Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 659

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (557753) datée du 22 décembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Ambrosia Varaschin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 19 avril 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 3 mai 2023
Numéro de dossier : GE-23-171

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant travaillait comme formateur à la sécurité pour un entrepreneur minier et il a obtenu un résultat positif à un test de dépistage aléatoire d’« aptitude au travail » le 29 juin 2022. Le 6 juillet 2022, l’appelant a été mis en congé. Le 13 juillet 2022, l’appelant a perdu son emploi pour avoir obtenu un résultat positif au test de dépistage du THC.

[4] L’appelant affirme qu’il n’aurait pas dû perdre son emploi parce qu’il était apte au travail lorsqu’il est arrivé sur place et que son employeur applique mal ses politiques à lui. Il soutient également que ces politiques ne sont pas conformes à la loi canadienne et aux pratiques recommandées parce qu’il a une ordonnance de cannabis. Il affirme que comme son employeur a son siège social en Australie, où le cannabis est illégal, la haute direction ne comprend pas comment gérer le cannabis et la sécurité au travail au Canada. Il dit qu’il s’abstient habituellement de prendre ses médicaments pendant cinq jours avant d’aller travailler par précaution. À cette occasion, il a dit qu’il avait eu une journée particulièrement mauvaise deux jours avant sa rotation de travail et il a dû prendre ses médicaments. Il pensait qu’il n’y aurait pas de problème étant donné que le site minier fait des tests [traduction] « d’aptitude au travail de 24 heures » par prélèvement oral.

[5] La Commission affirme que l’appelant a consommé du cannabis intentionnellement, sachant qu’il échouerait au test de dépistage s’il était sélectionné, et qu’il savait que son employeur avait une politique de tolérance zéro à l’égard de la consommation de drogues et d’alcool.

[6] La Commission a accepté les raisons de l’employeur pour le congédiement. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, elle a décidé que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

Compétence du Tribunal

[7] L’appelant a présenté des arguments de fond concernant la légalité de son congédiement au titre du Code des droits de la personne de l’Ontario et de la Loi sur les normes de travail de l’Ontario. Il a également fait valoir que les politiques de son employeur sur l’aptitude au travail ne sont pas conformes aux lignes directrices du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.

[8] Le Tribunal peut seulement décider si les gestes posés par l’appelant sont considérés comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a confirmé à maintes reprises que le fait de déterminer si la politique d’un employeur est contraire au droit du travail ou à un code des droits de la personne n’est pas pertinent pour une décision en assurance-emploiNote de bas de page 2. Le Tribunal doit se concentrer sur la conduite du prestataire, et non sur celle de l’employeur. Le Tribunal commettrait une erreur de droit s’il examinait si l’employeur s’était rendu coupable d’inconduite ou si le congédiement était injuste ou excessifNote de bas de page 3. Le Tribunal doit décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploiNote de bas de page 4.

[9] Je ne peux donc pas décider si l’appelant aurait dû être congédié. Je peux seulement décider s’il a commis une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence et si ces gestes ont entraîné la perte de son emploi.

Question en litige

[10] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[11] Pour répondre à la question de savoir si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pourquoi l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[12] Je conclus que l’appelant a perdu son emploi parce qu’un test de dépistage aléatoire a révélé la présence de THC dans son système. Ces tests de vérification de l’« aptitude au travail » nuisent à la capacité des employés d’accéder au site minier et constituent une condition d’emploi pour son employeur.

[13] L’appelant ne conteste pas la validité du test ni le résultat du test. Un infirmier autorisé fait passer le test et celui-ci est traité par un tiers avec des mesures de contrôle strictes. Il admet consommer du cannabis, mais il en prend comme médicament et il a une ordonnance valide pour le consommer.

[14] Lors de l’audience, l’appelant a soulevé plusieurs problèmes avec les cadres supérieurs de son employeur. Son employeur a son siège social en Australie, et le lieu de travail est leur seul contrat minier au Canada. Il affirme que, comme son employeur n’est pas très actif au Canada, il ne connaît pas bien les règlements et les lois en matière de sécurité qui s’appliquent à ce projet. En tant que formateur en sécurité, il était de sa responsabilité de signaler les pratiques inacceptables, mais les remèdes peuvent coûter de l’argent à une entreprise et compliquer les opérations.

[15] L’appelant a [traduction] « explosé » deux jours avant sa suspension en parlant avec un surintendant australien au sujet d’un incident qui a failli se produire et qui a été [traduction] « camouflé » et signalé inadéquatement à la mine. Il affirme que les rapports ont été falsifiés et que les procédures n’ont pas été suivies afin de protéger l’emploi du fils d’un autre surintendant. Il a ajouté qu’il y a des différences culturelles entre les Australiens et les Canadiens en ce qui concerne le genre et l’orientation sexuelle, et il a dénoncé les insultes homophobes utilisées par ce surintendantNote de bas de page 5.

[16] L’appelant fait valoir que son congédiement pourrait être lié à son conflit interpersonnel avec les cadres supérieurs du siège social de son employeur. Il dit :

[traduction]
Les gens de la région de X voulaient tous me garder après les résultats positifs de mon test de dépistage, parce qu’ils me respectaient vu que j’avais aidé avec toutes les préoccupations liées à la sécurité non abordées qui ont été mentionnées ci-dessus. Ce n’est que lorsque ces mêmes personnes de X [cadres supérieurs] [...] ont été impliquées que tout a changé. Elles nous ont envoyé [le surintendant] et [lui] et moi avons eu une dispute à propos de faux rapports d’incident.

Peu de temps après, je me suis rendu compte que je n’avais plus de soutien et c’est là que je me suis fait congédierNote de bas de page 6.

[17] Lors de sa conversation initiale avec la Commission, l’employeur a déclaré que [traduction] « les notes au dossier indiquent également que le gestionnaire [de l’appelant], Jaime, s’est battu pour que [l’appelant] demeure comme employé et qu’il ne pensait pas qu’il s’agissait de motifs raisonnables de le congédier »Note de bas de page 7. Cela appuie le témoignage de l’appelant selon lequel il avait du soutien en gestion pour conserver son emploi.

[18] La Commission soumet la lettre de congédiement de l’employeur qui indique que l’appelant a obtenu un résultat positif au test de dépistage du THC, ce qui constitue une violation de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) de l’Ontario et que [traduction] « le Règlement sur les mines et les usines minières interdit expressément à toute personne, y compris les employés, de pénétrer dans une mine sous l’influence d’une drogue ou d’un stupéfiant ».

[19] Elle poursuit en indiquant que l’appelant a été congédié parce qu’en [traduction] « se rendant au travail sous l’influence du THC [...] non seulement il a contrevenu de façon importante aux politiques applicables à son emploi chez X et à l’exploitation de la mine Evolution [...], mais son inconduite a aussi fondamentalement nui à sa relation d’emploi avec X de façon irréparable »Note de bas de page 8.

[20] La loi prévoit qu’il doit y avoir un lien direct entre l’inconduite reprochée au prestataire et son congédiement. Non seulement l’inconduite doit entraîner la perte de son emploi, mais elle doit en être la raison principaleNote de bas de page 9. Elle ajoute que c’est la véritable raison du congédiement qui est importante, et non l’excuse utilisée par l’employeur pour congédier la partie prestataireNote de bas de page 10. La Cour m’oblige à faire ma propre évaluation objective des faits et à ne pas simplement adopter la conclusion de l’employeur sur l’inconduiteNote de bas de page 11.

[21] J’estime que l’appelant a d’abord reçu le soutien de la direction pour conserver son emploi. Il est possible que son conflit interpersonnel avec le surintendant australien ait eu une incidence sur les décisions de la haute direction en minant le soutien que l’appelant avait sur place. Cependant, la décision de l’employeur était toujours fondée sur le résultat positif au test de dépistage du THC. Cela signifie que le résultat du test de dépistage était la principale raison du congédiement.

[22] Ainsi, même s’il peut y avoir d’autres facteurs contributifs, l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a obtenu un résultat positif au test de dépistage de THC.

Qu’est-ce qu’une inconduite selon la loi?

[23] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 12. Une inconduite peut aussi exister si le comportement était si insouciant qu’il est presque délibéréNote de bas de page 13. Cela signifie que même s’il n’y a pas d’intention coupable (c’est-à-dire que la personne n’a pas l’intention de faire quelque chose de mal), un comportement peut tout de même être une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 14.

[24] Pour qu’une conduite soit considérée comme une inconduite au sens de la loi, la partie appelante devait savoir ou aurait dû savoir qu’il y avait une possibilité réelle qu’elle perdre son emploi en raison de sa conduite, ou que celle-ci pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeurNote de bas de page 15.

[25] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 16.

[26] Comme l’inconduite est l’exception à la règle générale selon laquelle les personnes admissibles ont droit à des prestations, elle doit être interprétée de façon stricte. L’exclusion prévue par la Loi sur l’assurance-emploi est une sanction pour les parties prestataires qui perdent leur emploi parce qu’elles ont commis des actes répréhensiblesNote de bas de page 17. Une conclusion d’inconduite entraîne la perte de toutes les heures d’emploi assurable du prestataire pour l’emploi dont il a été congédié. Il s’agit d’une conséquence très grave, de sorte que le fardeau de la preuve pour la Commission est élevé.

[27] La Commission doit prouver l’existence d’une inconduite en utilisant des éléments de preuve et des faits clairs qui le montrent directement. Elle ne peut pas spéculer, supposer ou se fier à l’opinion de l’employeur pour prouver l’inconduiteNote de bas de page 18.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?

[28] La Commission n’a pas prouvé que la conduite qui a mené au congédiement de l’appelant constituait une inconduite au sens de la loi.

[29] Il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour me permettre de décider qu’une inconduite a eu lieu.

[30] L’employeur a fourni à la Commission sa lettre de congédiement adressée à l’appelant, une seule page de son contrat de travail sur lequel l’appelant a apposé ses initiales, une page de sa politique sur l’aptitude au travail, une page de son manuel de l’employé de X Canadapour les opérations de Red Lake, plus une page de signature qui confirme que l’appelant l’a reçue et lue, et les résultats des tests de l’appelant. Non seulement ces documents sont incomplets, mais ils sont ambigus et contradictoires.

[31] Le contrat de travaildel’employeur précise [c’est moi qui mets en évidence]Note de bas de page 19 :

20. APTITUDE AU TRAVAIL
Dans le cadre de notre engagement envers la sécurité, l’entreprise prend des mesures pour s’assurer que tous les membres du personnel sont aptes au travail lorsqu’ils se présentent au travail et pendant leurs quarts de travail. L’entreprise exige que tous les membres du personnel qui occupent des postes critiques sur le plan de la sûreté se soumettent à des tests de dépistage de drogues (par prélèvement oral) et d’alcool (par alcootest) conformément à la politique sur les drogues et l’alcool du site. Les tests visent à s’assurer que tous les membres du personnel sont aptes au travail. L’entreprise ne recueille aucun renseignement sur la vie privée ou la conduite en dehors du travail des membres du personnel à moins qu’elles ne nuisent à leur capacité de travailler de façon productive et sécuritaire. Notre procédure de dépistage de l’alcool et des drogues est discrète, confidentielle et professionnelle. L’entreprise respecte en tout temps la politique sur les drogues et l’alcool sur le site, dont les détails vous seront rendus accessibles.

L’entente ne définit pas ce que signifie « apte au travail », sauf qu’elle comprend la « politique sur les drogues et l’alcool au site ». Cela implique également que l’employeur ne limite pas la consommation de drogues et d’alcool hors site ou en dehors des heures de travail, à moins que ce comportement n’affecte la capacité d’un membre du personnel à travailler « de façon productive et sécuritaire ». Cela a été confirmé lors de la première conversation entre l’employeur et la Commission, où l’employeur a déclaré qu’il n’avait pas de politique précise sur la consommation de drogues et d’alcool hors service [traduction] « mais que [les membres du personnel] devaient être aptes au travail à leur retour »Note de bas de page 20. La « politique sur les drogues et l’alcool au site » n’a pas été fournie pour examen.

[32] La politique de l’employeur sur l’aptitude au travail dit [c’est moi qui mets en évidence]Note de bas de page 21 :

La Norme sur l’aptitude au travail du groupe X détaille les attentes minimales du personnel en matière de gestion des questions liées à l’aptitude au travail.

X s’engage à offrir un milieu de travail sécuritaire et sain à toutes les personnes qui accèdent à ses sites et qui y travaillent. X s’engage à :

  • veiller à ce que le personnel connaisse la norme;
  • informer le personnel que l’aptitude au travail peut être influencée par la fatigue, la maladie, les blessures, le stress, les médicaments ou la consommation inappropriée d’alcool ou de drogues;
  • offrir un programme d’aide aux employés auquel les membres du personnel peuvent avoir accès pour gérer de façon confidentielle toute question liée à l’aptitude au travail;
  • appuyer le personnel dans ses efforts pour se conformer aux exigences de la politique;
  • offrir des programmes de dépistage appropriés pour vérifier le respect des aspects de la norme liés aux drogues et à l’alcool par le personnel;
  • gérer les violations de la norme de façon équitable et constructive;
  • promouvoir activement une culture d’aptitude au travail et un mode de vie sain au sein du groupe X.

...

Les membres du personnel ne doivent pas s’exposer ni exposer autrui à des risques inutiles pour la sécurité ou la santé. Il est important de noter que les membres du personnel doivent s’assurer qu’ils sont en état de travailler au début de leur période de travail et tout au long de celle-ci sans risque pour eux-mêmes ou pour les autres et qu’ils prennent toutes les précautions nécessaires pour prévenir toute altération de leur aptitude au travail, y compris les effets néfastes de la fatigue, du stress, des médicaments, de l’alcool ou d’autres drogues.

Le personnel doit avoir en tout temps une valeur de 0,00 pour l’alcoolémie et être en dessous des limites prescrites dans la norme pour les drogues.

...

La procédure ou la norme d’aptitude au travail d’un client (norme du client) et toute loi ayant une incidence sur un site prévaudront sur la norme dans la mesure où la norme du client ou la loi contient des seuils plus stricts pour les tests de dépistage de l’alcool et d’autres drogues ou des exigences plus strictes en ce qui concerne la gestion des tests positifs.

Paradoxalement, la politique sur l’aptitude au travail ne précise pas non plus ce que signifie être « apte au travail ». Elle énumère plutôt les éléments qui peuvent avoir une incidence sur l’aptitude au travail, la façon dont l’entreprise aidera les membres du personnel à se conformer à la « norme d’aptitude au travail », ce que l’entreprise fera en cas de manquements et où trouver les définitions et les normes pour être classé comme étant « apte au travail ».

[33] La « norme d’aptitude au travail » n’a pas été fournie pour examen, bien qu’elle contienne les définitions et les normes d’aptitude au travail et la limite acceptable pour le THC. Ces détails sont essentiels pour décider si l’appelant a omis de respecter une politique. La norme du client, qui serait une autre façon de dire la « politique du site », n’est pas non plus disponible. Il s’agit d’un autre document essentiel pour établir la limite acceptable de THC, d’autant plus que la politique établit de multiples options pour la source des limites acceptables de médicaments.

[34] La politique sur l’aptitude au travail contredit le contrat de travail lorsqu’il s’agit de décider quelle politique s’applique à l’appelant. La première dit que la politique ou la loi la plus stricte s’appliquera, mais l’autre dit que l’employeur suit la [traduction] « politique sur les drogues et l’alcool en tout temps ». Comme je n’ai pas reçu de copie des lois, politiques ou normes pertinentes, je ne peux pas décider quelles procédures, normes ou limites s’appliquent à la conduite de l’appelant.

[35] L’appelant fait valoir qu’on lui a dit que le test de dépistage était [traduction] « un test d’aptitude au travail de 24 heures ». L’appelant a déclaré à l’infirmier avant le test, ainsi qu’au gestionnaire du projet minier et à son superviseur immédiatement après le test qu’il avait consommé du cannabis 35 heures avant le test et qu’il avait une ordonnance. Le gestionnaire du projet minier lui a dit [traduction] « de ne pas s’en faire jusqu’à ce que [le] test soit passé et [qu’ils] s’en occuperaient à ce moment-là »Note de bas de page 22. Il affirme qu’il n’était pas intoxiqué au moment du test ni pendant les huit jours où il a été autorisé à travailler entre le test et sa suspension. L’employeur a dit à la Commission que [traduction] « rien dans son dossier n’indiquait qu’il avait les facultés affaiblies le matin du test »Note de bas de page 23.

[36] L’appelant affirme que cela prouve qu’il était considéré comme « apte au travail » à la fois par son employeur et par la mine.

[37] Je suis d’accord avec l’appelant. Si le fait de consommer du cannabis dans les 48 heures avant son emploi constituait une violation d’une politique ou d’une norme, son employeur aurait dû le congédier du travail dès qu’il lui a parlé de sa consommation de cannabis 35 heures avant le test. Si le fait de consommer du cannabis, ou d’avoir potentiellement du THC dans son système, était suffisant pour déclarer l’appelant [traduction] « sous l’influence », « en état d’ébriété » ou autrement non « apte au travail », alors son employeur aurait dû le retirer du travail immédiatement. L’appelant a plutôt été autorisé à travailler pendant plus d’une semaine.

[38] L’employeur a déclaré qu’il ne se soucie pas de la consommation de drogues et d’alcool en dehors du travail tant que les employés sont « aptes au travail ». Il semble, en l’absence de preuve du contraire, que le fait d’être « apte au travail » concerne moins la consommation de drogues ou d’alcool par les employés que la capacité mentale et physique de la personne à s’acquitter de ses tâches [traduction] « de façon sécuritaire et productive ». L’appelant a fourni des éléments de preuve montrant qu’il avait travaillé de façon sécuritaire et productive entre son test de dépistage et sa suspensionNote de bas de page 24.

[39] Je conclus que l’employeur considérait l’appelant comme étant « apte au travail » au moment du test de dépistage et le reste de son temps de travail.

[40] La Commission s’est appuyée sur la politique sur l’aptitude au travail pour son argument principal selon lequel la consommation de cannabis par l’appelant est considérée comme une inconduite. Plus précisément, la Commission fait valoir qu’il n’appartient pas au Tribunal d’établir si l’appelant a été congédié à tort, si la politique était légale ou quels effets le cannabis a eus sur l’appelant, mais simplement [traduction] « qu’il suffit que l’employeur ait une politique de tolérance zéro à l’égard de la drogue et de l’alcool »Note de bas de page 25.

[41] L’interprétation que fait la Commission de la politique de l’employeur sur l’aptitude au travail est incorrecte. La politique dit clairement qu’il y a une tolérance zéro pour l’alcool, mais que les drogues sont permises jusqu’à une certaine limite. Cependant, en l’absence de tous les documents pertinents, la définition de la limite admissible pour le THC demeure un mystère.

[42] Le guide de l’employé de X Canada de l’employeur pour les opérations de Red Lake dit ce qui suitNote de bas de page 26 :

[traduction]
Bien que la procédure disciplinaire passe à l’étape suivante en cas de non-respect continu ou de problèmes liés au rendement, X se réserve le droit de répéter toute étape de la procédure disciplinaire ou de prendre des mesures disciplinaires à toute étape jusqu’à la cessation immédiate d’emploi pour un motif valable, lorsque les circonstances le justifient.

Inconduite grave. Voici des exemples de comportements qui seront traités comme une inconduite grave et qui justifieront une intervention disciplinaire plus grave ou un congédiement immédiat pour un motif valable :

...

xiii. Ivresse, consommation d’alcool au travail ou être sous l’influence de substances interdites.

...

xviii. Infractions graves aux lois, règlements ou procédures en matière de santé et de sécurité au travail.

...

xix. Violations délibérées des politiques de l’entreprise.

L’employeur a le droit de congédier tout employé qui commet une inconduite grave. L’employeur considère les manquements aux politiques de l’entreprise, les manquements graves aux règles de Santé et sécurité au travail et le fait d’être sous l’influence au travail comme des inconduites graves. Cependant, sans les politiques, les lois et les normes applicables, je ne peux pas décider que l’appelant a commis une infraction que l’employeur considère comme une « inconduite grave ».

[43] L’employeur a fourni les résultats de test de l’appelant. Les tests de dépistage de drogue et d’alcool qui ne relèvent pas du ministère des Transports ont été effectués par DriverCheck à l’aide d’un écouvillon oral (salive) et d’un alcootest. L’appelant a reçu un résultat négatif au test de dépistage de l’alcool et de toutes les drogues sauf la marijuana. Dans les notes, il est indiqué que le niveau quantitatif, qui est la quantité détectée dans le système de l’appelant, était de 30 nanogrammes par millilitre. Aucune information n’est fournie sur ce qui est considéré comme une quantité inacceptable pour chaque catégorie de drogue, si le test peut déterminer une incapacité ou une intoxication, s’il peut y avoir de faux négatifs ou positifs, ou si le test révèle une consommation en temps réel ou une consommation antérieureNote de bas de page 27.

[44] Dans sa lettre de congédiement, l’employeur a déclaré que l’appelant [traduction] « a déclaré travailler sous l’influence de THC, de drogues ou d’une autre substance psychoactive »Note de bas de page 28, ce qui contrevenait à ses politiques et à celles de la mine. Il a ajouté que l’appelant a enfreint la Loi sur la santé et la sécurité au travail, les règlements sur les mines et les usines minières(Mine and Mining Plants Regulations) et les règles pour sauver des vies (aptitude au travail) d’Evolution Mining (Evolution Mining’s Lifesaving Rules [Fit for Work]). La Commission et le Tribunal n’ont reçu aucune copie des politiques d’Evolution Mining ou des articles pertinents de la Loi sur la santé et la sécurité au travail et des règlements sur les mines et les usines minières. Je ne peux donc pas décider si l’appelant les a enfreintes.

[45] Je ne peux pas non plus accepter l’interprétation de l’employeur selon laquelle les règlements sur les mines et les usines minières [traduction] « interdit expressément à toute personne, y compris les membres du personnel, de pénétrer dans une mine sous l’influence d’une drogue ou d’une substance narcotique » sans examiner la loi. L’interprétation de l’employeur, sans contexte ni définition pour préciser ce qui est considéré comme une « drogue », empêcherait quiconque prend un médicament quelconque de travailler dans une mine. De toute évidence, c’est une interprétation ridicule qui ne serait pas conforme à l’esprit et à l’intention de tout règlement en milieu de travail.

[46] L’employeur affirme qu’il [traduction] « ne respecterait pas l’obligation que lui impose la [Loi sur la santé et la sécurité au travail] de prendre toutes les précautions raisonnables dans les circonstances pour protéger la santé et la sécurité d’un travailleur si X continuait d’employer [l’appelant] en raison de [son] inconduite »Note de bas de page 29. Même s’il cite plusieurs violations de la politique, l’employeur précise que la raison déterminante du congédiement de l’appelant est qu’il estime qu’il enfreindrait la Loi sur la santé et la sécurité au travail s’il ne le congédiait pas.

[47] De toute évidence, la Loi sur la santé et la sécurité au travail est une loi essentielle au présent appel. Je ne peux pas décider si elle a été enfreinte parce qu’elle n’a pas été présentée. La Commission a commis une erreur en acceptant l’interprétation de la loi par l’employeur sans l’examiner et en l’appliquant aux faitsNote de bas de page 30.

[48] La Cour d’appel fédérale a confirmé qu’un Tribunal doit disposer d’éléments de preuve suffisamment détaillés et des faits pertinents avant de pouvoir conclure qu’il y a eu inconduiteNote de bas de page 31.

[49] La même Cour a maintenu une décision selon laquelle un acte d’inconduite n’avait pas été prouvé, même si le permis du prestataire avait été suspendu automatiquement en raison de taux excessifs d’alcool dans le sang, parce que la Commission n’avait pas fourni les lois et règlements pertinents pour la révision afin d’établir si le prestataire les avait enfreints. Le prestataire a admis avoir consommé de l’alcool, mais comme la consommation d’alcool est légale, le simple fait de la consommer n’est pas une inconduite à moins qu’il puisse être prouvé qu’elle est excessive ou insouciante. La Commission devait fournir des preuves concernant le taux d’alcool dans le sang du prestataire et le fait qu’un tel taux contrevenait à un règlementNote de bas de page 32.

[50] Je juge que la preuve est insuffisante pour démontrer que l’appelant a enfreint :

  • son contrat de travail;
  • le guide de l’employé de X Canada pour les opérations à Red Lake;
  • la politique de l’employeur sur l’aptitude au travail;
  • la norme d’aptitude au travail de l’employeur;
  • les règles pour sauver des vies (aptitude au travail) d’Evolution Mining, ou la « norme du client » ou la « politique sur les drogues et l’alcool du site »;
  • la Loi sur la santé et la sécurité au travail;
  • les règlements sur les mines et les usines minières.

[51] Par conséquent, je conclus que la Commission n’a pas prouvé que :

  • le fait que l’appelant ait consommé du cannabis à la maison pendant ses heures de congé constituait une violation de toute politique ou réglementation;
  • l’appelant n’était pas « apte au travail »;
  • le taux de cannabis détecté dans le système de l’appelant dépassait la limite acceptable établie par une norme, une politique, un règlement ou une loi.

L’appelant savait-il qu’il pouvait perdre son emploi?

[52] J’estime que l’appelant ne savait pas que sa consommation de cannabis dans ce cas précis pouvait entraîner la perte de son emploi.

[53] Il n’y a pas de politique officielle concernant la consommation de cannabis en dehors du travail. La consommation de cannabis à des fins récréatives est maintenant considérée plus ou moins comme la consommation d’alcool au Canada. Ainsi, la consommation de cannabis en dehors des heures de travail n’est pas en soi une inconduite.

[54] L’appelant a déclaré qu’il a des problèmes à l’estomac et des problèmes musculosquelettiques qui nuisent à son sommeil et qui exigent un traitement contre la douleur et l’inconfort. Il a dit que d’autres médicaments lui donnaient l’impression d’être engourdi et au ralenti, ce qui signifie qu’il ne peut pas travailler en toute sécurité. Son médecin lui a prescrit du cannabis en 2015, ce qui permet de traiter efficacement ses problèmes de santé sans nuire à sa capacité de fonctionner. Il a consommé du cannabis en toute sécurité comme médicament pendant 7 ans avant son congédiement, et c’est la première fois qu’il échouait à un test de dépistage.

[55] L’appelant affirme que, par précaution, il s’abstient habituellement de prendre son médicament pendant cinq jours avant de prendre l’avion pour se rendre au travail. À cette occasion, il y avait une urgence familiale le lundi précédant le début de sa rotation qui était très stressante physiquement et émotionnellement. Ses problèmes de santé ont atteint un niveau intolérable, alors il a consommé du cannabis avant de se coucher, comme prescrit, mais à une dose plus faible que ce que son ordonnance indique. On lui a dit qu’il pouvait être sélectionné au hasard pour des tests d’aptitude au travail de 24 heures, mais comme il allait seulement commencer à travailler mercredi matin, il a pensé qu’il n’y aurait pas de problème à ce qu’il prenne son médicament.

[56] L’appelant est un expert en sécurité. Il savait qu’il n’était pas sécuritaire de travailler lorsqu’il prenait divers médicaments pharmaceutiques, alors il ne les a pas utilisés. L’appelant a une ordonnance de cannabis depuis plus de sept ans parce que le cannabis traite efficacement ses problèmes de santé sans nuire à sa capacité de travailler en toute sécurité. Il a également déclaré qu’il ne consomme jamais la quantité quotidienne prescrite parce que ce serait excessif et que cela pourrait nuire à sa capacité à travailler le lendemain. Cela démontre un niveau de conscience personnelle et de responsabilité dont il faut tenir compte lors de l’évaluation de sa conduite.

[57] Les politiques de l’employeur en matière de drogues et d’alcool sont vagues et contradictoires, de sorte que l’appelant n’était pas pleinement informé de ses droits ou de ses obligations. On lui a seulement dit qu’il pouvait faire l’objet de tests aléatoires d’aptitude au travail de 24 heures et qu’il ne pouvait pas être [traduction] « sous l’influence » au travail. Il a pris du cannabis à des fins médicales 35 heures avant de se présenter au travail et il savait qu’il ne serait pas intoxiqué à son arrivée. L’appelant ne savait donc pas qu’il pouvait perdre son emploi lorsqu’il consommait du cannabis.

[58] L’appelant a une ordonnance pour consommer du cannabis. Il affirme avoir légalement le droit d’en consommer pour traiter ses problèmes de santé, tout comme n’importe qui d’autre est autorisé à prendre ses médicaments sur ordonnance. Il a divulgué à son employeur ses prescriptions et les exigences juridiques canadiennes avant son congédiement. Même si je ne peux pas décider si son ordonnance rend son congédiement inapproprié ou illégal, il est raisonnable d’accepter les arguments de l’appelant selon lesquels il ne pensait pas perdre son emploi parce qu’il pensait que la loi l’empêcherait.

[59] Il est possible de conclure à une inconduite si la violation signifie que le prestataire ne peut plus remplir une condition essentielle de son emploiNote de bas de page 33. Le fait d’être interdit d’accéder à un lieu de travail pour avoir obtenu un résultat positif à un test de dépistage peut constituer un motif de congédiement pour inconduiteNote de bas de page 34.

[60] Le client de l’employeur n’a pas interdit à l’appelant d’aller à la mine parce qu’il avait obtenu un résultat positif au test de dépistage du THC. La politique du site, telle que communiquée à l’employeur, exigeait que l’appelant soit évalué par un professionnel en toxicomanie, qu’il suive le plan recommandé à la suite de cette évaluation et qu’il passe un test de retour au travail. Elle exige également que l’employeur paie pour le programme d’évaluation et de traitement.

[61] L’appelant n’a pas refusé de se conformer aux exigences de la politique. L’employeur n’a pas [traduction] « respecté la politique sur les drogues et l’alcool en tout temps » et a choisi de congédier l’appelant au lieu de payer pour un programme d’évaluation et de traitement. Ainsi, au moment de son congédiement, l’appelant était toujours capable de remplir des conditions essentielles de son emploi.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?

[62] La raison du congédiement de l’appelant n’est pas une inconduite au sens de la loi.

[63] Je conclus que la Commission n’a pas prouvé qu’il y a eu inconduite parce que :

  • l’appelant ne savait pas, ou aurait dû savoir, que la consommation de cannabis au moment où il l’a fait pouvait entraîner la perte de son emploi;
  • l’appelant était toujours capable de remplir les conditions essentielles de son emploi lorsqu’il a été congédié;
  • la Commission n’a pas prouvé qu’il y a eu violation de la politique.

L’appelant a-t-il donc perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[64] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[65] La Commission n’a pas prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[66] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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