû en partie au fait que le représentant de la succession avait de la difficulté à obtenir des conseils en temps opportun.

Je n’accorde pas à la succession la permission de faire appel

Principes généraux

[19] Pour que la demande de permission de faire appel de la succession soit accueillie, ses motifs d’appel devraient correspondre aux « moyens d’appel ». Les moyens d’appel sont les types d’erreurs que je peux considérer.

[20] Je peux seulement tenir compte des erreurs suivantes :

  1. a) Le processus d’audience devant la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. d) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droitNote de bas de page 6.

[21] Pour accorder cette demande de permission de faire appel et permettre au processus d’appel d’aller de l’avant, je dois conclure qu’un ou plusieurs moyens d’appel confèrent à l’appel une chance raisonnable de succès. D’autres décisions judiciaires ont assimilé une chance raisonnable de succès à une « cause défendableNote de bas de page 7 ».

Erreur d’équité procédurale

[22] L’un des moyens d’appel retenus par le représentant de la succession était celui qui concernait l’équité procédurale.

[23] Cependant, la succession n’a pas établi une cause défendable selon laquelle la division générale a agi de façon inéquitable.

[24] L’équité procédurale concerne l’équité du processus. Il ne s’agit pas de savoir si une partie estime que le résultat de la décision est équitable.

[25] Les parties devant la division générale ont droit à certaines protections procédurales, comme le droit d’être entendues et de connaître la preuve qui pèse contre elles, et le droit à un décideur impartial.

[26] Le représentant de la succession a assisté à une audience en personne devant la division générale. Il n’a pas dit que la division générale n’avait pas donné à la succession une chance équitable de se préparer à l’audience ou qu’il ne savait pas ce qui se passait à l’audience. Il n’a pas dit qu’il n’avait pas eu une chance équitable de présenter les arguments de la succession ou de répondre à ceux de la Commission. Il ne s’est pas plaint que le membre de la division générale était partial ou qu’il avait déjà préjugé de l’affaire.

[27] Lorsque je lis la décision et que j’examine le dossier d’appel, je ne vois pas que la division générale a fait quoi que ce soit ou n’a pas fait quoi que ce soit qui m’amène à douter de l’équité du processus.

Erreur de droit

[28] Le représentant de la succession n’est pas certain de la raison pour laquelle la prestataire n’approuvait pas la décision, mais il affirme qu’il croit que la division générale a commis une erreur de droit.

[29] Il mentionne que l’article 153.1306 de la Loi sur l’assurance-emploi permet à la Commission d’annuler des trop-payés lorsque la débitrice ou le débiteur est décédé.

[30] Il n’y a aucune cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a déclaré qu’elle n’avait pas le pouvoir d’annuler la dette. Bien que la Commission ait le pouvoir discrétionnaire d’annuler la dette, la division générale ne l’a pas. Elle n’a pas non plus le pouvoir d’examiner un appel porté contre le refus de la Commission d’annuler la dette. Comme l’a souligné la division générale, il serait prudent que la succession demande officiellement à la Commission d’annuler la dette, si elle ne l’a pas déjà fait.

[31] Je souligne que la prestataire a demandé la révision parce qu’elle a présenté une demande d’assurance-emploi régulière et qu’elle a reçu la « Prestation canadienne d’urgence » (qui était en fait la prestation d’assurance-emploi d’urgence).

[32] Il n’y a aucune cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de droit ou de compétence en examinant seulement la question de savoir si la prestataire devait rembourser la prestation d’assurance-emploi d’urgence.

[33] La division générale n’est autorisée à examiner que les questions énoncées dans la décision de révision de la CommissionNote de bas de page 8. La décision de révision de la Commission était datée du 4 mai 2023. Dans la décision de révision, la question est décrite comme étant le [traduction] « trop-payé de la prestation d’assurance-emploi d’urgence ». Elle indique que la Commission [traduction] « maintient » (ne change pas) sa décision sur cette question.

[34] Il n’y a aucune raison de croire que l’objet de la décision de révision était autre chose que le remboursement de l’avance de 2 000 $ au titre des dispositions de la prestation d’assurance-emploi d’urgence. La demande de révision de la prestataire fait référence au remboursement de la « Prestation canadienne d’urgence ». Elle a discuté de la question du remboursement avec la Commission le 6 juillet 2022, après avoir reçu l’avis de dette le 5 juillet 2022. Lorsque la succession s’est entretenue avec la Commission le 4 mai 2023 au sujet de la demande de révision, la discussion a porté sur le remboursement de l’avance de la prestation d’assurance-emploi d’urgence et du trop-payé.

[35] La prestataire n’a peut-être pas reçu les prestations régulières d’assurance-emploi qu’elle a demandées, mais il n’y a aucune cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de droit ou de fait liée à la nature des prestations qui lui ont été versées. La Commission n’avait bel et bien d’autre choix que de traiter les demandes de prestations régulières et de maladie reçues entre le 15 mars 2020 et le 26 septembre 2020 comme des demandes de prestations d’assurance-emploi d’urgence.

Erreur de fait

[36] Le représentant de la succession affirme que la division générale a commis une erreur de fait en ne tenant pas compte de la preuve de « Charlene », une employée de Service CanadaNote de bas de page 9.

[37] Le représentant de la succession n’a pas donné de précisions. Toutefois, je reconnais que le représentant de la succession est le mari de la défunte prestataire et non un avocat ou un défenseur professionnel. Il n’a peut-être pas bien compris comment cerner les erreurs potentielles dans la décision de la division générale. Par conséquent, j’ai suivi l’exemple des tribunaux et examiné le dossier afin de décider si la division générale a commis une erreur de fait importante en interprétant mal ou en écartant des éléments de preuve pertinentsNote de bas de page 10.

[38] J’ai notamment examiné les notes de Charlene dans le dossier de la Commission. Charlene est l’agente qui a fait le suivi de la demande de révision de la prestataire. Elle a expliqué au représentant de la succession pourquoi la prestataire était obligée de rembourser l’avance.

[39] L’agente a également demandé des renseignements à la succession et à l’employeur pour voir si la Commission pourrait être en mesure de compenser une partie de l’avance payée sur d’autres semaines de prestations non demandées (auxquelles la prestataire aurait pu avoir droit si elle avait présenté des demandes). L’agente a exclu cette possibilité en raison des renseignements sur la rémunération qu’elle a reçus de l’employeur.

[40] Je ne vois rien dans les notes de l’agente ou dans le dossier de la Commission en général qui suggère une cause défendable selon laquelle la division générale a écarté un élément pertinent.

[41] Malheureusement pour la succession, je n’ai trouvé aucun cas de mauvais traitement des éléments de preuve par la division générale.

[42] Il n’y a pas de cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de fait importante.

Conclusion

[43] J’ai accordé une prolongation de délai. Toutefois, j’ai refusé la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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