Assurance-emploi (AE)

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Citation : DC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1933

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. C.
Représentant : Sylvain Bergeron
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (601904) datée du
1er août 2023 rendue par la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (communiquée par
Service Canada)

Membre du Tribunal : Charline Bourque
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 22 septembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant
Date de la décision : Le 6 novembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2255

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle n’avait pas une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand elle l’a fait. L’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante a quitté son emploi le 16 mars 2023 et a demandé des prestations d’assurance‑emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de l’appelante pour quitter son emploi. Elle a conclu que cette dernière a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme qu’au lieu de quitter son emploi quand elle l’a fait, une solution raisonnable aurait été d’accepter les solutions de son employeur pour garder son emploi ou d’attendre de trouver un autre emploi convenable avant de quitter son ancien emploi. La Commission est d’avis que l’appelante n’a pas démontré la nécessité ou l’urgence de quitter son emploi immédiatement après la rencontre du 8 mars 2023.

[6] L’appelante n’est pas d’accord et affirme que à la suite d’une mésentente avec la responsable des ressources humaines sur une question inscrite sur l’évaluation du personnel concernant la diversité, l’appelante est d’avis que l’employeur ne l’a pas appuyé et n’a pas tenté de trouver une solution au conflit. Elle a plutôt senti que l’employeur lui reprochait l’incident et ne la soutenait pas. Elle indique qu’elle ne pouvait continuer à travailler dans un tel climat de travail et a quitté son emploi. Elle ajoute que l’employeur a l’obligation de maintenir un environnement de travail exempt de harcèlement et que la question contrevenait à la Charte québécoise et qu’elle ne voulait pas y répondre.

Question en litige

[7] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de l’appelante. Je dois ensuite décider si elle était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelante a quitté volontairement son emploi

[9] L’appelante fait valoir que l’employeur n’a pas cherché à la retenir quand elle a quitté et qu’il a indiqué qu’elle souhaitait prendre sa retraite. Néanmoins, je suis d’avis que l’appelante a bien quitté son emploi volontairement.

[10] En effet, à la suite des événements, l’appelante confirme avoir envoyé un message à son employeur afin de l’aviser qu’elle souhaitait le rencontrer pour remettre sa démission.

[11] J’accepte le fait que l’appelante a quitté volontairement son emploi.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi

[12] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.

[13] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[14] La loi explique ce que veut dire « être fondée à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[15] L’appelante est responsable de prouver que son départ était fondé. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas de page 3.

[16] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand l’appelante a quitté son emploi. La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 4.

[17] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent à l’appelante, celle‑ci devra démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 5.

Les circonstances présentes quand l’appelante a quitté son emploi

[18] Le représentant fait valoir 3 circonstances principales en lien avec le départ de volontaire de l’appelante. Il indique que le départ volontaire peut être vu selon 3 angles, celui d’une relation conflictuelle avec un supérieurNote de bas de page 6, à la pratique de l’employeur contraire au droitNote de bas de page 7 comme la question sur l’évaluation du personnel était contraire au à la Charte québécoise des droits et libertés et que l’employeur n’était pas conforme concernant la Loi sur l’équité salariale.

Charte québécoise des droits et libertés et Loi sur l’équité salariale

[19] L’appelante est d’avis que l’employeur va à l’encontre de la Loi sur l’équité salariale et la Charte québécoise des droits et libertés.

[20] L’appelante explique que la question formulée par la responsable des ressources humaines va à l’encontre de la Charte. De plus, elle explique que à la suite du processus d’équité salariale, elle n’a pas obtenu l’équité promise par son employeur.

[21] Je dois mentionner que je suis d’avis que la question de l’équité n’est pas une raison qui explique que l’appelante a pris la décision de quitter. En effet, l’appelante a expliqué qu’il s’agissait d’un événement antérieur. La décision de l’appelante de quitter son emploi est lié au conflit survenu avec la responsable des ressources humaines, à la suite de la transmission du questionnaire d’évaluation qui comportait une question sur la diversité dont la responsable était elle-même issue. L’appelante ne souhaitait pas répondre à cette question.

[22] Puis, je suis d’avis qu’en tant que membre du présent Tribunal, j’ai une compétence limitée en matière de détermination des questions relatives à la Charte et à la Loi sur l’équité salariale.

[23] En effet, je ne peux décider que sur des questions de Charte canadienne, lorsqu’un article de la Loi sur l’assurance-emploi ou son Règlement est contesté.

[24] Comme l’appelante ne présente pas de preuve démontrant qu’elle souhaite contester spécifiquement une disposition de la Loi sur l’assurance-emploi en vertu de la Charte canadienne, je ne peux donc pas me prononcer sur cette question.

[25] Au Canada, il existe un certain nombre de lois qui protègent les droits des individus et un certain nombre de lois provinciales qui protègent les droits et les libertés. Ces lois sont appliquées par différents tribunaux et cours de justice. J’ai le droit d'examiner si une disposition de la Loi sur l'assurance-emploi ou de son Règlement porte atteinte aux droits garantis à un prestataire par la Charte canadienne. 

[26] Toutefois, je ne suis pas autorisé à déterminer si une mesure prise par un employeur viole les droits fondamentaux d'un demandeur en vertu de la Charte québécoise des droits et libertés ni de la Loi sur l’équité salariale. Cela ne relève pas de ma compétence.

[27] L’appelante doit donc utiliser d’autres recours si elle souhaite porter plainte en vertu de cette Charte ou de la Loi sur l’équité salariale.

Relation conflictuelle avec un supérieur

[28] En vertu de l’article 29(c) (x) de la Loi, un appelant peut être fondé à quitter volontairement son emploi s’il a des relations conflictuelles avec un superviseur, dont la cause n’est pas imputable au prestataire, et si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

[29] Le représentant est aussi d’avis que le départ volontaire de l’appelante était justifié en raison de la relation conflictuelle qu’elle avait avec un supérieur, soit la responsable des ressources humaines.

[30] Je constate que le départ volontaire de l’appelante est lié à un événement particulier avec la responsable des ressources humaines qu’elle considère son supérieur. Le déclencheur principal de cette situation est la réception du formulaire d’évaluation du personnel fait par la responsable des ressources humaines, qui contenait une question sur la diversité à laquelle l’appelante ne souhaitait pas répondre. L’appelante fait valoir que la question était déplacée et discriminatoire.

[31] Le questionnaire d’évaluation annuelle de la performance pose la question : « Tolérance à la diversité »Note de bas de page 8.

[32] L’appelante remet en doute la crédibilité de l’employeur puisque ce dernier lui aurait dit qu’elle faisait bien d’arrêter de travailler et de prendre sa retraite. Elle affirme qu’il a aussi remis de l’avant qu’elle était fâchée en raison de la question d’équité salariale et qu’elle n’avait pas demandé qu’il « ne fasse pas de trouble avec son chômage ».

[33] Elle indique qu’elle ne se sentait pas appuyée par son employeur et que ce dernier a rompu le lien de confiance qu’elle avait. Il n’a pas trouvé de solution au conflit et elle n’a eu d’autre choix que de quitter son emploi.

[34] L’employeur confirme que la responsable des ressources humaines s’est plainte du comportement de l’appelante et qu’il a fait une rencontre le 8 mars 2023. Il indique que la rencontre ne s’est pas bien déroulée et qu’elle ne menait à rien. Il indique qu’il était en mode solution, mais qu’il n’a pas eu besoin d’en trouver une comme l’appelante lui a envoyé un courriel le jour même mentionnant qu’elle quittait l’emploiNote de bas de page 9.

[35] La jurisprudence nous enseigne que dans des cas de relations conflictuelles il doit s’agir de situations indépendantes de la volonté du prestataire ou de situations auxquelles le prestataire n’y est pour rienNote de bas de page 10.

[36] Il a déjà été statué dans des décisions antérieures, qu’un prestataire n’est pas fondé à quitter son emploi sous prétexte qu’il est en désaccord avec les directives d'un supérieur ou avec la façon que ce dernier gère le service. Cependant, le sous-alinéa (x) prévoit qu’un prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il existe des relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur. Les relations conflictuelles (antagonisme) sont définies comme une forme d'hostilité ou une attitude qu'on ne peut déceler au cours d'un seul incident ou d'une seule disputeNote de bas de page 11.

[37] Je suis d’accord avec le fait que l’appelante était en conflit avec la responsable des ressources humaines en raison de la question sur la diversité que celle-ci avait ajouté sur le formulaire d’évaluation. Je ne peux en revanche pas conclure qu’il s’agissait d’une relation conflictuelle dont la cause ne lui est pas imputable.

[38] D’abord, je constate que le conflit est lié à un événement unique qui a mené au départ de l’appelante. Puis, c’est l’appelante qui est à l’origine du désaccord puisque c’est elle qui contestait le fait qu’elle se trouve sur l’évaluation. Même si l’appelante avait droit de contester cette question, il n’en demeure pas moins qu’elle est à l’origine de ce conflit.

L’appelante avait d’autres solutions raisonnables

[39] Je dois maintenant examiner si le départ de l’appelante était la seule solution raisonnable à ce moment-là.

[40] La Commission est d’avis que les faits au dossier ne montrent pas que l’appelante faisait face à une situation intolérable au travail, au point de considérer le départ volontaire comme la seule solution raisonnable dans son cas. Compte tenu de toutes les circonstances, une solution raisonnable aurait été d’accepter les solutions de son employeur pour garder son emploi ou d’attendre de trouver un autre emploi convenable avant de quitter son ancien emploi. La Commission est d’avis que l’appelante n’a pas démontré la nécessité ou l’urgence de quitter son emploi immédiatement après la rencontre du 8 mars 2023.

[41] L’appelante affirme que c’était le cas parce qu’elle ne pouvait continuer à travailler avec la responsable des ressources humaines à la suite du conflit qui les opposait et en raison du fait que son employeur n’a pas trouvé de solution au conflit. Elle fait valoir que son lien de confiance avec son employeur était rompu.

[42] Je comprends les difficultés que l’appelante pouvait ressentir face à la situation. Néanmoins, même si l’appelante conteste la version de l’employeur, je constate que celui-ci a tenté de régler la situation. L’appelante a confirmé qu’il avait tenu une rencontre afin de discuter avec l’appelante et la responsable des ressources humaines. Il a confirmé avoir suspendu la rencontre lorsqu’il a constaté que celle-ci ne donnait pas de résultat en disant qu’il trouverait une solution. Elle n’a pas donné l’opportunité à l’employeur de trouver une solution et a pris la décision de quitter.

[43] L’employeur indique qu’il n’a pas eu à trouver une solution comme l’appelante lui a envoyé un courriel le soir même pour le rencontrer à nouveau pour démissionner. L’appelante confirme qu’elle a décidé de quitter son emploi à la suite de cette rencontre.

[44] Je suis d’accord avec la Commission que l’appelante avait d’autres solutions raisonnables avant de quitter son emploi. En effet, un prestataire a l’obligation de tenter de trouver une solution avant de prendre la décision unilatérale de quitterNote de bas de page 12.

[45] Dans le cas présent, l’employeur n’ignorait pas que l’appelante et la responsable des ressources humaines avaient un désaccord et qu’il devait intervenir. L’employeur est intervenu et a admis ne pas avoir été en mesure de régler la situation lors de la rencontre. Néanmoins, il a aussi indiqué qu’il devait trouver une solution, mais n’a pas été en mesure de le faire puisque l’appelante lui a envoyé un message pour l’aviser qu’elle quitterait le jour même, même si elle lui a donné un préavis.

[46] L’appelante n’a pas tenté de trouver une solution au conflit et n’a pas attendu de voir si son employeur avait une autre solution à lui proposer avant de quitter. Malgré le fait qu’elle considère que la situation était intolérable au point où elle devait quitter, elle a donné un préavis d’une semaine à l’employeur.

[47] Compte tenu des circonstances qui existaient quand l’appelante a quitté son emploi, l’appelante avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi, pour les raisons mentionnées précédemment.

[48] Par conséquent, l’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[49] Je conclus que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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