Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KW c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 776

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : K. W.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (544535) datée du 23 janvier 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elyse Rosen
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 18 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 31 mai 2023
Numéro de dossier : GE-23-712

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] Voici mes conclusions :

  • L’appelante était fondée à quitter son emploi et elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.
  • La rémunération de 1 100 $ provenant d’un travail indépendant de l’appelante doit être répartie sur les semaines du 11 juillet 2021 et du 22 août 2021.
  • La pénalité de 5 000 $ imposée par la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission) doit être réduite à 275 $.
  • L’avis de violation délivré par la Commission doit être annulé.

Aperçu

[3] L’appelante a quitté son emploi pour se rapprocher de sa mère, qui avait besoin qu’elle s’occupe d’elle.

[4] La mère de l’appelante est légalement aveugle. Elle avait récemment perdu son mari et vivait seule depuis. Elle avait besoin d’aide pour s’acquitter de nombreuses tâches de base, dont la préparation des repas. L’appelante a déménagé à 400 km de la ville où elle vivait afin de pouvoir s’occuper d’elleNote de bas de page 1.

[5] L’appelante a dit à la Commission qu’elle a quitté son emploi parce qu’elle devait s’occuper de sa mère et que son époux avait été réinstallé. Elle a demandé et reçu des prestations d’assurance‑emploi.

[6] La Commission a entrepris une enquête sur la demande, ce qui l’a amenée à réexaminer sa décision de verser des prestations à l’appelante.

[7] La Commission affirme que l’appelante a fait une fausse déclaration sur la raison pour laquelle elle a quitté son emploi. Elle a également découvert que, pendant qu’elle recevait des prestations, elle a touché un revenu tiré d’un travail indépendant qu’elle n’a pas déclaré.

[8] Par conséquent, la Commission :

  • a décidé que l’appelante était exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification;
  • a réparti la rémunération que l’appelante a omis de déclarer;
  • a imposé une pénalité et délivré un avis de violation;
  • a délivré un avis de dette pour le versement excédentaire prestations découlant de l’exclusion et de la répartition, ainsi que pour la pénalité;

[9] L’appelante affirme qu’elle était fondée à quitter son emploi. Elle soutient qu’elle n’a pas fait sciemment des déclarations fausses et trompeuses à la Commission. Elle conteste la pénalité et l’avis de violation. Elle ne conteste pas le fait que sa rémunération provenant d’un travail indépendant devrait être répartie, mais elle conteste la façon dont elle a été répartie.

[10] Elle dit aussi avoir l’impression d’être ciblée par la Commission en raison d’une enquête distincte que la même enquêteuse a menée dans un dossier concernant son mari.

Questions en litige

[11] La Commission a‑t‑elle agi de façon judiciaire (au sens où ce terme est expliqué ci‑dessous) lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande de prestations de l’appelante?

[12] L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi sans justification?

[13] La Commission a-t-elle correctement réparti la rémunération que l’appelante a reçue pendant qu’elle touchait des prestations?

[14] La Commission a-t-elle à juste titre imposé une pénalité?

[15] La Commission a-t-elle à juste titre délivré un avis de violation?

Analyse

La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande de prestations de l’appelante?

[16] Je conclus que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande de prestations de l’appelante.

[17] La loi permet à la Commission de réexaminer une demande de prestations de sa propre initiativeNote de bas de page 2. Elle lui confère le pouvoir discrétionnaire de décider si elle doit le faire ou non. Autrement dit, la Commission a la liberté d’exercer son propre jugement pour déterminer si elle devrait ou non réexaminer la demande. Le Tribunal doit respecter le pouvoir discrétionnaire de la Commission.

[18] Toutefois, la Commission doit agir de façon judiciaire lorsqu’elle prend une décision discrétionnaire. Cela signifie qu’elle doit agir de bonne foi et qu’elle doit prendre en considération tous les faits pertinents, mais seulement les faits pertinents, pour en arriver à sa décision. À défaut de quoi, le Tribunal peut substituer sa propre décision à celle que la Commission a rendue.

[19] L’appelante remet en question la bonne foi de la Commission dans le réexamen de sa demande. Elle affirme que l’enquêteuse affectée à sa demande avait déjà fait enquête sur son époux dans un autre dossier. Elle pense que l’enquêteuse était fâchée contre son mari et qu’en conséquence, elle l’a ciblée. Elle affirme que l’enquêteuse relève maintenant d’un autre ministère qui enquête sur l’intégrité du personnel et a ouvert de nouvelles enquêtes contre elle et son mariNote de bas de page 3.

[20] Le dossier montre que, dans le contexte d’un dossier différent, l’enquêteuse a obtenu de l’époux de l’appelante des renseignements qui contredisaient des renseignements que l’appelante avait fournis à la Commission relativement à sa demandeNote de bas de page 4. Il semblerait que c’est ce qui a déclenché l’enquête sur la demande de l’appelante.

[21] La Commission dispose d’une politique qui énonce les circonstances dans lesquelles elle exercera son pouvoir discrétionnaire de réexaminer une demandeNote de bas de page 5. Ainsi, notamment, elle pourra réexaminer une demande si elle croit qu’un prestataire pourrait avoir fait des déclarations fausses ou trompeuses relativement à une demande de prestationsNote de bas de page 6.

[22] En l’espèce, la Commission a reçu, concernant la demande de prestations de l’appelante, des renseignements qu’elle a jugés contradictoires. Conformément à sa politique, elle a mené une enquête plus approfondie et a réexaminé la demande.

[23] Je comprends pourquoi l’appelante pourrait soupçonner que les sentiments de l’enquêteuse à l’égard de son époux par suite de l’autre enquête puissent avoir eu une incidence sur sa décision d’enquêter sur l’appelante. Mais je ne peux pas me laisser guider par un soupçon. Je n’ai aucune preuve qui me permette de conclure que la Commission n’agissait pas de bonne foi lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande de l’appelante.

[24] Compte tenu de la preuve, je conclus que la Commission suivait simplement sa politique. Je n’ai pas non plus de raison de penser qu’elle a pris en considération des faits non pertinents ou qu’elle n’a pas pris en considération des faits pertinents lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande de l’appelante.

[25] Je n’ai donc aucune raison de m’immiscer dans la décision de la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire de réexaminer la demande de l’appelante. Mais, comme je l’explique ci‑après, je ne suis pas d’accord avec les conclusions auxquelles elle est arrivée lorsqu’elle a réexaminé la demande.

L’appelante était-elle fondée à quitter son emploi?

[26] Pour répondre à cette question, je dois d’abord déterminer si l’appelante a quitté volontairement son emploi. Je dois ensuite décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi.

L’appelante a quitté son emploi volontairement

[27] Je conclus que l’appelante a quitté son emploi volontairement. Le relevé d’emploi délivré par son employeur mentionne qu’elle a quitté son emploi le 30 octobre 2020Note de bas de page 7. Elle a démissionné pour déménager dans le village où vivait sa mère.

[28] L’appelante confirme que c’est le cas. Donc, je l’accepte comme un fait.

L’appelante était fondée à quitter son emploi

[29] Je conclus que l’appelante était fondée à quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait.

[30] Selon la loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte son emploi volontairement sans justificationNote de bas de page 8. Le fait d’avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver que le prestataire était fondé à le faire.

[31] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Le prestataire est fondé à quitter son emploi s’il n’avait pas d’autre solution raisonnable dans les circonstancesNote de bas de page 9.

[32] Il incombe à l’appelante de prouver qu’elle était fondée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule solution raisonnable était de démissionner lorsqu’elle l’a faitNote de bas de page 10.

[33] Pour déterminer si l’appelante était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsqu’elle a démissionné. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 11.

[34] Après que j’ai décidé des circonstances qui s’appliquent, l’appelante doit démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi dans ces circonstancesNote de bas de page 12.

[35] J’ai pris en considération toutes les circonstances qui existaient lorsque l’appelante a démissionné J’estime qu’elle a prouvé qu’il y avait des circonstances en raison desquelles elle pourrait avoir été fondée à quitter son emploi.

[36] Selon la loi, l’obligation de prendre soin d’un membre de la famille immédiate est une circonstance que je dois prendre en considération pour décider si l’appelante était fondée à quitter son emploiNote de bas de page 13.

[37] L’appelante affirme qu’elle a quitté son emploi et qu’elle a déménagé pour prendre soin de sa mère.

[38] Elle explique que sa mère de 80 ans est légalement aveugle depuis son enfance. Elle est assez autonome, mais elle a besoin d’aide pour s’acquitter de nombreuses tâches, comme la préparation des repas, l’épicerie, les opérations bancaires et les visites chez le médecin au moins deux fois par mois. Elle souffre également d’un problème cardiaque et d’un grave problème à la vessie.

[39] C’est le père de l’appelante qui s’occupait de sa mère jusqu’à ce qu’il tombe malade à la fin de 2019. Il est décédé en avril 2020. Avant sa maladie, il s’était occupé de la cuisine, de l’épicerie et des opérations bancaires. C’est lui qui amenait sa femme à tous ses rendez‑vous.

[40] En mars 2020, l’appelante a été mise à pied en raison de la pandémie de COVID-19. Elle est allée rester chez ses parents pour s’occuper d’eux et, après le décès de son père, pour s’occuper de sa mère. De mai 2020, date à laquelle elle a été rappelée au travail à temps partiel, à juillet 2020, elle est restée chez sa mère et a travaillé à distance. En juillet 2020, son employeur a insisté pour qu’elle retourne au bureau. Elle parcourait donc les 800 km deux fois par mois pour aider sa mère. Il s’agissait notamment de préparer des repas et de s’occuper de son épicerie et de ses opérations bancaires. Des voisins veillaient sur sa mère entre les visites de l’appelante. La situation était toutefois loin d’être idéale. Sa mère avait besoin de plus d’aide que cela.

[41] Après le décès de son père, l’appelante et son époux ont décidé qu’ils déménageraient dans le village de sa mère. L’appelante a commencé à chercher du travail dans deux villes qui se trouvaient toutes deux à 60 km du villageNote de bas de page 14. Elle a également commencé à chercher une maison dans le village et a mis sa maison en ville en vente.

[42] En prévision du déménagement, son mari a parlé à son employeur pour obtenir une mutation à son bureau situé dans une ville proche du village. Il a dit à l’appelante que tout avait été organiséNote de bas de page 15.

[43] Après que son mari lui eut confirmé qu’il serait muté et qu’elle eut pris des dispositions pour acheter une maison dans le village et eut trouvé des locataires pour leur maison en ville (elle n’avait pas trouvé d’acheteur), elle a quitté son emploi et a déménagéNote de bas de page 16.

[44] La Commission ne croit pas que l’appelante ait quitté son emploi parce qu’elle devait prendre soin de sa mère. Elle affirme ce qui suitNote de bas de page 17 :

  • sa mère est suffisamment autonome et elle n’a pas besoin qu’on s’occupe d’elle;
  • elle avait des voisins qui veillaient sur elle régulièrement;
  • le déménagement n’était pas urgent;
  • initialement, l’appelante n’a pas fait valoir qu’elle a quitté son emploi parce qu’elle devait prendre soin de sa mère; ce n’est donc pas la véritable raison pour laquelle elle a quitté son emploi.

[45] La Commission soutient que la décision de l’appelante de quitter son emploi relevait d’un choix personnel et non d’une nécessité. Je ne suis pas d’accord.

[46] La loi n’explique pas ce qu’elle entend par l’expression « prendre soin ». La jurisprudence confirme toutefois qu’il s’agit notamment d’offrir du soutien à un parent vieillissant qui est anxieux, malade et seul, même lorsqu’il n’y a pas d’urgence médicale physiqueNote de bas de page 18.

[47] Je conclus que l’appelante avait l’obligation de prendre soin de sa mère. Je fonde cette conclusion sur les faits suivants :

  • Dans la mesure où sa mère était aveugle depuis son enfance et où elle s’était adaptée à son handicap, le père de l’appelante s’était occupé de tous ses besoins pendant des décennies. Elle n’avait jamais vécu de façon autonome. À 80 ans, elle était incapable de s’adapter de manière à prendre soin d’elle‑même à tous égards.
  • Bien que sa mère ait pu utiliser la cuisinière et le micro‑ondes pour s’acquitter de tâches simples, comme réchauffer une boîte de soupe, elle n’était pas en mesure de cuisiner et de préparer des repas pour elle‑même. Elle n’aurait pas pu subvenir seule à ses besoins en matière de nutrition.
  • Les voisins avaient beaucoup aidé dans la période qui a suivi le retour de l’appelante au travail après le décès de son père. Toutefois, la mère de l’appelante ne pourrait pas compter indéfiniment sur ce niveau de soutien des voisins. De plus, les voisins qui avaient aidé le plus sa mère ont quitté le village en janvier 2021.
  • L’appelante est enfant unique. Après que son père est tombé malade et après son décès, il n’y avait personne d’autre qu’elle pour prendre soin de sa mère.
  • La seule autre membre de la famille de sa mère était une sœur âgée qui vivait à 45 minutes.
  • Ni l’appelante ni sa mère n’avaient les moyens d’assumer le coût d’une aide à domicile ou d’un établissement avec services. Quoi qu’il en soit, un établissement n’était pas un choix approprié pour sa mère étant donné sa cécité. L’appelante avait envisagé cette option, mais elle a conclu que le changement serait trop important pour sa mère. Comme elle est une personne aveugle, il est essentiel pour elle de connaître son environnement et, à son âge, il serait trop difficile de s’adapter. De plus, dans un établissement, sa mère ne serait pas en mesure de conserver sa routine ordinaire, qui consistait notamment à se rendre régulièrement à l’église. Il s’agissait d’un élément central dans la vie de sa mère, qu’elle croyait ne pas pouvoir lui enlever.

[48] Ces faits ne sont pas contredits, et je n’ai aucune raison de ne pas les accepter comme étant véridiques.

[49] Je ne suis pas d’accord avec la Commission pour dire que la décision de l’appelante de quitter son emploi et de déménager dans le village de sa mère relevait d’un choix personnel et non d’une nécessité.

[50] La mère de l’appelante était âgée et invalide. Elle ne pouvait pas prendre soin d’elle‑même. Le déménagement n’était pas urgent étant donné qu’il n’y avait pas d’urgence médicale, mais comme l’explique la jurisprudence, il ne s’agit pas d’un critère obligatoire.

[51] De plus, l’appelante ne voulait pas vivre dans le village. C’est une petite communauté de retraités, a‑t‑elle expliqué. Elle ne présente aucun intérêt pour elle et son mari. Elle n’aurait jamais déménagé là‑bas, n’eût été son obligation de prendre soin de sa mère.

[52] Je n’ai aucun doute que l’appelante a quitté son emploi pour prendre soin de sa mère. Je conclus que l’obligation de prendre soin de sa mère est une circonstance pouvant donner naissance à un motif valable de quitter son emploi. Toutefois, l’appelante doit également démontrer qu’aucune autre solution raisonnable ne s’offrait à elle.

[53] Je conclus que l’appelante a prouvé qu’elle n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi pour déménager afin de pouvoir prendre soin de sa mère.

[54] La Commission affirme que l’appelante aurait pu trouver un emploi dans le village de sa mère avant de quitter son emploi. Or, l’appelante a déclaré qu’elle avait tenté pendant de nombreux mois de trouver un emploi là‑bas avant de quitter son emploi. Elle a demandé à son employeur de la muter à l’un de ses lieux de travail dans une ville voisine du village de sa mère, mais il n’a pas été en mesure de le faire. Il n’était pas disposé non plus à lui permettre de travailler à distance. Elle a tenté de trouver du travail dans le village de sa mère et dans les villes environnantes, posant sa candidature à divers postes. Elle s’est inscrite sur des sites d’emplois et a cherché des postes dans d’autres villes et provinces qui lui permettraient de travailler à distance. Toutefois, elle estimait ne pas pouvoir reporter indéfiniment son déménagement simplement parce qu’elle n’avait pas trouvé de travail. Sa mère avait besoin d’elle.

[55] Son témoignage concernant ses démarches pour trouver du travail avant de déménager était clair, crédible et non contredit. En outre, il concorde avec ce qu’elle a dit à la Commission pendant l’enquête sur sa demandeNote de bas de page 19. Je conclus donc que l’appelante a fait suffisamment de démarches pour trouver du travail pendant une période suffisamment longue avant de déménager. J’admets qu’il n’était pas raisonnable de poursuivre ces démarches avant de déménager, compte tenu de la nécessité de prendre soin de sa mère.

[56] Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, l’appelante a envisagé la possibilité de placer sa mère dans un établissement, mais elle a écarté cette possibilité comme solution de rechange raisonnable pour les raisons que j’ai déjà exposées.

[57] Avant de décider de déménager, l’appelante avait invité sa mère à venir vivre avec elle dans la ville, mais sa mère a refusé de déménager. La Commission affirme que cela démontre que sa mère était suffisamment autonome pour vivre seule. Je ne suis pas d’accord. Je considère le refus de sa mère comme une preuve supplémentaire que son propre environnement et sa routine étaient essentiels pour elle. Par conséquent, l’appelante devait se rapprocher de sa mère plutôt que de demander à cette dernière de se rapprocher d’elle.

[58] Je ne vois pas d’autre solution raisonnable pour l’appelante dans les circonstances, si ce n’est de quitter son emploi pour prendre soin de sa mère. Je suis convaincue qu’elle était fondée à le faire.

[59] La Commission affirme que je ne devrais pas accepter que la véritable raison pour laquelle l’appelante a quitté son emploi était de prendre soin de sa mère. En effet, ce n’est pas la raison qu’elle a invoquée au départ pour quitter son emploi. Elle dit que l’appelante n’est pas crédible et que je ne devrais pas la croire.

[60] Or, l’appelante n’a pas fait valoir après coup l’argument selon lequel elle voulait prendre soin de sa mère. Elle a affirmé que chaque fois qu’elle a parlé à un agent de la Commission des raisons pour lesquelles elle avait quitté son emploi, elle a dit que son époux avait été muté afin qu’ils puissent se rapprocher de sa mère. Elle a donné les deux raisons.

[61] Lorsque la Commission a appelé son mari pour vérifier la raison pour laquelle elle a quitté son emploi, il a dit la vérité. Il a dit qu’ils avaient déménagé pour que lui et l’appelante puissent s’occuper de la mère de cette dernière. Il a expliqué qu’il avait demandé une mutation dans un bureau situé plus près de la mère de l’appelante et qu’il croyait qu’il l’obtiendrait. Lorsqu’il a demandé pour la première fois à son employeur la permission de déménager, il travaillait à distance en raison de la pandémie. Par conséquent, son employeur ne s’opposait pas à ce qu’il déménage. Finalement, lorsque les employés ont été rappelés au bureau, sa demande de mutation a été refusée. Mais au moment où ils ont déménagé, il avait l’impression qu’il avait obtenu une approbation non officielle et qu’il allait éventuellement obtenir l’autorisation officielle de déménager au bureau situé plus près du village de sa belle‑mère.

[62] Lorsque la raison pour laquelle l’appelante a quitté son emploi est nettement devenue le sujet d’une enquête qui pourrait mettre ses prestations en péril, il a dit à la Commission qu’il avait dit à son épouse de mettre l’accent sur la mutation plutôt que sur les besoins de soins de sa mère lorsqu’elle a donné ses raisons à la Commission. Mais l’appelante affirme que ce n’est pas vrai. Elle dit qu’il ne lui a jamais dit de faire ça. Il a seulement dit à la Commission qu’il avait fait cela parce qu’il voulait porter lui‑même le blâme plutôt que de le faire porter à l’appelante. Il essayait de la protéger.

[63] La Commission n’a pas jugé l’appelante crédible, mais moi si. En voici les raisons :

  • L’appelante n’a pas du tout été évasive dans son témoignage. Ses explications étaient cohérentes et crédibles.
  • Elle a été honnête au sujet du fait que, lorsqu’elle a parlé à la Commission, elle a ajouté l’information sur la mutation de son époux afin de renforcer ses motifs de départ, plutôt que de simplement dire que c’était pour prendre soin de sa mère. Mais elle insiste pour dire qu’elle croyait que les renseignements qu’elle a fournis au sujet de la mutation de son mari étaient véridiques.
  • Elle affirme qu’elle avait deux raisons de déménager dans le village de sa mère et qu’elle les a données aux agents avec qui elle a parlé. Je trouve cela crédible. Elle n’avait à mon avis aucune raison de cacher le fait qu’elle a quitté son emploi pour prendre soin de sa mère. Et elle dit qu’elle ne l’a pas caché et qu’elle n’a tout simplement pas souligné cette raison comme étant la raison principale. Bien que le registre de ce qui semble être la première conversation entre la Commission et l’appelante ne traite que de la question de la mutation de son époux, je ne peux conclure qu’elle n’a pas également dit que son époux avait obtenu une mutation pour qu’ils puissent se rapprocher de sa mèreNote de bas de page 20. Et, dans les registres d’appels ultérieurs, elle fait référence à la nécessité de déménager pour se rapprocher de sa mèreNote de bas de page 21.
  • La Commission a de toute évidence inféré (autrement dit, elle a supposé) que l’époux de l’appelante l’avait encouragée à dire qu’il avait été muté. Elle remet en question la crédibilité de l’appelante sur le fondement de cette conclusionNote de bas de page 22. Je conclus que l’inférence n’est pas raisonnable. Dès le départ, son époux a dit à la Commission que le déménagement avait pour objectif de se rapprocher de la mère de l’appelanteNote de bas de page 23.
  • L’appelante a eu les larmes aux yeux lorsqu’elle a déclaré qu’elle n’avait pas pu laisser sa mère seule après que son père est tombé malade et qu’il est décédéNote de bas de page 24.

[64] Je ne peux pas écarter l’obligation de l’appelante prendre soin de sa mère comme raison légitime pour laquelle elle a quitté son emploi simplement parce qu’elle a également donné une autre raison. J’admets que l’appelante a peut‑être pensé que prendre soin de sa mère n’était pas une raison suffisante pour quitter son emploi lorsqu’elle a parlé à la Commission. C’est très probablement la raison pour laquelle elle a également dit à la Commission que son époux avait été muté. Elle voulait étayer (c’est‑à‑dire renforcer) sa demande. Mais cela ne change rien au fait que prendre soin de sa mère est une raison suffisante. Cela est vrai même si l’appelante n’a peut‑être pas réalisé que cette raison était suffisante et qu’elle a voulu donner du poids à son explication concernant sa décision de quitter son emploi en donnant les deux motifs.

[65] De plus, comme je l’ai expliqué précédemment, je n’ai aucune preuve qui contredit le témoignage de l’appelante selon lequel sa mère avait besoin de soins et elle était la seule à pouvoir les lui fournir. Je n’ai pas non plus de preuve qu’elle savait que son époux n’avait pas été muté.

[66] Je ne peux donc pas accepter l’argument de la Commission selon lequel la raison pour laquelle l’appelante a quitté son emploi n’est pas crédible.

[67] Étant donné que j’ai conclu qu’elle était fondée à quitter son emploi, l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

La Commission a-t-elle correctement réparti la rémunération de l’appelante?

[68] Au cours de son enquête, la Commission a appris que, pendant que l’appelante recevait des prestations, elle a travaillé comme planificatrice de mariages. L’appelante n’a pas déclaré le revenu qu’elle avait tiré de la prestation de ces services. La Commission a donc réparti (en d’autres termes, appliqué) ces montants sur les semaines relevant de la période de prestations de l’appelante.

[69] Je conclus que ces sommes sont une rémunération et, donc, qu’elles doivent être réparties. J’estime toutefois que la Commission ne les a pas réparties sur les bonnes semaines.

[70] La loi prévoit que certaines sommes reçues par un prestataire (une rémunération) doivent être déduites des prestations qui lui sont payablesNote de bas de page 25.

[71] La loi édicte que la rémunération est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploiNote de bas de page 26.

[72] Le revenu du travailleur indépendant vise le reste du revenu brut qu’il tire d’un travail indépendant après déduction de ses dépenses d’exploitationNote de bas de page 27.

[73] La Commission affirme que l’appelante était une travailleuse indépendante et qu’elle a reçu 1 100 $ en contrepartie de la prestation de services de planification de mariage. Elle a fourni des factures qui en font la preuve, et l’appelante ne le conteste pas. J’admets donc comme fait que l’appelante était une travailleuse indépendante et qu’elle a reçu 1 100 $ en contrepartie de la prestation de services de planification de mariage.

[74] Elle dit avoir engagé des dépenses qui ont eu pour effet de réduire considérablement le montant net qu’elle a reçu, parce qu’elle a dû se rendre en ville et rester dans un hôtel. Elle n’a cependant fourni aucune preuve du montant des dépenses qu’elle a engagées. Je ne peux donc pas tenir compte de ses dépenses.

[75] Je conclus que la totalité du montant de 1 100 $ qu’elle a reçu constitue une rémunération et que celle‑ci doit être répartie.

[76] Selon la loi, lorsqu’un travailleur indépendant fournit des services, sa rémunération est répartie sur les semaines où ont été fournis les services qui y ont donné lieu, sans égard à la date à laquelle le paiement est reçuNote de bas de page 28.

[77] Ainsi que je l’ai mentionné précédemment, je conclus que la rémunération de 1 100 $ se rapporte à des services que l’appelante a fournis pendant qu’elle était une travailleuse indépendante.

[78] La Commission a examiné les contrats pour lesquels l’appelante a reçu le montant de 1 100 $. Elle a réparti cette somme sur les semaines pendant lesquelles, selon les contrats, les services auraient été fournis.

[79] Toutefois, je n’ai aucune preuve que l’appelante a fourni des services au cours de chacun des 30 jours prévus dans le contrat pour la prestation des services. Selon la preuve dont je dispose, l’appelante a assisté à des mariages le 17 juillet et le 28 août 2021. Selon son témoignage, elle a fourni des services pendant deux jours : elle a assisté à une répétition puis à l’événement.

[80] D’après la preuve, il semble que les services n’aient été rendus que pendant les semaines du 11 juillet et du 22 août 2021. L’appelante a assisté à des mariages au nom de clients pendant ces semaines. Elle a gagné 500 $ et 600 $ pour chacun de ces mariages respectivement.

[81] Compte tenu de la preuve, je conclus que la Commission aurait dû affecter 500 $ à la semaine du 11 juillet 2021 et 600 $ à la semaine du 22 août 2021.

[82] Comme la rémunération de 1 100 $ aurait dû être déduite des prestations que l’appelante a reçues, mais qu’elle ne l’a pas été, cette somme doit être remboursée.

[83] La Commission a également réparti un revenu de 173 $ que l’appelante a reçu de son employeur la semaine du 20 juin 2021. L’appelante ne conteste pas que la somme en question était une rémunération ou qu’elle a été correctement répartie. Toutefois, contrairement à ce que la Commission affirme, l’appelante a déclaré ce revenuNote de bas de page 29. Elle affirme qu’il ne devrait pas être inclus dans le versement excédentaire qu’on lui a demandé de rembourser.

[84] La Commission a pour politique de ne pas créer de versement excédentaire lorsque celui‑ci découle de sa propre erreur et que cette erreur ne se rapporte pas à ce qu’elle appelle la « structure de la Loi »Note de bas de page 30. Une erreur liée à la répartition de la rémunération n’est pas une erreur liée à la structure de la LoiNote de bas de page 31.

[85] Puisque l’appelante a déclaré cette rémunération, la Commission a commis une erreur en omettant de la répartir. Selon sa politique, la somme de 173 $ n’aurait pas dû être répartie rétrospectivement (autrement dit, après coup) pour ainsi créer un versement excédentaire. Cela s’explique par le fait que l’erreur se rapporte à la répartition de la rémunération.

[86] Je n’ai malheureusement pas le pouvoir d’appliquer la politique de la Commission pour modifier le versement excédentaire. En effet, la politique n’est pas une loi, et je ne peux appliquer que la loi. Selon la loi, la somme de 173 $ doit être rembourséeNote de bas de page 32. Toutefois, la Commission pourrait vouloir déterminer si elle doit annuler le versement excédentaire de 173 $ étant donné sa politique.

La Commission a-t-elle correctement imposé une pénalité?

[87] Je conclus que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a imposé une pénalité à l’appelante. Par conséquent, j’ai ramené la pénalité à 275 $.

[88] La Commission peut imposer une pénalité à un prestataire si, à son avis, le prestataire a fourni un renseignement ou fait une déclaration qu’il savait être faux ou trompeurNote de bas de page 33.

L’appelante a-t-elle fait des déclarations fausses ou trompeuses?

[89] Je conclus que l’appelante a fait de fausses déclarations à la Commission.

[90] La Commission affirme que l’appelante a fait dix déclarations fausses et trompeuses. Elles sont énoncées dans les détails de la décision de réexamenNote de bas de page 34. Je suis d’accord avec la Commission pour dire que la plupart de ces déclarations étaient fausses ou trompeuses.

[91] L’appelante a dit à la Commission que l’une des raisons pour lesquelles elle a quitté son emploi est que son époux avait été muté à un autre bureau de son employeur. Cette affirmation était fausse. Son mari n’avait pas été muté. Elle a fait cette déclaration trois fois.

[92] Toutefois, je ne suis pas d’accord avec la manière dont la Commission a qualifié ce qu’elle a dit. Je ne crois pas qu’elle ait dit à la Commission qu’elle avait l’obligation de suivre son époux, comme le laisse entendre l’agent chargé du réexamen. Selon un registre des appels de l’une des dates où, la Commission affirme‑t‑elle, les fausses déclarations ont été faitesNote de bas de page 35, l’appelante a déclaré que la mutation de son époux et la décision de déménager pour se rapprocher de sa mère avaient eu lieu simultanément. Cela corrobore le témoignage de l’appelante selon lequel elle a donné les deux motifs, et non un seul.

[93] Dans sa demande de prestations du 23 février 2020, l’appelante a déclaré qu’elle n’était pas une travailleuse indépendante. Cette affirmation était fausse. Elle faisait activement la promotion de son travail de planificatrice de mariages. Peu de temps après avoir fait cette déclaration, elle a signé un contrat de services de planification de mariageNote de bas de page 36. Cela suffit pour qu’elle soit considérée comme ayant été une travailleuse indépendante à la date à laquelle elle a fait la déclarationNote de bas de page 37.

[94] Elle a également répondu non aux questions suivantes dans ses déclarations bimensuelles, pour une période pendant laquelle elle avait fourni des services de planification de mariage et reçu un paiement :

  • Avez-vous travaillé ou reçu une rémunération pendant (la période) visée par cette déclaration?
  • Avez‑vous reçu ou recevrez‑vous d’autres sommes d’argent que celles déjà mentionnées pour la période visée par cette déclaration?

[95] Ces déclarations étaient fausses. La preuve démontre qu’elle a fourni des services de planification de mariage au cours des semaines du 11 juillet et du 22 août 2021. Elle a reçu un paiement pour ces services pendant ces semaines. La Commission a compté cela comme six fausses déclarations. Bien que je sois d’accord pour dire que les déclarations étaient fausses, je ne suis pas d’accord avec le calcul, comme je l’expliquerai plus en détail ci‑après.

L’appelante a-t-elle fait sciemment les fausses déclarations?

[96] Je conclus que certaines des fausses déclarations de l’appelante n’ont pas été faites sciemment. Je conclus que deux fausses déclarations seulement ont été faites sciemment.

[97] Pour déterminer si des renseignements ont été fournis sciemment, je dois décider si l’appelante savait que la déclaration était fausse ou trompeuseNote de bas de page 38. Pour ce faire, je dois déterminer si l’appelante croyait honnêtement que la déclaration était vraieNote de bas de page 39.

[98] Bien qu’il s’agisse d’un critère subjectifNote de bas de page 40, il y a lieu de tenir compte du bon sens et de facteurs objectifs pour déterminer si l’appelante savait subjectivement que les renseignements fournis étaient fauxNote de bas de page 41.

[99] Dès que la Commission a prouvé qu’un prestataire a fait une déclaration fausse ou trompeuse, il incombe au prestataire d’expliquer pourquoi il a cru que la déclaration n’était pas fausse ou trompeuseNote de bas de page 42.

[100] Comme je l’ai expliqué précédemment, j’ai déjà conclu que la Commission s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que l’appelante avait fait des déclarations fausses et trompeuses.

[101] Toutefois, je ne crois pas que l’appelante ait fait toutes ces déclarations sciemment.

[102] L’appelante affirme que son époux lui a dit qu’il avait été muté dans un autre bureau. Je n’ai aucune raison de ne pas la croire. Il n’y a aucune preuve qui le contredise.

[103] Je crois qu’il était raisonnable pour l’appelante de croire son époux lorsqu’il lui a dit qu’il avait été muté. Il avait accepté de déménager avec elle dans le village de sa mère. Étant donné qu’elle avait quitté son emploi et qu’elle n’en avait pas encore trouvé un nouveau, il allait être le seul soutien familial jusqu’à ce qu’elle puisse trouver un autre emploi. Il aurait été raisonnable pour elle de conclure qu’il n’aurait pas mis leur gagne‑pain en danger en acceptant de déménager sans avoir obtenu une mutation.

[104] Je conclus que, lorsqu’elle a dit à la Commission que son époux avait été muté, elle croyait que cette déclaration était vraie.

[105] Je ne crois pas non plus que l’appelante ait cru faire une déclaration fausse ou trompeuse lorsqu’elle a déclaré dans sa demande de prestations du 23 février 2020 qu’elle n’était pas une travailleuse indépendante.

[106] L’appelante avait exploité une entreprise plus importante de planification et de décoration de mariages par le passé, mais elle avait fermé les portes de cette entreprise en 2017. Dans le contexte d’une demande d’assurance‑emploi présentée en 2016, alors qu’elle dirigeait une entreprise plus vaste, elle avait déclaré qu’elle était une travailleuse indépendante et avait déclaré le revenu qu’elle avait tiré d’un travail indépendantNote de bas de page 43.

[107] Après avoir fermé les portes de son entreprise, elle a trouvé un emploi à temps plein. Elle a continué à planifier quelques mariages au hasard comme [traduction] « revenu d’appoint ».

[108] Lorsqu’elle a demandé des prestations en février 2020, elle travaillait à temps plein chez un concessionnaire automobile depuis plus de deux ans. Bien qu’elle ait eu un site Web et une présence sur les médias sociaux pour son entreprise de planification de mariage, rien ne prouve qu’à cette date, ses services avaient été réservés pour la planification de mariages à venir.

[109] Étant donné que l’appelante n’effectuait pas activement de travail de planification du mariage à la date à laquelle elle a fait la déclaration, je la crois lorsqu’elle dit qu’elle n’a pas tenu compte du fait qu’elle était encore une travailleuse indépendante. Je conclus donc que, lorsqu’elle a déclaré qu’elle n’était pas une travailleuse indépendante dans sa demande de prestations, elle ne faisait pas sciemment une fausse déclaration.

[110] En ce qui concerne l’omission de l’appelante de déclarer le travail de planification du mariage qu’elle avait effectué et pour lequel elle avait reçu un paiement en juillet et août 2021, je conclus qu’elle a sciemment induit la Commission en erreur lorsqu’elle a répondu non aux questions sur le travail, la rémunération et les sommes reçues dans ses déclarations bimensuelles.

[111] Dans la mesure où le temps consacré et les montants reçus n’étaient pas importants, les questions sur les fiches de déclaration sont claires. L’appelante avait travaillé et avait reçu des sommes d’argent, mais elle a néanmoins répondu non à ces questions.

[112] À l’audience, elle a admis qu’il s’agissait d’une erreur. Elle reconnaît qu’elle aurait dû déclarer le travail de planification de mariage qu’elle avait effectué et la rémunération qu’elle avait reçue.

[113] Elle a expliqué qu’elle avait répondu non à ces questions parce qu’elle estimait que le travail de planification de ces mariages se rapportait à une période antérieure et non à la période pour laquelle elle faisait des déclarations. Les mariages avaient été réservés en mars et juin 2020, mais ils avaient été reportés à 2021 en raison de la pandémie. Les acomptes avaient été reçus au moment de la réservation.

[114] L’appelante admet qu’elle a assisté à ces mariages et qu’elle a reçu un solde de paiement pour son travail pendant les semaines du 11 juillet et du 22 août 2021.

[115] Je ne peux pas croire que l’appelante ignorait qu’une réponse négative à ces questions était fausse. Les questions sont claires. Le bon sens veut que, dans les circonstances, l’appelante ait dû y répondre par l’affirmative. L’appelante aurait pu communiquer avec la Commission pour nuancer ses réponses si elle estimait que la rémunération qu’elle avait reçue ne devait pas être répartie sur ses prestations dans les circonstances ou si elle estimait qu’une simple réponse par oui ou non n’était pas possible.

[116] L’appelante affirme qu’elle croyait également qu’elle n’avait pas à déclarer les sommes reçues parce qu’elle avait engagé des dépenses pour ces mariages. Les réservations avaient été faites lorsqu’elle vivait en ville et c’est là que devaient se dérouler les mariages. Comme elle avait déménagé, elle a dû parcourir 800 km pour y retourner et rester dans un hôtel pour assister aux mariages. Elle dit qu’elle ne pouvait pas facturer ces dépenses à ses clients.

[117] Elle soutient qu’en raison de ces dépenses imprévues, elle n’a pas vraiment gagné beaucoup d’argent, si tant est qu’elle en ait gagné. C’est une autre raison pour laquelle elle affirme avoir répondu non à ces questions.

[118] Je n’accepte pas cette explication. Les questions de la fiche de déclaration portent sur toute rémunération ou somme d’argent reçue. Les questions sont simples et claires et, de toute évidence, la réponse aurait dû être oui. Or, l’appelante a répondu par la négative.

[119] Même si l’appelante avait des dépenses à déduire des sommes reçues, elle était obligée de déclarer qu’elle les avait reçues. Elle ne l’a pas fait.

[120] Je conclus que l’appelante a sciemment omis de déclarer qu’elle avait travaillé pendant la période de prestations et qu’elle avait reçu une rémunération pour ce travail.

[121] Toutefois, contrairement à ce que la Commission a décidé, je conclus qu’elle n’a fait que deux déclarations qui étaient sciemment fausses.

[122] L’appelante soutient qu’étant donné qu’elle a assisté à deux mariages et qu’elle a reçu un paiement à ce moment‑là, chaque événement ne devrait être compté qu’une seule fois. Je suis d’accord.

[123] Les contrats pour les mariages indiquent que les services doivent être rendus dans une période de 30 jours. Pour cette raison, la Commission a réparti la rémunération pour chaque mariage sur chacun des 30 jours précédents. Puisque chacune de ces périodes de 30 jours s’étendait sur plusieurs périodes de déclaration, la Commission a comptabilisé une fausse déclaration distincte pour chaque période de déclaration sur laquelle elle avait réparti la rémunération reçue des mariages.

[124] Toutefois, comme je l’ai expliqué précédemment, la preuve démontre qu’il n’y a eu que deux semaines où les services ont été fournis et une somme d’argent a été reçue.

[125] Je conclus que l’appelante a sciemment fait la déclaration selon laquelle elle n’avait pas travaillé ou reçu de rémunération ou d’autres sommes seulement deux fois au cours de chacune des semaines où des services ont été fournis et que des sommes ont été reçues.

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a imposé la pénalité?

[126] Je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a imposé la pénalité. Par conséquent, je peux imposer la pénalité qu’à mon avis elle aurait dû imposer.

[127] La décision de la Commission d’imposer une pénalité est discrétionnaire. Comme je l’ai déjà expliqué, les décisions discrétionnaires ne devraient être modifiées que si la Commission n’a pas agi de bonne foi, compte tenu de tous les faits pertinents et compte non tenu de tous les faits non pertinentsNote de bas de page 44.

[128] La Commission affirme qu’elle a pris en considération tous les faits pertinents et qu’elle n’a pas pris en considération les faits non pertinents lorsqu’elle a imposé la pénalité. Je ne suis pas d’accord.

[129] La loi confère à la Commission le pouvoir d’imposer une pénalité pour chaque déclaration fausse ou trompeuse faite par un prestataire et pour chaque omission d’un prestataire de déclarer une rémunérationNote de bas de page 45.

[130] Dans le calcul de la pénalité à imposer, la Commission a tenu compte du fait que l’appelante avait accumulé dix actes délictueux distincts parce qu’elle avait sciemment fait dix déclarations fausses ou trompeusesNote de bas de page 46. Comme je l’ai expliqué précédemment, je conclus qu’il n’y en a eu que deux.

[131] En comptant dix déclarations fausses et trompeuses faites sciemment plutôt que deux aux fins d’imposer la pénalité, la Commission n’a pas agi de façon judiciaire à mon avis. Je prendrai donc à sa place la décision qui aurait dû être prise.

[132] Selon la loi, la pénalité que la Commission peut infliger pour chaque déclaration fausse ou trompeuse faite sciemment ne dépasse pas le triple du taux de prestations hebdomadaires du prestataireNote de bas de page 47.

[133] Le taux de prestations hebdomadaires de l’appelante était de 500 $Note de bas de page 48. Le triple de cette somme est égal à 1 500 $. Si l’on multiplie cette somme par deux déclarations fausses et trompeuses faites sciemment, la pénalité qui peut être imposée à l’appelante en droit ne peut dépasser 3 000 $.

[134] Selon la politique de la Commission, pour une première infraction, la pénalité ne devrait pas dépasser 50 % de tout versement excédentaire résultant d’une fausse déclarationNote de bas de page 49. Ce pourcentage peut être réduit davantage en cas de circonstances atténuantesNote de bas de page 50. Bien que la politique ne soit pas une loi et que je ne sois pas tenue de l’appliquer, je la trouve utile pour décider ce que devrait être une pénalité appropriée.

[135] Je conclus que le fait que l’appelante a engagé des dépenses en lien avec la rémunération qu’elle a tirée d’un travail indépendant est une circonstance atténuante. Je la crois lorsqu’elle dit qu’elle a dû se déplacer pour assister aux mariages où elle a fourni les services donnant lieu à cette rémunération et qu’elle a dû rester dans un hôtel.

[136] L’appelante affirme qu’elle n’a pas déclaré sa rémunération pour les mariages parce que la somme nette qu’elle en a tirée était insignifiante. C’est une explication juste, bien que cela ne change rien au fait que ses fausses déclarations ont été faites sciemment.

[137] Bien qu’il n’y ait pas suffisamment d’éléments de preuve pour tenir compte des dépenses engagées par l’appelante pour faire le calcul de sa rémunération aux fins de la répartition, le fait qu’elle avait des dépenses est un facteur atténuant à prendre en compte pour fixer la pénalité. Elle estimait qu’elle n’avait pas vraiment gagné beaucoup d’argent, si tant est qu’elle en ait gagné. C’est pourquoi elle a décidé de déclarer faussement qu’elle n’avait aucune rémunération.

[138] Il s’agit de la première infraction de l’appelante. Ses fausses déclarations ont entraîné un versement excédentaire de 1 100 $. Étant donné qu’il y a des circonstances atténuantes, je conclus que le pourcentage qui devrait être appliqué à ce versement excédentaire pour établir le montant de la pénalité est non pas de 50 % mais de 25 %. 25 % de 1 100 $ équivaut à 275 $.

La Commission a-t-elle délivré à juste titre l’avis de violation?

[139] Je conclus que l’appelante [sic] n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a délivré un avis de violation. Par conséquent, je peux décider à sa place si un avis de violation doit être délivré.

[140] Un prestataire peut accumuler une violation si la Commission lui impose une pénalitéNote de bas de page 51. La Commission a le pouvoir discrétionnaire de délivrer un avis de violation ou de ne pas le faire, selon les circonstancesNote de bas de page 52. La violation est classée comme mineure, grave ou très grave par rapport au montant de la pénalité imposéeNote de bas de page 53.

[141] Puisqu’elle a imposé une pénalité, la Commission était fondée en droit à délivrer un avis de violation. Compte tenu de la pénalité qu’elle a imposée, la violation a été qualifiée de très grave.

[142] Toutefois, j’ai ramené la pénalité à 275 $. Donc, la violation serait mineure tout au plusNote de bas de page 54.

[143] De plus, j’ai décidé qu’il y avait des circonstances atténuantes. La Commission n’a pas tenu compte de ces circonstances atténuantes.

[144] Je ne crois pas qu’une première infraction entraînant un versement excédentaire de 1 100 $, alors qu’il y avait des circonstances atténuantes, justifie un avis de violation.

[145] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. En prenant la décision qu’elle aurait dû prendre, je conclus qu’aucun avis de violation ne devrait être délivré.

Conclusion

[146] L’appel est accueilli en partie.

[147] L’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi. Elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

[148] La somme de 1 100 $ que l’appelante a reçue en contrepartie de services de planification de mariage constitue une rémunération et doit être répartie. Toutefois, la somme de 500 $ devrait être répartie sur la semaine du 11 juillet 2022 et la somme de 600 $ devrait être répartie sur la semaine du 22 août 2021.

[149] La Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a imposé une pénalité de 5 000 $ et délivré un avis de violation. La pénalité est ramenée à 275 $. L’avis de violation est annulé.

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