Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant a quitté son emploi le 20 août 2022 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a examiné les raisons de l’appelant pour quitter son emploi. Elle a conclu que ce dernier avait quitté volontairement son emploi sans justification prévue par la loi. La Commission a maintenu sa décision après révision.

L’appelant a fait appel de la décision de la Commission à la division générale. La division générale a déterminé que l’appelant avait quitté volontairement son emploi et qu’il n’était pas fondé à quitter. Elle a conclu que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. L’appelant a fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel.

La division d’appel a conclu que la division générale a rendu sa décision sa tenir compte des éléments portés à sa connaissance et qu’elle a erré en droit dans son interprétation de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi. La division d’appel a conclu que la preuve prépondérante démontre que l’appelant a quitté son emploi compte tenu des pratiques de l’employeur contraire au droit et parce que ses conditions de travail étaient dangereuses pour sa sécurité. Elle était d’avis qu’il était déraisonnable pour la division générale d’exiger que le prestataire contacte le CNESST ou un avocat au sujet de ses conditions de travail avant de quitter puisque la preuve démontre clairement que l’employeur exploitait son entreprise en ne tenant aucunement compte de l’ensemble des problèmes soulevés à répétition par l’appelant et en ignorant délibérément les exigences de la loi en matière de sécurité routière. La division d’appel a accueilli l’appel et a rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

Un prestataire ne doit pas démontrer qu’il n’existait aucune autre solution que de quitter son emploi. Son fardeau de preuve exige plutôt qu’il démontre qu’il n’existait aucune autre

solution raisonnable que de quitter en tenant compte de toutes les circonstances de son cas. En l’espèce, la division d’appel a conclu que la preuve prépondérante démontre que l’appelant n’avait pas d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi compte tenu des pratiques illégales de son employeur qui avait pour effet de mettre sa sécurité en jeu. La division d’appel a conclu que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi.

Contenu de la décision

Citation : SB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 90

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Isabelle Thiffault

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
4 juillet 2023 (GE-23-717)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 16 janvier 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 30 janvier 2024
Numéro de dossier : AD-23-749

Sur cette page

Décision

[1] L‘appel est accueilli. Le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

Aperçu

[2] L’appelant (prestataire) a quitté son emploi le 20 août 2022 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. L’intimée (Commission) a examiné les raisons du prestataire pour quitter son emploi. Elle a conclu que ce dernier a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[3] Le prestataire a demandé la révision de la décision. La Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a déterminé que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Elle a déterminé que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Elle a déterminé que le prestataire aurait pu communiquer avec la CNESST ou consulter un avocat ou médecin avant de quitter son emploi. La division générale a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi.

[5] Le prestataire a obtenu la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Il fait valoir que la division générale a ignoré les lois sur la sécurité routière et ses antécédents de dépression pour conclure qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi.

[6] Je dois décider si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et erré dans son interprétation de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur L’AE).

[7] J’accueille l’appel du prestataire.

Question en litige

[8] Est-ce que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et erré dans son interprétation de l’article 29(c) de la Loi sur l’AE ?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.Note de bas de page 1

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. 

[11] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Remarques préliminaires

[12] Il est bien établi que je dois prendre en considération que la preuve qui a été présentée à la division générale. En effet, une audience devant la division d’appel n’est pas une nouvelle opportunité de présenter sa preuve. Les pouvoirs de la division d’appel sont limités par la loi.Note de bas de page 2

Est-ce que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et erré dans son interprétation de l’article 29(c) de la Loi sur l’AE ?

[13] Le prestataire fait valoir que la division générale a ignoré les lois sur la sécurité routière et ses antécédents de dépression pour conclure qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi.

[14] Le prestataire fait valoir que son employeur mettait sa sécurité en jeu en n’effectuant pas les réparations nécessaires à son camion de livraison. Il soutient que le camion n’aurait pas dû être autorisé à circuler sur la route. Malgré un ultimatum à l’employeur, il restait encore des réparations à faire lors de son départ.

[15] La division générale devait déterminer si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a quitté.

[16] Un prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[17] La division générale a déterminé que le prestataire a quitté son emploi. La preuve démontre que l’emploi a effectivement pris fin lorsque le prestataire a cessé de se présenter au travail.

[18] Le prestataire a expliqué que son camion de 40 pieds n’était pas sécuritaire. Il a dû demander à son employeur de le réparer à plusieurs reprises. Il a finalement expédié un courriel d’ultimatum à son employeur.

[19] Le courriel, daté du 14 juillet 2022, contient une liste de demandes de réparations devant être effectuées par l’employeur. Le prestataire y inscrit que, pour sa propre sécurité, il ne fera plus de livraisons avec le véhicule si ces réparations ne sont pas effectuées.

[20] L’employeur a confirmé à la Commission que le camion a dû être réparé. Le prestataire a expliqué que le camion n’avait pas été entièrement réparé après son ultimatum, puisqu’il restait la question des pneus et des lumières de nuit du camion.

[21] La division générale a déterminé qu’il aurait été raisonnable pour le prestataire de communiquer avec la CNESST ou un avocat au sujet de ses conditions de travail. Elle a déterminé que le prestataire aurait pu obtenir un billet médical avant de quitter son emploi.

[22] Je suis d’avis que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et qu’elle a erré en droit dans son interprétation de l’article 29(c) de la Loi sur l’AE.

[23] La preuve démontre qu’après avoir reçu un ultimatum, l’employeur n’avait toujours pas réparé les lumières de nuit du camion de 40 pieds, sauf les clignotants. Il existait toujours un problème avec les pneus qui ne cessait de se dégonfler. L’employeur insistait auprès du prestataire afin qu’il conduise son camion sur la route alors qu’il n’était pas conforme aux règles élémentaires de sécurité.

[24] Cette version du prestataire n’est pas contredite puisque l’employeur n’a pas donné suite aux appels de la Commission.

[25] Le Code de la sécurité routière (CSR) prévoit que tout propriétaire ne peut laisser circuler un véhicule qui présente une défectuosité majeure.Note de bas de page 3 Le CSR prévoit également que le prestataire ne pouvait légalement conduire un véhicule lourd qui présente une défectuosité majeure.Note de bas de page 4

[26] Il est facile de conclure que les lumières d’un véhicule lourd de 40 pieds qui ne fonctionne pas la nuit constitue une défectuosité majeure et que de permettre la circulation d’un tel véhicule met en danger la sécurité du prestataire et celle d’autrui.

[27] La preuve prépondérante démontre que le prestataire a quitté son emploi compte tenu des pratiques de l’employeur contraire au droit et parce que ses conditions de travail étaient dangereuses pour sa sécurité.Note de bas de page 5

[28] Je suis d’avis qu’il était déraisonnable pour la division générale d’exiger que le prestataire contacte la CNESST ou un avocat au sujet de ses conditions de travail avant de quitter puisque la preuve démontre clairement que l'employeur exploitait son entreprise en ne tenant aucunement compte de l’ensemble des problèmes soulevés à répétition par le prestataire et en ignorant délibérément les exigences de la loi en matière de sécurité routière.

[29] Je suis donc justifié d’intervenir.

Remède

[30] Considérant que les parties ont eu l'opportunité de présenter leur cause devant la division générale, je rendrai la décision qui aurait dû être rendue par la division générale.Note de bas de page 6

[31] Un prestataire ne doit pas démontrer qu’il n’existait aucune autre solution que de quitter son emploi. Son fardeau de preuve exige plutôt qu’il démontre qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que de quitter en tenant compte de toutes les circonstances de son cas.

[32] En l'espèce, la preuve prépondérante démontre que le prestataire n’avait pas d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi compte tenu des pratiques illégales de son employeur qui avait pour effet de mettre sa sécurité en jeu.

[33] La preuve démontre que le prestataire a tout essayé pour sauver son emploi. Il a discuté à maintes reprises avec son employeur de la mauvaise condition de son camion avant de finalement quitter son emploi.

[34] L’employeur ne respectait pas la loi et n’avait aucunement l’intention de changer dans l’immédiat ses conditions de travail, même après avoir reçu un ultimatum. Il insistait que le prestataire reprenne la route même en sachant que les lumières de nuit du camion de 40 pieds étaient défectueuses et que les pneus étaient dangereux.

[35] Le prestataire devait travailler des heures irrégulières et pouvait être appelé à travailler en tout temps sur des petits quarts de travail. Il n'avait pas de temps pour postuler un emploi ou pour aller à une entrevue. Il n'avait pas de temps pour lui-même car il demeurait disponible à tout moment pour aller livrer. Son emploi l'occupait beaucoup et il devait être disponible pour son employeur sept jours sur sept. Il n’était également pas requis que le prestataire obtienne une note médicale puisqu’il a reconnu certains symptômes de dépression et a agi de manière préventive afin d’éviter de sombrer une nouvelle fois.

[36] Je suis d’avis que de demander au prestataire de demeurer à l’emploi de cet employeur dans un tel contexte de travail est contraire aux exigences de l’article 29(c) de la Loi sur l’AE.

[37] Pour les motifs précédemment mentionnés, il y a lieu d’accueillir l’appel du prestataire.

Conclusion

[38] L’appel est accueilli. Le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

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