Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1152

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (459442) datée du 4 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Date de la décision : Le 26 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1460

Sur cette page

Introduction

[1] La prestataire travaille dans un établissement de soins de longue duréeNote de bas de page 1. Son employeur avait adopté une politique qui exigeait que tout le personnel fournisse une preuve de vaccination, à moins d’avoir obtenu une exemption de vaccination pour des raisons médicales ou pour des motifs liés aux droits de la personne.

[2] Le lendemain, le ministère provincial de la Santé a émis une directive que l’employeur était tenu de suivre et d’intégrer à sa politique. Le ministère exigeait que tout le personnel fournisse une preuve de vaccination contre la COVID-19 ou qu’il obtienne une exemption médicale approuvée au plus tard le 15 novembre 2021. Les exemptions fondées sur des motifs liés aux droits de la personne n’étaient pas considérées comme conformes à la politique.

[3] La prestataire ne s’est pas fait vacciner et n’a pas présenté de demande d’exemption médicale. L’employeur a mis la prestataire en congé sans solde parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politiqueNote de bas de page 2. La Commission a refusé de verser des prestations d’assurance-emploi à la prestataire parce qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 3.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas une partie mise en cause à l’appel

[4] Parfois, le Tribunal envoie une lettre à l’employeur de la partie prestataire pour lui demander s’il souhaite être ajouté comme partie mise en cause à l’appel. C’est ce que le Tribunal a fait dans la présente affaire. Toutefois, l’employeur n’a pas répondu à la lettre.

[5] Pour être ajouté comme partie mise en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme partie mise en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier n’indique que ma décision imposerait des obligations légales à l’employeur.

La prestataire n’était pas en congé volontaire

[6] Dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi, une période de congé volontaire requiert l’accord de l’employeur et de la partie prestataire. L’employeur et la partie prestataire doivent également avoir convenu d’une date de fin pour la période de congéNote de bas de page 4.

[7] Dans son appel au Tribunal, la prestataire a écrit qu’elle n’avait pas cessé de travailler de son plein gré. Aucune preuve dans le dossier d’appel ne montre que la prestataire a accepté de prendre un congé en date du 15 novembre 2021, alors j’accepte ce faitNote de bas de page 5.

[8] L’article de loi qui traite de l’inadmissibilité en raison d’une suspension porte sur les actions d’une partie prestataire qui ont entraîné son chômage. Elle dit qu’une partie prestataire qui est suspendue de son emploi en raison de son inconduite n’a pas droit aux prestations (c’est moi qui souligne)Note de bas de page 6. La preuve montre que c’est la conduite de la prestataire, c’est-à-dire son refus de se faire vacciner, qui a fait en sorte qu’elle ne travaille pas. Aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi, je suis convaincue que la situation de la prestataire peut être considérée comme une suspension.

Question en litige

[9] Je dois décider s’il faut rejeter de façon sommaire l’appel de la prestataire.

Législation

[10] Selon l’article 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[11] Selon l’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, avant de rejeter de façon sommaire un appel, la division générale avise la partie appelante par écrit et lui donne un délai raisonnable pour présenter des argumentsNote de bas de page 7.

[12] Selon l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi, une partie prestataire suspendue de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations, selon le cas, jusqu’à :

  1. a) la fin de la période de suspension;
  2. b) la perte de cet emploi ou son départ volontaire;
  3. c) le cumul chez un autre employeur, depuis le début de cette période, du nombre d’heures d’emploi assurable exigé à l’article 7 ou 7.1.

Preuve

[13] Le dossier d’appel montre que la prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 22 novembre 2021Note de bas de page 8.

[14] Le dossier d’appel comporte un relevé d’emploi produit pour la prestataire le 12 novembre 2021Note de bas de page 9. Le relevé d’emploi indique « Congé ». Il s’agit de la raison pour laquelle il a été produit. Le dernier jour pour lequel la prestataire a été payée était le 12 novembre 2021.

[15] La prestataire a parlé au personnel de Service Canada le 4 janvier 2022Note de bas de page 10. Elle lui a dit qu’elle était en congé parce qu’elle n’avait pas respecté la politique de vaccination imposée par le ministère de la Santé. La politique de vaccination de son employeur lui avait été communiquée au début du mois d’octobre [2021]. Elle avait jusqu’au 15 octobre 2021 pour être entièrement vaccinée ou pour remettre une attestation d’exemption pour des raisons médicales ou pour des motifs liés aux droits de la personne. Elle a dit que son employeur avait accepté sa demande d’exemption pour motifs liés aux droits de la personne. Le jour ayant suivi l’annonce de la politique de l’employeur, le ministère a exigé que tout le personnel soit vacciné au plus tard le 12 novembre 2021. Les personnes qui ne respectaient pas cette directive étaient mises en congé obligatoire. La prestataire a dit à Service Canada que le ministère n’acceptait aucune exemption, et c’est pourquoi elle n’avait pas fourni d’exemption au ministère.

[16] Au cours de la même conversation, la prestataire a dit à Service Canada qu’elle avait été en congé de maladie jusqu’à deux semaines avant d’être mise en congé pour non-respect de la politique. La prestataire a dit à Service Canada [traduction] « qu’elle avait discuté de l’exemption médicale avec le médecin, et qu’il lui avait dit qu’il pouvait lui en rédiger une, mais qu’elle serait refusée parce qu’aucune forme d’exemption médicale n’était accordée, donc elle n’a pas fait de suivi à ce sujet ». La prestataire a dit à Service Canada qu’elle avait choisi de ne pas se faire vacciner parce qu’elle avait reçu un diagnostic d’anxiété et de trouble panique quatre ans plus tôt, et que l’idée de se faire vacciner lui faisait faire des crises de panique. Elle a expliqué qu’elle avait vu les effets que la vaccination avait eus sur d’autres personnes, par exemple les résidentes et résidents de l’établissement de soins de longue durée et ses collègues de travail. Elle a dit qu’elle ne s’était pas fait vacciner principalement en raison des effets néfastes que le vaccin a sur d’autres personnes.

[17] Le 7 janvier 2022, une représentante de l’employeur a parlé à Service CanadaNote de bas de page 11. Elle a dit que la politique générale de l’employeur a été communiquée à la prestataire le 10 septembre 2021. Cette politique exigeait que la prestataire fournisse une preuve qu’elle avait reçu une première dose du vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 29 septembre 2021 et une deuxième dose au plus tard le 1er novembre 2021, ou qu’elle fournisse une exemption pour raisons médicales ou pour motifs liés aux droits de la personne. L’exemption de la prestataire pour motifs liés aux droits de la personne était conforme à la politique générale de l’employeur. 

[18] Au cours de la même conversation, la représentante de l’employeur a expliqué que la politique du ministère provincial de la Santé avait été communiquée à la prestataire le 1er octobre 2021. La directive avait été modifiée de sorte que le personnel des établissements de soins de longue durée devait fournir une preuve de vaccination au plus tard le 15 novembre 2021 ou fournir un formulaire de contre-indication médicale rempli par une ou un médecin. La prestataire n’a pas fourni de preuve de vaccination ni de formulaire de contre-indication médicale. Par conséquent, la prestataire ne pouvait pas travailler dans un établissement de soins de longue durée et elle a été mise en congé le 15 novembre 2021Note de bas de page 12.

[19] Le dossier d’appel contient une copie de la politique de vaccination contre la COVID-19 mise à jour par l’employeurNote de bas de page 13. Cette politique mise à jour fait référence à une directive émise par le ministre des Soins de longue durée le 1er octobre 2021. La politique de l’employeur donnait les deux options suivantes : le personnel devait fournir une preuve qu’il avait été entièrement vacciné contre la COVID-19 au plus tard le 15 novembre 2021; ou, par le biais du formulaire joint à la politique, il devait présenter une preuve écrite qu’une contre-indication médicale valide empêchait la personne de recevoir le vaccin contre la COVID-19. Cette preuve devait être écrite par une ou un médecin ou par une infirmière autorisée ou un infirmier autorisé.

[20] La politique mise à jour précisait ensuite que toute personne employée qui ne se conformait pas à la politique serait immédiatement relevée de ses fonctions. Une conclusion de non-conformité entraînerait des mesures correctives ou disciplinaires, dont, mais sans s’y limiter, du coaching ou du counseling, un avertissement, une suspension ou un congé sans solde et un congédiement. Les personnes employées qui ne respectaient pas la politique ne seraient pas autorisées à travailler dans [l’établissement de soins de longue durée]Note de bas de page 14.

Arguments

[21] Dans son appel au Tribunal, la prestataire a écrit qu’elle n’a pas été suspendue, et qu’à aucun moment son employeur ne l’a pénalisée : elle a plutôt été mise en congé. La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas commis d’inconduite. Aux termes de sa politique, son employeur lui avait accordé une exemption de la vaccination pour motifs liés aux droits de la personne, en raison de ses croyances et de son invalidité. Cependant, c’est la politique du ministère de la Santé, adoptée par son employeur, qui a amené l’employeur à la mettre en congé. La prestataire a souligné que son employeur lui a offert des mesures d’adaptation en l’affectant à un autre poste qui ne l’obligeait pas à se faire vacciner. La prestataire a écrit qu’elle devrait recevoir des prestations de l’assurance-emploi, car elle y cotise depuis plus de 40 ansNote de bas de page 15. La prestataire a joint une note datée du 26 avril 2022 rédigée par son médecin. La note indique qu’elle est suivie par le médecin pour son anxiété et son trouble panique depuis 2018Note de bas de page 16.

[22] Le Tribunal a fait parvenir à la prestataire un avis d’intention de rejeter de façon sommaire son appel. En réponse à cet avis, la prestataire a affirmé que son employeur ne l’avait pas mise en congé par choix, mais plutôt parce que le gouvernement avait décidé de rendre obligatoire un vaccin « non testé » au travail. Elle a souligné ce qui suit : [traduction] « c’est mon choix de ne pas prendre ce vaccin, mais pour ma défense, je ne prends aucun vaccin ». La prestataire a déclaré que son employeur avait accepté son attestation fondée sur des droits de la personne de l’Ontario et qu’il l’avait depuis affectée à un autre poste au sein de l’entreprise. Elle a écrit qu’elle n’avait pas quitté son emploi par choix, qu’elle était prête et disposée à accomplir ses tâches, puis capable de le faire. La prestataire a fait remarquer qu’une fois que le personnel, les résidentes et les résidents ont commencé à se faire vacciner, il y a eu des éclosions ainsi que des pénuries de personnel, mais que c’est elle qui est dans le tort en raison de son choix personnel en matière de santé.

[23] La Commission a dit avoir conclu que la décision de la prestataire de ne pas se conformer à la politique mise à jour de l’employeur en ce qui concerne la vaccination contre la COVID-19 constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a ajouté que le gouvernement provincial avait mis en place une politique qui exigeait que tout le personnel fournisse une preuve indiquant que deux doses du vaccin avaient été administrées au plus tard le 15 novembre 2021, ou qu’il fournisse un formulaire de contre-indication médicale, au plus tard à cette même date, qui indiquait qu’il n’avait pas été possible de recevoir le vaccin pour des raisons médicales. La Commission a déclaré que l’employeur avait informé la prestataire de cette politique le 29 septembre 2021 et qu’il avait incorporé ces modifications à sa propre politique à compter du 1er octobre 2021. Elle a souligné que les exemptions pour motifs religieux ne seraient pas accordées aux termes de la politique mise à jour. La Commission poursuit en disant que la prestataire savait dès le 28 septembre 2021 qu’elle devait être entièrement vaccinée ou présenter un billet médical valide pour conserver son emploi. La Commission affirme que, malgré cela, la prestataire n’a pas pris l’une ou l’autre des mesures attendues et que c’est pour cela qu’elle a été suspendue de son emploiNote de bas de page 17.

Analyse

Questions ne relevant pas de ma compétence

[24] Mon rôle n’est pas de décider si les actions ou les politiques de l’employeur ou du ministère de la Santé sont raisonnables, discriminatoires ou vont à l’encontre de la convention collective de la prestataire. Ces allégations peuvent être entendues et tranchées par d’autres instancesNote de bas de page 18.

[25] Mon rôle n’est pas non plus de décider si les vaccins contre la COVID-19 sont sécuritaires et efficaces.

Questions relevant de ma compétence

[26] Mon rôle est de décider si l’appel de la prestataire doit être rejeté de façon sommaire.

[27] Selon la loi, je rejette de façon sommaire l’appel de la prestataire si je suis convaincue que son appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 19.

[28] La question qu’il faut se poser est celle de savoir s’il est évident et manifeste sur la foi du dossier que l’appel est voué à l’échec.

[29] Il ne s’agit pas de décider si l’appel doit être rejeté après avoir examiné les faits, la jurisprudence et les arguments des parties. Il faut plutôt décider si l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audienceNote de bas de page 20.

[30] Après avoir appliqué la loi et tenu compte des deux critères juridiques ci-dessus, je peux seulement conclure que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

[31] Pour que je puisse conclure à une inconduite aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi, il faut que je constate que la prestataire a adopté une conduite délibérée et qu’elle savait ou aurait dû savoir que cette conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur, et qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas de page 21.

[32] Une conduite délibérée est une conduite consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 22. Pour qu’il y ait inconduite selon la loi, il n’est pas nécessaire que la partie prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 23.

[33] Je dois examiner les circonstances qui existaient quand la prestataire a été suspendue de son emploi.

[34] Aux termes de la politique précédente de l’employeur, la prestataire a obtenu une exemption de vaccination pour des motifs liés aux droits de la personne. Après avoir obtenu l’exemption, le ministre des Soins de longue durée a émis une directive exigeant que tout le personnel fournisse une preuve de vaccination complète contre la COVID-19 au plus tard le 15 novembre 2021, à moins de soumettre un formulaire de contre-indication médicale rempli par une infirmière autorisée ou un infirmier autorisé ou par une ou un médecin. L’employeur devait se conformer à la directive. Aucune exemption pour motifs liés aux droits de la personne n’allait être accordée aux termes de la directive du ministre. Par conséquent, l’exemption de la prestataire, fondée sur des motifs liés aux droits de la personne, accordée par son employeur aux termes de sa politique, ne pouvait plus être utilisée pour l’exempter de la vaccination. La prestataire ne s’est pas fait vacciner et n’a pas soumis de formulaire de contre-indication médicale au plus tard le 15 novembre 2021. Elle était au courant des mises à jour apportées à la politique de l’employeur. Elle savait qu’elle pouvait être suspendue de son emploi si elle ne respectait pas la politique et, par conséquent, qu’elle ne serait pas en mesure de s’acquitter de ses fonctions. Peu importe la preuve présentée à une audience, rien ne changerait cela. Il est clair pour moi que, sur la foi du dossier, l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, je dois rejeter l’appel de la prestataire.

Conclusion

[35] Je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, l’appel est rejeté de façon sommaire.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.