Assurance-emploi (AE)

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Citation : PN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1921

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (578583) datée du 3 mai 2023 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jacques Bouchard
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 29 août 2023
Personnes présentes à l’audience : P. N.
Date de la décision : 12-septembre-2023
Numéro de dossier : GE-23-1486

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire a démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand elle l’a fait. La prestataire était fondée à quitter son emploi parce que le départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La prestataire a quitté son emploi le 3 septembre 2022 et a demandé des prestations d’assurance‑emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de la prestataire pour quitter son emploi. Elle a conclu que cette dernière a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme qu’au lieu de quitter son emploi quand elle l’a fait, la prestataire aurait pu épuiser toutes les solutions raisonnables avant de quitter dont demeurer à l’emploi de X à Ottawa au lieu de retourner aux études à Sudbury.

[6] De plus, la Commission ajoute que la prestataire a refusé un poste à plein temps à plusieurs reprises chez X à Sudbury. La Commission maintient que la prestataire suit une formation de sa propre initiative et n’a pas montré être disponible pour travailler.

[7] La prestataire n’est pas d’accord et affirme que son employeur a refusé son transfert de Ottawa à Sudbury. Qu’elle n’a pas quitté son emploi comme le prétends la Commission. Elle avait reçu l’assurance d’un transfert par les ressources humaines de X Ottawa et a passé 3 entrevues avec la filiale X de Sudbury. Il ajoute qu’elle était disponible à l’emploi et que les horaires flexibles chez X lui permettaient de travailler et étudier en même temps.

[8] La prestataire a décidé de concert avec son employeur d’entreprendre des études pour augmenter ses compétences, des études comme éducatrice spécialisée. La prestataire travaillait comme préposé au bénéficiaire depuis juillet 2018 pour l’employeur X Ottawa. Souhaitant suivre une formation en technique d’éducation spécialisée à Sudbury, la prestataire demande un transfert chez X Sudbury.

[9] S’en est suivi plusieurs discussions avec le département des ressources humaines (RH) de Ottawa et Sudbury, des discussions initiées par la superviseure aux RH de Ottawa. La prestataire explique que tout semblait bien ficelé et que son transfert ne serait qu’une formalité. Il y a eu plusieurs échanges de courriers électroniques, l’envoi du CV, preuves de vaccination, 3 entretiens téléphoniques sur les modalités de travail et l’horaire.

[10] Durant cette période transitoire, la prestataire a finalisé son inscription au Collège Boréale de Sudbury, fourni son horaire à l’employeur et discuté de ses disponibilités soit les mardi, mercredi et vendredi en soirée et toutes les fins de semaine. La prestataire explique que ses disponibilités s’intégraient très bien aux fonctions de préposés aux bénéficiaires, puisque l’on comprend qu’il s’agit de service offert 24 heures sur 24.

[11] Suite au déménagement de la prestataire, X de Sudbury se ravise et précise que les disponibilités de la prestataire ne conviennent pas pour un poste à temps plein. La prestataire souhaite obtenir des prestations d’assurance-emploi et considère comme un congédiement le refus de X Sudbury de lui offrir un poste adapté à son horaire.

[12] La prestataire explique qu’elle s’est senti trahie par son employeur et induit en erreur quant au processus d’embauche, alors que cela devait être un transfert.

[13] La question que le Tribunal doit trancher est de savoir si la prestataire a quitté avec des motifs valables et si elle a épuisé toutes les solutions raisonnables avant de quitter. Dans cet optique le Tribunal va examiner si la prestataire avait une assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat tel qu’énoncé à l’article 29 (c ) (vi) de la Loi.

Question en litige

[14] La prestataire est-elle exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[15] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de la prestataire. Je dois ensuite décider si elle était fondée à quitter son emploi et statuer sur sa disponibilité considérant qu’elle suivait un cours à temps plein en éducation spécialisée.

Analyse

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi

[16] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.

[17] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[18] La loi explique ce que veut dire « être fondée à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[19] La prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas de page 3.

[20] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand la prestataire a quitté son emploi. La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 4.

[21] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent à la prestataire, celle‑ci devra démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 5.

Les circonstances présentes quand la prestataire a quitté son emploi

[22] La prestataire affirme que l’une des circonstances énoncées dans la loi s’applique à son cas. Plus précisément, elle avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi aussitôt arrivé à Sudbury. Absolument rien n’indiquait que X Sudbury ne procèderait pas à son embauche, puisque les ressources humaines d’Ottawa l’avaient dirigé positivement en ce sens et que ses 4 années d’expériences avec la compagnie auraient dû peser dans la balance des probabilités.

[23] Le Tribunal accueille comme crédible les propos de la prestataire à l’effet que les ressources humaines d’Ottawa l’avaient dirigé vers un transfert et initié des démarches avec X Sudbury en faveur de la prestataire. Selon toute vraisemblance et selon les informations au dossier, la prestataire n’a jamais pensé quitter son emploi mais plutôt transférer vers la filiale de Sudbury. Elle soutient qu’elle avait l’assurance raisonnable d’un nouvel emploi.

[24] Concernant l’information de la Commission à l’effet que la prestataire suivait une formation de sa propre initiative et qu’elle n’avait pas montré être disponible pour travailler, le Tribunal estime que les plages horaires proposées par la Prestataire démontrent sa disponibilité et convient à un horaire de préposé aux bénéficiaires. D’ailleurs la prestataire a déclaré en audience avoir travaillé pour la compagnie X de Sudbury depuis le 18 octobre 2022, ce qui à mon point de vue annule la présomption qu’elle ne pouvait pas travailler ou n’était pas disponible parce qu’elle étudiait à temps plein en technique d’éducation spécialisée.

[25] Le Tribunal estime que l’expérience de travail dans des heures irrégulières est un facteur à considérer dans le dossier de la prestataire. Elle a travaillé sur des horaires irréguliers depuis 4 années et effectuée beaucoup de temps supplémentaires, ce qui démontre sa disponibilité.

[26] Le Tribunal considère aussi que le type de travail effectué par la prestataire permet aussi de suivre un cours à plein temps. D’ailleurs son expérience de travail récent avec la firme X, comme préposé aux bénéficiaires, le démontre.

[27] Je dois maintenant examiner si le départ de la prestataire était la seule solution raisonnable à ce moment-là.

[28] La prestataire affirme que c’était le cas parce qu’elle avait l’assurance d’un transfert d’emploi dans une filiale à Sudbury et que toutes les discussions et courriers électroniques attestaient vraisemblablement qu’elle obtiendrait l’emploi. Pour la prestataire, il n’avait jamais été question de quitter mais de transférer et selon les informations au dossier, la perspective d’emploi était réelle et fondée d’après les renseignements obtenus auprès des ressources humaines.

[29] La Commission n’est pas d’accord et affirme que la prestataire aurait pu continuer à travailler pour X Ottawa au lieu de retourner aux études à Sudbury. La Commission indique de plus que la prestataire n’était pas justifiée de quitter son emploi puisque quitter son emploi pour aller aux études ne constitue pas une justification au sens de la Loi.

[30] De plus, la Commission ajoute qu’il s’agit d’une formation de sa propre initiative et que la prestataire n’avait pas montré être disponible pour travailler.

[31] Je conclus considérant l’ensemble des éléments ci-hauts mentionnés, que la prestataire était justifiée de quitter son emploi chez X Ottawa puisqu’elle avait des motifs raisonnables de croire qu’elle occuperait un poste similaire chez X Sudbury, tel qu’énoncé à l’article 29 (c) (vi) de la Loi. La prestataire a agi comme toute personne raisonnable aurait agi dans de pareils circonstances avec les mêmes assurances de la part de l’employeur. Avec une feuille de route impeccable et les propos tenus de part et d’autres, rien ne laissait présager un refus de transfert.

[32] La seule raison donnée par l’employeur était que chaque administrateur de filiales est autonome dans les procédures d’embauche et que les transferts ne sont pas automatiques. Le Tribunal estime que la prestataire ne pouvait pas prévoir un tel dénouement considérant toutes les démarches administratives qui avaient préalablement initiées.

[33] La prestataire a offert une disponibilité de travail qui se conjugue avec le type d’emploi recherché, une disponibilité qu’elle avait offerte depuis plus de 4 années dans un emploi similaire. Le Tribunal estime que la prestataire était disponible pour travailler, d’ailleurs elle l’a prouvé en occupant un nouvel emploi à partir du 18 octobre 2022, voir la décision jurisprudentielle ‘ PAGE’.

[34] Le Tribunal estime que l’intention de la prestataire n’a jamais été de quitter son emploi, mais plutôt de transférer vers une autre filiale de X, un transfert encouragé et guidé par les ressources humaines.

[35] Compte tenu des circonstances qui existaient quand la prestataire a quitté son emploi, la prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi, pour les raisons mentionnées précédemment.

[36] Par conséquent, la prestataire était fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[37] Je conclus que la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

[38] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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