Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 660

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (553052) datée du 23 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Ambrosia Varaschin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 2 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 16 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-4261

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante est une hygiéniste dentaire qui travaille pour une clinique dentaire et pour l’Association des hygiénistes dentaires de la Colombie-Britannique. Elle a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi parce qu’elle était incapable de continuer à travailler pendant sa grossesse en raison d’un diabète gestationnel. Son dernier jour de travail était le 10 juin 2022 et elle avait prévu de prendre un congé de maternité à compter du 25 juin 2022.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelante n’a pas pu établir qu’elle aurait été disponible pour travailler si elle n’avait pas été malade parce qu’elle aurait commencé le congé de maternité prévu.

[4] La Commission a déclaré l’appelante inadmissible aux prestations de maladie pour la période après le 25 juin 2022 et a plutôt décidé de lui verser des prestations de maternité.

[5] L’appelante n’est pas d’accord et affirme qu’elle aurait dû recevoir des prestations de maladie jusqu’à la naissance de son bébé parce qu’elle a seulement demandé un congé de maternité anticipé en raison de ses problèmes de santé. La décision de la Commission signifie qu’elle recevra moins de prestations parentales qu’une partie prestataire qui se porte assez bien pour travailler jusqu’à la semaine de son accouchement.

Question en litige

[6] L’appelante était-elle admissible aux prestations de maladie jusqu’à la naissance de son bébé?

Analyse

[7] L’appelante n’est pas admissible au bénéfice des prestations de maladie pour tout jour ouvrable d’une période de prestations à moins de pouvoir prouver qu’elle était incapable de travailler en raison d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine prévue par règlement et qu’elle aurait été sans cela disponible pour travaillerNote de bas de page 1.

[8] L’appelante doit prouver qu’elle était incapable de travailler en raison d’une maladie du 10 juin au 23 août 2022Note de bas de page 2. Il s’agit de la période pour laquelle elle demande des prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[9] L’appelante doit également prouver qu’elle aurait été disponible pour travailler, si elle n’avait pas été malade, pendant la même période.

L’appelante était incapable de travailler en raison d’une maladie

[10] Je conclus que l’appelante a prouvé qu’elle était incapable de travailler du 10 juin au 23 août 2022 en raison d’une maladie. La preuve médicale et son témoignage appuient le fait qu’elle était incapable de travailler en raison d’un diabète gestationnel.

[11] L’appelante a déclaré avoir passé des tests sanguins le 29 mai 2022 et avoir consulté son médecin le 10 juin 2022. Son médecin lui a dit qu’elle devait arrêter de travailler immédiatement parce qu’elle avait développé un diabète gestationnel et que continuer à travailler représentait un danger pour elle et le bébé.

[12] L’appelante a fourni un certificatNote de bas de page 3 médical et une noteNote de bas de page 4 médicale à l’appui de sa demande. La note médicale a été remplie le 10 juin 2022 et indique qu’elle doit s’absenter du travail du 10 juin 2022 [traduction] « jusqu’à la date prévue de son accouchement ». Le certificat médical a été rempli le 14 juin 2022 et indique qu’elle doit s’absenter du travail à compter du 17 juin 2022.

[13] La Commission a déjà accepté la note médicale et le certificat médical. Elle a établi une demande de prestations de maladie.

[14] Comme la preuve n’est pas contestée, je reconnais que l’appelante était incapable de travailler en raison d’une maladie ou d’une blessure du 10 juin au 23 août 2022.

L’appelante aurait été disponible pour travailler sans sa maladie

[15] Je conclus que l’appelante a prouvé qu’elle aurait été disponible pour travailler du 10 juin au 23 août 2022, si elle n’avait pas été malade.

[16] La jurisprudence établit trois éléments dont je dois tenir compte pour décider si une partie prestataire est disponible pour travailler. Celle-ci doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 5 :

  1. 1) Elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert.
  2. 2) Elle fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. 3) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire trop) ses chances de retourner travailler.

[17] L’appelante n’a pas à démontrer qu’elle est vraiment disponible. Elle doit montrer qu’elle aurait été en mesure de répondre aux exigences des trois éléments si elle n’avait pas été malade. Autrement dit, elle doit démontrer que sa maladie était la seule chose qui l’empêchait de répondre aux exigences de chaque élément.

Vouloir retourner travailler

[18] L’appelante a démontré que si elle n’avait pas été malade, elle aurait voulu retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[19] La Commission fait valoir que l’appelante ne pouvait pas recevoir de prestations de maladie après le 25 juin 2022 parce qu’elle aurait été en congé de maternité. Comme elle n’aurait pas travaillé même si elle n’était pas malade, elle n’était pas admissible aux prestations de maladie. Par conséquent, elle n’aurait pas voulu retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[20] L’appelante n’est pas d’accord. Elle dit qu’elle avait seulement prévu son congé de maternité pour le 25 juin 2022 pour les raisons suivantes :

  • Elle était [traduction] « éreintée » et se sentait épuisée.
  • Elle sentait qu’elle n’était plus capable de faire son travail correctement.
  • Elle croyait qu’elle devait donner un préavis de quatre semaines à son employeur et elle se sentait de plus en plus mal.

[21] L’appelante a déposé des copies de messages textes qui indiquent qu’elle prévoyait initialement de prendre un congé de maternité en août. Ensuite, elle a commencé à penser à juillet. Elle n’a jamais mentionné juin comme possibilitéNote de bas de page 6.

[22] Les messages textes appuient également son témoignage selon lequel la progression de son épuisement et de son niveau de stress a contribué à la prise d’un congé de maternité plus tôtNote de bas de page 7. Elle a écrit à plusieurs reprises qu’elle voulait prendre un congé de maternité [traduction] « demain » ou qu’elle souhaitait pouvoir le faire plus tôt, mais qu’elle ne le pouvait pas parce qu’elle avait des obligations professionnelles et pour des raisons financières.

[23] L’appelante a fourni un document décrivant les exigences de son exercice professionnel. Le British Columbia College of Oral Health Professionals [collège d’enseignement professionnel de la santé buccodentaire de la Colombie-Britannique] exige que les hygiénistes soient [traduction] « aptes à exercer leur profession ». L’aptitude professionnelle signifie [traduction] « avoir la capacité constante » de « répondre aux exigences physiques » de la profession, « faire preuve d’une concentration et d’une attention soutenue tout en exerçant les techniques d’hygiène dentaire » et se servir de sa « motricité fine […] des instruments ou du matérielNote de bas de page 8 ». Le Code de déontologie de l’Association canadienne des hygiénistes dentaires exige que l’appelante « [informe] les organismes de réglementation pertinents s’il [lui] arrive de ne plus pouvoir exercer en toute sécurité et avec compétenceNote de bas de page 9  ».

[24] Je conclus que l’appelante était assujettie à l’obligation professionnelle de cesser de pratiquer en raison des symptômes de sa maladie. Une fatigue excessive pourrait nuire à sa capacité de répondre aux exigences physiques de la profession d’hygiéniste, limiter son niveau d’attention et de concentration et réduire sa motricité fine. Cela signifie qu’elle n’aurait peut-être pas été en mesure d’exercer [traduction] « en toute sécurité et avec compétence ».

[25] L’appelante affirme avoir demandé que son congé commence le 25 juin 2022 parce qu’elle croyait devoir donner un préavis de quatre semaines en vertu de la Loi sur les normes d’emploi de la Colombie-BritanniqueNote de bas de page 10et qu’elle était à peine capable de terminer une journée de travail lorsqu’elle a présenté sa demande.

[26] L’appelante a déclaré qu’elle croyait que les prestations de maladie étaient versées aux prestataires gravement malades ou aux femmes alitées en raison d’une grossesse. Elle dit qu’elle croyait devoir prendre un congé de maternité plutôt que de demander des prestations de maladie. Elle a déclaré qu’elle ne comprenait pas comment les prestations de maladie et les prestations de maternité fonctionnaient jusqu’à ce que son médecin lui explique qu’elle devrait demander des prestations de maladie le 10 juin 2022.

[27] L’appelante a déclaré avoir demandé un congé de maternité à son employeur le 24 mai 2022. On l’a envoyée faire des tests sanguins le 29 mai 2022.

[28] Comme seulement cinq jours se sont écoulés entre la demande de congé et les tests, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante souffrait des symptômes du diabète gestationnel lorsqu’elle a demandé un congé de maternité anticipé.

[29] Pour les mêmes raisons, je conclus qu’elle n’aurait pas demandé un congé de maternité anticipé si elle n’avait pas été malade.

[30] Par conséquent, l’appelante aurait voulu retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert, si elle n’avait pas été malade.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[31] L’appelante a démontré qu’elle aurait fait assez de démarches pour se trouver un emploi convenable si elle n’avait pas été malade.

[32] Elle dit que si elle avait été capable de travailler, elle l’aurait fait pendant sa grossesse parce que son mari et elle ont beaucoup de dettes et ne peuvent pas se permettre de s’absenter du travailNote de bas de page 11. Elle ajoute qu’ils vivent avec la famille de son mari parce qu’ils n’ont pas les moyens de déménager.

[33] Les messages textes fournis par l’appelante indiquent qu’elle avait [traduction] « des choses à terminer » au travail, et son amie ou ami l’a taquinée parce qu’elle faisait comme si [traduction] « le bébé peut attendreNote de bas de page 12 ». De plus, elle [traduction] « se sentait coupable » d’avoir été contrainte de recevoir des prestations de maladie parce que son employeur avait de la difficulté à trouver du personnelNote de bas de page 13.

[34] Cet élément de preuve montre que si elle n’avait pas été malade, l’appelante aurait fait des démarches pour trouver du travail.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[35] L’appelante n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[36] L’appelante affirme qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles puisqu’on l’a empêchée de travailler en raison d’une maladie avant l’accouchement. Son médecin l’a mise en arrêt de travail en raison d’une maladie liée à sa grossesse.

[37] L’état de santé de l’appelante n’a pas changé après que la Commission l’a déclarée inadmissible, et sa maladie a persisté après sa date d’accouchement.

[38] Le Règlement sur l’assurance-emploi précise qu’une partie prestataire doit être en assez bonne santé et physiquement capable d’effectuer les tâches pour qu’un emploi soit convenableNote de bas de page 14. Par conséquent, le fait que l’appelante était malade avant son accouchement n’est pas une condition personnelle qui aurait limité indûment ses chances de retourner travailler.

[39] Par conséquent, je conclus que l’appelante n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient limité ses chances de retourner travailler.

Alors, la prestataire aurait-elle été disponible pour travailler?

[40] Selon mes conclusions fondées sur les trois éléments, je conclus que l’appelante a démontré que si elle n’avait pas été malade, elle aurait répondu aux exigences des trois éléments.

[41] Par conséquent, l’appelante aurait été disponible pour travailler si elle n’avait pas été malade.

Conclusion

[42] L’appel est accueilli.

[43] L’appelante est admissible à des prestations de maladie jusqu’au 23 août 2022.

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