Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1479

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (543899) datée du
28 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Ambrosia Varaschin
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 4 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 10 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-4142

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il était aux études. Par conséquent, il ne peut toucher de prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[3] L’appelant est un candidat au doctorat étranger dont le permis d’études limitait son travail à 20 heures par semaine pendant ses études. Il a établi une demande de prestations le 28 mars 2021, après avoir été mis à pied de son emploi à temps partiel dans le secteur de la construction.

[4] L’appelant a fourni à la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission) une copie de son permis d’études, qu’il a jointe à sa demande de prestations, mais il a précisé qu’il ne fréquentait pas l’écoleNote de bas de page 1. Il a également répondu « non » dans chacune de ses déclarations à la question de savoir s’il fréquentait l’école ou suivait une formation pendant la période visée par la déclaration. Il dit qu’il n’a pas compris la question et qu’il croyait que la Commission savait qu’il était un étudiant parce qu’il lui avait envoyé son permis d’études.

[5] La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance‑emploi du 29 mars au 9 avril 2021, du 3 septembre au 3 décembre 2021 et à partir du 22 janvier parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, le prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que le prestataire doit chercher un emploi et être capable de se présenter au travail.

[6] Il en est résulté un versement excédentaire de 12 652,00 $.

[7] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[8] La Commission affirme que l’appelant n’était pas disponible parce qu’il n’a pas fait suffisamment de démarches pour trouver du travail.

[9] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il tentait de trouver du travail conformément aux exigences de son permis d’études.

Question en litige

[10] L’appelant était-il disponible pour travailler pendant ses études?

Analyse

[11] Deux dispositions différentes de la loi exigent que le prestataire démontre qu’il est disponible pour travailler. L’appelant doit satisfaire aux critères des deux dispositions pour obtenir des prestations.

[12] Premièrement, la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi) prévoit qu’un prestataire doit prouver qu’il fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 2. Le Règlement sur l’assurance‑emploi (Règlement) énonce des critères qui contribuent à expliquer ce que sont des « démarches habituelles et raisonnables »Note de bas de page 3. Je vais examiner ces critères plus loin.

[13] Deuxièmement, la Loi dispose que le prestataire doit prouver qu’il est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’il est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 4. La jurisprudence énumère trois éléments qu’un prestataire doit prouver pour démontrer qu’il est « disponible » en ce sensNote de bas de page 5. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[14] La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux dispositions de la loi.

[15] De plus, la Cour d’appel fédérale a affirmé que les prestataires qui étudient à temps plein sont présumés ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 6. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Autrement dit, nous pouvons supposer que les étudiants ne sont pas disponibles pour travailler lorsque la preuve démontre qu’ils sont aux études à temps plein.

[16] Je vais d’abord voir si je peux présumer que l’appelant n’était pas disponible pour travailler. Je déciderai ensuite s’il était disponible en fonction des deux dispositions portant sur la disponibilité.

Présomption de non-disponibilité des étudiants à temps plein

[17] La présomption selon laquelle les étudiants ne sont pas disponibles pour travailler ne s’applique qu’aux étudiants à temps plein.

L’appelant n’est pas un étudiant à temps plein

[18] L’appelant n’est pas un étudiant à temps plein. Donc, la présomption ne s’applique pas à lui.

[19] L’appelant est un étudiant étranger qui a suivi un programme de maîtrise avant de devenir candidat au doctorat. Les programmes d’études supérieures n’ont pas nécessairement des horaires de cours stricts et, en l’espèce, l’appelant n’était tenu de se présenter en classe qu’une ou deux fois par semaine pendant deux ou trois heures à la fois. L’appelant n’est donc pas un étudiant à temps plein au sens de la Loi.

[20] Cela signifie seulement que l’appelant n’est pas présumé être non disponible pour travailler. Je dois tout de même examiner les deux dispositions qui s’appliquent en l’espèce et déterminer si l’appelant est effectivement disponible.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[21] La première disposition que je vais examiner mentionne que les prestataires doivent prouver que leurs démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 7.

[22] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de l’appelant étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 8. Je dois déterminer si ses démarches ont été soutenues et si elles étaient orientées vers l’obtention d’un emploi convenable. Autrement dit, l’appelant doit avoir continué de chercher un emploi convenable.

[23] Je dois également tenir compte des démarches effectuées par l’appelant pour trouver un emploi. Le Règlement dresse une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 9 :

  • l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement;
  • la communication avec des employeurs éventuels;
  • la présentation de demandes d’emploi;
  • la participation à des entrevues.

[24] La Commission soutient que le permis de travail de l’appelant lui permettait de postuler des emplois à temps plein sur le campus et des emplois à temps plein entre les semestres, mais qu’il ne l’a pas fait. Elle affirme également qu’il aurait pu demander un permis de travail lui permettant de travailler hors campus, mais qu’il ne l’a pas fait non plus.

[25] La Commission affirme que l’appelant n’a pas fait assez de démarches pour tenter de trouver un emploi. Elle souligne qu’il n’a postulé que six emplois en dix‑huit mois, ce qui ne démontre pas l’existence de démarches raisonnables pour trouver du travail.

[26] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme qu’il cherchait activement du travail, mais qu’il n’a rien pu trouver qui respecte les restrictions dont son permis d’études était assorti. Il soutient que son permis ne lui permettait de travailler hors campus que 20 heures par semaine, en tout temps, et qu’il n’était pas admissible à un permis de travail.

[27] L’appelant affirme que ses démarches étaient suffisantes pour prouver qu’il était disponible pour travailler.

[28] Je conclus que l’appelant aurait pu travailler plus de 20 heures par semaine entre les semestres. La Commission a précisé la disposition du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés qui s’applique à l’égard du permis d’études de l’appelant et qui prescrit qu’il peut « travailler à temps plein pendant les congés scolaires prévus au calendrier »Note de bas de page 10.

[29] Je conclus que l’appelant était en mesure de travailler à temps plein sur le campus. Le règlement prescrit que « l’étranger peut travailler au Canada sans permis de travail […] sur le campus du collège ou de l’université où son permis d’études l’autorise à étudier et où il est étudiant à temps plein, pour la période autorisée de son séjour à ce titre »Note de bas de page 11.

[30] Je n’ai pas suffisamment d’éléments de preuve pour tirer une conclusion au sujet de l’admissibilité de l’appelant à un permis de travail. Toutefois, il n’en a pas fait la demande et il n’a fourni aucune preuve pour expliquer pourquoi il n’avait pas pu le faire.

[31] Je conclus que l’appelant n’a pas postulé suffisamment d’emplois pour satisfaire aux exigences de l’article 50(8) de la Loi. Il n’a postulé que six emplois en un an et demi. Il a expliqué qu’il s’agissait des seuls emplois qu’il avait trouvés et qui satisfaisaient à toutes ses exigences et que, pendant ses études, il avait [traduction] « beaucoup de travail en laboratoire et il ne pouvait pas travailler ou postuler un emploi ». Ses démarches n’étaient donc pas soutenues ni ne visaient à trouver un emploi.

[32] L’appelant n’a pas prouvé qu’il a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[33] Je dois décider si l’appelant était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 12. La jurisprudence énonce trois facteurs dont je dois tenir compte pour trancher cette question. L’appelant doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 13 :

  1. 1) Il voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.
  2. 2) Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. 3) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (en d’autres termes, trop) ses chances de retourner au travail.

[34] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois me pencher sur l’attitude et la conduite de l’appelantNote de bas de page 14.

Désir de retourner sur le marché du travail

[35] L’appelant n’a pas démontré qu’il voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait offert, car il n’a pas activement cherché un emploi. Il a également affirmé que son épouse avait eu une grossesse difficile avant la naissance de son enfant en août 2021, de sorte qu’il était débordé : il avait dû s’occuper d’elle, faire venir la mère de son épouse au Canada pour qu’elle les aide et achever ses études. Il a dit qu’il n’avait pas cherché de travail pendant cette période, ce qui signifie qu’il ne voulait pas retourner au travail.

[36] Donc, l’appelant ne voulait pas retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

Démarches pour se trouver un emploi convenable

[37] L’appelant n’a pas effectué suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable.

[38] J’ai tenu compte de la liste des activités de recherche d’emploi susmentionnée pour statuer sur ce deuxième facteur. Pour ce facteur, la liste est fournie à titre indicatif seulementNote de bas de page 15.

[39] Les démarches de l’appelant pour trouver un nouvel emploi ont consisté notamment à présenter des demandes d’emploi sur des sites d’emplois en ligne et à distribuer son curriculum vitæ en personne. Il a dit qu’il n’avait postulé que des emplois dont les annonces précisaient qu’il s’agissait d’emplois à temps partiel et dont les tâches l’intéressaient; c’est pourquoi il n’avait postulé que six fois.

[40] L’appelant affirme qu’il ne comprenait pas comment fonctionnaient les recherches d’emploi au Canada. Il a déclaré qu’il avait laissé son curriculum vitæ dans des endroits comme Walmart et que le gérant lui avait dit : [traduction] « nous vous appellerons si quelque chose se présente »; il avait donc cessé de chercher et avait attendu qu’on l’appelle. Après plusieurs mois, il avait réalisé que personne ne l’appellerait et avait alors recommencé à chercher du travail.

[41] Ces démarches ne suffisent pas à satisfaire aux exigences de ce deuxième facteur pour les motifs suivants :

  • Il aurait dû élargir sa recherche d’emploi pour inclure des types d’emplois différents lorsqu’il n’y avait aucun poste disponible.
  • Il aurait dû faire un suivi auprès des employeurs au lieu d’attendre leurs appels.

Conditions limitant indûment ses chances de retourner au travail

[42] L’appelant a établi des conditions personnelles qui pourraient avoir limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[43] L’appelant soutient que la Loi prescrit qu’un emploi convenable est son emploi habituel au même salaire et aux mêmes conditions que son emploi précédent. La Commission ne peut donc pas s’attendre à ce qu’il soumette sa candidature à toutes sortes d’emplois.

[44] La Loi ne prescrit pas qu’un emploi convenable doit relever de l’occupation ordinaire du prestataire. Elle prévoit plutôt qu’un emploi convenable devrait être assorti d’une rémunération et de conditions semblables à celles de son emploi précédentNote de bas de page 16.

[45] Bien qu’on accorde aux prestataires un délai raisonnable pour trouver un emploi dans le cadre de leur occupation ordinaire, on s’attend à ce qu’ils étendent leurs recherches à d’autres types d’emplois après quelques mois. Les prestations d’assurance‑emploi ne sont pas censées fournir un revenu jusqu’à ce qu’un prestataire trouve l’emploi parfait; elles doivent fournir un revenu jusqu’à ce qu’il trouve un emploi convenable. Le prestataire qui n’élargit pas sa recherche d’emploi pour inclure toutes sortes d’occupations est généralement considéré comme ayant une restriction déraisonnable et il n’est pas disponibleNote de bas de page 17.

[46] Je conclus donc que les restrictions de l’appelant quant au type d’emploi qu’il a postulé limitaient indûment ses chances de trouver un emploi.

Donc, l’appelant est-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[47] À la lumière de mes conclusions sur les trois facteurs, je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[48] L’appelant n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. Pour cette raison, je conclus qu’il ne peut pas toucher de prestations d’assurance‑emploi.

[49] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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