Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 25

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (0) datée du 12 octobre 2023 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 décembre 2023
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 3 janvier 2024
Numéro de dossier : GE-23-2908

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelantNote de bas de page 1.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2.

Aperçu

[3] L’appelant a été congédié de son emploi. Son employeur a déclaré qu’il avait été congédié parce qu’il avait refusé de signer deux des politiques de l’employeur.

[4] Bien que l’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme que ce n’est pas la vraie raison pour laquelle l’employeur l’a congédié. L’appelant explique que l’employeur l’a congédié parce que, quelques semaines après la confrontation qu’il a eue avec son patron, celui-ci a décidé que l’appelant devait signer une nouvelle politique et une politique déjà en place. Avant que la confrontation ne survienne, son patron considérait la signature de l’appelant sur son contrat de travail comme une attestation des politiques.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a décidé que l’appelant avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que j’ai examinées en premier

Le dossier d’appel de l’appelant a été renvoyé à la division générale

[6] L’appelant a d’abord fait appel de la décision dans laquelle on lui refuse des prestations d’assurance-emploi à la division générale du Tribunal en mars 2023. La membre de la division générale a rejeté l’appel, car elle a conclu que l’appelant savait qu’il serait probablement congédié s’il ne signait pas les documents et que son refus de signer les documents était intentionnel, conscient et délibéré. Autrement dit, l’appelant avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. 

[7] L’appelant a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. La division d’appel a conclu que la division générale n’avait pas tenu compte de la conduite de l’employeur ayant précédé l’« inconduite » de l’appelant pour bien évaluer si sa conduite était intentionnelle ou nonNote de bas de page 3. La division d’appel a ordonné le renvoi du dossier d’appel à une ou un autre membre de la division générale du Tribunal pour réexamen. La présente décision résulte de la deuxième audience.

L’audience a été ajournée

[8] L’audience était initialement prévue le 30 novembre 2023. Avant cette audience, l’appelant a déposé une copie du compte rendu du règlement qu’il a conclu avec son employeur. Il a dit que, dans le cadre de ce règlement, l’employeur a convenu qu’il avait été congédié sans motif et il a émis un nouveau relevé d’emploi qui le démontrait. L’appelant a déclaré à l’audience qu’il avait parlé au personnel de Service Canada, qui a convenu qu’il n’avait pas commis d’inconduite.

[9] J’ai expliqué à l’appelant les options qui s’offraient à lui : il pouvait choisir de retirer son appel étant donné les déclarations faites par le personnel de Service Canada, ou je pouvais demander à la Commission de se prononcer sur la question de savoir si le compte rendu changeait sa position. L’appelant a choisi la deuxième option et, si la position de la Commission ne changeait pas, l’audience se poursuivrait le 14 décembre 2023. La Commission n’a pas changé sa position, donc l’audience s’est poursuivie comme prévu le 14 décembre 2023.

L’employeur n’est pas une partie mise en cause à l’appel

[10] Parfois, le Tribunal envoie une lettre à l’ancien employeur de la partie appelante pour lui demander s’il souhaite être ajouté comme partie mise en cause à l’appel. C’est ce que le Tribunal a fait dans la présente affaire. Toutefois, l’employeur n’a pas répondu à la lettre.

[11] Pour être ajouté comme partie mise en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme partie mise en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier n’indique que ma décision imposerait des obligations légales à l’employeur.

Le compte rendu du règlement

[12] Comme la Cour fédérale l’a déclaré, avant qu’une entente de règlement puisse être invoquée pour réfuter une conclusion antérieure de la Commission, il doit y avoir une preuve quelconque qui neutraliserait la position prise par l’employeur pendant l’enquête de la CommissionNote de bas de page 4.

[13] Rien ne prouve que l’employeur a changé les raisons pour lesquelles il a congédié l’appelant. Par conséquent, et compte tenu de mes conclusions selon lesquelles la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’il y a eu inconduite, je n’ai pas pris en considération le compte rendu pour rendre ma décision.

Question en litige

[14] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[15] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[16] Je considère que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a refusé de signer les politiques que son employeur lui a demandé de signer.

[17] L’appelant et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle l’appelant a perdu son emploi. La Commission affirme que la raison fournie par l’employeur est la véritable raison du congédiement. Le représentant de l’employeur a dit à la Commission que l’appelant avait été congédié parce qu’il avait refusé de signer des documents de l’employeur, ce qui était une condition de son emploi. Il a aussi déclaré que ce n’est pas le comportement de l’appelant ayant entraîné la mesure disciplinaire qui a mené à son congédiement, mais plutôt son refus de signer les documents requis après que la mesure disciplinaire a été imposée.

[18] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme que la véritable raison pour laquelle il a été congédié de son emploi est que, quelques semaines avant son congédiement, son patron s’est disputé avec lui devant un autre employé qui était sous la supervision de l’appelant. Plus tard, le patron s’est excusé à l’appelant, mais il lui a ensuite demandé de signer un avertissement verbal. L’avertissement disait que l’appelant avait eu une conduite inacceptable, qu’il avait adopté une approche conflictuelle avec son patron, qu’il avait agi de façon non professionnelle, et qu’il devait aussi signer deux politiques de l’employeur. L’appelant a refusé de signer la lettre parce qu’elle ne reflétait pas ce qui s’était réellement passé. Il a également refusé de signer les politiques, car son employeur avait déjà convenu que la signature de son contrat de travail initial était une attestation satisfaisante des politiques de l’employeur.

[19] La lettre de congédiement envoyée à l’appelant indiquait que des mesures s’imposaient parce qu’il n’avait pas signé les politiques, les procédures et le guide de l’employé. Pour cette raison, l’employeur a établi que les conditions de la relation d’emploi avaient été irrémédiablement violées. 

[20] Je crois que l’appelant a été congédié parce qu’il a refusé de signer les politiques, comme l’avait demandé son employeur. La preuve révèle qu’on a demandé à l’appelant de signer les politiques et qu’il a dit à son employeur qu’il ne le ferait pas.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi?

[21] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelant n’est pas une inconduite.

[22] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. Une inconduite comprend également une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il a voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 7.

[23] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 8.

[24] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 9.

[25] Pour décider si l’inconduite pouvait mener à un congédiement, il faut établir l’existence d’un lien de causalité entre l’inconduite reprochée à la partie prestataire et son emploiNote de bas de page 10.

[26] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant savait que s’il ne signait pas les politiques de l’entreprise, il serait congédié. Elle ajoute que l’appelant a fait le choix conscient de refuser de signer. La Commission soutient qu’elle n’avait pas le fardeau de prouver que les politiques de l’employeur étaient raisonnables ou équitables ni que la conduite de l’employeur était justifiée. Elle dit qu’il existe d’autres moyens qui permettent à l’appelant de soulever ces arguments. La Commission a affirmé qu’il était raisonnable pour l’employeur de modifier ses politiques au fil du temps et d’exiger que le personnel les signe pour fournir une attestation.

[27] En ce qui concerne le compte rendu du règlement conclu entre l’appelant et son ancien employeur, la Commission fait valoir que ce compte rendu ne contient aucune preuve permettant de réfuter ses conclusions antérieures selon lesquelles il y a eu inconduite. Il s’agit d’une décision et d’une entente entre les parties pour régler l’affaire à l’amiable. La Commission affirme que l’entente entre l’appelant et son employeur ne prouve pas qu’il n’y a pas eu inconduite.

[28] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce que son employeur n’avait pas de motif valable de le congédier. Il explique qu’il n’a commis aucune inconduite au cours des quatre années où il a travaillé à cet emploi. Il a reçu la pleine prime au rendement et n’a jamais cessé d’accomplir ses tâches, malgré le comportement abusif de son employeur, comme indiqué dans le dossier d’appel.

[29] L’appelant a déclaré qu’on lui a donné la permission de travailler de la maison. Il était coordonnateur des médias sociaux et directeur du marketing. Une partie de ses tâches consistait à faire du montage vidéo. Les vidéos étaient filmées sur l’un des lieux de travail de l’employeur. L’appelant utilisait son propre matériel informatique et ses propres logiciels pour faire le montage. En effet, il avait obtenu la permission de l’employeur parce que celui-ci ne voulait pas fournir le matériel ou les logiciels. L’appelant a déclaré qu’il avait un bureau à l’un des lieux de travail de son employeur.

[30] L’appelant a déclaré qu’un employé a été embauché en 2022 pour effectuer une partie du travail lié au montage vidéo, sous la supervision de l’appelant. Cet employé lui a demandé de venir travailler avec lui une journée. L’appelant et l’employé se trouvaient dans un bureau, après la pause dîner. Ils parlaient de sujets qui n’étaient pas liés au travail. L’appelant a dit que son patron l’a abordé au bureau et a eu un comportement abusif envers lui, devant l’employé avec qui il était. Son patron lui a présenté des excuses presque immédiatement.

[31] L’appelant a parlé à une agente de Service Canada le 8 février 2023. L’appelant lui a dit que son patron avait commencé à crier après l’employé et lui, car ils étaient assis depuis 30 minutes à parler de sujets qui n’étaient pas liés au travail alors qu’ils disaient être toujours occupés. Son patron a aussi déclaré que travailler de la maison était stupide, que ce n’était pas efficace et que personne ne devrait avoir le droit de travailler de la maison. L’appelant a expliqué à l’agente qu’il avait demandé à son patron s’il pouvait lui parler en privé. Le patron a continué de traiter les personnes qui travaillent de la maison de paresseuses. À ce moment-là, l’appelant a demandé au patron où il était pendant trois mois. Le patron avait travaillé d’un autre pays. À ce moment-là, l’appelant a dit que le patron s’était excusé et qu’il avait admis avoir réagi de façon excessive parce qu’il était stressé et qu’il s’était défoulé sur l’appelant.

[32] L’appelant a déclaré que, après la confrontation, il est retourné sur le lieu de travail et il a commencé à travailler à partir de son bureau. On lui a alors dit qu’il pouvait travailler de la maison un ou deux jours par semaine.

[33] L’appelant a déclaré avoir signé un contrat de travail qui indiquait qu’il acceptait de se conformer aux politiques de l’entreprise et que ces politiques pouvaient changer. Au cours des quatre années pendant lesquelles il occupait cet emploi, son patron lui a demandé s’il avait signé le guide de l’employé. L’appelant répondait que non, parce qu’il avait signé le contrat de travail, et on lui répondait [traduction] « oh, d’accord, ça marche ».

[34] L’appelant a déclaré qu’environ trois semaines après la confrontation, le sujet du guide de l’employé est revenu. Il a dit que, sans prévenir, son patron l’a abordé le 29 août 2022 pour lui imposer des mesures disciplinaires. Le patron avait alors affirmé que c’est l’appelant qui avait eu un comportement abusif. Il était attendu que l’appelant soit d’accord avec cette version des faits. On lui a demandé de signer ce qu’il croyait être des extraits (les deux politiques) du guide de l’employé, selon lesquels l’employeur pouvait le congédier pour tout ce qu’il faisait en dehors de son lieu de travail et qui ne correspondait pas aux valeurs de son employeur. L’appelant a dit à son employeur qu’il n’était pas à l’aise de signer.

[35] Les deux politiques que l’appelant devait signer figurent au dossier d’appel. L’une s’appelle [traduction] « Politique sur l’attitude et la conduite », et l’autre [traduction] « Code de conduite ». Aucune date n’est indiquée sur ces politiques. L’appelant a déclaré que la Politique sur l’attitude et la conduite a été modifiée pour dire que l’ensemble des employées et employés devaient en tout temps adopter une conduite personnelle qui n’aurait pas d’incidence négative sur l’employeur. Elle disait aussi que le personnel dont la conduite compromettait l’intégrité de l’employeur était susceptible de faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. L’appelant ne savait pas si le Code de conduite avait été modifié. L’appelant a déclaré qu’aucune autre personne à son travail n’avait été invitée à signer la politique modifiée sur l’attitude et la conduite au moment où on lui a demandé de la signer.

[36] L’appelant pensait qu’il continuerait à travailler, même s’il ne signait pas les politiques ou l’avertissement. Il a parlé à sa famille et à un service juridique, dont l’avis était unanime : il n’était pas nécessaire qu’il signe les documents. Il n’y a pas eu inconduite. L’appelant a déclaré qu’on ne lui avait pas remis une copie du guide de l’employé au moment de son embauche. Il y avait des guides de l’employé un peu partout sur son lieu de travail, et il a dit qu’il connaissait les politiques et qu’il les suivait. 

[37] L’appelant a déclaré avoir reçu de son patron une lettre datée du 1er septembre 2022. Dans cette lettre, il était écrit que l’appelant avait jusqu’au début de son quart de travail du 6 septembre 2022 pour signer les documents ci-joints (les deux politiques). La lettre indiquait aussi que, comme la signature de ces documents était une condition d’emploi, le refus de les signer entraînerait une suspension temporaire et non rémunérée ou un congédiement.

[38] L’appelant s’est présenté au travail le 6 septembre 2023. Il a travaillé jusqu’à midi, heure à laquelle il a été congédié.

[39] L’appelant a fait valoir que son employeur avait conclu un règlement avec lui. Dans le cadre de ce règlement, l’employeur a accepté de retirer la mention [traduction] « congédié pour motif valable ». Il a reçu une indemnité de départ conformément à son contrat de travail et de l’argent pour ses frais juridiques.

[40] Comme je l’ai mentionné plus haut, le membre de la division d’appel a conclu que la division générale, dans sa première décision quant à la présente affaire, n’avait pas tenu compte de la conduite de l’employeur ayant précédé l’« inconduite » de l’appelant pour bien évaluer si sa conduite était intentionnelle ou nonNote de bas de page 11.

[41] Dans l’affaire Astolfi, la Cour fédérale a déclaré que le fait de se concentrer uniquement sur la conduite du prestataire est une application trop étroite du critère juridique de l’inconduite, car il y a une distinction entre la conduite d’un employeur après l’inconduite présumée et la conduite d’un employeur qui a pu avoir mené à l’« inconduite » en premier lieuNote de bas de page 12.

[42] Dans l’affaire Astolfi, M. Astolfi a estimé que le président et directeur général de l’entreprise l’avait harcelé lors d’une réunion. Après la réunion, M. Astolfi a dit à son employeur qu’il continuerait à travailler de la maison jusqu’à ce qu’une enquête ait lieu et que la situation soit réglée. L’employeur a ordonné à M. Astolfi de se présenter physiquement au travail, sans quoi il serait réputé avoir abandonné son emploi. M. Astolfi ne s’est pas présenté physiquement au travail. L’employeur a considéré qu’il s’agissait d’une « inconduite », donc il l’a congédié. Selon M. Astolfi, son refus de se présenter physiquement au travail découlait directement des gestes posés par son employeur avant l’inconduite.

[43] Dans l’affaire Astolfi, la Cour fédérale a jugé qu’il serait raisonnable que la division générale examine la conduite de l’employeur avant l’inconduite de l’appelant (c’est moi qui souligne). De cette façon, la division générale peut évaluer correctement si la conduite de M. Astolfi était intentionnelle ou non. La Cour fédérale a conclu que la division générale devait examiner les allégations de harcèlement de M. Astolfi dans leur contexte global.

[44] À mon avis, une évaluation visant à décider si la « conduite était intentionnelle ou non » revient en fait à évaluer si la conduite de la partie appelante était délibérée, consciente ou voulue dans le contexte des actions de l’employeur à l’origine de la conduite de la partie appelante.

[45] L’appelant affirme que son employeur a eu un comportement abusif lorsqu’il a confronté l’appelant et son employé parce qu’ils parlaient de sujets qui n’étaient pas liés au travail. La confrontation a eu lieu de deux à trois semaines avant que son patron lui demande de signer une lettre d’avertissement verbal et deux politiques.

[46] La lettre d’avertissement verbal que l’appelant a reçue disait que [traduction] « le rendement et la productivité ainsi que la conduite non professionnelle et le rendement au travail ne répondent pas aux normes de l’entreprise ». La lettre exigeait que l’appelant se présente sur place pour chaque quart de travail jusqu’à ce qu’il y ait une amélioration importante du rendement et du comportement. 

[47] La lettre disait aussi :

[Traduction]

Il y a récemment eu un incident avec [le patron] pendant lequel vous avez réagi lorsque vous avez été abordé au sujet d’une discussion que vous aviez avec un autre employé. Vous avez adopté un comportement très conflictuel et, quand il y a eu une tentative de désamorcer la situation, vous êtes revenu et avez agi de façon non professionnelle en présence d’autres employés.

[48] La lettre indiquait aussi ce qui suit : [traduction] « En plus de cet avertissement, vous êtes responsable de revoir et de signer les politiques “Attitude et conduite” et “Code de conduite” ci-jointes, et de me les retourner au plus tard le 30 août 2022. »

[49] La preuve m’indique que la confrontation avec son patron est la raison pour laquelle l’appelant a reçu une lettre d’avertissement verbal et a été congédié par la suite. J’accepte le témoignage de l’appelant selon lequel son patron a été l’instigateur de la confrontation et s’en est d’ailleurs excusé. L’appelant a été constant dans sa version des faits lorsqu’il a parlé au personnel de Service Canada, tout comme dans son appel ainsi que dans son témoignage devant moi.

[50] L’appelant estime avoir été congédié en raison de la confrontation et parce que son patron était embarrassé à la suite de cette confrontation. L’appelant est d’avis qu’on lui a demandé de signer les deux politiques précisément en raison de la confrontation. L’appelant a interprété la demande de signature des deux politiques comme un moyen pour l’employeur de le congédier à n’importe quel moment pour tout comportement qu’il pourrait adopter dans le futur avec lequel l’employeur ne serait pas d’accord. L’employeur avait déjà accepté sa signature sur le contrat de travail comme une attestation suffisante des politiques. Pour cette raison, l’appelant ne pensait pas pouvoir être congédié pour avoir refusé de signer les deux politiques. 

[51] Le représentant de l’employeur a dit au personnel de Service Canada que ce n’est pas le comportement de l’appelant ayant entraîné la mesure disciplinaire qui a mené à son congédiement, mais plutôt son refus de signer les documents après que la mesure disciplinaire a été imposée. Le représentant de l’employeur a ajouté que si l’appelant avait signé les documents, il n’aurait pas été congédié de son emploi.

[52] Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le refus de l’appelant de signer les politiques n’est pas une inconduite. 

[53] La preuve est claire : pendant quatre ans, l’employeur a accepté la signature de l’appelant sur le contrat de travail comme une attestation suffisante de ses politiques. Il est tout aussi clair que l’obligation de signer les deux politiques a été imposée seulement quelques semaines après que l’appelant et son patron ont eu une confrontation. L’employeur exigeait que l’appelant signe les deux politiques dans le contexte de l’avertissement verbal qu’il devait signer pour exprimer son accord avec la version des faits du patron concernant l’incident.

[54] L’appelant a refusé d’accepter la version des faits de son patron. Il n’a pas fait l’objet de mesures disciplinaires et il n’a pas non plus été congédié en raison de son comportement pendant la confrontation. Il n’a pas été congédié pour avoir refusé d’accepter la version des faits de son patron. La raison du congédiement découle plutôt du refus de l’appelant de signer les deux politiques, comme l’employeur l’avait demandé, dans le contexte où il a reçu une lettre d’avertissement verbal. 

[55] À mon avis, cela signifie que son employeur s’est servi du fait qu’il a refusé de signer les politiques comme excuse pour le congédier, et qu’il ne s’agit pas de la raison de son congédiement. Par conséquent, j’estime que, même si l’appelant a choisi de ne pas signer les politiques, sa conduite n’était pas délibérée, consciente ou voulue, car son employeur utilisait son refus de signer pour déguiser son congédiement. La Commission ne s’est donc pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence citée plus haut.

Alors, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[56] Selon mes conclusions précédentes, je conclus que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[57] La Commission n’a pas prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[58] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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