Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : FG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1832

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : F. G.
Représentante ou représentant : P. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décisions de révision rendues par la Commission de l’assurance-emploi du Canada les 3 et 4 février 2022 (communiquées par Service Canada)

Membre du Tribunal : Suzanne Graves
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 9 novembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 5 décembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-107

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] L’appel de l’appelante est accueilli sur la question du congé volontaire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que l’appelante avait pris volontairement un congé. Elle n’est donc pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi sur ce fondement.

[3] Le Tribunal de la sécurité sociale a également le pouvoir de décider si l’appelante avait été disponible pour travailler.

[4] Son appel est cependant rejeté sur la question de la disponibilité. Elle est donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler.

Aperçu

[5] Le 27 mai 2022, la division générale du Tribunal a décidé que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle avait pris volontairement un congé sans justification.

[6] L’appelante a porté en appel la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal. Son appel a été accueilli et, en date du 22 décembre 2022, la division d’appel a renvoyé son dossier à la division générale pour qu’elle réexamine la question du congé volontaire.

[7]  Le 9 novembre 2023, j’ai tenu une audience en personne sur l’appel. À l’audience, l’appelante a soutenu qu’elle faisait appel de toutes les raisons pour lesquelles des prestations lui avaient été refusées.

[8] J’ai donc examiné deux décisions de révision de la Commission. D’abord, la Commission a décidé que l’appelante avait pris congé sans justification. Ensuite, elle a décidé que l’appelante n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler du 11 octobre 2021 au 13 décembre 2021.

Congé volontaire

[9] L’appelante travaillait comme préposée aux services de soutien à la personne. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi le 4 octobre 2021. La Commission a examiné les raisons pour lesquelles l’appelante avait pris un congé, et décidé qu’elle avait pris volontairement congé sans justification. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Je dois décider si l’appelante a effectivement pris volontairement congé et, dans l’affirmative, décider si elle a prouvé que son congé était la seule solution raisonnable dans son cas.

[10] L’appelante fait valoir qu’elle n’a pas pris volontairement congé. Elle dit avoir demandé un relevé d’emploi à son employeur, et qu’il l’avait mise en congé à son insu. Elle dit lui avoir demandé son relevé d’emploi parce que ses heures avaient diminué depuis plusieurs semaines et qu’elle attendait que son employeur lui confie plus des quarts de travail.

[11] Selon la Commission, l’employeur avait dit à un agent qu’il ne manquait pas du tout de travail et qu’il revenait à l’appelante d’accepter des quarts de travail. Elle fait donc valoir que l’appelante aurait pu continuer à travailler au lieu de prendre un congé.

Disponibilité pour travailler

[12] La Commission a déclaré l’appelante inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi du 11 octobre 2021 au 13 décembre 2021 au motif qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Une personne prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Autrement dit, la personne doit chercher activement un emploi.

[13] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Cette preuve doit être faite selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, l’appelante doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[14] La Commission affirme que l’appelante n’était pas disponible pour travailler, car elle n’avait pas fait de recherche d’emploi et se rendait seulement disponible pour travailler à temps partiel pour son employeur actuel.

[15] L’appelante soutient qu’elle a toujours été disponible pour travailler et qu’elle attendait que son employeur lui offre des quarts de travail.

Questions que je dois examiner en premier

J’accepte les documents envoyés après l’audience

[16] Après l’audience, j’ai demandé à la Commission de présenter ses arguments sur les questions de savoir si le Tribunal avait compétence pour se prononcer sur la question de la disponibilité, et si l’appelante avait prouvé sa disponibilité. La Commission a envoyé ses observations et sa preuve relativement à la disponibilité. J’ai transmis ces nouveaux documents à l’appelante. Elle avait jusqu’au 1er décembre 2023 pour y répondre, mais n’a soumis aucun argument en guise de réponse.

Présence d’un interprète durant toute l’audience

[17] Un interprète était présent à l’audience en personne. L’appelante a dit qu’il y avait eu un malentendu quant au fait qu’elle aurait besoin d’un interprète. Elle dit ne pas avoir besoin de services d’interprétation, comme elle parle suffisamment bien l’anglais pour comprendre l’audience et répondre aux questions.

[18] J’ai demandé à l’interprète de rester à l’audience pour s’assurer que l’appelante puisse pleinement comprendre la procédure et y participer et témoigner dans la langue de son choix. L’interprète a donc parfois interprété l’audience et clarifié des questions posées à l’appelante quand celle-ci le lui demandait.

Questions en litige

[19] L’appelante est-elle inadmissible au bénéfice des prestations pour avoir pris volontairement un congé sans justification? Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter de la question du départ volontaire. Si je conclus qu’elle a pris volontairement un congé, je devrai décider si elle a été fondée à le faire.

[20] L’appelante a-t-elle démontré qu’elle était disponible pour travailler?

Analyse

L’appelante a-t-elle pris volontairement congé?

[21] Je conclus que l’appelante n’a pas pris volontairement congé.

[22] Selon la loi, une personne n’est pas admissible au bénéfice des prestations si elle prend volontairement congé sans justification. Il incombe à la Commission de prouver que l’appelante a volontairement demandé un congé.

[23] La Commission affirme que l’appelante a pris volontairement congé. Son relevé d’emploi indique qu’elle a pris congé. Son employeur a dit à la Commission qu’elle avait pris un congé parce qu’elle ne voulait pas accepter les quarts de travail qu’il lui offrait. Il y avait du travail, mais l’appelante aurait refusé des quarts.

[24] L’appelante a déclaré que deux à trois heures de travail lui auraient été retirées chaque semaine. Elle avait demandé son relevé d’emploi à son employeur afin de demander des prestations d’assurance-emploi. Son employeur avait émis le relevé d’emploi, puis avait immédiatement mis l'appelante en congé. L'appelante ignorait pourquoi on l’avait mise en congé et attendait que son employeur lui assigne du travail.

[25] L’appelante a témoigné de façon franche avec l’aide d’un interprète au besoin. Son témoignage concorde avec le relevé, qui montre la diminution de sa rémunération sur plusieurs périodes de paies jusqu’au 4 octobre 2021Footnote 1. Son témoignage concorde aussi avec les premières déclarations qu’elle a faites à la CommissionFootnote 2.

[26] L’appelante, sans nier que l’employeur pouvait avoir des quarts de travail à offrir, affirme qu’il ne lui donnait que très peu d’heures de travail chaque semaine. J’ai accordé plus d’importance au témoignage de l’appelante. Je conclus qu’elle avait demandé son relevé d’emploi à son employeur parce que ses heures de travail avaient diminué. Son employeur, en guise de réponse, avait émis le relevé et l’avait mise en congé.

[27] La preuve de la Commission ne suffit pas à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante avait pris volontairement un congé.

[28] Je conclus donc que l’appelante n’a pas volontairement demandé un congé. Comme j’ai conclu que l’appelante n’a pas pris volontairement un congé, je n’ai pas à vérifier si elle avait été fondée à prendre congé.

Disponibilité pour travailler

[29] À l’audience, l’appelante a soutenu qu’elle faisait appel des deux raisons pour lesquelles on lui avait refusé des prestations, y compris sa disponibilité pour travailler. Ni la division générale ni la division d’appel n’ont traité de sa disponibilité dans leurs décisions dans ce dossier.

[30] Je dois d’abord vérifier si j’ai le pouvoir de me prononcer sur la question de la disponibilité de l’appelante.

[31] J’ai demandé à la Commission de présenter des arguments sur la question de savoir si le Tribunal avait la compétence nécessaire pour examiner la question de la disponibilité pour travaillerFootnote 3. La Commission n’a pas contesté que le Tribunal a le pouvoir de décider si l’appelante avait été disponible pour travailler. La Commission a fait parvenir une copie de son dossier de révision, y compris sa décision du 3 février 2022 et ses observations sur la question de la disponibilitéFootnote 4.

[32] Dans sa demande de révision, l’appelante a avancé qu’elle cherchait du travail. Dans son avis d’appel, elle déclare aussi qu’elle cherchait du travail.

[33] Je juge donc que j’ai la compétence nécessaire pour décider si l’appelante était disponible pour travailler.

L’appelante a-t-elle prouvé qu’elle était disponible pour travailler?

[34] La loi oblige les prestataires de l’assurance-emploi à montrer leur disponibilité pour travaillerFootnote 5. La disponibilité est une exigence continue. Les prestataires doivent donc demeurer à la recherche d’un emploi.

[35] La Commission fait valoir que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait été disponible pour travailler du 11 octobre 2021 au 13 décembre 2021. Je dois chercher à savoir si l’appelante était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableFootnote 6. La jurisprudence établit trois facteurs dont je dois tenir compte pour rendre ma décision.

[36] L’appelante doit prouver, à la fois, qu’elle Footnote 7 :

  1. voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert;
  2. a fait des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner travailler.

[37] Je dois tenir compte de l’attitude et de la conduite de l’appelante lorsque j’examine chacun de ces facteursFootnote 8.

Désir de travailler

[38] L’appelante a déclaré qu’elle aimait beaucoup son emploi et qu’elle voulait vraiment travailler. Elle a témoigné de façon directe et avec l’aide d’un interprète. J’estime qu’elle avait le désir de retourner au travail.

Recherche d’emploi

[39] J’ai tenu compte des neuf activités de recherche d’emploi énoncées dans le Règlement sur l’assurance-emploi pour prendre ma décision sur ce deuxième facteur. Ces activités incluent notammentFootnote 9 :

  • l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement;
  • le réseautage;
  • la présentation de demandes d’emploiFootnote 10.

[40] La Commission prétend que l’appelante voulait seulement reprendre son emploi actuel et ne faisait pas de démarches pour trouver un nouvel emploi.

[41] L’appelante soutient qu’elle a toujours été disponible pour travailler. Elle a déclaré qu’elle suivait les procédures de l’employeur et que c’est lui qui était responsable de l’aviser quand des quarts de travail devenaient disponibles.

[42] Elle dit qu’elle était disponible tous les jours pour travailler pour son employeur, mis à part les quelques fois où elle avait eu des symptômes de la COVID-19, ce qui l’empêchait alors de prendre des quarts de travail. Elle affirme avoir téléphoné à son employeur plusieurs fois pour lui demander du travail. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas cherché un autre emploi parce qu’elle ignorait avoir été mise en congé.

[43] J’ai donné à l’appelante l’occasion d’envoyer après l’audience des notes médicales ou des dossiers montrant ses recherches d’emploi. L’appelante a déclaré qu’elle ne souhaitait pas envoyer de nouveaux documents au Tribunal.

[44] J’accepte la preuve de l’appelante selon laquelle elle n’avait pas su tout de suite que son employeur l’avait mise en congé. Cependant, elle a déclaré n’avoir été avisée d’aucun quart de travail disponible pendant cette période. J’ai déjà constaté que ses heures de travail avaient été considérablement réduites au cours des semaines précédentes. Elle était donc au courant du fait que sa rémunération avait été interrompue.

[45] Comme je l’ai mentionné plus haut, pour prouver sa disponibilité à travailler, une personne doit démontrer qu’elle cherche continuellement et activement un emploi. Malheureusement, l’appelante n’a fourni aucune preuve montrant qu’elle aurait fait des démarches pour trouver un emploi entre le 11 octobre 2021 et le 13 décembre 2021. Elle attendait seulement que son employeur lui offre des quarts de travail convenables.

[46] Je conclus donc que l’appelante n’a pas répondu à ce deuxième facteur, comme elle n’a pas démontré qu’elle avait fait des efforts pour trouver un nouvel emploi.

Conditions personnelles

[47] La Commission fait valoir que l’appelante avait des conditions personnelles dans sa recherche d’emploi puisqu’elle cherchait seulement un emploi à temps partiel. La Loi sur l’assurance-emploi n’exige pas que les prestataires cherchent un emploi à temps plein.

[48] L’appelante affirme qu’elle était disponible pour son employeur pour faire tout type de travail de préposée aux services de soutien à la personne, sous réserve de certaines restrictions relatives au poids des patients à soulever, vu son âge. Elle était également prête à accepter du travail de bureau et avait déjà aidé son employeur dans le passé à faire des tâches administratives. Elle a dit qu’elle attendait simplement que son employeur lui donne du travail.

[49] J’estime que l’appelante avait des conditions personnelles limitant son travail puisqu’elle restreignait sa recherche d’emploi à son employeur actuel.

L’appelante était-elle capable de travailler, disponible pour travailler et incapable de trouver un emploi convenable?

[50] Compte tenu de mes conclusions pour chacun des trois facteurs, je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait été capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. En effet, elle n’a pas démontré qu’elle cherchait activement un nouvel emploi et elle limitait ses recherches à son employeur actuel.

[51] Pour cette raison, l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations du 11 octobre 2021 au 13 décembre 2021.

Conclusion

[52] La Commission n’a pas prouvé que l’appelante avait pris volontairement un congé. Par conséquent, l’appelante n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations pour avoir pris volontairement un congé.

[53] L’appelante n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle est donc inadmissible au bénéfice des prestations pour cette raison du 11 octobre 2021 au 13 décembre 2021.

[54] L’appel est accueilli en partie.

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