Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1477

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (570464) datée du 15 février 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Greg Skelly
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 24 juillet 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 31 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-23-640

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec l’appelant. Cependant, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a reconnu que les prestations de l’appelant auraient dû commencer une semaine plus tôt, et je suis d’accord avec elle.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande initiale de prestations. Un motif valable est une raison acceptable selon la loi pour expliquer le retard. Par conséquent, sa demande initiale ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi le 6 octobre 2022. Il veut maintenant que la demande initiale soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 19 juin 2022. La Commission a déjà rejeté cette demande.

[4] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[5] La Commission a conclu que l’appelant n’avait pas de motif valable et a rejeté sa demande. Elle affirme que l’appelant n’a pas de motif valable parce qu’après la fin du versement de ses prestations de maladie, il aurait dû s’informer auprès de Service Canada pour savoir à quelles prestations il avait droitNote de bas page 2.

[6] De plus, la Commission affirme que l’appelant avait déjà présenté trois demandes de prestations régulières d’assurance-emploi et qu’il était au courant du processus de demandeNote de bas page 3. La Commission soutient aussi que l’appelant n’a pas agi comme une « personne raisonnable » l’aurait fait dans sa situation en s’informant sur ses droits et ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[7] L’appelant n’est pas d’accord. Il soutient qu’il ne savait pas qu’il pouvait passer des prestations de maladie aux prestations régulières et que le site Web de Service Canada ne l’expliquait pas. Il a ajouté que son employeur n’avait pas remplacé le congé de maladie par un licenciement sur son relevé d’emploiNote de bas page 4.

Question en litige

[8] La demande initiale de prestations de l’appelant peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 19 juin 2022? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande initiale.

Analyse

[9] Pour que sa demande initiale de prestations soit antidatée, une personne doit prouver les deux choses suivantesNote de bas page 5 :

  1. a) elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée (autrement dit, elle avait une explication acceptable selon la loi);
  2. b) à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée), elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.

[10] Les arguments principaux dans cette affaire servent à décider si l’appelant avait un motif valable. C’est donc par cela que je commencerai.

[11] Pour démontrer qu’il avait un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas page 6. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.

[12] L’appelant doit le prouver pour toute la période du retardNote de bas page 7. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande initiale soit antidatée au jour où il a présenté cette demande. Par conséquent, la période de retard de l’appelant est du 19 juin 2022 au 6 octobre 2022.

[13] L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas page 8. Cela veut dire que l’appelant doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer sur ses droits et ses responsabilités dès que possible. Si l’appelant ne l’a pas fait, il doit alors démontrer les circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéNote de bas page 9.

[14] L’appelant doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[15] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il ne savait pas qu’il pouvait passer des prestations de maladie aux prestations régulières et que le site Web de Service Canada ne l’expliquait pas. De plus, son employeur n’avait pas remplacé le congé de maladie par un licenciement sur son relevé d’emploiNote de bas page 10.

[16] L’appelant a reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi jusqu’au 5 mars 2022Note de bas page 11. Il a déclaré dans son témoignage qu’il était toujours malade, qu’il ne s’était pas rétabli avant la fin de mai 2022 et qu’il n’avait pas reçu l’autorisation médicale par écrit de retourner au travail avant le 19 juin 2022.

[17] Après avoir obtenu l’autorisation médicale, l’appelant a essayé de reprendre son emploi le 19 juin 2022, mais il a découvert que son poste n’était plus disponible et qu’il avait été licenciéNote de bas page 12.

[18] À l’audience, l’appelant m’a dit qu’il a tenté à plusieurs reprises de confirmer sa situation d’emploi auprès de son employeur et que ce n’est qu’au cours du mois d’août 2022 qu’on lui a dit que ses tâches avaient été confiées à d’autres membres du personnel et qu’il n’était pas nécessaire qu’il retourne au travail.

[19] L’appelant a dit à la Commission qu’il savait qu’il ne pouvait présenter qu’un seul type de demande à la fois et qu’il pensait qu’il en était ainsi pour toute la durée de la demande. L’appelant a aussi dit à la Commission qu’il n’en avait pas parlé à Service Canada jusqu’à ce qu’une personne de son entourage l’informe de la possibilité de changer de prestationsNote de bas page 13.

[20] Toutefois, l’appelant a confirmé dans son témoignage que le versement de ses 15 semaines de prestations de maladie avait pris fin le 15 mars 2022 et qu’il savait qu’il allait devoir présenter une nouvelle demande de prestations régulières.

[21] L’appelant affirme que son relevé d’emploi n’a pas été modifié pour refléter son licenciement. À l’audience, il a dit qu’il n’avait pas communiqué avec son employeur ni Service Canada à ce sujet jusqu’à ce qu’il demande des prestations régulières d’assurance-emploi en octobre 2022Note de bas page 14.

[22] L’appelant affirme que le site Web de Service Canada ne fournit aucune information sur le changement de prestations. Il a donc supposé qu’il ne pouvait pas le faireNote de bas page 15.

[23] L’appelant affirme qu’il n’a pas vérifié auprès de Service Canada s’il pouvait passer des prestations de maladie aux prestations régulièresNote de bas page 16.

[24] À l’audience, l’appelant a dit qu’il ne recevait plus aucune prestation de maladie lorsqu’il a été licencié le 19 juin 2022.

[25] L’appelant a déclaré dans son témoignage qu’il n’y avait eu aucune circonstance exceptionnelle pendant la période du retard.

[26] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables. Elle affirme qu’il n’aurait pas dû présumer qu’il recevait seulement des prestations de maladie et que rien ne l’empêchait de demander des prestations régulières à la date antérieureNote de bas page 17.

[27] La Commission affirme qu’une personne raisonnable dans une situation semblable s’acquitterait de ses droits et obligations au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi, et que l’appelant n’a pas agi de façon raisonnableNote de bas page 18.

[28] La Commission affirme aussi que l’appelant avait déjà présenté trois demandes de prestations régulières et qu’il savait que des prestations régulières pouvaient lui être verséesNote de bas page 19.

[29] La Commission soutient que l’appelant ne peut pas appliquer les renseignements généraux affichés sur le site Web à sa situation particulière et qu’il aurait dû communiquer avec Service Canada pour savoir à quelles prestations il avait droitNote de bas page 20.

[30] La Commission ajoute que l’appelant aurait pu consulter d’autres sites Web pour obtenir des renseignements sur le changement de prestations, puis vérifier auprès de Service CanadaNote de bas page 21. Selon la Commission, l’ignorance de la loi ne constitue pas une défenseNote de bas page 22.

[31] J’estime que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations parce qu’une personne raisonnable et prudente aurait communiqué avec Service Canada pour confirmer les prestations auxquelles il avait droit.

[32] Selon la Cour d’appel fédérale, on s’attend à ce qu’une personne raisonnable vérifie assez rapidement si elle a droit à des prestations. L’ignorance de la loi et la bonne foi ne constituent pas des motifs valablesNote de bas page 23.

[33] J’estime que l’appelant n’a pas vérifié assez rapidement ses droits et ses obligations au titre de la loi, car il n’a fait aucun effort pour communiquer avec la Commission pendant la période du 19 juin 2022 au 6 octobre 2022.

[34] Selon moi, il ne suffit pas de consulter le site Web de Service Canada, car on ne peut pas s’attendre à ce que l’information affichée s’applique à toutes les situations, quelles que soient les circonstances. Les tribunaux précisent que ce n’est pas seulement en consultant le site Web de Service Canada qu’une personne raisonnable s’informe sur ses droitsNote de bas page 24.

[35] J’estime qu’une personne raisonnable et prudente qui avait déjà de l’expérience avec l’assurance-emploi ne ferait pas de suppositions sur l’admissibilité aux prestations, mais s’informerait directement auprès de Service Canada pour savoir si elle avait droit à des prestations.

[36] Selon moi, le fait que l’employeur de l’appelant n’ait pas établi un nouveau relevé d’emploi n’est pas un motif valable justifiant le retard de l’appelant. L’appelant a confirmé dans son témoignage qu’il n’avait entrepris aucune démarche pour faire modifier le relevé d’emploi, que ce soit auprès de son employeur ou de Service Canada, jusqu’à ce que son employeur ait indiqué, quelques mois plus tard, qu’il n’avait pas besoin qu’il reprenne le travail.

[37] Les tribunaux précisent que l’attente d’un relevé d’emploi modifié n’est pas un motif valable pour retarder la présentation d’une demande de prestationsNote de bas page 25.

[38] J’estime donc que l’appelant n’avait pas de motif valable justifiant son retard à demander des prestations parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans sa situation; il n’a pas vérifié assez rapidement ses droits et ses obligations au titre de la loi. Il a plutôt fait des suppositions sans chercher à savoir à quelles prestations il avait droit.

[39] J’estime aussi qu’il n’y a aucune circonstance exceptionnelle qui l’empêcherait de vérifier assez rapidement ses droits et ses obligations au titre de la loi.

[40] Je n’ai pas besoin d’examiner si l’appelant remplissait les conditions requises, à la date antérieure, pour recevoir des prestations. S’il n’a pas de motif valable, sa demande initiale ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[41] L’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande initiale de prestations pendant toute la période écoulée.

[42] Toutefois, comme je l’ai déjà mentionné, en raison d’une erreur dans l’application de la politique d’antidatation, la demande de prestations régulières aurait dû être renouvelée à compter du 25 septembre 2022.

[43] La Commission est donc tenue de verser à l’appelant une semaine supplémentaire de prestations pour la semaine du 25 septembre 2022.

[44] L’appel est rejeté.

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