Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EM c  Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1471

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission
de l’assurance-emploi du Canada (465535) datée du
15 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jean Yves Bastien
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 6 juillet 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 17 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-23-719

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Préambule

Décision

[1] Il y a deux questions en litige : l’inconduite et la disponibilité. Les deux questions sont rejetées. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi puis a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi).

[3] Ainsi, pendant sa suspension, du 1er novembre 2021 au 29 avril 2022, l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi au titre de l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[4] Cela signifie également que depuis son congédiement, c’est-à-dire à compter du 1er mai 2022, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations au titre de l’article 30 de la Loi.

[5] L’appelante n’a pas prouvé qu’elle était disponible du 1er novembre 2021 au 14 juin 2022 comme l’exige la Loi. Par conséquent, l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant cette période.

Aperçu

Inconduite

[6] L’appelante a d’abord été suspendue, puis a perdu son emploi. L’employeur de l’appelante affirme qu’elle a été congédiée parce qu’elle a contrevenu à sa politique de vaccination : elle ne s’est pas fait vacciner. 

[7] L’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé, cependant elle affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur n’était pas de l’inconduite.

[8] L’appelante a choisi de ne pas se faire vacciner. Elle a déclaré que les essais cliniques pour le vaccin n’étaient pas terminés et que l’innocuité et l’efficacité du vaccin n’avaient pas été démontrées. Elle a affirmé qu’elle ne se ferait pas vacciner tant que les essais cliniques n’auraient pas été menés à bien et que les résultats n’auraient pas été publiés. L’appelante estimait que le vaccin était expérimental, dangereux et inefficace.

[9] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[10] Je dois décider si la Commission a prouvé qu’il y a eu une inconduite au titre des articles 29 et 30 de la Loi.

Disponibilité

[11] La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi du 1er novembre 2021 au 14 juin 2022 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Une partie prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie qu’une partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[12] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler du 1er novembre 2021 au 14 juin 2022. L’appelante doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[13] La Commission affirme que l’appelante n’était pas disponible pour les raisons suivantes :

  • elle n’avait pas le désir de retourner sur le marché du travail le plus tôt possible;
  • elle n’a pas fait d’efforts pour trouver un emploi convenable;
  • elle a établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[14] L’appelante n’est pas d’accord et affirme que c’est le gouvernement canadien qui a fait en sorte qu’elle n’était pas disponible, car il a imposé une exigence de vaccination inappropriée et inconstitutionnelle.

Question que je dois examiner en premier

L’appelante a soulevé des questions constitutionnelles

[15] L’appelante a soulevé un certain nombre d’objections fondées sur sa lecture de la Charte canadienne des droits et libertés. Elle a cité l’article 7, qui traite du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. L’appelante affirme que la politique de vaccination contre la COVID-19 du gouvernement du Canada et de son employeur empiète sur son droit à la sécurité de la personne, y compris le droit d’une personne de maîtriser sa propre intégrité physique.

[16] L’appelante a cité une conclusion tirée récemment par le Comité externe d’examen des griefs militaires. Selon cette conclusion, la politique de vaccination des Forces armées canadiennes contrevenait aux droits de la personne garantis par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, notamment le droit à la liberté et à la sécurité de la personne. Note de bas de page 1 Le Comité a également tiré une conclusion semblable dans deux autres affaires.Note de bas de page 2

[17] Le Comité externe d’examen des griefs militaires est un tribunal administratif. Il présente ses conclusions et des recommandations au chef d’état-major de la défense, qui prend la décision définitive sans être « lié par les conclusions et recommandations du Comité des griefs ».Note de bas de page 3 Les conclusions du Comité ne sont pas contraignantes, pas même pour les Forces armées canadiennes.

[18] Il convient également de noter que dans ces cas, les plaignants contestaient la politique de vaccination des Forces armées canadiennes, et non l’exigence de vaccination obligatoire du gouvernement du Canada à l’intention des travailleurs du secteur des transports sous réglementation fédérale.  

[19] Le Tribunal a une compétence très limitée en ce qui concerne les questions relatives à la Charte. Lorsque les membres du Tribunal traitent de questions relatives à l’assurance-emploi, ils peuvent seulement vérifier si les lois et les règlements suivants sont conformes à la Constitution, y compris la Charte canadienne des droits et libertés :

  • Loi sur l’assurance-emploi 
  • Règlement sur l’assurance-emploi
  • Règlement sur l’assurance-emploi (pêche)
  • Règlement sur les demandes de révision

[20] J’ai expliqué que les appels fondés sur la Charte suivaient un processus particulier et que si l’appelante le souhaitait, l’audience pouvait être ajournée pour qu’elle puisse poursuivre ses arguments fondés sur la Charte.

[21] L’appelante a convenu qu’elle n’avait pas d’objection fondée sur la Charte des lois et des règlements mentionnés ci-dessus. Une contestation de l’exigence vaccinale du gouvernement qui serait fondée sur la Charte relève d’une autre instance. L’appelante a déclaré qu’elle était membre d’une poursuite collective en cours contre le gouvernement du Canada.

[22] Par conséquent, l’audience s’est poursuivie.

Questions en litige

[23] Il y a deux questions à trancher dans le présent appel. Je vais d’abord voir si l’appelante a été suspendue, puis si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[24] L’autre question est la disponibilité. L’appelante était-elle disponible pour travailler comme l’exige l’article 18 de la Loi?

Analyse

Inconduite

[25] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique dans les cas de congédiement et de suspension.Note de bas de page 4

[26] Pour répondre à la question de savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pourquoi l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[27] J’estime que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle a contrevenu à la politique de vaccination de son employeur.

[28] L’appelante affirme avoir été suspendue, puis congédiée, parce qu’elle ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de l’employeur.

[29] La Commission affirme que l’appelante a été suspendue, puis congédiée en raison de sa propre inconduite. Elle a été informée des exigences de l’employeur concernant la vaccination contre la COVID-19 et a été informée que le non-respect de ces exigences entraînerait une perte d’emploi.

[30] L’appelante et la Commission s’entendent pour dire que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de se faire vacciner, ce qui allait à l’encontre de la politique obligatoire de son employeur sur la COVID-19. Je dois trancher la question de savoir si les gestes posés par l’appelante constituaient une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[31] Je conclus que la raison du congédiement de l’appelante était une inconduite au sens de la loi.

[32] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’on entend par inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et tribunaux) nous montre comment décider si le congédiement de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi. La jurisprudence énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[33] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 5 L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 6 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal).Note de bas de page 7

[34] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raison.Note de bas de page 8

[35] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 9

[36] J’ai seulement le pouvoir de trancher les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si l’appelante a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) pour l’appelante.Note de bas de page 10 Je ne peux examiner qu’une seule chose : la question de savoir si ce que l’appelante a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[37] La Cour d’appel fédérale s’est prononcée dans l’affaire intitulée Canada (Procureur général) c McNamara.Note de bas de page 11 M. McNamara a été congédié de son emploi en application de la politique de dépistage des drogues de son employeur. Il a fait valoir qu’il n’aurait pas dû être congédié parce que le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances; il n’existait aucun motif raisonnable de penser qu’il n’était pas en mesure de travailler en toute sécuritaire en raison de sa consommation de drogue, et qu’il aurait dû être couvert par le test précédent auquel il s’était soumis. Essentiellement, M. McNamara a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que les actions de son employeur concernant son congédiement étaient inacceptables.  

[38] En réponse aux arguments de M. McNamara, la Cour a déclaré que, selon la jurisprudence de la Cour, dans les cas d’inconduite, la question n’est pas de savoir si le congédiement d’un employé était injustifié, mais plutôt de décider si l’acte ou l’omission de l’employé constituait une inconduite au sens de la Loi. La Cour a poursuivi en soulignant que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a signalé que l’employé qui fait l’objet d’un congédiement injustifié « a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé. »  

[39] La décision plus récente intitulée Paradis c Canada (Procureur général) suit l’affaire McNamara.Note de bas de page 12 Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage. M. Paradis a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, que les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et à la législation provinciale sur les droits de la personne. La Cour s’est appuyée sur l’affaire McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur n’est pas un facteur pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la Loi.Note de bas de page 13

[40] Une autre décision semblable a été rendue par la Cour dans l’affaire Mishibinijima c Canada (Procureur général).Note de bas de page 14 M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a fait valoir que, comme la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une déficience, son employeur était tenu de lui offrir des mesures d’adaptation. La Cour a encore affirmé que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou n’a pas fait, et que le fait que l’employeur n’a pas pris de mesures d’adaptation pour son employé n’est pas un facteur pertinent.Note de bas de page 15

[41] Ces affaires ne portent pas sur des politiques de vaccination contre la COVID-19. Cependant, les principes qui y sont établis demeurent pertinents. Mon rôle n’est pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de décider s’il a eu raison de congédier l’appelante. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi

[42] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination obligatoire;
  • l’employeur a clairement informé l’appelante de ses attentes concernant la vaccination;
  • l’appelante savait ou aurait dû savoir ce qui adviendrait si elle ne respectait pas la politique;
  • l’appelante a délibérément contrevenu à la politique de l’employeur.

[43] L’appelante a déclaré qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que la politique de vaccination de l’employeur était inconstitutionnelle, inappropriée et imposée sans son consentement. L’appelante a également souligné que rien dans la politique de vaccination du gouvernement du Canada pour les employés sous réglementation fédérale n’indiquait que les employés qui ne respectaient pas la politique devraient être congédiés.

[44] La Commission a déclaré que l’employeur a indiqué qu’il est sous réglementation fédérale et qu’il exige donc que les employés soient entièrement vaccinés. Au début de l’exigence obligatoire du gouvernement, l’employeur avait une politique de conformité exigeant que tous les employés soient entièrement vaccinés au plus tard le 30 octobre 2021.

[45] L’appelante savait ce qu’elle devait faire selon la politique de vaccination et ce qui adviendrait si elle ne la respectait pas. Aux dates suivantes, l’employeur a informé l’appelante des exigences et des conséquences découlant du non-respect de la politique :

  • Le 28 septembre 2021 – Un avis faisant connaître la politique obligatoire de l’employeur sur la COVID-19 a été envoyé à tous les employés sur le site Web de l’employeur.
  • Tous les employés devaient accuser réception de cet avis.
  • La dernière fois que l’appelante a consulté l’avis, c’était le 6 octobre 2021.Note de bas de page 16

[46] L’employeur a dit à la Commission que l’appelante n’avait pas demandé d’exemption, d’ailleurs elle lui aurait dit [traduction] « qu’il pouvait l’appeler dans deux ou trois ans lorsque la vaccination ne serait plus obligatoire ».Note de bas de page 17

[47] L’appelante a déclaré qu’elle a été bien informée de la politique de l’employeur sur la COVID-19 et des conséquences découlant du non-respect de cette politique. Elle a dit que le 15 septembre 2021, les employés ont reçu un préavis d’un mois signalant qu’ils avaient jusqu’au 15 octobre 2021 pour présenter leur statut vaccinal, puis jusqu’au 30 octobre 2021 pour fournir une preuve de vaccination contre la COVID-19.

[48] Elle a déclaré qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination de son employeur parce que celle-ci ne respectait pas ses droits garantis par la Charte. L’appelante a fait valoir que sa suspension était injuste parce que la politique allait à l’encontre des droits de la personne fondamentaux; d’ailleurs, le vaccin n’avait pas été testé.

[49] L’appelante a déclaré qu’elle savait qu’elle pouvait perdre son emploi si elle ne respectait pas la politique et qu’elle avait consciemment (délibérément) choisi de ne pas se faire vacciner et de contrevenir à la politique de son employeur.

[50] Malgré les réserves de l’appelante au sujet de l’exigence vaccinale imposée par le gouvernement et son employeur, comme je l’ai expliqué ci-dessus, la compétence de ce tribunal se limite aux actions de l’appelante.

[51] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique qui était conforme à l’exigence vaccinale obligatoire du gouvernement du Canada contre la COVID-19 pour les travailleurs du secteur des transports sous réglementation fédérale. Selon la politique de l’employeur, tous les employés devaient être entièrement vaccinés au plus tard le 30 octobre 2021.
  • Les communications internes et en ligne de l’employeur ont clairement informé l’appelante de sa politique obligatoire et de ses attentes concernant le statut vaccinal de ses employés.
  • L’appelante était au courant de la politique, des délais pour s’y conformer et des conséquences découlant du non-respect.
  • L’appelante a volontairement choisi de ne pas se faire vacciner et ainsi a contrevenu à l’exigence vaccinale contre la COVID-19 imposée par le gouvernement fédéral.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[52] À la lumière de mes conclusions précédentes, je conclus que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[53] En effet, les actions de l’appelante ont d’abord mené à sa suspension le 1er novembre 2021, puis à son congédiement le 1er mai 2022. Elle a agi délibérément. Elle savait que le refus de se faire vacciner allait probablement lui faire perdre son emploi.

Analyse

Disponibilité

[54] L’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenable.Note de bas de page 18 La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible ».Note de bas de page 19 Je vais examiner ces facteurs ci-dessous.

[55] La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations du 1er novembre 2021 au 14 juin 2022 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler.

[56] Je vais maintenant examiner moi-même l’article 18 de la Loi pour décider si l’appelante était disponible pour travailler au cours de cette période.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[57] La jurisprudence établit trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si l’appelante était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 20 :

  1. a) Elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[58] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite de l’appelante.Note de bas de page 21

Vouloir retourner travailler

[59] L’appelante n’a pas démontré qu’elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert. Elle a déclaré qu’elle se considérait comme mise à pied et qu’elle espérait retourner travailler chez son employeur. Elle a dit qu’après avoir travaillé 32 ans pour l’employeur, elle avait besoin d’un peu de temps de détente et voulait passer du temps avec sa fille. Elle a déclaré ce qui suit [traduction] : « j’avais besoin d’un peu de liberté, et je voulais rester à la maison pour retrouver mon équilibre ».

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[60] L’appelante n’a pas fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable. Elle a déclaré que [traduction] « c’était futile, je n’étais pas vaccinée ». Elle a déclaré à la Commission [traduction] « qu’elle avait quitté son emploi en raison du stress découlant du fait que son employeur lui imposait un choix personnel concernant sa santé; elle n’a pas postulé pour un emploi depuis. » Note de bas de page 22

[61] J’ai tenu compte de la liste des activités de recherche d’emploi qui figure à l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi pour prendre ma décision sur ce deuxième élément. Pour cet élément, cette liste est fournie à titre indicatif seulement.Note de bas de page 23

[62] L’appelante a déclaré que ses démarches pour trouver un nouvel emploi se limitaient à essayer de trouver un emploi dans quelques magasins de vitamines et d’aliments biologiques qui n’exigeaient pas que les employés soient vaccinés. Cependant, elle n’a pas réussi à obtenir un emploi parce que certains de ses amis non vaccinés ont postulé avant elle. Ces types d’emplois étaient très limités. Elle a dit que c’était correct, car elle souhaitait consacrer du temps à sa vie familiale.

[63] Les démarches de l’appelante pour se trouver un emploi n’étaient pas suffisantes pour répondre aux exigences de ce deuxième élément parce qu’elles étaient intermittentes et limitées à des emplois qui n’exigeaient pas que les candidats soient vaccinés. Les efforts de l’appelante n’étaient pas soutenus.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[64] L’appelante a établi des conditions personnelles qui ont peut-être limité indûment ses chances de retourner travailler.

[65] L’appelante convient que le fait de ne pas se faire vacciner limite indûment ses chances de retourner travailler. Cependant, elle affirme qu’il ne s’agit pas d’une condition personnelle qu’elle a établie, parce que c’est le gouvernement canadien qui a obligé les gens de se faire vacciner.

[66] La Commission affirme que l’appelante a établi des conditions limitant indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Étant donné que l’appelante ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19, ce n’est que le 20 juin 2022 qu’elle a pu recommencer à exercer son métier régulier. L’appelante n’a pas indiqué un type de travail en dehors de son domaine vers lequel ses compétences auraient été transférables. La Commission affirme qu’en refusant de se faire vacciner contre la COVID-19, l’appelante a établi une condition personnelle qui a indûment limité ses chances de retourner sur le marché du travail.Note de bas de page 24

[67] Bien que l’appelante puisse croire que c’est le gouvernement qui a imposé une condition limitant indûment ses chances de retourner sur le marché du travail, ce Tribunal ne peut examiner et se prononcer que sur la conduite de l’appelante. C’est ce que je vais faire.

[68] J’estime que l’appelante a effectivement limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail en refusant de se faire vacciner contre la COVID-19. Comme l’appelante est volontairement demeurée non vaccinée, elle a établi une condition personnelle qui l’a empêchée de retourner travailler chez son ancien employeur, qui l’employait depuis 32 ans.

Alors, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[69] Le comportement et l’attitude de l’appelante tout au long de l’audience étaient calmes et méditatifs; selon elle, [traduction] « elle souhaite s’occuper des choses importantes ». Elle n’a postulé à aucun emploi. Elle devait se détendre. Elle s’est vite rendu compte que ses perspectives d’emploi étaient très limitées si elle n’était pas vaccinée.

[70] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments ci-dessus, je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[71] Inconduite – La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue, puis congédiée en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[72] Disponibilité – L’appelante n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler du 1er novembre 2021 au 14 juin 2022, au sens de la loi. Par conséquent, l’appelante ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pour cette période.

[73] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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