Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1770

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : B. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (561415) datée du 6 janvier 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Greg Skelly
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 26 juin 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 3 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-23-297

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a perdu son emploi comme concierge d’un immeuble d’habitation. L’employeur de l’appelante a déclaré qu’elle avait été congédiée parce qu’il avait reçu de nombreuses plaintes de locataires et d’autres personnes à son sujet. L’employeur a dit avoir rencontré l’appelante pour lui donner un dernier avertissement et par la suite, l’appelante a empêché un entrepreneur d’entrer dans l’immeuble, ce qui a retardé la réalisation de travaux.

[4] L’appelante affirme qu’elle ne sait pas pourquoi elle a été congédiée. Même si elle ne conteste pas le fait qu’elle a refusé l’accès à l’immeuble à un entrepreneur, elle affirme que ce n’est pas la vraie raison pour laquelle l’employeur l’a congédiée.

[5] L’appelante affirme qu’elle ne sait pas pourquoi elle a été congédiée. De plus, elle n’a pas signé d’avis d’avertissement ni discuté des plaintes avec son employeur. Elle dit que la loi précise qu’une employée ou un employé doit signer et discuter des problèmes avec l’employeurNote de bas de page 2.

[6] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[7] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour répondre à la question de savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pourquoi l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[9] Je conclus que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle a empêché un entrepreneur d’entrer dans l’immeuble où elle était concierge.

[10] L’appelante et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle l’appelante a perdu son emploi. La Commission affirme que la raison fournie par l’employeur est la véritable raison du congédiement.

[11] L’employeur a déclaré à la Commission qu’à la suite de multiples plaintes de locataires et d’autres personnes au sujet du comportement de l’appelante et d’avertissements de la part de l’employeur, l’appelante a refusé l’accès à un entrepreneur, ce qui a entraîné des retards dans la réparation du chauffage de plusieurs logements de l’immeubleNote de bas de page 3.

[12] L’appelante est d’accord en partie. Elle a témoigné qu’elle était au courant des plaintes de locataires à son sujet. Elle a dit que son gestionnaire ne la soutenait pas et qu’on lui faisait toujours des reproches.

[13] L’appelante a également déclaré à l’audience que l’entrepreneur avait déjà des clés et qu’il n’avait donc pas besoin de son aide, et qu’un membre de son personnel l’avait touchée de façon inappropriée dans le passé. Elle a affirmé l’avoir dit à son employeur, mais qu’il n’avait rien fait. Elle a expliqué qu’elle n’avait pas appelé la police parce qu’elle craignait pour son emploi.

[14] Je conclus que l’appelante a été congédiée de son emploi parce qu’elle a empêché un entrepreneur d’accéder à l’immeuble où elle était concierge.

[15] Je tire cette conclusion puisque c’est ce que l’entrepreneur dit dans sa lettre aux employeursNote de bas de page 4, c’est ce que l’employeur a dit à la CommissionNote de bas de page 5, et c’est ce que l’appelante a dit lors de l’audience.

[16] L’appelante aurait pu aviser son employeur qu’elle n’était pas à l’aise avec la présence de l’entrepreneur ou qu’elle avait pris des dispositions pour que quelqu’un d’autre s’occupe de lui, mais elle a choisi de ne pas le faire.

[17] Même si l’appelante croit que son congédiement n’était pas justifié, elle convient qu’elle a empêché l’entrepreneur d’accéder à l’immeuble.

La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[18] La raison du congédiement de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[19] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 7. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 8.

[20] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 9.

[21] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[22] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce qu’il y a eu de nombreuses plaintes de locataires et d’autres personnes au sujet du comportement de l’appelante. Elle dit aussi qu’elle avait été avertie que s’il continuait d’avoir des plaintes elle serait congédiéeNote de bas de page 11.

[23] Un locataire a déposé une plainte le 8 mai 2020, disant que l’appelante intimidait les locataires et qu’elle continuerait de travailler comme concierge pour les rendre misérablesNote de bas de page 12.

[24] Une plainte sans date dit que la concierge aurait dit à un locataire qu’elle aimait contrarier les locataires, qu’il y a de l’intimidation dans l’immeuble ainsi que des comméragesNote de bas de page 13.

[25] Dans une plainte datée du 16 août 2021, une locataire accuse l’appelante de dire qu’il y a des augmentations de loyer parce qu’il y a des [traduction]« Indiens » dans un immeuble; qu’elle utilise son chien pour provoquer d’autres chiens dans l’immeuble; que les lieux sont sales et qu’il est difficile de joindre l’appelante en tant que conciergeNote de bas de page 14.

[26] Une plainte datée du 24 novembre 2021 provenant de New Directions (un organisme de services sociaux) indique qu’ils souhaitent déposer une plainte officielle au sujet de l’appelante, parce qu’elle pose des questions au personnel au sujet de certains locataires, elle ne respecte pas la confidentialité, elle se plaint au personnel de l’organisme au sujet des locataires, elle ignore les problèmes d’entretien et elle ne fait pas en sorte que les locataires se sentent bienvenusNote de bas de page 15.

[27] Une locataire a déposé une plainte le 5 février 2022 au sujet d’une sécheuse qui n’avait pas été réparée parce que la locataire ne pouvait pas joindre l’appelante étant donné que celle-ci avait bloqué son numéroNote de bas de page 16.

[28] Un entrepreneur a déposé une plainte le 10 juin 2022 pour exprimer une préoccupation quant au fait qu’il avait tenté d’accéder à l’immeuble, mais que l’appelante s’était montrée réticente et lui avait dit qu’elle ne voulait plus être concierge. Aussi, puisqu’elle l’a empêché d’accéder à l’immeuble, les réparations au système de chauffage ont été retardéesNote de bas de page 17.

[29] L’employeur a également fourni à la Commission deux lettres d’avertissement qu’il dit avoir envoyées à l’appelante.

[30] La première lettre est datée du 1er décembre 2022. Elle avertit l’appelante qu’elle ne doit pas faire de commérages et qu’elle doit garder les renseignements personnels confidentiels. La lettre précise qu’il ne s’agit pas de la première plainte reçue et que s’il y a d’autres plaintes, elle demandera à l’appelante de démissionner. On lui a également dit qu’il y avait des plaintes au sujet du fait qu’elle ne répondait pas à son téléphone après les heures de travail et la fin de semaine et qu’elle devait être disponibleNote de bas de page 18.

[31] La deuxième lettre d’avertissement est datée du 16 mars 2021, mais l’employeur a souligné qu’il y avait une coquille dans la lettre, car elle a été rédigée le 16 mars 2022. Compte tenu des sujets soulevés, j’admets que la lettre a été rédigée le 16 mars 2022.

[32] La deuxième lettre d’avertissement mentionne que l’appelante et l’employeur se sont rencontrés la veille. Elle dit qu’il a été signalé que l’appelante a été impolie, qu’elle a partagé des renseignements confidentiels et qu’elle a accédé à des suites sans autorisation. Elle ajoute qu’il est difficile de joindre l’appelante par téléphone.

[33] La lettre d’avertissement indique que l’appelante a nié les allégations et que l’employeur a dit que s’il y avait d’autres plaintes, elle serait congédiée. Il lui a dit que c’était son dernier avertissementNote de bas de page 19.

[34] Lors de discussions avec la Commission, l’employeur a déclaré qu’il croyait que l’appelante essayait de se faire congédier parce qu’elle ne voulait plus travailler. Elle a également déclaré que l’employeur avait eu une discussion en personne avec l’appelante en mars 2022, qui avait été suivie de la lettre indiquant qu’elle n’aurait plus de chancesNote de bas de page 20.

[35] Compte tenu des avertissements donnés par écrit à l’appelante et des rencontres qui ont eu lieu avec elle, l’employeur a déclaré à la Commission qu’il l’avait congédiée à la suite d’une autre plainte concernant le fait qu’elle avait empêché un entrepreneur d’accéder à l’immeuble pour effectuer certaines réparationsNote de bas de page 21.

[36] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle ne savait pas pourquoi elle avait été congédiée. Elle a expliqué qu’elle savait que des locataires se plaignaient d’elle, mais qu’elle n’avait pas eu de discussions verbales avec l’employeur ni d’avertissements écritsNote de bas de page 22.

[37] Lors de son témoignage, l’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas discuté des problèmes avec l’employeur, mais qu’elle était capable de relater chaque incident et qu’elle avait l’impression que son gestionnaire ne l’appuyait pas par rapport à ceux-ci.

[38] L’appelante a bel et bien dit, après que la Commission lui a signalé qu’elle avait été avertie, qu’elle n’était pas d’accord avec elle. Elle dit que les avertissements ont dû lui être envoyés par courriel et qu’elle ne les avait pas. L’appelante affirme qu’aucun des problèmes mentionnés ne s’est produit et qu’elle n’a jamais été clairement informée de ceux-ciNote de bas de page 23.

[39] L’appelante affirme que même si elle a eu une discussion avec l’employeur en mars 2022, elle n’a pas reçu la lettre et que pour ce qui était des plaintes, c’était sa parole contre celle des locataires, et qu’on ne pouvait pas leur faire confianceNote de bas de page 24.

[40] À l’audience, l’appelante a déclaré que la seule question que l’employeur lui a posée lors de leur discussion de mars 2022 était celle de savoir si elle aimait son emploi, et elle a répondu que oui. L’appelante a insisté sur le fait qu’il n’y avait eu aucune autre discussion concernant des plaintes ou un avertissement final.

[41] L’appelante dit également dans son avis d’appel qu’elle n’a aucun avis d’avertissement signé et qu’elle n’a pas discuté de cela avec son employeur. Elle affirme également que la loi dit qu’une employée doit signer et discuter de tout problème avec son employeurNote de bas de page 25.

[42] Lors de son témoignage, l’appelante a déclaré qu’elle savait qu’il y avait des plaintes à son sujet de la part des locataires et d’au moins un organisme de services sociaux. Elle a avoué avoir empêché un entrepreneur d’accéder aux suites lorsqu’il devait faire des réparations.

[43] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, parce que l’appelante a refusé l’accès à un entrepreneur et qu’elle a été suffisamment avisée par son employeur que ses comportements nuisibles allaient mener à son congédiement.

[44] Selon le témoignage de l’appelante, il m’apparaît évident qu’elle a eu des discussions avec son employeur au sujet des plaintes des locataires et d’autres personnes.

[45] J’estime que la preuve de la Commission est crédible. Il est crédible que les questions aient été soulevées et discutées avec l’appelante. La preuve des lettres d’avertissement est convaincante : l’appelante savait ou aurait dû savoir que ses actions pouvaient mener à son congédiement.

[46] Les déclarations de l’employeur à la Commission concordent avec la documentation des plaintes et des lettres d’avertissement.

[47] L’appelante est moins crédible, car elle est incohérente dans les renseignements qu’elle a fournis à la Commission et dans son témoignage.

[48] Parfois, elle dit qu’on ne lui a pas parlé de problèmes, et par la suite, elle dit qu’elle a rencontré son employeur. Lorsqu’elle est confrontée à l’avertissement au dossierNote de bas de page 26, elle change de nouveau son histoire pour dire qu’elle n’a pas discuté des problèmes avec son employeurNote de bas de page 27.

[49] Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelante a eu des discussions avec son employeur et elle a reçu les lettres d’avertissement.

[50] L’appelante était au courant des plaintes, a discuté de celles-ci avec son employeur et a empêché un entrepreneur de faire des réparations dans l’immeuble après avoir reçu un dernier avertissement.

[51] Je ne retiens pas l’argument de l’appelante selon lequel elle n’était pas au courant des plaintes puisqu’il est clair qu’elle a eu des discussions avec ses gestionnaires et je conclus qu’elle a reçu les lettres d’avertissement.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[52] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[53] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[54] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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