Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 720

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (562230) datée du 3 janvier 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Suzanne Graves
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 avril 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 9 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-239

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler du 30 janvier 2022 au 30 avril 2022. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour cette période.

[3] L’appelante n’a pas démontré pas qu’elle était disponible pour travailler après le 30 avril 2022. Elle ne peut donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi à partir du 1er mai 2022.

Aperçu

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a jugé que l’appelante ne pouvait pas recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 30 janvier 2022 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Une partie prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi. La disponibilité est une exigence continue. La partie prestataire doit donc continuer à chercher un emploi.

[5] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. L’appelante doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[6] La Commission soutient que l’appelante n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle accordait la priorité à ses obligations familiales et qu’elle ne cherchait qu’un emploi à temps partiel.

[7] L’appelante n’est pas d’accord et affirme qu’elle n’a jamais dit à la Commission qu’elle n’était pas prête, disposée et apte à travailler. Elle soutient qu’elle a toujours été disponible pour travailler à temps plein ou à temps partiel selon un horaire flexible.

Question que je dois examiner en premier

J’accepte les documents déposés après l’audience

[8] L’appelante a envoyé après l’audience des documents liés à ses activités de recherche d’emploi. Je les ai acceptés parce qu’ils sont pertinents à la question soulevée dans cet appel. J’ai envoyé les documents à la Commission et lui ai donné du temps pour y répondre. La Commission a présenté des arguments en réponse.

Question en litige

[9] L’appelante était-elle disponible pour travailler à compter du 30 janvier 2022?

Analyse

[10] Il y a deux articles de loi qui exigent qu’une partie prestataire démontre sa disponibilité pour travailler. La Commission a estimé que l’appelante était inadmissible selon les deux articles.

[11] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi prévoit des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas page 2 ».

[12] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas page 3. Selon la jurisprudence, il y a trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas page 4. Je vais examiner ces éléments ci-dessous.

[13] La Commission a jugé que l’appelante ne pouvait pas recevoir de prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi. Elle affirme que l’appelante n’était pas disponible pour travailler à temps plein en raison de ses obligations familiales.

[14] Rien ne prouve que la Commission ait demandé à l’appelante plus de détails sur ses démarches de recherche d’emploi ou qu’elle lui ait donné la chance d’élargir sa recherche d’emploi avant de la déclarer inadmissible au bénéfice des prestations. Je ne rendrai donc aucune décision sur l’inadmissibilité de l’appelante au titre de l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi pour ne pas avoir fait de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploiNote de bas page 5.

[15] Je vais maintenant examiner moi-même la loi pour déterminer si l’appelante était disponible pour travailler.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[16] La jurisprudence établit trois éléments que je dois prendre en compte pour décider si l’appelante était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois choses suivantesNote de bas page 6 :

  1. a) qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable serait offert;
  2. b) qu’elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment (c’est-à-dire trop) ses chances de retourner travailler.

[17] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas page 7.

Désir de retourner travailler

[18] L’appelante a déclaré qu’elle voulait travailler. Elle a témoigné de façon sincère et franche et a montré qu’elle avait présenté des demandes d’emploi. J’estime qu’elle a démontré qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[19] Pour tirer une décision sur ce deuxième élément, j’ai examiné la liste des neuf activités de recherche d’emploi énoncées dans le Règlement sur l’assurance‑emploi. Cette liste me sert seulement de référence. Voici quelques exemples de ces activitésNote de bas page 8 :

  • rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement;
  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • postuler à des emploisNote de bas page 9.

[20] L’appelante a déclaré qu’après avoir quitté son emploi, elle a rédigé un curriculum vitae et des lettres de présentation. Elle s’est inscrite pour recevoir des alertes quotidiennes sur le site des emplois du gouvernement et a régulièrement consulté les offres d’emploi disponibles pour évaluer les possibilités d’emploi qui s’offraient à elle. Elle a fait des recherches en ligne pour trouver un emploi à temps partiel ou à temps plein et a postulé pour des emplois convenables dans les domaines de la vente, du marketing et du design.

[21] Après l’audience, j’ai accordé à l’appelante du temps pour fournir tout document pertinent concernant ses activités de recherche d’emploi. Les documents qu’elle a fournis après l’audienceNote de bas page 10 montrent ce qui suit :

  • elle s’est inscrite au site Web Guichet-Emplois du gouvernement du Canada et pour recevoir des alertes d’emploi sur LinkedIn;
  • elle a reçu des alertes d’emploi en février, en mars et en août 2022, ainsi que d’autres alertes non datées pour des emplois dans les domaines de la publicité, du marketing et des relations publiques;
  • elle a postulé pour un poste de conseillère virtuelle en voyage en février 2022;
  • elle a postulé pour un poste de gestionnaire de marché en mars 2022;
  • elle a postulé pour un poste à temps partiel de spécialiste de vente de réservations en avril 2022;
  • elle a postulé pour un poste de recruteuse de créateurs et créatrices de contenu (non daté).

[22] J’ai tenu compte du témoignage de l’appelante et examiné le registre de ses activités de recherche d’emploi. J’accepte son témoignage sous serment selon lequel, après avoir quitté son emploi, elle a pris le temps de préparer un curriculum vitae et des lettres de présentation, et a régulièrement examiné et évalué des offres d’emploi convenables à l’aide d’outils de recherche d’emploi en ligne. Elle a également montré qu’elle a postulé à des emplois entre février et avril 2022. J’estime que l’appelante a démontré qu’elle a fait suffisamment d’efforts pour répondre à ce deuxième élément entre le 30 janvier 2022 et le 30 avril 2022.

[23] L’appelante n’a pas démontré qu’elle a fait des efforts pour se trouver du travail après avril 2022. Elle affirme ne pas être en mesure de retracer la plupart de ses activités de recherche d’emploi parce qu’elles ont été supprimées au bout d’un an. Je note toutefois que la demande de prestations d’assurance-emploi qu’elle a remplie le 9 février 2022 énonce des attentes en matière d’activités de recherche d’emploi et conseille aux parties prestataires de conserver pendant six ans un registre des démarches qu’elles ont faites pour trouver un emploi convenableNote de bas page 11.

[24] Comme je l’ai mentionné plus haut, l’appelante n’a pas à prouver qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. Elle doit cependant démontrer que ses démarches de recherche d’emploi étaient continues. Elle doit prouver qu’elle a continué à chercher activement du travail.

[25] L’appelante a démontré qu’elle a fait des efforts suffisants pour répondre à ce deuxième élément du 30 janvier 2022 au 30 avril 2022, mais pas après le 30 avril 2022, de sorte qu’elle ne répond pas celui-ci à compter du 1er mai 2022.

Conditions personnelles

[26] La Commission fait valoir que l’appelante a établi des conditions personnelles à sa recherche d’emploi parce qu’elle devait s’occuper de ses enfants pendant les heures normales de travail. Elle dit qu’une partie prestataire qui limite sa disponibilité à des heures irrégulières en raison du manque de services de garde n’a pas prouvé sa disponibilité au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi. L’appelante a quitté son emploi précédent pour s’occuper de ses enfants, de sorte que la Commission juge qu’elle a priorisé ses obligations familiales plutôt que sa disponibilité pour travaillerNote de bas page 12.

[27] La Commission a déposé une copie de la demande de prestations de l’appelante ainsi que ses notes sur les trois discussions que son personnel a eues avec elle en février, en mai et en décembre 2022Note de bas page 13. L’appelante a dit aux agentes et agents qu’elle avait des obligations familiales et qu’elle cherchait donc un emploi à temps partiel l’après-midi et le soir, lorsque son conjoint était à la maison pour s’occuper des enfants. Elle a aussi dit qu’elle était inscrite sur plusieurs listes d’attente de services de garde.

[28] L’appelante affirme n’avoir imposé aucune condition personnelle à sa recherche d’emploi. Elle a déclaré que de janvier à octobre 2022, elle n’avait pas de service de garde et qu’elle devait donc trouver du travail ayant un horaire flexible. À partir de novembre 2022, un membre de sa famille était disponible pour l’aider en gardant ses enfants.

[29] L’appelante soutient que la Commission n’a pas correctement consigné les déclarations qu’elle a faites à son personnel. Elle affirme qu’elle a toujours été prête, disposée et capable de travailler à temps plein ou à temps partiel, à condition que l’horaire de travail soit suffisamment flexible pour qu’elle puisse le concilier avec ses obligations familiales. Elle reconnaît avoir quitté son poste précédent parce qu’il entrait en conflit avec ses obligations familiales, mais elle a déclaré que l’horaire d’emploi n’était pas du tout flexible. Elle a affirmé qu’elle avait déjà occupé pendant plusieurs années un poste de gestionnaire de bureau à temps plein avec un horaire flexible.

[30] J’ai tenu compte d’une décision récente de la division d’appel du Tribunal intitulée SA c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas page 14. Dans cette décision, la division d’appel a déclaré qu’une partie prestataire est seulement tenue de chercher un emploi convenable et que si un certain emploi exige des heures incompatibles avec ses obligations familiales ou ses croyances religieuses, celui-ci n’est pas convenable selon la loiNote de bas page 15.

[31] Une restriction des heures de disponibilité pour travailler due à des obligations familiales n’est pas toujours une condition personnelle. La division d’appel a conclu dans la décision SA que le fait de ne pas examiner si une restriction des heures de travail est due à des obligations familiales au sens de l’article 9.002(1)(b) du Règlement sur l’assurance-emploi constitue une erreur de droit.

[32] La disponibilité d’une personne est une question de fait qu’il faut trancher en tenant compte de toutes les circonstances, y compris, par exemple, ses antécédents de travail et la question de savoir si elle s’efforçait activement de trouver un service de garde.

[33] Dans la décision SA, la prestataire a limité ses heures de travail à l’extérieur de la maison pendant environ six mois. Cependant, la division d’appel a tenu compte du fait que la prestataire a fait des efforts continus pour trouver un service de garde et qu’elle était disponible pour travailler à distance. Elle a conclu qu’un emploi à distance en dehors de ces heures n’était pas convenable pour la prestataire en raison de ses obligations familiales.

[34] Bien que l’article 9.002(1)(b) de la Loi sur l’assurance-emploi [sic] offre une certaine flexibilité quant aux heures ou aux horaires de travail pendant lesquelles les parties prestataires peuvent être disponibles pour travailler, la division d’appel a confirmé qu’en fin de compte, elles doivent quand même prouver leur disponibilité pour travailler pour chaque jour ouvrableNote de bas page 16.

[35] L’appelante ne pouvait pas travailler à l’extérieur de la maison pendant toutes les heures normales de travail en raison de ses responsabilités familiales jusqu’en novembre 2022. Cependant, elle a déclaré qu’elle avait déjà travaillé à temps plein selon un horaire flexible et qu’elle était disponible pour accepter un travail similaire. Elle a également travaillé à distance pour un ancien employeur.

[36] J’accepte le témoignage de l’appelante, appuyé par ses déclarations précédentes à la Commission, selon lequel elle cherchait activement des options de services de garde. Elle a démontré qu’elle était disponible pour exercer un emploi à distance flexible et qu’elle a déjà occupé dans le passé un emploi à temps plein ayant un horaire flexible.

[37] Compte tenu de toutes les circonstances de l’appelante, je conclus qu’elle n’a pas imposé de conditions personnelles à sa recherche d’emploi qui limitaient indûment ses chances de retourner travailler.

L’appelante était-elle donc capable de travailler et disponible à cette fin?

[38] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je juge que l’appelante a démontré selon la prépondérance des probabilités qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable du 30 janvier 2022 au 30 avril 2022.

[39] L’appelante n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler à partir du 1er mai 2022 parce qu’elle n’a pas démontré qu’elle a continué à chercher du travail.

Conclusion

[40] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi du 30 janvier 2022 au 30 avril 2022. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations pour cette période.

[41] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler après le 30 avril 2022. Pour cette raison, je conclus qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi à compter du 1er mai 2022.

[42] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.

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