Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1456

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (562041) datée du 21 février 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 10 mai 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 24 mai 2023
Numéro de dossier : GE-23-645

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Après avoir fait une révision, la Commission a avisé l’appelante, R. M., qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance-emploi du 7 septembre 2021 au 30 juin 2022 parce qu’elle suivait un cours de formation de sa propre initiative et qu’elle n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler. L’appelante soutient qu’elle était disponible pour travailler à temps plein et qu’elle effectuait tous les quarts de travail qui lui étaient offerts. Le Tribunal doit décider si l’appelante a prouvé sa disponibilité aux termes des articles 18 et 50 de la Loi sur l’assurance-emploi et des articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : L’appelante avait-elle le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert?

  1. Question en litige no 2 : L’appelante faisait-elle des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi?
  2. Question en litige no 3 : L’appelante a-t-elle établi des conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont présentées dans le document GD4 du dossier d’appel.

[5] Il existe une présomption selon laquelle une personne aux études à temps plein n’est pas disponible pour travailler. Cette présomption de fait peut être réfutée si l’on prouve l’existence de circonstances exceptionnelles (voir la décision Cyrenne, 2010 CAF 349).

[6] La présomption s’applique à une personne qui n’est pas disponible pour travailler alors qu’elle suit un cours à temps plein de sa propre initiative. Pour réfuter la présomption, l’appelante doit démontrer que son intention première est d’accepter sur-le-champ un emploi convenable comme en témoignent ses démarches de recherche d’emploi, qu’elle est prête à prendre toutes les dispositions nécessaires ou qu’elle est disposée à abandonner son cours. Elle doit démontrer par ses actes que le cours passe en deuxième et ne fait pas obstacle à la recherche et à l’acceptation d’un emploi convenable.

[7] Une personne qui suit un cours à temps plein sans qu’une autorité désignée par la Commission l’ait dirigée vers ce cours doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable d’obtenir un emploi convenable. Elle doit aussi répondre aux exigences de disponibilité au même titre que toutes les personnes qui demandent des prestations régulières d’assurance-emploi. Elle doit continuer à chercher un emploi et démontrer que les exigences du cours n’ont pas restreint sa disponibilité de façon à réduire de beaucoup ses chances de trouver un emploi.

[8] Les éléments suivants peuvent être pertinents lorsqu’on évalue la disponibilité pour le travail :

  1. a) les exigences de présence au cours;
  2. b) la volonté de la partie prestataire d’abandonner ses études pour accepter un emploi;
  3. c) la question de savoir si la partie prestataire a déjà travaillé selon un horaire irrégulier;
  4. d) l’existence de « circonstances exceptionnelles » qui permettraient à la partie prestataire de travailler pendant ses études;
  5. e) les frais associés aux études.

[9] Pour être jugée disponible pour travailler, une partie prestataire doit : 1. avoir le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert, 2. exprimer ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable; 3. ne pas établir de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Il faut considérer les trois éléments pour prendre une décision (voir la décision Faucher, A-56-96 et A-57-96).

Question en litige no 1 : L’appelante avait-elle le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert?

[10] Non.

[11] D’après ses déclarations et ses observations, l’appelante suivait un cours à temps plein qui l’occupait environ 20 heures par semaine.

[12] Elle n’a pas reçu l’approbation d’une autorité désignée pour suivre ce cours.

[13] L’appelante a commencé ce cours de 12e année à temps plein en septembre 2021.

[14] Elle soutient qu’elle suit son cours en personne et qu’elle ne contrôle pas les heures de cours. Elle dit consacrer environ 20 heures par semaine à étudier et à suivre son cours.

[15] L’appelante affirme qu’elle est disponible pour travailler malgré son horaire de cours et qu’elle a cherché des possibilités d’emploi.

[16] Ce processus lui cause beaucoup de stress et des difficultés financières parce qu’elle s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi alors qu’elle essayait de poursuivre son cours.

[17] Cela dit, pour la période en question, rien ne prouve que l’appelante ait effectué une recherche d’emploi exhaustive dans le but de trouver un emploi à temps plein plutôt que de suivre son cours. En fait, elle a fait valoir qu’elle avait cherché du travail à six endroits, dont cinq n’avaient pas de poste à pourvoir, ainsi qu’à son lieu de travail actuel.

[18] Son employeur a déclaré qu’elle effectuait toutes les heures possibles en fonction de son horaire de cours, ce qui montre qu’elle n’a jamais proposé d’abandonner ce dernier pour travailler à temps plein.

[19] On s’attend d’une personne qu’elle effectue une recherche d’emploi exhaustive même si cela semble futile.

[20] J’estime que la façon dont l’appelante a agi ne démontre pas qu’elle avait un désir sincère de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert pendant toute la durée de la période en question.

Question en litige no 2 : L’appelante faisait-elle des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi?

[21] Non.

[22] Encore une fois, rien ne démontre que l’appelante effectuait une recherche d’emploi exhaustive.

[23] Même si elle maintient qu’elle était disponible, elle est toujours tenue de faire une recherche d’emploi raisonnable pour être admissible à des prestations.

[24] L’appelante a limité sa recherche d’emploi auprès de six employeurs seulement pendant toute la période en question.

[25] Ses activités de recherche d’emploi pendant cette période ne peuvent pas être considérées comme des démarches habituelles et raisonnables selon l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi.

[26] Je juge que l’appelante n’a pas démontré, pendant toute la période en question, qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable qui l’auraient amenée à abandonner ses études et à retourner sur le marché du travail.

Question en litige no 3 : L’appelante a-t-elle établi des conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[27] Oui.

[28] L’appelante a déclaré qu’elle avait l’intention d’abandonner ses études pour retourner sur le marché du travail dès que possible. Toutefois, étant donné qu’elle n’a pas fait de recherche d’emploi raisonnable et qu’elle en était à sa dernière année d’études secondaires, j’estime que cette déclaration n’est pas conforme aux faits qui m’ont été présentés.

[29] L’appelante aurait pu être admise au collège communautaire où elle prévoit suivre un programme de mécanique en septembre si elle avait terminé avec succès son programme d’études secondaires.

[30] L’appelante a affirmé qu’elle comptait abandonner son cours pour occuper un emploi à temps plein, mais cela n’est pas conforme aux faits portés à ma connaissance. Pour démontrer une telle intention, l’appelante doit être en mesure de prouver qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi : communiquer avec six employeurs ne démontre pas une telle intention.

[31] L’appelante n’a pas réfuté la présomption de non-disponibilité.

[32] J’estime qu’en consacrant plus de 20 heures par semaine à un cours vers lequel elle n’a pas été dirigée par une autorité désignée par la Commission plutôt que d’effectuer une recherche d’emploi raisonnable, l’appelante a établi des conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail.

[33] De plus, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’une partie prestataire qui restreint sa disponibilité et qui peut travailler seulement en dehors de son horaire de cours ne démontre pas qu’elle est disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (voir la décision Duquet c Canada (Procureur général), 2008 CAF 313 et la décision Canada (Procureur général) c Gauthier, 2006 CAF 40).

[34] Une simple déclaration de disponibilité de la part d’une partie prestataire ne suffit pas à elle seule pour s’acquitter du fardeau de la preuve (voir les décisions du juge‑arbitre du Canada CUB 18828 et 33717).

[35] Même si j’appuie les efforts de l’appelante pour terminer ses études et ainsi trouver un emploi convenable, je juge qu’elle n’a pas démontré l’existence de « circonstances exceptionnelles » qui viendraient réfuter la présomption de non‑disponibilité pendant ses études à temps plein. Elle n’est donc pas admissible au bénéfice des prestations du 7 septembre 2021 au 30 juin 2022.

[36] Ni le Tribunal ni la Commission n’ont le pouvoir, discrétionnaire ou non, de déroger à des dispositions législatives et à des conditions claires imposées par la Loi sur l’assurance-emploi ou le Règlement sur l’assurance-emploi pour des raisons d’équité ou de compassion, des difficultés financières ou des circonstances atténuantes.

[37] La Commission reconnaît qu’en raison de la pandémie de COVID-19, certaines exigences liées à la disponibilité pour le travail pendant les études ont été assouplies jusqu’en septembre 2021. Avant le 27 septembre 2020, la Commission examinait la disponibilité pour travailler d’une partie prestataire lorsque celle-ci affirmait qu’elle suivait une formation ou un cours vers lequel elle n’avait pas été dirigée. Depuis le 27 septembre 2020, la disponibilité n’est plus automatiquement examinée lorsqu’une partie prestataire présente une demande de prestations ou une déclaration bimensuelle et affirme qu’elle suit une formation vers laquelle elle n’a pas été dirigée, mais qu’elle est toujours disponible pour travailler comme cela est requis. Plutôt que d’être examinée par une agente ou un agent, la formation est automatiquement autorisée. Toutefois, la Commission a toujours le pouvoir d’examiner la disponibilité d’une partie prestataire et d’imposer une inadmissibilité rétroactive ou actuelle si elle conclut que sa disponibilité pour le travail, comme l’exigent la loi et la jurisprudence, n’a pas été prouvée. Si une partie prestataire fait une déclaration ou fournit des renseignements qui remettent en doute sa disponibilité pendant qu’elle suit un cours de formation vers lequel elle n’a pas été dirigée, la Commission peut, conformément à l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi, « exiger [du prestataire] qu’il prouve qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable ».

[38] Autrement dit, la Commission a choisi d’examiner la disponibilité de l’appelante après avoir approuvé sa demande et lui refuse maintenant des prestations en se fondant sur les mêmes renseignements honnêtes fournis par l’appelante dans sa demande. Pour ce faire, la Commission s’appuie sur l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[39] En ce qui concerne l’annulation du trop-payé que demande l’appelante, il s’agit d’une décision que seule la Commission peut prendre. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de faire une telle chose.

[40] Le Tribunal peut toutefois commenter les circonstances qui ont mené au trop‑payé.

[41] Les caractéristiques communes que l’on retrouve dans les situations et les circonstances menant à l’annulation d’un trop-payé sont que la partie prestataire ne peut pas être tenue directement responsable des événements ayant mené au trop-payé. Autrement dit, la partie prestataire n’a joué aucun rôle dans les événements ou n’a exercé aucun contrôle réel sur ceux-ci, sauf pour demander et recevoir les prestations de bonne foi.

[42] Dans la présente affaire, la Commission a approuvé les prestations à partir des mêmes renseignements qu’elle utilise maintenant pour les refuser et en demander le remboursement. L’appelante n’a joué aucun rôle dans le processus d’approbation, car elle a répondu honnêtement et correctement à toutes les questions qui lui ont été posées.

[43] Il est important d’éviter les situations où une partie prestataire est tenue de payer pour des erreurs ou des retards causés par la Commission, lorsque la situation échappe complètement au contrôle de la partie prestataire.

[44] Qu’il s’agisse d’une erreur ou du respect de la politique susmentionnée de la Commission, les décisions concernant l’approbation des prestations échappaient au contrôle de l’appelante et étaient entièrement entre les mains de la Commission.

[45] Une partie d’un trop-payé peut être annulée lorsque celui-ci survient parce que la Commission n’a pas rendu de décision par rapport à une demande. Il s’agit de situations où une partie prestataire fournit des renseignements et où avant que la Commission ne les traite, des prestations ont été versées à tort. La partie du trop-payé qui n’aurait pas eu lieu s’il n’y avait pas eu de retard peut être annulée. La Commission commet une erreur lorsque des prestations sont versées à tort parce qu’elle n’a pas traité la demande de façon appropriée (voir la section 17.2.0 du Guide de la détermination de l’admissibilité). Cela peut se produire lorsque la Commission ignore des renseignements au dossier ou lorsque des erreurs se produisent dans le calcul d’un ou de plusieurs éléments de la demande (voir l’article 56(2)(b)(i) du Règlement sur l’assurance-emploi).

[46] Dans la présente affaire, l’appelante a commencé son cours en pleine connaissance de cause et avec le consentement implicite de la Commission. Celle-ci a versé des prestations en fonction de cette connaissance et de ce consentement, puis a attendu plus d’une année, soit jusqu’au 8 novembre 2022, pour annuler l’approbation et demander à l’appelante de rembourser le trop-payé engagé. Le montant total du trop‑payé a été versé parce que la Commission a tardé à donner suite aux renseignements qui lui ont été présentés à de nombreuses reprises par l’appelante.

[47] C’est la Commission qui a le pouvoir de demander à l’Agence du revenu du Canada de réduire ou d’annuler un trop-payé, mais cela n’est pas automatique. En effet, une demande doit être présentée à la Commission. Il faut préciser les répercussions qu’une telle dette aurait et a sur les finances de la partie prestataire, le stress lié à la dette et ce qui a causé celle-ci.

[48] La décision de la Commission à ce sujet ne peut pas faire l’objet d’un appel devant le Tribunal. Seule la décision de la Commission qui a engendré le trop-payé est assujettie à une révision aux termes de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi. La responsabilité qui revient aux parties prestataires de rembourser un trop-payé et les intérêts qui en découlent ne peut faire l’objet d’une révision parce qu’il ne s’agit pas de décisions rendues par la Commission. De plus, la responsabilité devient celle d’une « personne débitrice » plutôt que celle d’une « prestataire ». Le recours des parties prestataires à l’égard de telles ces questions consiste à demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale du Canada.

[49] Ce processus doit être amorcé par l’appelante, qui doit demander à la Commission d’annuler la dette.

[50] Je n’ai pas le pouvoir de réduire ou d’annuler le trop-payé. Le Tribunal n’a pas la compétence nécessaire pour trancher de telles questions.

[51] L’appelante demande l’annulation du trop-payé. Je suis d’accord avec la position énoncée par la Commission et je note que selon la loi, la décision de la Commission concernant l’annulation d’une somme due ne peut pas faire être portée en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale. Par conséquent, je ne peux pas trancher les questions relatives à une demande d’annulation ou de réduction d’un trop-payé.

[52] La Cour fédérale du Canada a le pouvoir d’instruire un appel portant sur l’annulation d’un trop-payé. Si l’appelante souhaite déposer un appel en ce sens, elle doit donc s’adresser à la Cour fédérale du Canada.

[53] Finalement, je ne vois rien dans le dossier qui laisse croire que la Commission a informé l’appelante au sujet du programme de remise de dette mis en place par l’Agence du revenu du Canada. Si le remboursement immédiat du trop-payé aux termes de l’article 44 de la Loi sur l’assurance-emploi lui cause des difficultés financières, l’appelante peut communiquer avec le Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada en composant le 1-866-864-5823. Il se pourrait qu’elle puisse prendre d’autres dispositions de remboursement en fonction de sa situation financière personnelle.

Conclusion

[54] Après avoir dûment tenu compte de toutes les circonstances, je conclus que l’appelante n’a pas réussi à réfuter la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler à compter du 7 septembre 2021. Par conséquent, l’appel concernant sa disponibilité pendant ses études est rejeté.

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