Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1732

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale - Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (579389) datée du 18 avril 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 1er août 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 9 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-1270

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Autrement dit, l’appelant n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, la demande de l’appelant ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

[3] L’appelant n’a pas démontré qu’il a travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi le 11 janvier 2023. Il demande maintenant que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 13 novembre 2022. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette demande.

[5] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[6] La Commission affirme que l’appelant n’avait pas de motif valable parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans la même situation. Elle affirme qu’une personne raisonnable aurait vérifié ses droits et ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[7] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il était bouleversé après avoir perdu son emploi et que son état de santé mentale l’empêchait d’agir de façon rationnelle. Il dit que ce n’est qu’en janvier 2023 qu’il a commencé à faire des recherches pour obtenir de l’aide du gouvernement.

[8] En raison de sa décision de rejeter la demande de l’appelant de traiter sa demande comme si elle avait été présentée plus tôt, la Commission a décidé qu’il n’avait pas travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi Note de bas de page 2.

[9] Je dois décider si l’appelant a travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[10] La Commission affirme que l’appelant n’a pas accumulé assez d’heures parce qu’il a besoin de 700 heures, mais il en a accumulé seulement 648.

[11] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il avait accumulé plus d’heures que nécessaire pour être admissible aux prestations lorsqu’il a perdu son emploi.

Questions en litige

[12] La demande de prestations de l’appelant peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 13 novembre 2022? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.

[13] L’appelant a-t-il travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi?

Analyse

Antidatation

L’appelant a-t-il démontré qu’il avait un motif valable pendant toute la période du retard?

[14] Pour que la demande de prestations d’une personne soit antidatée, elle doit prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 3 :

  1. a) Elle avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la durée de celui-ci. Autrement dit, elle a une explication que la loi accepte.
  2. b) Elle remplit les conditions requises à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle souhaite que sa demande soit antidatée).

[15] Les principaux arguments dans la présente affaire portent sur la question de savoir si l’appelant avait un motif valable. Je vais donc commencer par cela.

[16] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 4. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi de façon raisonnable et prudente, comme n’importe quelle autre personne l’aurait fait si elle s’était trouvée dans une situation semblable.

[17] L’appelant doit démontrer qu’il a agi de cette façon pendant toute la période du retardNote de bas de page 5. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande soit antidatée au jour où il a présenté sa demande. Par conséquent, pour l’appelant, la période de retard s’étend du 13 novembre 2022 au 11 janvier 2023.

[18] L’appelant doit également démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit aux prestations et quelles étaient ses obligations au titre de la loiNote de bas de page 6. Cela signifie que l’appelant doit démontrer qu’il a essayé de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’il pouvait. Si l’appelant n’a pas fait ces démarches, il doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi il ne l’a pas faitNote de bas de page 7.

[19] L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[20] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’après avoir perdu son emploi, son état mental était extrêmement fragile et il ne pouvait pas comprendre qu’il pouvait obtenir de l’aide.

[21] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il avait l’obligation de vérifier ses droits et ses obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[22] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations. Je juge qu’il n’a pas vérifié assez rapidement ses droits et ses obligations en ce qui concerne la présentation d’une demande de prestations d’assurance-emploi. Et je ne considère pas que son état mental soit une circonstance exceptionnelle qui l’en dispense.

[23] L’appelant a perdu son emploi le 16 novembre 2022, mais il a seulement présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi le 11 janvier 2023. La Commission a rejeté sa demande de prestations parce qu’il n’avait pas accumulé assez d’heures d’emploi assurable pour être admissible. L’appelant a donc demandé à la Commission d’antidater sa demande au 13 novembre 2022.

[24] L’appelant a déclaré à la Commission qu’il avait été congédié à tort. Les notes du dossier de révision de la Commission précisent que l’appelant a dit qu’il se concentrait davantage sur sa poursuite en justice que sur sa demande de prestations.

[25] Dans son avis d’appel, l’appelant a déclaré que toute son attention pour novembre et décembre 2022 était axée sur une poursuite contre l’employeur qui, selon lui, l’avait congédié à tort. Cela concorde avec ce que dit le dossier de la Commission. L’appelant a également dit que le processus de poursuite en justice était drainant, tant sur le plan émotionnel que financier.

[26] L’appelant a déclaré qu’il était bouleversé et en colère lorsqu’il a été congédié à tort. Il a dit qu’il avait commencé à faire des recherches pour trouver un avocat, ce qui l’a plongé dans une grande dépression.

[27] J’ai interrogé l’appelant au sujet de sa dépression, y compris la façon dont elle s’était manifestée et ce qu’il était et n’était pas en mesure de faire. Il a déclaré qu’il était très en colère lorsqu’il a été congédié de son emploi. Il a ajouté qu’il était très concentré sur la collecte d’information. L’appelant a déclaré qu’une fois qu’il s’est rendu compte de ce que coûteraient la recherche et l’embauche d’un avocat, il s’est complètement refermé pendant un mois environ.

[28] L’appelant a déclaré avoir parlé de sa dépression à une thérapeute en ligne à partir de janvier 2023. Il a dit que la thérapeute avait élaboré un plan de rétablissement pour lui et qu’elle lui avait montré qu’il était possible de sortir de la dépression.

[29] J’ai trouvé le témoignage de l’appelant sincère et honnête. Je ne doute pas qu’il était en colère lorsqu’il a perdu son emploi et que le fait d’envisager de poursuivre son ancien employeur en justice a mené à une période de dépression. Cependant, j’estime qu’au même moment où l’appelant cherchait à embaucher un avocat, il a eu l’occasion de s’informer de ses droits et de ce qu’il devait faire pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[30] L’appelant a témoigné au sujet du versement de la Prestation canadienne d’urgence (PCU). Il a dit que lorsque lorsqu’il a terminé de recevoir la PCU, il n’avait pas fait de recherches sur les prestations d’assurance-emploi, mais qu’on lui avait simplement dit de présenter une demande. Il a déclaré qu’il était généralement au courant du programme d’assurance-emploi. Cependant, il a ajouté qu’il n’avait jamais été congédié auparavant, alors il n’a pas du tout pensé aux prestations d’assurance-emploi. L’appelant a déclaré qu’il ne connaissait pas les règles.

[31] La Commission a fait valoir qu’une partie prestataire qui a perdu son emploi et qui a besoin d’aide financière aurait pris des mesures pour demander ce qu’elle devait faire pour présenter une demande de prestations. J’ai interrogé l’appelant à ce sujet. Il a dit qu’il s’efforçait surtout de récupérer son emploi et qu’il y consacrait tous ses efforts.

[32] Je comprends le désir de l’appelant de récupérer son emploi, mais je suis d’accord avec la Commission. J’estime que le fait de faire des recherches pour trouver un avocat pour l’aider à récupérer son emploi appuie le fait qu’il aurait pu faire certains efforts pour se renseigner sur les prestations d’assurance-emploi. Je juge que c’est d’autant plus vrai que l’appelant avait été informé de demander des prestations d’assurance-emploi lorsque sa PCU a pris fin.

[33] En ce qui concerne sa dépression, je ne retiens pas de la preuve de l’appelant que c’était quelque chose qui avait un effet débilitant immédiat sur lui. En effet, l’appelant a déclaré qu’il s’était concentré sur la poursuite de son employeur en novembre et en décembre 2022.

[34] Je reconnais que la dépression de l’appelant a progressé au point où il allait se coucher tôt et dormait tard, selon son témoignage. Cependant, cela ne semble pas avoir empêché l’appelant de faire les recherches qu’il a faites. Par conséquent, je ne considère pas que sa dépression soit une circonstance exceptionnelle qui excuse l’appelant de faire des recherches semblables pour savoir ce qu’il devait faire pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[35] Compte tenu de ce qui précède, je juge que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi pendant toute la période écoulée.

[36] Je n’ai pas besoin de vérifier si l’appelant remplissait les conditions requises à la date antérieure pour recevoir des prestations. Si l’appelant n’a pas de motif valable, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Heures d’emploi assurable

Comment remplir les conditions requises pour recevoir des prestations

[37] Les personnes qui cessent de travailler ne peuvent pas toutes recevoir des prestations d’assurance-emploi. Une personne doit prouver qu’elle est admissible aux prestations Note de bas de page 8. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est admissible aux prestations.

[38] Pour être admissible, une personne doit avoir travaillé assez d’heures au cours d’une certaine période. Cette période s’appelle la « période de référence » Note de bas de page 9. Le nombre d’heures dépend du taux de chômage dans la région où la personne habiteNote de bas de page 10.

Période de référence de l’appelant

[39] Comme je l’ai mentionné plus haut, les heures prises en compte sont celles que l’appelant a travaillées pendant sa période de référence. En général, la période de référence est la période de 52 semaines précédant le début de la période de prestations.

[40] La période de prestations n’est pas la même chose que la période de référence. Il s’agit d’une période différente. La période de prestations est la période pendant laquelle une personne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[41] La Commission a décidé que la période de référence de l’appelant était les 52 semaines habituelles. Elle a établi que la période de référence de l’appelant s’étendait du 9 janvier 2022 au 7 janvier 2023.

[42] L’appelant convient que sa période de référence est les 52 semaines habituelles. Cependant, il n’est pas d’accord avec la Commission sur les dates. Il dit que sa période de référence devrait être différente selon sa demande d’antidatation de sa demande de prestations.

[43] Comme j’ai conclu que la demande de prestations de l’appelant ne peut pas être antidatée au 13 novembre 2022, je juge que sa période de référence est la période de 52 semaines du 9 janvier 2022 au 7 janvier 2023.

Les heures de travail de l’appelant

[44] La Commission a décidé que l’appelant avait travaillé 648 heures au cours de sa période de référence. L’appelant a contesté cette affirmation, affirmant qu’il aurait assez d’heures si sa demande de prestations était traitée comme si elle avait été présentée le 13 novembre 2022.

[45] L’employeur de l’appelant a produit un relevé d’emploi qui montre qu’il a accumulé 787 heures d’emploi assurable jusqu’au 15 novembre 2022, mais certaines de ces heures ne font pas partie de la période de référence de l’appelant. En effet, les heures déclarées sur le relevé d’emploi proviennent des 27 dernières périodes de paie bimensuelles durant lesquelles l’appelant a travaillé pour l’employeur.

[46] Je n’ai aucun élément de preuve pour contester la preuve de la Commission selon laquelle l’appelant a travaillé 648 heures au cours de sa période de référence. J’accepte donc ce fait.

L’appelant a-t-il travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi?

[47] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il a accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations parce qu’il a besoin de 700 heures, mais qu’il en a seulement accumulé 648. Encore une fois, c’est parce que j’ai conclu que sa demande de prestations ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée le 13 novembre 2022.

Conclusion

[48] L’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période écoulée.

[49] L’appelant n’a pas accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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