Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : WD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1475

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : W. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (601560) datée du 28 juin 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 septembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 6 septembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-1968

Sur cette page

Décision

[1] En ce qui concerne la question du départ volontaire, l’appel est rejeté.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] En ce qui concerne la question de la disponibilité, l’appel est accueilli en partie.

[4] L’appelant n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant ses études. Cependant, il a arrêté ses études le 1er juillet 2023. Il a démontré qu’il était disponible pour travailler à compter de cette date. Toutefois, il ne peut toujours pas recevoir de prestations en raison de l’exclusion mentionnée ci-dessus.  

Aperçu

[5] L’appelant a quitté son emploi pour faire des études. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification. Par conséquent, la Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Elle a également décidé que l’appelant n’était pas disponible pour travailler pendant ses études.

[6] Je dois décider si l’appelant a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. Je dois aussi décider s’il a prouvé qu’il était disponible pour travailler.

[7] La Commission soutient que l’appelant aurait pu continuer à travailler au lieu de prendre la décision personnelle de faire des études. Elle affirme que ses études l’empêchaient de trouver du travail.

[8] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il a fait des études pour s’épanouir, se prendre en main et améliorer ses possibilités de carrière en vue d’être un membre productif de sa société. Il cherchait un emploi à temps partiel à exercer pendant ses études, mais finalement il a dû arrêter ses études parce qu’il n’avait pas de soutien financier. Il cherche maintenant un emploi à temps plein.

Questions en litige

[9] L’appelant était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

[10] L’appelant est-il disponible pour travailler?

Analyse

L’appelant était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

Les parties conviennent que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[11] J’admets que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant convient qu’il a démissionné. Je ne vois aucune preuve qui contredise cela.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi

[12] Les parties ne sont pas d’accord pour dire que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a fait.

[13] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justification.Note de bas de page 1 Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’elle était fondée à le faire.

[14] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Il faut tenir compte de toutes les circonstances.Note de bas de page 2

[15] C’est à l’appelant de prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi.Note de bas de page 3 Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ.

Circonstances entourant la démission de l’appelant

[16] Parfois, la Commission (ou un programme autorisé par la Commission) dirige les gens vers une formation, un programme ou un cours. L’une des circonstances dont je dois tenir compte est la question de savoir si la Commission a dirigé l’appelant vers son programme d’études.

[17] Les parties s’entendent pour dire que l’appelant n’a pas été dirigé vers son programme d’études. Cette circonstance ne s’applique donc pas à lui.  

[18] L’appelant a déclaré qu’il avait démissionné parce qu’il voulait changer de carrière. Il a travaillé à son poste pendant deux ans – après une mutation – avant de démissionner. Il avait travaillé ailleurs comme technicien en eau, mais ses tâches étaient différentes après sa mutation. Il travaillait comme ouvrier et estimait que cela ne faisait pas appel à ses compétences; il n’avait aucune chance de faire progresser sa carrière. Il a postulé à d’autres emplois chez cet employeur, mais il n’a jamais été embauché.   

[19] Il a également répondu à des offres d’emploi auprès d’autres employeurs. Ensuite, il a envisagé de commencer un programme scolaire. Il a trouvé un programme de soins infirmiers auxiliaires qui lui permettrait de changer de carrière. Il a présenté une demande et a été admis au programme au début de l’année 2023. Il a dit à son employeur qu’il démissionnait afin d’explorer d’autres opportunités professionnelles.   

[20] J’admets que les fonctions de l’appelant ont changé lorsqu’il a été muté.Note de bas de page 4 Toujours est-il que cela a eu lieu il y a deux ans. Je comprends qu’il n’était pas satisfait de son emploi et qu’il n’était pas en mesure de faire valoir pleinement ses compétences. Cependant, il a implicitement accepté ses nouvelles tâches, car il a continué d’occuper cet emploi pendant deux ans. Il n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi lorsqu’il l’a fait parce qu’on a modifié ses fonctions.

[21] De plus, l’appelant a déclaré de façon claire et constante qu’il avait quitté son emploi au moment où il l’a fait parce qu’il commençait ses études. Il a dit à la Commission qu’il n’aurait pas quitté son emploi sans avoir [traduction] « déjà mis en place une autre option valable ». Pour cette raison, je conclus que l’appelant a quitté son emploi pour faire des études.

[22] La jurisprudence indique clairement que si une personne quitte son emploi pour faire des études sans y avoir été dirigée, elle n’était pas fondée à quitter son emploi.Note de bas de page 5

[23] L’appelant a essentiellement démissionné pour faire des études. La jurisprudence s’applique donc au cas de l’appelant. Cela signifie qu’il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi.

[24] Je comprends que l’appelant avait peut-être de bonnes raisons de choisir de quitter son emploi pour faire des études. Cependant, il s’agit d’un choix personnel qui va à l’encontre du principe du régime d’assurance-emploi.Note de bas de page 6

L’appelant était-il disponible pour travailler?

[25] Deux articles de loi différents exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail.  

[26] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle a fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenable.Note de bas de page 7 Le Règlement sur l’assurance-emploi énonce des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnables ».Note de bas de page 8

[27] Deuxièmement, la Loi prévoit qu’une personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenable.Note de bas de page 9 La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle était « disponible » en ce sens.Note de bas de page 10

L’appelant est inadmissible selon un seul article de loi

[28] La Commission a soutenu que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler au titre de ces deux articles de loi.

[29] Cependant, la Commission n’a pas exigé qu’il prouve qu’il avait fait des démarches habituelles et raisonnables. Lorsque la Commission a décidé qu’il était inadmissible, elle n’a pas discuté de ses démarches de recherche d’emploi et elle ne lui a pas demandé de prouver que ses démarches répondaient à certains critères.Note de bas de page 11 La Commission s’est plutôt concentrée sur le fait qu’il faisait des études à temps plein.

[30] La Commission doit examiner de nouveau une question avant que le Tribunal puisse rendre sa décision.Note de bas de page 12 Dans la présente affaire, rien ne démontre que la Commission a examiné si les démarches de l’appelant pour trouver du travail étaient habituelles et raisonnables.

[31] J’outrepasserais ma compétence en vérifiant si l’appelant avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable. Je vais donc seulement vérifier s’il était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.  

Capable de travailler et disponible pour le faire

[32] La jurisprudence établit trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si l’appelant était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 13 :

  1. a) Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[33] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite de l’appelant.Note de bas de page 14

Vouloir retourner travailler

[34] L’appelant a démontré qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[35] L’appelant travaillait à temps plein. Il a quitté cet emploi en avril 2023 pour suivre un programme d’études à temps plein. Il a dit qu’il ne pouvait pas continuer à travailler parce que son horaire de travail entrait en conflit avec son horaire de cours. Avant de démissionner, l’appelant a demandé à son employeur s’il pouvait travailler à temps partiel ou à l’extérieur de son horaire de cours. L’employeur n’était pas en mesure de lui offrir un poste à temps partiel.

[36] L’appelant a déclaré qu’il a immédiatement commencé à chercher un autre emploi. Au début, il cherchait un emploi à temps partiel à l’extérieur de son horaire de cours. Mais, après quelques mois, il s’est rendu compte qu’il devait arrêter ses études pour trouver un emploi à temps plein. Il n’avait pas les moyens de payer ses factures. Il devait travailler et n’arrivait pas à trouver un emploi à temps partiel. Il a quitté son programme d’études le 1er juillet 2023 et a commencé à chercher un emploi à temps plein.

[37] L’appelant a quitté son emploi à temps plein pour faire des études. Habituellement, cette conduite indique que la personne n’a pas démontré qu’elle voulait retourner au travail le plus tôt possible. Cependant, j’ai accordé de l’importance au fait que l’appelant a essayé de conserver son emploi pendant ses études. Il a demandé à l’employeur des heures à temps partiel ou des heures flexibles pour pouvoir continuer à travailler. Malheureusement, l’employeur ne pouvait rien offrir d’autre qu’un emploi à temps plein pendant la journée.

[38] L’attitude et la conduite de l’appelant dans sa recherche d’emploi en dehors de son horaire de cours me font croire qu’il voulait retourner travailler dès qu’il trouverait un emploi convenable. Lorsqu’il a quitté l’école, il a commencé à chercher un emploi à temps plein, ce qui confirme que trouver du travail était sa priorité.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[39] L’appelant a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[40] L’appelant cherchait activement un autre emploi. Il avait préparé un curriculum vitae en français et en anglais, car il est bilingue et ouvert aux possibilités d’emploi dans ces deux langues. Il consultait des sites Web de recherche d’emploi, visitait des employeurs potentiels et faisait du réseautage avec des connaissances au sujet d’emplois potentiels.  

[41] L’appelant a déclaré qu’il cherchait et postulait des emplois tous les jours, même pendant ses études. Il a également participé à plusieurs entrevues.

[42] Je crois que l’appelant cherchait du travail. Il a satisfait à ce deuxième élément.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[43] L’appelant a établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler du 17 avril 2023 au 30 juin 2023 (pendant qu’il était aux études).

[44] La Commission affirme que l’appelant a établi une condition personnelle parce qu’il suivait un programme d’études à temps plein et qu’il n’était pas disposé à arrêter ses études pour accepter un emploi. 

[45] L’appelant a convenu qu’au début il était seulement prêt à travailler à l’extérieur de son horaire de cours, mais il affirme qu’ensuite il était disponible pour travailler à temps partiel le soir.

[46] L’appelant cherchait un emploi à temps partiel pendant ses études, mais il a dit qu’il avait de la difficulté à en trouver un. La plupart des employeurs avec qui il a parlé offraient seulement des emplois à temps plein.

[47] La disponibilité doit être démontrée pendant les heures normales de travail pour chaque jour ouvrable et ne peut pas se limiter à des heures irrégulières en raison d’un horaire de cours qui limite considérablement la disponibilité.Note de bas de page 15

[48] Par conséquent, j’estime que les études de l’appelant constituaient une condition personnelle qui aurait pu limiter de façon excessive ses chances de retourner travailler.

[49] Toutefois, cela s’applique seulement pendant qu’il était aux études. Il a déclaré qu’il avait arrêté ses études le 1er juillet 2023.Note de bas de page 16 Cette restriction ne s’applique donc pas à lui à partir de ce moment-là.    

Alors, l’appelant était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[50] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable du 17 avril 2023 au 30 juin 2023. Ses études constituaient une condition personnelle qui aurait pu limiter de façon excessive ses chances de retourner au travail.

[51] Je conclus que l’appelant remplit les trois critères à compter du 1er juillet 2023, date à laquelle il a arrêté ses études.

Conclusion

[52] L’appelant a quitté volontairement son emploi sans justification. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.  

[53] L’appelant a démontré qu’il était disponible pour travailler à compter du 1er juillet 2023. Toutefois, il ne peut toujours pas recevoir de prestations d’assurance-emploi en raison de son exclusion.

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